On a eu beaucoup d’écrits journalistiques et d’études sur l’audiovisuel mais bien peu sur l’audiovisuel en Méditerranée. Mais, depuis deux décennies à trois, notre espace est devenu lieu de défis et d’enjeux politiques et économiques, espace dans lequel s’affrontent, en sourdine ou brutalement, directement (ex : conflits en Irak, en Libye) ou par pays interposés (ex : Israël, certains pays du Golfe), les grandes puissances les luttes allant bien souvent au-delà (ex : Mali, Sahara Occidental) des pays directement riverains de la Grande bleue.
Ca nous pendait au nez mais comme on ne voyait pas plus loin que son bout, ce fut, pour beaucoup, la grande surprise.
Les analystes spécialisés l’avaient déjà prévu. Les plus avertis d’entre-eux furent, il faut le reconnaître, les spécialistes qui avaient intégré le secteur de la Communication et, à travers lui, le champ méditerranéen de l’audiovisuel (entre autres). Ils ont vu venir le danger. Mais, pas totalement. Enfin, presque, le situant, au départ, seulement au niveau de l’«invasion culturelle» habituelle. La thèse d’Abdesslam Benzaoui, soutenue au milieu des années 2000, à la Faculté des Sciences politiques et de l’Information de l’Université d’ Alger, est arrivée au bon moment. Fallait-il qu’elle soit lue à l’époque ? Mais, qui se souciait, alors, de la Recherche scientifique et universitaire ? Mis à part les membres du jury payés pour ce faire. Aujourd’hui encore !? Les étudiants ? N’en parlons pas.
Avis : Lecture difficile mais nécessaire
Extrait: «La transnationalisation des moyens de communication détermine, aujourd’hui, le cours de l’histoire et façonne, à des titres divers, le destin de tous les peuples» (p 372)
DU CÔTÉ DU 20, RUE DE LA LIBERTÉ
Ouvrage mémoriel de Mahmoud Boussoussa, préfacé par Abdelali Ferrah. Editions El Maarifa, Alger 2013. (2è édition, révisée et complétée. 1ère édition 2009), 239 pages, 400 dinars.
Qui, dans la presse nationale ne connaît Mahmoud Boussoussa? Journaliste engagé, militant (Fln, cela va de soi), fidèle (à El Moudjahid), il s’est mis en tête, la retraite venue, de raconter sa vie de journaliste (plus de 30 années, de 1969 à 2000), ses rencontres (Giap le vietnamien, Abou El Izz le Palestinien), ses voyages à l’intérieur du pays et à l’étranger, les grands noms de la presse et de la politique qu’il a côtoyés. Neuf mois de rédaction ! Et, une nouvelle édition revue, corrigée et augmentée. Mais, cela en valait la peine.
En effet, il est arrivé à restaurer, face à nos mémoires toujours oublieuses, des instants de plaisir et aussi de difficultés et de malheurs des journalistes algériens.
Grâce à son travail de vrai reporter-fourmi, il recréé l’ambiance du temps qui passe avec ses engagements, ses dizaines et dizaines de noms (Qui se souvient de Belaid Ahmed, de Mohamed Morsli, de Mouloud Benmohamed, de Mohamed Abderrahmani, de Nait Mazi, de Ferhat Cherkit, de Ahmed Benslama, de Chérif Haddad de toutes ces centaines de journalistes qui ont fait leurs premières armes (leurs meilleures ?) rue de la Liberté.
Ni roman, ni mémoires travaillées, tout simplement un compte -rendu de toute une vie consacrée à l’information du citoyen telle qu’il l’a toujours comprise (il n’a d’ailleurs pas changé d’idée et c’est tout à son honneur). Plus militant du Fln, je crois, mais, je sais, toujours ardent militant de l’Algérie et du journalisme.
On rappelle seulement, pour les jeunes, qu’El Moudjahid (créé en juin 1965) occupe le siège du sinistre quotidien «l’Echo d’Alger» (avec son imprimerie) du non moins sinistre Alain de Sérigny, hérault de la colonisation. Après 62, «le Peuple» avait occupé les locaux.
