Tu ne comprends vraiment pas pourquoi, sauf pour le raï admirable de succès mérité, donc pourquoi les musiques et arts singulièrement populaires algériens ne parviennent toujours pas à faire « école » , trouver une place naturellement méritoire au soleil de la notoriété universelle. Ils le devraient. Rutiler.
Parvenir ainsi à une renommée fondée par exemple sur la qualité des genres musicaux nationaux à l’abandon, pourtant incontestablement appréciables. Dans le vrai, hors promos d’opportunité et de complaisance, ou bien le racontar médiatique officiel imbibé de naphtaline rance, inepties et, force autocongratulations impudiques , entre incultes chargés de faire du brouhaha d’ambiance et baraka !
Depuis le temps !
Et ce qui obsède, c’est la rade d’Alger qui accumule les épaves au point où le ciel est bouché, la lumière trouble .
Ratage donc pour la musique populaire algéroise ( qasbaouie ) qui, malgré le contenu potentiel extraordinaire, a versé par négligence progressivement dans le lacrymal sentimental affligeant, le nationalisme des flons-flons cadencés . Ou encore dans le footeux du slogan débile de stade, voire la nostalgie houmiste infantile, la lamentation langoureuse de l’abandon maternel ( –yemma-mouima-oualida-mâ , mama !!) , la chansonnette puérile au contenu mièvre et inconsistant de l’exil ghorbatique , le récital de désespérance amoureuse à l’eau de rose. Du larmoyant à deux dinars la douzaine du microsillon rayé en travers du vinyle déchiré. Et çà tourne, çà marche le succès du message tristounet à destination de la veuve, le malaimé pugnace, l’adorée égarée et de l’orphelin de soixante balais mais néanmoins tout jeune marié . Le souvenir de toujours disparu, de quelque chose ou de quelqu’un . Ce disparu parti larguant les amarres. Ou vers ces exilés vissés sur le sur place de éloignement à perpète’ et fourbus d’une seconde vie sentimentale de vices cachés . Comme se définirait en droit, le cas de force majeurs : irrésistible, imprévisible, insurmontable. La chansonnette mièvre à travers le descriptif nostalgique du quartier du vieil Alger dépenaillé, d’une jeunesse sans autre horizon que le mur en ruine d’en face le patrimoine du bien vacant 62 , a l’abandon, cinquante ans plus tard . Abandons également de ces amoureux transis d’impatience qui pratiquent les non-dits jouissifs, du simple regard compulsif codé, platonique et tabou par-dessus le marché, mercuriale des fruits interdits. Cinquante balais que le « belaredj » au long cou a pris un sérieux ramollissement dans la dégaine .Est-ce à dire que la création artistique musicale peine à sortir d’un j’m’enfouisse, emplit de préjugés à l’endroit du progrès, du monde,
l’autre, des différences positives ?
Va pour arborer dès la trentaine la tâche au fronton , à l’entame d’une vieillesse précoce dépourvue de la moindre esquive satanique au bonheur humain , terrestre ?
Bidouillage sur bidouillage, l’auto conviction infectieuse et pandémie !
Faudrait plancher sérieusement sur le sujet, car encore là c’est comme pour le foot populaire juvénile, des rues, quartiers, villages . Impossible de tomber plus bas, mais trouver quand même le souffle de se convaincre de son malheur personnel comme d’une épreuve de bonheurs ignoré.
Maso.
Dès lors honorer les auteurs de nos déconvenues comme nos héros, et glorifier les défaites sportives comme les triomphes d’un mérite mémorable qui ouvre la perspective de la vengeance . Et la rancune, voilà le message éducatif nouveau.
Merci mon Sidi !! .
Le catastrophisme vénéré quoi ! car faute de mieux, ainsi combler le vide de notre ennui par du bruit ambiant du vovonzela footeux et par la diversion tonitruante de merdias au pupitre du tantanou !
A quand mon frère des arts et de la culture, la sortie des travées politicardes obsessionnelles de l’esprit, ordonnés de ces quelques chefaillons d’olibrius qui nous bananent allégrement . Quelle sortie des réduits et des repaires sordides de nos enfermements, ceux-là de l’improvisation , de la guimbérisation monocorde télévisuelle ?. Pour quand la remise en cause de la médiocrité insupportable ?
