Pour Otchmine, ça n’est pas tombé dans l’oreille d’un sourd. Il décide de faire comme son ami, évacuer, libérer sa mémoire de tout ce qui l’encombre. Mais par où commencer ?
Lui, qui pouvait apaiser les esprits, consoler les plus malheureux, lui, qui savait planter le bon mot, le bouturer, l’arroser pour que renaisse l’espoir chez celui qui broie du noir, ne sait plus par où commencer. Il sait que la plupart du temps, l’être humain aime se raconter, ses dernières vacances ? Il n’en n’a jamais eues, ni de premières ni de dernières vacances ! Sa façon de vivre avec rien ou trois fois rien ? Ça peut intéresser qui ? Il est convaincu que l’auditoire sera accablé d’ennui et pourtant, dans une hypocrisie généralisée, chacun prendra sur lui et mimera une profonde considération. C’est que l’être humain tient à ce que son prochain fasse semblant de s’intéresser à ses récits, tout autant qu’il le fait pour ses congénères.
Non, le vieux retraité veut sortir du crétinisme latent de ce manège pathétique. Parfois, certains racontent des histoires et c’est véritablement intéressant. Ce n’est pas son cas. Parfois, ce sont des histoires totalement inventées, des fictions, et c’est encore plus captivant. Il n’a pas la force d’en créer ! Dans de précieux élans extraordinaires, certains en font même des œuvres artistiques passionnantes. Mais la vie d’un retraité, maltraité au boulot pendant des ans et mis en exil, dans une pension qui arrive, quand elle peut, ne trouvera pas de scénariste. Ni de producteur !
11 novembre 2013
El-Guellil