Ce type de discours, redondant à souhait, est servi, en général, par tous les officiels algériens, où qu’ils se trouvent, et par le Premier Ministre, en particulier, à chaque étape de ses visites dans les wilayas.
Il en a été ainsi lors de la dernière tripartite, celle du 20 octobre 2013, où il a été question, bien sûr, d’économie mais aussi d’industrie et le premier ministre, citant le président de la République, a affirmé « que notre conception économique et sociale est très éloignée de l’ultralibéralisme qui est à l’origine des crises récurrentes qui affectent l’économie mondiale et qui a conduit beaucoup de pays à la faillite ».
Mettant en exergue « l’immense défi » à relever dans un contexte international difficile et instable, il appelle à la construction d’une économie forte et diversifiée, sans toutefois, préciser les contours.
Ce discours peut annoncer que tout va changer, comme l’affirmait un chroniqueur, même si dans les faits rien ne change : le défi, c’est de faire croire à l’industrialisation du pays qui doit être le moteur d’une croissance forte.
Dans les faits, les choses n’ont pas bougé.
On ne remettra jamais en cause, par exemple, le Crédoc, mais on l’allégera, en y apportant plus de souplesse et on veillera à mieux contrôler nos importations, a ainsi affirmé le premier ministre qui a aussi plaidé pour le maintien de la règle des 51/49 relative aux investissements étrangers, car, a-t-il dit, cette règle a protégé l’économie nationale et continuera à le faire. Méthode Coué, vous disais-je.
Dans sa lancée, le premier ministre a ajouté « qu’il faut amorcer une transaction graduelle d’une économie de la rente à une économie productive de richesses dont l’industrie constitue le moteur. Les entreprises politiques doivent aller vers des partenariats publics, privés et même étrangers.
Comment, pourquoi et avec qui, les réponses tardent à venir.
Réussir la transaction est largement à notre portée, voilà encore une affirmation qui participe, de la méthode Coué qui a été intronisé discours officiel !
Quant à la réalité, elle est plus dure puisque, en apparence, la visibilité économique n’est pas pour demain, si l’on se réfère à ce constat fait par le premier ministre, lui-même, lors de ses sorties à l’intérieur du pays :
1 30% des zones industrielles accordées à des investisseurs et 40% des zones d’activités ne sont pas exploitées
L’Algérie des années 70 était plus industrialisée que celle d’aujourd’hui
La facture d’importation a atteint 60 milliards de dollars
Si l’on ajoute la mauvaise qualité du service public, la bureaucratie et les « opérateurs économiques tricheurs », comme Sellal les a appelé, on a la mesure des tâches à accomplir pour atteindre un niveau appréciable de diversification de notre économie, afin de sortir de la dépendance totale aux hydrocarbures.
Nous n’exportons que 2 milliards de dollars, voilà la réalité !
98% de nos revenus sont tirés des hydrocarbures, tous les premiers ministres qui se sont succédé nous l’ont, maintes et maintes fois rappelé !
15 tripartites après et 50 années d’indépendance plus tard, on en est encore au constat ou, au discours triomphaliste empruntant à la méthode Coué, celle qui consiste à dire que tout va bien, tout va changer.
Comme l’a dit un chroniqueur, Mustapha Hammouche pour ne pas le nommer, « on fête déjà l’industrialisation, au sortir de la tripartite passée ! Vous ne la voyez pas, mais nous y sommes déjà », c’est là, l’un des effets connus du discours magique, du premier ministre et de tous les premiers ministres qui l’ont précédé, même les plus éphémères d’entre eux.
Exit l’épisode fâcheux d’Arcelor Mital qui s’est transformé en Arcelor Algérie Mital.
Personne chez les officiels, ou presque, si on exclut le Premier Ministre, ne parle « régulièrement » de croissance et d’emploi.
Tous les experts le disent, on n’a pas d’économie, ni planifiée ni ultralibérale, mais une rente. C’est ça la réalité. Et tous veulent une part de celle-ci.
Comme les patrons par exemple.
Ils réclamaient une plus grande souplesse sur la fiscalité, le crédit bancaire et l’effacement de la dette. Ils ont eu gain de cause, apparemment.
Ils se sont d’ailleurs empressés de remercier le premier ministre « pour son pragmatisme et son sens des responsabilités ».
Abdelwahab Rahim, nouveau patron des patrons, a su trouver les mots justes, mais nous, on aimerait bien connaître la date du retour de notre appareil productif. Et le chemin des dragons asiatiques ou des pays émergents est encore loin. Déjà, si on arrive à placer nos produits dans la Z.A.L.E (zone arabe de libre change) c’est déjà bien.
Pendant ce temps là, Réda Hamiani, le chef du FCE a été confiné, dans un rôle de simple participant à la tripartite.
Il a perdu le leadership du patronat, sans que l’on sache si cela est dû au fait « qu’il fabrique ses chemises dans les pays asiatiques pour les vendre en Algérie » ou que cela n’obéisse plutôt à des dessins plus politiciens qu’économiques. (1)
Quant à l’UGTA, « son patron » Abdelmadjid Sidi Saïd a assuré continuer sur la même ligne qui est celle d’un « soutien franc au gouvernement ». Il récuse le recours aux mouvements de grève préférant la concertation et le dialogue, avec le gouvernement.
