Au lendemain de l’indépendance, rentré de son exil forcé en République Fédérale d’Allemagne, père décida de nous emmener visiter le pays de ses ancêtres, » Thamourth èn lèqvaïls « -pays des Kabyles-. Nous prîmes la route, lui, son oncle maternel, mon frère aîné, un cousin de son âge, mon ami de toujours et moi même, tôt le matin, par une belle journée d’été. Nous déjeunâmes à Alger, et sitôt le repas terminé, nous reprîmes le voyage.
A hauteur de Menerville -actuel- Thenia, il nous annonça qu’on était pratiquement à destination. Aussitôt j’écarquillais les yeux, regardant de ci de là, cherchant ce quelque chose de particulier, que selon grand’mère, nous devrions ressentir dès la terre ancestrale atteinte. Je respirais même différemment, à fond les poumons pour voir s’il n’était pas question de la qualité de l’air. Déçu, je ne remarquais rien de particulier à la région sinon qu’il y avait là plus de ruines et de destructions que les autres contrées traversées en chemin. Ces stigmates allaient perdurer pendant plusieurs lustres. En traversant Tizi Ouzou, je dirais que j’ai été encore plus déçu, si possible, la ville ne montrant aucune différence avec celles que nous venions de traverser.
Mais à quelques encablures de la ville, en bifurquant pour remonter vers nôtre village, la magie commence à opérer. La haute montagne tant vantée s’offre à nos yeux, grandiose, couverte de forêts verdoyantes avec en contrebas la rivière qui déroulait ses flots majestueux.
Les montagnes de mes chers Hauts Plateaux faisaient pâle figure à côté de ces géantes. A part de petits vergers disséminés ça et là, les rares arbres rencontrés chez moi servaient à ombrager des routes ou à délimiter des terrains agricoles entre propriétés voisines. On n’y voyait, à perte de vue que des champs de blé, d’orge, d’avoine ou de vigne.
Sous la futaie, évoluaient, j’imagine, tous les animaux sauvages qui hantaient nos contes des longues nuits d’hiver, tels le lion ou le loup ainsi que la légendaire hydre à sept têtes » lafa em sva iqara. » Paradoxalement, je n’éprouvais aucune crainte mais une sorte de tranquillité de l’âme, un repos grisant, une confiance totale, dus probablement à la force émanant des lieux. Un magnétisme que certaines personnes possèdent aussi, à l’instar de grand’père grand qu’il me suffisait de côtoyer dans mes moments de désarrois pour retrouver ma confiance en moi. Il nous reste quelques kilomètres à parcourir avant d’arriver au village -thadèrth , » nous les ferons ensemble, demain, si vous le voudrez bien. Merci.
1963. Mon premier voyage en Kabylie.
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5 avril 2015
Omar benbrahim