John Swinton, célèbre journaliste américain, affirma le 25 septembre 1880 au cours d’un banquet à New York et en guise de toast à la liberté de la presse, ce qui suit :
«Le travail du journaliste est la destruction de la vérité, le mensonge patent, la perversion des faits et la manipulation de l’opinion au service des puissances de l’argent. Nous sommes les outils obéissants des puissants et des riches qui tirent les ficelles dans les coulisses. Nos talents, nos facultés et nos vies appartiennent à ces hommes. Nous sommes des prostituées de l’intellect. Tout cela, vous le savez aussi bien que moi ! »
Tout n’est heureusement pas aussi sombre mais comme partout ailleurs dans les autres professions et corporations, la tentation de l’inféodation existe aussi. Soit.
Je me suis pourtant promis de ne plus disserter sur l’actualité algérienne. Non pas parce qu’elle ne soit pas riche, dense où intéressante mais parce qu’elle plombe souvent l’espérance, fige l’enthousiasme et sclérose le meilleur état d’esprit.
Et j’ai décidé de puiser dorénavant mon inspiration ailleurs, là où je peux la commenter librement comme dans l’actualité internationale par exemple. Les relations internationales et la conjoncture mondiale me passionnent et m’intéressent ainsi que tous ces événements qui secouent la planète et tous ces enjeux futurs qui s’insinuent et s’affirment de plus en plus. Commenter l’actualité internationale et essayer de la décrypter permet souvent de mieux comprendre les imbrications qu’elle induit dans votre environnement immédiat, sur votre avenir et celui de votre espace vital.
Mais ces promesses faites à moi-même n’engageant que ma personne et n’affectant pas les autres, il m’arrive à moi aussi de ne pas les tenir et de me trahir car j’avoue que l’envie de vouloir m’enquérir de ce qui se passe non pas uniquement ailleurs mais également ici devient irrésistible. Ainsi, j’ai cru entendre l’autre jour un monsieur qui à l’occasion de l’accès à ses nouvelles fonctions délivrer ce qui ressemblait bien à un véritable leitmotiv et énoncer les trois postulats suivants : Le premier est qu’il y a dans l’acte d’informer, la morale mais aussi les faits. Le second est qu’il y a deux verités qui enveloppent cette posture, celle du journaliste (tous statuts confondus) mais aussi celle des autres. Et puis le troisième étant l’affirmation d’une profonde connaissance du microcosme médiatique. Voilà. Ces postulats dits et redits suggéreraient, semble-t-il et sans doute à ceux qui se reconnaîtront, que l’investigation à ses règles et que la vérité ne saurait être tronquée où amputée. Elle ne peut-être qu’entière où incomplète, donc fausse et subjective.
Mais il y a tous les autres, ceux qui ont encore un idéal, veulent s’indigner, dire ce qui les angoisse en toute objectivité et en toute liberté. Sans offenser personne ni diffamer quiconque. Et sans autre casquette que celle d’exercer honnêtement leur métier où d’écrire bénévolement comme le font ces adeptes de plus en plus nombreux du journalisme dit citoyen. Il ya pour ceux qui s’interrogent cet accès quasi impossible aux sources crédibles de l’information. Il y a aussi pour les autres ces risques encourus juste pour avoir simplement osé exprimer librement une opinion.
Et pour vite conclure cette intrusion dans notre actualité la plus proche et me consacrer de nouveau à ce qui se passe ailleurs, j’aimerai relater juste cette anecdote relative à une question que me posa l’autre jour un ami français. Pourrai-tu me demanda-t-il écrire à propos de responsables algériens comme tu le fais pour des personnages politiques français encore en fonction? Avec un ton aussi incisif, sans concession mais avec respect. Je répondis que non. Que pour moins que cela j’ai eu un avant-gout de ce qui pourrai m’arriver. C’est sans appel et j’avoue même que parfois j’ai envie de dire merci à ceux qui exercent ailleurs leurs hautes fonctions et dont je critique régulièrement l’action quant il s’agit bien sûr de questions internationales et qui me permettent finalement d’entretenir l’illusion que je peux être libre et dire ce que je pense. Le chemin est encore très long et semé d’embûches. Oui, il y a toujours deux vérités, la sienne et celle des autres.
17 mai 2014
Salim Metref