Pour le reste, cette histoire est ridicule, tragique et grotesque. Chadli à l’époque était l’objet d’une encyclopédie de blagues sur sa peau et ses cheveux. Ce fut une belle époque malgré les pénuries et la SM. Ce n’est plus le cas aujourd’hui. Il ne faut pas rire. Pas dire, pas écrire ou si peu. Et encore moins si vous êtes anonyme, 25 ans, inconnu et sans soutiens internationaux et publics. Cette célérité à arrêter un jeune homme qui s’amuse sur le net est un outrage au bon sens, un excès de zèle. Avec en bonus l’apologie du terrorisme à cause d’un cache-nez. Où est dans donc la blague ? Dans le PC ou dans la tête du pouvoir ?
Les grandes misères des pays sous-développés ne sont donc pas dans le ventre, les mains et l’errance du pied, mais dans la tête, dans cette susceptibilité du dictateur quant à son image. Il y a le même lien malade entre le refus d’ouvrir le champ audiovisuel, le contrôle strict des images, la chouroukisation des lignes éditoriales et ce procès ubuesque.
Depuis 2011, entre l’émeute et les révolutions voisines, le régime chez nous, a réussi une prouesse unique : au lieu d’ouvrir et de concéder, il a fermé encore plus, verrouillé et assiégé après avoir payé. La loi sur l’audiovisuel est une arnaque, celle sur les associations est une prise d’otage politique, celle sur la possibilité de « marcher » en dehors d’Alger est une ruse, celle sur le pluralisme est une inflation, celle sur le livre ou le film est un retour à l’autoritarisme. Et celle sur les blagues contre Bouteflika est une blague qu’on peut payer de sa peau. Belmokhtar vient donc d’être arrêté à Tlemcen. Il s’appelle Abdelghani Aloui, il a 25 ans et un PC. C’est ridicule de dire ça ? Pas plus que de faire passer l’un pour l’autre et d’arrêter un jeune homme pour apologie de terrorisme pour un cache-nez. Louh aurait pu éviter à Bouteflika la huée. Le pays n’a pas besoin du loufoque en plus de ce qu’il a déjà vécu.
12 octobre 2013
Kamel Daoud