Finalement le remaniement des Walis a été d’une mollesse qu’il n’a pu outre l’effet d’annonce, créer l’événement plus qu’il n’a engendré de gros débats. Il est de nature administrative que certains corps d’administrateurs doivent être mouvementés. De ce mouvement, loin dans le temps se dégagent encore les sensations historiques d’un certain 21 août 1999. Le Président avait alors, comme un couperet, émis la sentence de « mettre fin à la dépravation et à la désinvolture ». Il se serait pris comme une garantie de donner un autre souffle à la dynamique exigée par le score du 08 avril. Depuis beaucoup d’eau a coulé sous les ponts. Ce redéploiement bien avant sa publication a fait des remous produisant de la rumeur telle une vérité de saint siège. Des visages grincheux et émaciés de certains commis en exercice, des frottements de mains d’autres candidats pressentis à la charge de Wali ont emmaillé cette fin d’été trop caniculaire. Quel que soit le titulaire maintenu, agencé ou installé dans la faveur de ce zénith de pouvoir, les ferveurs et les affres du métier feront que cette « promotion » finira par devenir, à la longue, une procédure douce et habituelle de mise en otage volontaire. Au fur et à mesure de la progression de son plan de carrière, le fonctionnaire « promouvable » ira, sans gêne et avec beaucoup d’efforts, vers les actions devant lui permettre de se constituer « prisonnier » dans la geôle du système.
Critères d’évaluation
Les critères retenus pour la pratique d’un tel changement de service sont identiques à ceux ayant toujours prévalu en pareille circonstance. L’illisible et l’invisible. Par principe on jauge la prouesse des Walis sur les réalisations. En dehors des actions inscrites dans un programme établi, celles-ci (les réalisations) se doivent d’obéir non pas à un canevas centralisé et identique à l’ensemble, mais prendre en primauté l’urgence locale et le défi impérieux de mise à niveau. Ainsi l’étude localement singularisée au sens pragmatique est une partie importante dans la phase de toute réalisation. Elle est incontestablement un acte immatériel mais génératrice de bonne œuvre et de bon sens. Voyez-vous la réaction négative de la population de la wilaya de Tarf quant au départ de son Wali. Elle estime que ce Monsieur a fait du grand travail et devrait assurer la continuité des œuvres qu’il a entamées après une stagnation pénalisant le développement local. Ses administrés veulent coute que coute son maintien. Loin d’une feuille de notation à dresser par les chiffres et la statistique ; le sens populaire est érigé en meilleur évaluateur. C’est cette évaluation participative qui doit se hisser pour se confondre dans les paramètres de la performance. A Mascara les habitants du domaine Si Derouiche, connu sous l’appellation » ferme Ouadja » vivant sur ces lieux depuis 1984 se trouvent à ce jour dépourvus des commodités usuelles pour un cadre de vie acceptable dont notamment le manque d’eau potable. N’est-ce pas là un critère d’évaluation pour prise en compte entre autres dans la construction du bien-être social ? Les exemples sont légions et les mêmes clichés nauséeux sont presque généralisés. Il n’y a pas une wilaya où l’amertume ne tue à petit feu les usagers. A-t-on vu un Wali pérenniser son action par l’innovation d’un processus ayant une marque déposée ? N-a-t-on pas dans nos sarcelles des grands corps d’Etat ; des Walis à même d’égaler dans la créativité œuvrière ceux ayant marqué les annales, tels que Barthelot de Rambuteau à l’origine du projet de la grande avenue des Champs-Élysées ou Eugène Haussmann promoteur de la chaussée et des trottoirs de Paris ? Le tramway, les trémies et c’est tout. Personne n’a osé, à l’instar du gouverneur d’Alger consacrer au moins une route centrale dédiée éternellement aux piétons.
De la philosophie promotionnelle
Au grand bonheur de certains, depuis quelques années le futur Wali est toujours à coté d’un Wali en poste. Secrétaire général, Wali délégué ou chef de daïra. Là aussi le compte n’est toujours pas bon. Beaucoup de mesures et plusieurs poids existent dans la pesée de passage. Au moment où certains plus impliqués dans la continuité du service en font une priorité, d’autres croyaient récréer la cité dans laquelle ils étaient nouvellement affectés. Si comme rien n’a été réalisé avant leur débarquement. L’Etat ne s’arrête pas à un changement de personne ou à une mutation. Encore moins ses missions régaliennes. L’amélioration de la prestation de celui-ci (Etat) devient une quête permanente et une prescription constante et durable.
Ce mouvement n’a pas exclusivement de cotés retors. Il a favorisé la promotion de deux secrétaires généraux de wilayas. Omettant au passage d’autres aussi consistants, d’Alger et d’Oran et de Constantine. A ce stade de responsabilité l’on n’aspire qu’à la consécration finale. Wali. Faire la queue et se résigner au sort reste l’ultime prière. Celui de Tlemcen, désigné en qualité de Wali de Skikda ne manque pas de posture et de galanterie professionnelle pour s’en déterminer aisément à ses nouvelles fonctions. Artisan inlassable sous la supervision appliquée d’un ancien Wali opiniâtre et bâtisseur devenu Ministre à la grande majuscule, il ira donner ce tonus manquant à la ville de la fraise. L’autre de Bouira, nommé Wali d’Adrar reste une compétence indéniablement attestée par ses pairs.
Ainsi dans l’attente d’un autre redéploiement, l’on retiendra de la part de ceux qui font l’Etat au niveau local ; du cran et du punch, tout comme la torpeur et l’assoupissement. Chacun d’eux aura, face à sa conviction intuitive et à l’opinion publique des ses administrés des comptes à rendre mais également à supputer et à ruminer dans une retraite aussi silencieuse que ne l’était l’avant-prise de fonction.
