Après le raz-de-marée bleu marine qui a déferlé sur l’hexagone, les états-majors politiques des formations qui ont dirigé la France depuis la fin de la seconde mondiale sont en état d’alerte et dans l’expectative. Les stratégies s’affinent et se mettent en place pour que l’ascension du parti vainqueur, le front national, soit contenue et son incontestable succès du premier tour des élections régionales circonscrit et interprété comme une saute d’humeur voire un égarement de l’électorat français notamment dans ses segments rural et périurbain d’essence éminemment populaire.
Certains analystes et observateurs prétendent que ce résultat ne prête à aucune lisibilité objective du contexte politique actuel de l’hexagone et préfèrent l’associer à l’effet des attentats de Paris qui auraient, selon eux, catalysé le choix de la majorité des électeurs français alors que d’autres affirment que la victoire du front national ne prête à aucune équivoque et qu’au delà de la sanction de ceux qui ont exercé le pouvoir ou continuent de le faire, ce vote massif pour l’extrême droite traduit bien une adhésion à son programme et à ses idées.
Les stratégies de confinement du parti lepéniste par les ténors socialistes et du parti de la droite dite parlementaire ne semblent pas, malgré les effets d’annonce, le retrait au profit du candidat le mieux placé et plus l’appel sans complexe à voter pour les listes classées deuxièmes au premier tour, encore converger et nul ne peut dire à l’heure actuelle ce que sera leur impact au soir du second tour.
En réalité, l’élection présidentielle de 2017 s’esquisse déjà en filigrane et les ambitions politiques des nombreux candidats qui sont déjà dans les starting-blocks ne semblent pas se confondre avec les stratégies partisanes même celles prétendues de « sursaut national »
Contrairement à ce qui était attendu et qui arrive souvent aux partis au pouvoir, le parti socialiste prend acte de sa perte d’audience et de son indéniable défaite sans pour autant en subir, pour l’instant, les effets déstructurant que pourraient induire de nouveaux rapports de force en son sein.
Paradoxalement, le parti prétendu detenteur de l’heritage gaulliste semble être celui qui pourrait subir de plein fouet les effets désastreux d’une défaite si bien entendu les résultats du second tour venaient à confirmer la victoire de l’extrême droite en France. Cet echec libérera en tous les cas les deux sensibilités politiques qui y cohabitent depuis longtemps. Et la ligne de fracture entre ceux qui dans ce parti incarnent la fibre sociale et humaniste du gaullisme et ceux qui appartiennent à la droite dite décomplexée pourrait s’élargir encore plus qu’elle ne l’est actuellement. La première sensibilité aura vocation naturelle à s’allier au centre politique de l’hexagone alors que l’autre incarnée notamment par l’ancien président français aura des difficultés à se frayer un chemin à sa droite. La victoire de Marine Le Pen venant rappeler encore une fois à ceux qui l’auraient peut-être oublié que son parti conserve intact son potentiel électoral.
Mais quelle lecture faire, de ce coté-ci de la Méditerranée, de joutes électorales qui préfigurent d’une reconfiguration majeure et à court terme de la carte politique française?
D’abord que les facteurs socio-économiques, notamment la multiplication des inégalités sociales, l’exacerbation des questions sociétales, la perte de repères, la crise morale, les effets pervers du pouvoir transnational des oligarques et technocrates européens et la perte de souveraineté supposée induite, restent et demeurent les piliers porteurs de ce vote d’adhésion massive au projet porté par la droite nationale en France et qui semble devenir un vote refuge de ceux qui refusent le prétendu démantèlement programmé de leur pays.
D’autres éléments conjoncturels comme l’afflux de réfugiés venant surtout de pays appartenant au monde musulman dévastés par l’ingérence et l’interventionnisme militaire de puissances occidentales ainsi que les événement sanglants vécus récemment par la capitale française auraient également pesé dans ce choix mais dans une proportion moindre que celle que mettent en exergue les nombreux analystes politiques.
En réalité, le corpus idéologique du front national travaille en profondeur et depuis de nombreuses années l’opinion française et commence à produire ses effets notamment sur le plan politique. Aucun stratagème et même les effets pervers d’un mode de scrutin, régulièrement dénoncé comme injuste parce qu’il empêcherai ce parti d’entrer massivement à l’assemblée française, ne suffiront plus, semble-t-il, à arrêter la marche au pas de charge de Marine Le Pen vers l’Elysée. Mais cette dernière qui a déjà banni l’utilisation de certains termes du lexique politique traditionnel de l’extrême droite française devra composer avec les contingences qu’impose l’exercice du pouvoir. L’opposition est souvent une posture confortable et la complexité d’une planète fragilisée par l’appétit insatiable de nombreux prédateurs, la multiplication des zones de conflits militaires et les limites structurelles d’un système économique à bout de souffle et en crise imposent souvent la conduite des affaires avec prudence, pragmatisme et réalisme. Mais il est indéniable que cette victoire du front national, au delà de l’effet boulle de neige qu’elle induira en Europe, ne sera pas sans incidence tant sur le plan de la politique interne de l’hexagone que sur la projection des grandes lignes futures de sa politique extérieure. Ces dernières si elles venaient à tenir compte des éléments objectifs de contingence internationale notamment la nécessité de l’émergence d’un monde multipolaire et celle du respect mutuel et de la coexistence pacifique et si elles n’étaient pas déjà elles-aussi sous tutelle objective des oligarques mondialistes pourraient s’avérer plus fécondes que ne le sont les grandes lignes actuelles de politique étrangère conduites actuellement et dont l’essence est souvent inspirée des théories des néoconservateurs anglo-saxons et qui vise en s’ingérant militairement dans les affaires internes de pays souverains à les détruire et à s’approprier leurs richesses.
16 janvier 2016
Salim Metref