Tout le monde l’aura compris, l’UGTA n’est pas un syndicat de revendication et son chef à bien profité de la tripartite d’octobre pour annoncer, déjà, celle de décembre prochain qui se penchera, a-t-il dit, sur les questions sociales relatives au monde du travail.
Et entre temps, il en a profité pour mettre sous l’éteignoir « les syndicats autonomes » qui ont fait de la figuration pour leur première sélection.
Comme je l’ai fait remarquer dans une précédente contribution (2), Sidi Saïd fait de la tripartite, son jour de gloire et pour cette fois encore, il n’a pas boudé son plaisir en allant annoncer, avant tout le monde : « la prochaine tripartite, celle de décembre, se penchera sur l’article 87 bis, l’IRG et les augmentations des salaires dans certains secteurs ».
Voilà qui va tenir en haleine, une fois encore, les fonctionnaires et le monde du prolétariat dont le pouvoir d’achat n’arrive plus à se maintenir par la faute de l’inflation qui a touché tous les biens de consommation mais également les services.
En attendant, retour à la méthode Coué, largement consacrée dans le communiqué final des travaux de la 15ème réunion tripartite où on peut lire en substance :
si notre économie reste relativement vulnérable, elle est saine et solide (Premier Ministre)
j’en appelle à la mobilisation de l’ensemble des capacités productives nationales afin de parvenir à une relance industrielle rapide, une croissance plus forte dont les résultats se répercuteront sur l’emploi, ainsi que le pouvoir d’achat (SG de l’UGTA)
nous affirmons notre soutien et appui à la démarche gouvernementale et notre disponibilité à relancer l’économie nationale (Patronat)
Cinquante ans après l’indépendance et 15 tripartites plus tard, on en est encore et toujours aux vœux pieux, au constat, nonobstant ces chiffres effarants :
- 98% de notre substance est tirée des hydrocarbures !
- On exporte 2 milliards de dollars seulement !
- Notre agriculture n’est pas compétitive !
- Notre réseau de PME/PMI est insignifiant !
- Notre industrie a été démantelée !
- Les chinois nous construisent nos logements !
On nous a promis une tripartite élargie, elle s’est tellement élargit qu’à la fin elle a fait « plouf » !!!
Et tant qu’on ne se déciderait pas, en haut lieu et avec les bonnes personnes, à débattre de la thématique qui nous intéresse, de « celle qui consisterait à plancher sur le passage d’une économie de rente à une économie de production, seule manière de réhabiliter la notion de productivité et de relier les revenus à la production », les choses resteront, hélas, en l’état.
Toutes les tripartites à venir, qu’elles soient élargies, sociales, annuelles ou même biannuelles ne changeront rien à la réalité.
Alors n’est-il pas temps de changer de braquet, de mettre le cap sur la croissance, le paquet sur le réseau des PMI/PME, d’assainir le climat des affaires et de réfléchir sur une stratégie industrielle qui ne s’évapore pas parce que son concepteur a été débarqué du gouvernement.
Et qu’on ne nous parle, dorénavant, que d’emploi car c’est ça la réalité, c’est ça l’urgence ! Ailleurs, on est parti jusqu’à enrichir la sémantique, puisqu’on affiche des propositions « d’emplois d’avenir » et aussi « d’emplois générationnels ».
Voilà ce dont ont besoin les jeunes des wilayas, monsieur le Premier Ministre : qu’on leur parle de travail, eux qui n’y ont pas encore accès, et par la force des choses, ils n’ont pas aussi accès à la consommation et partant, ils n’ont pas d’accès à un quelconque avenir en dehors de l’ANSEJ.
Voilà le cap ! Du concret, chiffré et avec un échéancier, s’il vous plait !
Alors, allez-y et franco de port et embarquez tout le monde. Tous doivent conjuguer « le verbe » emploi à tous les temps, y compris les walis qui seront ainsi notés sur leurs performances en la matière.
Ce qu’il faut faire aussi, c’est sortir des sentiers battus, tenez, par exemple, en matière d’Education.
On nous à fait languir tout l’été et on nous a promis de réformer la réforme de Benbouzid. On nous a sorti quelques « mesurettes » dont le fameux « allégement du cartable ».
Cela veut dire que beaucoup reste à faire dans ce secteur, et il n’y a pas de méthode Coué à sortir. Le secteur va mal, on tergiverse et on n’arrive même pas à apprendre à lire, à écrire et à compter à nos enfants du primaire qui se tournent, et leurs parents avec, vers les cours de soutien.
Quant à la répartition du volume horaire, bien malin qui pourra démêler l’écheveau entre le temps d’étude, le temps de loisir et le temps de repos et les emplois du temps sont bouleversés au grand dam des élèves et des parents.
Je ne parlerais pas de développement durable encore moins de cyber-sécurité, même si ce dernier sujet vient de défrayer la chronique en France et que fatalement il suscite quelque intérêt ici.
Certes, tous ces sujets ne sont pas du ressort de la tripartite, mais on aimerait, en tant que citoyens, qu’on nous dise quelque chose, et autant se faire que peut, nous consulter, en dehors des élections, sur tout ce qui engage l’avenir de nos enfants. Et ça c’est le rôle du gouvernement, qui parle au nom du peuple et des élus de tout bord qui lui doivent leurs mandats.
Renvois :
1) voir El Watan du vendredi 18 octobre 2013.
2) voir Le Quotidien d’Oran du jeudi 26 septembre 2013 « la tripartite, pour quoi faire ? » par CHERIF ALI .
8 novembre 2013
Contributions