Quatre Wali-délégués sur l’ensemble ont connu également une élévation au rang de la plénitude du poste.
Là aussi la sélection demeure indéchiffrable quant au rapport positif des uns et pas des autres. Les impératifs sont identiques, les difficultés si différentes que le centre de la capitale ou ses périphéries ne sont pas dans la bonne bénédiction citoyenne.
L’on s’imagine mal qu’un chef de daïra de chef lieu des grandes agglomérations urbaines voire de grandes wilayas ne puisse goûter aux sensations aguichantes liées à une promotion de même acabit.
Ces » sous Walis en chef » gèrent parfois des populations plus importantes que celles résidant dans certaines wilayas. Un regard attentif tourné en leur faveur aurait signifié une certaine égalité de chances par défaut de réalisme égalitaire.
On achève bien
Aucun Wali en poste n’a été évincé. Sauf un. Le secrétaire général du ministère de l’intérieur. La disgrâce bravant les vertus morales publiques était cette phrase de trop et Ô ! Combien assassine » admis à la retraite « . Et les autres de même âge ou plus admis à l’éternité ? Cette mention est vite lue comme une antipathie. A défaut de pouvoir toucher la centre on tire sur son environnement. Toutes les analyses et l’ensemble des commentaires tissés sur la toile ont en fait état. » Ce haut fonctionnaire a été la véritable cheville ouvrière du ministère de l’intérieur ces dernières années » Ceci est la définition d’un internaute donnée à ce cadre.
» Il est monté au créneau pour défendre publiquement son administration contre les accusations de fraude. Il a défendu bec et ongles la neutralité de cette même administration malgré les interférences extérieures. Il a résisté tant bien que mal aux injonctions et aux oukases » tenait à inscrire un autre internaute outré par ce » limogeage « .
L’histoire a retenu qu’a travers ses différents cheminements, une œuvre d’intérêt public dans le sens de ce Monsieur ne peut se confiner dans l’ouverture d’un chantier, la réalisation d’un ouvrage ou de sa réception. Une œuvre, pour lui nous disait-il un jour » n’est qu’un recommencement itératif et perpétuel d’une autre. Elle n’est jamais terminée en termes absolus. S’agissant d’un tout, d’un programme, d’un plan de développement, il ne peut y avoir que des phases, des niveaux ou des tranches. On a fini celles qui ont été entamées par nos prédécesseurs. D’autres avaient fini celles que nous avions entamées ou initiées. Et ainsi de suite » C’est là, l’esprit de la continuité du service public voire de l’Etat. C’est un homme mesuré, égal à lui même. De l’élégance morale ou vestimentaire il en fait une norme pour l’homme à qui incombe la gestion des affaires publiques. Cet enfant de l’intérieur méritait mieux qu’un stationnement précoce non encore recommandé au moment ou celui-ci devait être réservé à ceux qui défient les limites de la loi et de la sénescence. Aucun sens de gratitude ou de magnanimité à son égard n’est pris en compte, compte tenu des drames vécus dans sa chair. Orphelin, conjoint malade, fille impotente et deuil encore frais par la perte de sa mère. On achève bien les lions de l’administration dans la brousse confuse de calculs politiquement fluets et fugaces.
Au lieu de bien achever
Alors que l’attente du mouvement tant attendu gardait un espoir de salut public pour qu’il arrose par une fraicheur certains horizons assombris par de ténébreux potentats, voilà qu’il prêche la stabilité pour tout le monde. Tant mieux pour le pays, mais pas pour ceux, qui ont une parcelle de pouvoirs dans la gestion de l’une ou l’autre de ses parties. Ces messieurs là, venus par servilité au giron des seigneurs se prennent pour des supersoniques blindés et immunisés quand ils n’étaient que de petits bombardiers, que de petits poussins élevés dans les mains de maitres maintenant disparus. Ces Walis à esprit poudreux à qui la réflexion au temps de leur apprentissage était censurée à tout bout de champ, car évaporée et malhabile ne peuvent être reconduits au sein d’une république maintenant forte et sereine. Etre à l’origine de suicides, sévir grossièrement n’est plus en cet an là, un mode de bonne gouvernance. Habès balouk ! comme disent les sétifiens. Pris entre les pinces d’un rangement systémique qui ne leur laisse de manœuvres que dans un cadre, bien nommé de légal ; ils s’obligent excessivement à s’armer toujours d’un excédent de prudence d’où la perte de vitesse, la méfiance en soi et l’éboulement vers l’insensibilité et la mauvaise réserve. La précaution paroxysmale, pensent-ils leur est une cause vitale de maintien. Si ce n’était, croyons-nous savoir cette » gestion de l’échéance politique » recommandée par une nécessaire stabilité, ils seront plusieurs à quitter les lieux. Alors au lieu que l’on achève bien les lions, il fallait bien achever les lourdauds, les sourcils velus, les capricieux et les ancêtres. Beaucoup de Walis sont partis et autant sont venus, ou revenus. A coté, cette foule sans visage vogue à la pertinence de la rumeur et s’initie déjà à la précocité de l’évincement ou de la retraite tardive. Et d’elle ; vers une autre précarité. L’oisiveté. Le vide événementiel après le remplissage mondain. Ainsi la fâcherie gratuite, l’hyper-orgueil et le déni des siens ne sont pas les ingrédients indispensables d’une bonne recette pour une bonne gouvernance ou une sereine carrière. Voire une doucereuse vie post-wali
8 novembre 2013
El Yazid Dib