Au final, un ouvrage, aujourd’hui enfin édité en Algérie, que le préfacier, le Professeur André Mandouze, dit «appelé à devenir un classique dans le monde entier».
Bien sûr, le livre ne reprend que l’essentiel et le plus important et a résumé le reste, tout aussi important et essentiel. Plus de dix mille militantes avaient été répertoriées alors (en 1974) ce qui, pour l’époque (l’informatisation au ministère des Moudjahidine venait à peine de débuter) était déjà fabuleux, 88 entretiens, 75 tableaux Tout l’itinéraire de la femme algérienne menant son combat : avant le déclenchement de la guerre de libération nationale (présente, mais mal acceptée ou acceptée à contrecœur par les hommes). Pendant la lutte à partir de 54 avec une certaine égalité des genres, les dangers étant les mêmes pour tous… avec, cependant, cette amer constat que «si les femmes ont certainement joué un rôle déterminant aucune n’a réussi à occuper un poste de responsabilité»… avec une conclusion encore plus amère sur ce qui a suivi… après l’Indépendance, avec le retour aux modes de vie antérieurs pour la plupart d’entre -elles. Des témoignages d’une simplicité bouleversante Du courage plein les phrases de l’intelligence et de l’efficacité plein les actes et de l’engagement sans fin. Et ce, malgré toutes les inacceptations masculines. On accepte (assez) bien la combattante, mais on perçoit autrement la femme.
Encore que ? L’auteure a découvert au cours de ses entretiens, que sur les plus de 40 militantes mariées pendant ou après la guerre, 38 le sont avec des militants. «Or, pour un combattant, se marier avec une combattante est la meilleure preuve d’acceptation de la lutte qu’elle a menée et d’estime pour ce qu’elle a été». Il est vrai que les «hommes» d’aujourd’hui ne sont plus les «hommes» d’hier.
Avis : Un ouvrage riche en infos sur les femmes en guerre et audacieux par ses vérités et sa franchise. Devrait être le livre de chevet de toutes les femmes (jeunes et moins jeunes) algériennes. Ouvrage fortement conseillé pour lecture (à condition que les lecteurs sachent comprendre ce qu’ils parcourent des yeux) à certains de nos (les anciens et surtout les «jeunots») hommes dits «politiques» afin qu’ils revoient leur copie en matière d’égalité des genres en ce début… du 21è siècle.
Extraits : «La simplicité du cœur peut devenir un inégalable garant d’objectivité» (Préface du Pr Mandouze, p 17), «On parle beaucoup de politique entre hommes. C’est ça qui est formidable chez les femmes, elles ne parlent pas de politique, mais elles saisissent tout, et brutalement cette masse silencieuse peut devenir partie prenante devant un événement précis» (p 71), «Enfant, on ne comprend pas, on ne juge pas, mais on regarde» ( p. 81), «Un pays où les femmes n’ont pas de métier a des femmes mutilées» (p 130), «L’entrée des femmes dans la lutte ne découle certes pas d’une décision prise par les autorités Fln-Aln, mais bien plutôt de l’élan qui a poussé les femmes, comme les hommes, à lutter désespérément pour une vie plus juste et plus digne» (p 265), «La guerre de libération nationale a provoqué un élan spontané vers un but simple et clair qui était l’indépendance . Cet élan s’et traduit, dans un contexte exceptionnel de guerre, par des attitudes exceptionnelles, mais il n’était pas soutenu ni par une éducation politique élaborée ni par des ambitions personnelles qui auraient pu lui permettre de se perpétuer après la guerre» (p 290).
27 juillet 2014
Belkacem AHCENE DJABALLAH