Le malaise provoqué par la libération de terroristes en échange d’un otage français – selon toute vraisemblance un membre des services français – n’a pas empêché que le Mali assiste à la conférence régionale sur le terrorisme au Sahel à Alger. C’est positif. S’il était compréhensible qu’Alger et Nouakchott soient irrités par la parodie de justice qui a permis de remettre dans la nature des individus recherchés, il aurait été malvenu de faire semblant de croire que Bamako avait la capacité de résister à la pression de Paris. En fait, l’affaire est en elle-même très révélatrice de l’enjeu sahélien. Les pays de la région sont-ils capables d’apporter une réponse régionale à un activisme terroriste qui vient se greffer à des vieilles activités de contrebande et de banditisme en tout genre ?
Répondre oui à une telle question signifie que les Etats de la région doivent se serrer les coudes et coopérer avec sincérité pour s’attaquer à un problème local qui sert de justificatifs à des ingérences externes. C’est la seule véritable option si l’on veut éviter que des «parrains» occidentaux ne viennent décider à la place des pays concernés. Il existe bien depuis ces dernières années un activisme terroriste dans une région du Sahel où les problèmes ne manquaient déjà pas. Pourtant, au mépris des faits, ce terrorisme est délibérément grossi – et pas seulement par les médias occidentaux – au point de suggérer que seul un débarquement des armées occidentales serait en mesure de le résoudre. On connaît les conséquences terribles de ce type de démarche, l’Irak en a été la sanglante illustration. Et il n’est pas près de sortir du piège où l’a mis l’invasion menée sous des prétextes d’une fausseté éhontée.
Le militarisme occidental n’est pas sorti de cette approche malgré le carnage irakien et le bourbier afghan dans lequel s’enfonce un Obama qui fait du Bush avec de plus belles paroles. Les think tank ont développé depuis des années la théorie du «failed state» (l’Etat failli) qui rendrait inévitables les intrusions extérieures. Le Sahel où des zones importantes échappent au contrôle étatique entrerait à merveille dans ces définitions et l’émergence de l’AQMI donnerait une ampleur «waziristanesque» à la menace. Notre propre presse y contribue en établissant, en forçant le trait, des comparaisons avec l’Afghanistan et la Somalie. Or, l’enjeu n’est pas seulement sécuritaire. Des matières premières stratégiques encore inexploitées sont disponibles dans la région. La montée en puissance de la Chine en Afrique casse le monopole des Occidentaux sur les ressources régionales.
C’est donc une bataille stratégique qui est en train de se mener. Quoi de mieux dès lors qu’Al-Qaïda pour justifier une présence et un contrôle physique direct ? Il ne suffit pourtant pas de faire des analyses justes des buts des uns et des autres. Le thème de la menace terroriste s’est imposé au monde. Et la seule manière pour les Etats de la région d’éviter qu’il ne serve de prétexte aux ingérences est de s’en occuper eux-mêmes et ensemble.
17 mars 2010
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