A quand l’audace , le sérieux d’un grand institut académique de la musique qasbaouie chaâbi d’Alger ? Encadré à la mise en œuvre de son architecture la plus sérieuse, à l’international, sans aucun complexe, par une assistance ou la coopération des maitres de l’harmonie ( tel qu’ italiens), des maitres émérites en rythmes et textes spécifiques (tels que marocains), autres maitres de la rythmique qui nous concerne etc ?…
Un chaâbi révélateur de talents et de la consistance de l’édifice , fondé sur la recherche et développement appliqués à l’algérianité pure du genre ( et du lieu) , sous la direction éclairée de quelques érudits du coin, s’il en restait ( un certain Sid Ali Driss pour la jeunesse partie prenante ; un certain Aouabed pour le texte poétique populaire de qualité, reconstruit en sobriété pour la musique …) ? .
Pas de la gnognotte , cette affaire de reconquête réaliste de la culture populaire du chaâbi qasbaboui !
Et simultanément lâche leur les baskets aux auteurs mélomanes du café El Behdja, rue Porte-Neuve, Soustra , Belcourt . Au passage, encourage la liberté de chanter la vie dans la société, vise à l’universel de l’entreprise .Libères les chansonniers pendant qu’on y sera . Et tu verras ce que tu verras : de la résurgence géniale d’un peuple poète et mélomane de longue tradition, transcendant !
Voilà l’idée du profane soussigné, qui n’en connait pas plus que la recherche du bon goût du genre . Et l’exprime .
Et puisque aujourd’hui le libre cours des belles choses et l’expression raffinée sont lamentablement improductifs entre les mains d’ignorants , on devrait songer à se reconstruire son école de base autrement, à l’universel de l’art musical incontournable. Comme on le ferait d’une maison ancestrale de raffinement, en péril , à réédifier en solide , pérenne , sécurisé, faite d’art élaboré et de matériaux fiables, réédifiée à l’authentique, recourant à des artisans de référence ,dépourvus de savoir frelaté ! N’ignorant pas le progrès, dans l’air du temps.
Faut bien comprendre que M’rizek à l’origine , Laânqa , Guerrouabi , Lâânkis, ensuite (tiens, que sont devenus les Tahar Benahmed, Lâacheb, Abed …. ? ) ont été des phénomènes exceptionnels de culture locale , produits d’une société singulière mais éphémère , d’une façon de survivre et mentalité de vivre particulière disparue , de contingences uniques et multiples . Et l’alchimie a pu alors miraculeusement produire des auteurs-interprêts. Parce que nos hommes étaient eux-mêmes de singularités d’époque, pleins d’esprit, de sensibilité à fleur de peau, modestes, vivant profondément du dedans leur peuple (insistons là-dessus ). Lui-même positivement réactif et esthète, alors que confronté à une terrible épreuve de l’histoire du monde de la violence.
Ils l’ont dit de M’rizek à Meksoud, Chaou, cette musique qui te cause naturellement avec l’harmonie et les mots de la compréhension, la manière, le professionnalisme du puriste .
Comme de la philosophie ou de la métaphysique antique au questionnement de la transcendance, sans pour autant frimer .
Tu la jettes la pensée sociale du chaâbi qasbaoui dans la rue , et tu laisses faire le génie populaire qui s’en empare !! . Et te restitue la quintessence poétique de l’esprit d’époque, avec un peu de l’âme raffinée du peuple du coin en prime. Qasba.
Caustique non ? .
On n’ y serait pas, on n’y est plus ?
Parce que l’on ne sème plus, on ne récolté plus que du mauvais fruit, dans les enclos incultes , livrés à la jachère ?
Peut-être du fait que l’on ne s’aime plus en plus, quand le miroir nous retourne un trop plein de lumière des jours d’aujourd’hui, dans une perspective de désert intérieur envahissant, à perte de vue , sans vie à l’horizon ?
Les refrains affligeants de supporters de foot et des gradins surpeuplés et bruyants , les niaiseries musicales houmistes devenues succès populaires, les aberrations culturelles d’un petit écran chargé de bavardage inconsistant puérile , les deux grands maux conjugués du siècle que sont le communautarisme et corporatisme pour tondre abusivement le reste , cela fait que l’art est malade victime de ses propres turpitudes !!
Le chaâbi on en cause aujourd’hui avec impertinence et excès, uniquement pour le plaisir de réveiller un sacré patrimoine d’un débat moribond.
Gentiment , pas plus .
Farid Talbi
30 juin 2014
Farid Talbi