Au coin de la cheminée
Le cheval dans une île
Les chevaux qui se plaignent du traitement que leur infligent les hommes, décident de leur parler…
Les chevaux :
«Messieurs nous voulons bien traîner vos voitures vos charrues, faire vos courses et tout le travail, mais reconnaissons que c’est un service que nous vous rendons, il faut nous en rendre aussi ; souvent, vous nous mangez quand nous sommes morts, il n’y a rien à dire là-dessus, si vous aimez ça c’est comme pour le petit déjeuner du matin, il y en a qui prennent de l’avoine du café au lit, d’autres de l’avoine au chocolat, chacun ses goûts, mais souvent aussi, vous nous frappez, cela ne doit plus se reproduire
«De plus, nous voulons de l’avoine tous les
jours ; de l’eau fraîche tous les jours et puis des vacances et qu’on nous respecte, nous sommes des chevaux, on n’est pas des bœufs.
«Premier qui nous tape dessus on le mord.»
«Deuxième qui nous tape dessus on le tue, voilà.»
Et les hommes comprendront qu’ils ont été un peu fort, ils deviendront plus raisonnables.
Il rit le cheval en pensant à toutes les choses qui arriveront sûrement un jour.
Il a envie de chanter, mais il est tout seul, et il n’aime que chanter en chœur, alors il crie tout de même:
«Vive la liberté !»
Dans d’autres îles, d’autres chevaux l’entendent et ils crient à leur tour de toutes leurs forces : «Vive la liberté!»
Tous les hommes des îles et ceux du continent entendent des cris et se demandent ce que c’est, puis ils se rassurent et disent en haussant les épaules :
«Ce n’est rien,
C’est des chevaux.»
Mais ils ne se doutent pas de ce que les chevaux leur préparent.
Conte de Jacques Prévert
15 août 2013
1.Contes, Jacques PRÉVERT