Le périple en Kabylie n’est pas terminé, mais aujourd’hui j’ai envie de te parler des animaux que j’ai omis de présenter la dernière fois. Le premier était un chien énorme, du moins dans le souvenir d’un gamin de six ans, et auquel, debout je n’arrivais pas au garrot. Je n’ai jamais osé l’approcher seul. Dick, c’était son nom, avait une robe auburn avec deux grosses taches noires sur les côtés, les oreilles toujours dressées à la verticale, des yeux ronds pétillants de vie et une gueule énorme. Lorsqu’il sortait la langue pour te lécher tu voyais des crocs impressionnants, et une balade sur son dos large et puissant, tenu évidemment par une main secourable, était le top des sensations fortes. Réquisitionné, si on peut dire cela d’un animal; après l’arrestation de père par l’armée française, et emmené dans un casernement situé à plus de cent kilomètres par route, à Ksar Chellela, il trouva le moyen de revenir à la maison, en coupant à travers la montagne, suivant un chemin qu’il n’avait jamais emprunté. L’instinct animal est extraordinaire. Comme nous étions interdit de chien, grand’père l’emmena de sitôt chez un ami à lui, fermier des environs où il demeura jusqu’à sa mort.
Vint l’indépendance et à son retour d’exil, le vieux ramena dans ses bagages un chien loup, couleur anthracite, Wolf. Du croisement de ce dernier avec la chienne ( Tableau ) d’un proche, naquît une portée de laquelle nous récupérâmes un chiot. Ce dernier, Black, vivra plus de quinze ans et il n’avait de noir que le nom et quelques tâches. Sa robe était marron clair, les oreilles tantôt dressées tantôt couchées, la langue toujours pendante, la queue frétillante, l’oeil marron avec une larme de joie quasi permanente à son bout et la truffe mouillée et chercheuse de câlins. Bien que ses crocs fussent aussi impressionnants que ceux de Dick, il ne me faisaient pas peur et son credo à lui était le jeu à longueur de temps. Il monta vite en puissance et quand on obtenait l’autorisation de le sortir, je dirai que c’était lui qui nous promenait, vu qu’il tirait sur la laisse et allait où bon lui semblait et qu’on n’avait pas assez de force pour le retenir. Et s’il lui arrivait de prendre la direction du collège, tous nos camarades se disputaient ses faveurs, en lui ordonnant : » donne moi la patte « , ou » assis » ou » couche toi. » On aimait aussi son coup de langue bien baveuse, ou le meilleur, quand il se dressait sur ses pattes arrières et dépassait en hauteur les plus grands d’entre nous qui adoraient tous poser ses pattes sur leurs épaules et danser avec lui, son déséquilibre nous faisant rire à gorges déployées. Plus tard, bien plus tard, pour ses dernières sorties, père lui attachait à l’aide d’un élastique, les lunettes de son oncle, et les plus jeunes le suivaient de loin pour l’empêcher de se cogner aux voitures. Sa vue avait baissée, son ouïe aussi ainsi que son appétit, une partie de sa dentition ayant disparue.
Mais ça c’était plus tard. En attendant son instinct de tueur s’est éveillé plusieurs fois, à deux reprises il a égorgé un mouton à la bergerie, une troisième attaque a été portée sur une vache qui a failli le tuer d’un coup de corne. Je ne savais pas que les vaches étaient capables de se défendre. Quant à Black, resté entre la vie et la mort un long moment, une fois rétabli, il s’est définitivement assagi. Sage décision car les vieux avaient décidé de l’abattre en cas de récidive.
En plus de Black, il y avait, Clarence et Maurice, deux chats, Kiki, une gazelle, et Aâgra, la vieille poule qui ne pondait plus. Je vous raconterai, une autre fois leur histoire.
Omar Benbrahim Retour vers la maison familiale.
S'abonner
Abonnez-vous à notre newsletter pour recevoir les mises à jour par e-mail.
12 avril 2015
Omar benbrahim