Le clash des civilisations, nous y sommes déjà ! Et nous le disons sans haine et ni mépris.
La réalité dépasse désormais et de loin toutes les supputations et postulats de Samuel Huntington, le fondateur de ce concept qui a fait tant d’émules et qui a servi d’assise théorique, souvent non dite, à ces têtes pensantes anglo-saxonnes qui ont réussi à vendre à l’opinion mondiale et aux institutions internationales la nécessité d’expéditions guerrières et punitives, ces nouvelles croisades, contre l’Irak, l’Afghanistan, la Libye, le Mali et leurs versions les plus insidieuses encore comme ces immixtions récurrentes dans les affaires internes de pays souverains pour y faire avorter les processus de changement pacifique conduits par les peuples.
Dans son article, devenu plus tard un ouvrage, The Clash of Civilizations, Huntington énonce que « Dans ce monde nouveau, la source fondamentale et première de conflit ne sera ni idéologique ni économique. Les grandes divisions au sein de l’humanité et la source principale de conflit sont culturelles. Les États-nations resteront les acteurs les plus puissants sur la scène internationale, mais les conflits centraux de la politique globale opposeront des nations et des groupes relevant de civilisations différentes. Le choc des civilisations dominera la politique à l’échelle planétaire. Les lignes de fracture entre civilisations seront les lignes de front des batailles du futur ».
Mais l’auteur a sans doute oublié d’écrire, tout en le suggérant néanmoins, qu’avant que ces supposées lignes de fracture n’apparaissent, l’occident se doit d’anticiper et de créer les conditions, réelles ou fictives, de leur existence en déclarant la guerre dés à présent a ce qui constitue, selon les disciples actuels de l’auteur, l’essence de ce conflit, l’Islam.
Nul donc besoin d’être savant pour comprendre, ni de se mentir où de se voiler la face. Il s’agit bien d’Islam et de rien d’autre malgré l’habillage sémantique que l’on essaie de faire valoir. Ainsi et au début, les médias occidentaux nous citaient l’Etat Islamique puis maintenant l’organisation de l’Etat Islamique après avoir utilisé l’expression de Califat de la haine. Mais de quoi parle-t-on et de qui parle-t-on au juste ? Comprendra qui voudra car les mots ont toujours un sens et deviennent graves lorsque ceux qui les prononcent sont en situation de responsabilités et se les approprient en oubliant que tout doit être fait pour pacifier et non pas exacerber les relations internationales. Et ceux qui ont la naïveté où la malice (c’est selon) d’invoquer la condition humaine pour s’en aller faire leur quête de nouvelles causes à défendre n’y changeront rien, tout comme ceux qui brandissent le noble étendard du dialogue entre les trois grandes religions monothéistes.
Les musulmans sont désormais la cible prioritaire des guerres que déploie et que compte déployer à l’avenir et avec plus de détermination encore un occident déliquescent, décadent, en perte de repères et en crise profonde. Ce dernier pour survivre et se redéployer a fait de la dislocation du monde musulman son funeste leitmotiv et la « mère de ses batailles ». Gagner cette bataille est cependant une autre histoire. Mais il faut toujours occuper et distraire des foules occidentales plus que jamais conscientes que le capitalisme ne cesse de leur « faire les poches », les dépouiller, les dépecer et les aliéner.
Et les pourfendeurs de cet Islam qui dérange, celui qui s’est déployé en Egypte et en Tunisie, capable de s’étendre à tous les pays musulmans et de constituer une alternative crédible face aux défis de ce siècle terrible à vivre qui vient, extinction de milliers d’espèces végétales et animales, changements climatiques aux conséquences incalculables et imprévisibles, rareté de l’eau, disparition de la calotte glaciaire, nouvelles maladies et prolifération de grandes épidémies, etc., doit s’éclipser devant ce statut d’incarnation de la violence et de mépris de l’humanité que l’on veut à tout prix lui conférer pour sans doute mieux le combattre et « l’anéantir ».
Et les derniers réglages de ces grandes guerres à venir ont été, semble-t-il, effectués les 4 et 5 septembre au Pays de Galles où se sont réunis les pays membres de l’OTAN qui à l’occasion ont convenu que les relations internationales sont tendues et ont adopté une série de résolutions qui ressemblent à une véritable déclaration de guerre. Dans le jargon atlantiste, cela signifie que l’heure est grave et qu’il faut prendre les mesures adéquates pour y remédier. Parce que le leadership de l’OTAN est malmené et remis en cause par les pays émergents notamment la Russie et la Chine qui veulent s’émanciper de la tutelle politique et économique de l’occident et qui exigent que le dollar cesse d’être la monnaie de référence dans les transactions internationales et parce que cet incorrigible monde musulman refuse, sous toutes ses déclinaisons, de se dissoudre dans le modèle occidental, les 28 pays qui composent cette organisation, en réalité seules quelques nations décident de la politique de l’organisation, déclarent à qui veut bien les entendre leur intentions belliqueuses, proclament leur hégémonie sur les affaires du monde et refusent à ce que le reste de la planète ne concrétise son indépendance économique et son autonomie politique.