Avis : A lire, surtout par les journalistes, anciens et jeunes afin qu’ils sachent, pour les uns qu’ils ne seront pas (jamais) oubliés et pour les autres que le journalisme a déjà existé en Algérie bien avant leur arrivée. En attendant que des anciens d’Ech Chaâb, d’El Djouhouria (et de la République), d’An Nasr (et de la Dépêche de Constantine) et des autres titres publics (post-90) écrivent, eux aussi, leur métier. Pour l’instant, à ma connaissance, seul Zoubir Souissi l’a réellement fait. Au suivant !
Extrait(s) : «Du côté du 20, rue de la Liberté : une adresse pas comme les autres » (p 7)
LA TETE DES ORPHELINS
Ouvrage mémoriel de Zoubir Souissi, Casbah éditions, Alger 2006, 320 pages, 600 dinars
Journaliste depuis 1966, passé par les rédactions des plus grands titres de la presse nationale ainsi que par l’agence de presse, Zoubir Souissi a été un des tout premiers journalistes à s’en aller créer un titre indépendant, en compagnie, entre autres, de Fouad Boughanem, de Djamal Saifi et de Mâamar Farah et dont il assura la direction, tout en «commettant» des chroniques devenues rapidement incontournables pour la compréhension de la nouvelle «chose politique» et imitées bien qu’inimitables, chaque chroniqueur ayant son style.
Son livre est de la même veine. Comme le dit si bien son préfacier (et ami de très longue date), Boubekeur Hamidechi (Mister « Bob» a, par la suite, publié, un recueil de ses chroniques), ce livre est «inclassable». Ni récit, ni essai de politologue, ni carnet de route, ni ensemble de chroniques C’est, tout simplement, «un superbe vagabondage de la mémoire d’un journaliste qui a voulu extraire de la consigne muette du passé quelques souvenirs, afin de leur donner une nouvelle existence», un «texte polyphonique». C’est joliment dit pour un joli travail.
Journaliste de profession, éditeur, trop connaisseur de la vie pour être moralisateur, souvent , sinon toujours, situé aux premières loges «du spectacle de la comédie du pouvoir» à travers ses reportages, ses enquêtes, en Algérie et à l’étranger, ses commentaires et ses chroniques, il a su garder, malgré une certaine sévérité qui n’a rien à voir avec l’austérité, la bonne distance pour en juger des ravages. C’est, d’ailleurs, parce qu’il ne s’est jamais aventuré dans des territoires d’influence où son métier avait tout à perdre qu’il a été , un jour, élu par les journalistes président du premier (et dernier ?) Conseil de l’éthique et de la déontologie. Un journaliste d’élite avait pris sa retraite, un intellectuel venait de naître. Le sait-il ? Salut, l’ancien !
Une belle couverture avec un beau dessin de Slim Mais un titre qui ne sied pas au (haut) niveau d’information, d’analyse et de réflexion – de l’œuvre, aux sujets abordés assez sérieux. Les multiples anecdotes émaillant le texte et le style spécifique de l’auteur (fluidité) n’excusent pas le choix. Décidemment, Souissi ne changera jamais, avec son humour toujours caustique.
Avis : A lire absolument si vous voulez ne pas oublier tout ce qui a été réalisé mais aussi, et surtout, ce qui a été raté par les politiques algériens et du Tiers-monde. On comprendra bien mieux pourquoi la facture est, aujourd’hui, bien salée.
Extrait(s) : «Apprendre la coiffure sur (les) tête(s) des orphelins équivaut à se prémunir des conséquences engendrées par les erreurs dues précisément à l’apprentissage du métier ( ). C’est un peu la triste mésaventure qu’a connue notre pauvre pays , livré à des hommes et un système qui avaient l’excuse de l’inexpérience au lendemain de l’indépendance, mais qui, malheureusement, ont persisté dans leur démarche insensée après plusieurs décennies» (p11), «La démocratie, les droits de l’homme et la liberté, ce sera pour plus tard. Nos enfants pourront peut-être y parvenir, sinon, on est bien forcé de croire que le pays est frappé de malédiction» (p 320).
10 octobre 2013
Belkacem AHCENE DJABALLAH