Lors de ce sommet, un avertissement a été adressé au monde musulman dont les contours à surveiller ont été défini (Proche-Orient et Afrique du nord), mis sous tutelle des forces de l’OTAN et qui sont susceptibles de subir à tout moment, comme ce fut le cas pour la Libye, les foudres de son bras armé.
Pour qu’il n’y ait aucune alternative au nouvel ordre mondial mis en place par Etats-Unis et leurs appendices Européen et Israélien, il faut anéantir le monde musulman et faire avorter, y compris dans les esprits, toute aspiration de ce dernier à se libérer de l’influence occidentale.
L’exemple de l’Egypte et le soutien apporté à la destitution sanglante d’un président démocratiquement élu signifie le refus occidental de tout modèle politique et économique d’inspiration musulmane et ce quelque soit sa forme. La lutte armée contre le «spectre du Califat islamique» qui s’insinue actuellement d’une manière diffuse, complexe et incompréhensible et dont on ne connait pas encore la véritable émanation est désormais l’alibi utilisé par l’OTAN pour masquer une réalité indiscutable, la crainte maladive de l’occident et sa haine viscérale de voir un jour reconstitué ce Califat qui a fait la gloire du monde musulman et qui pourrai un jour prendre la forme réelle d’une confédération intelligente de pays musulmans qui auront choisi démocratiquement de s’unir pour revenir peut-être aux sources fécondes de la foi musulmane et à une organisation politique, sociale, économique et militaire qui s’en inspire. Les pays musulmans sont extrêmement riches et ont une marge de développement économique et sociale extrêmement importante et peuvent, si les conditions historiques sont réunies pour que le processus de renouvellement sain des élites s’accomplisse, vivre en autarcie et rompre tout lien avec l’occident puisque ce dernier pousse au «clash des civilisations». Et la Russie commence déjà à le faire.
Les peuples musulmans ont toujours vécu de façon sobre, se contentant de l’essentiel et consacrant une partie importante de leurs temps au travail et à l’accomplissement de leurs obligations religieuses. Ce comportement inspiré a toujours fait du partage avec les autres l’une de ses vertus cardinales. Venir aujourd’hui sous de fallacieux prétextes provoquer les musulmans dans leur dernier retranchement, c’est-à-dire jusque chez eux, est inacceptable et peut augurer du pire.
L’actualité algérienne la plus récente et qui s’insère également dans le contexte de cet article nous interpelle aussi pour dire que nul ne peut se réjouir de la mort d’innocents de surcroit lorsqu’il s’agit de celle de personnes qui ont convenu de visiter ce pays pour le connaitre, le découvrir et l’aimer. La grande émotion suscitée par la mort de cet amoureux de l’altitude est ainsi légitime et le crime est inqualifiable. Les personnes qui ont l’humanité toute entière au cœur sont toujours les bienvenues et bénéficient de l’hospitalité des habitants de cette terre d’Islam et de la protection de ses habitants.
Les efforts déployés actuellement par l’Algérie pour que la crise libyenne soit résolue, non pas par des bombardements d’avions de l’OTAN, mais par un dialogue fécond et responsable entre toutes les parties en conflit, sans n’en exclure aucune, pour que s’apaise ce pays et vive en paix son peuple doivent être encouragés.
N’oublions pas aussi que du fait des provocations incessantes de l’occident, le monde est véritablement entré dans une zone de turbulences dont personne ne connait l’issue.
La volonté des Etats-Unis de vouloir redessiner par la guerre la carte du monde musulman pour maintenir l’hégémonie d’Israël dans la région risque de provoquer l’effet inverse et de provoquer l’embrasement de toute la planète.
L’instinct de domination des plus faibles par les plus puissants a encore de beaux jours devant lui et doit être battu en brèche grâce aux efforts que devront fournir les plus faibles, le seront-ils encore demain, pour imposer le respect mutuel, rendre inviolable leur souveraineté et infranchissables leurs frontières. Espérons qu’en la matière, les turbulences planétaires en cours permettront de provoquer les ruptures nécessaires pour espérer de changements prometteurs !
2 octobre 2014
Salim Metref