gagner sur les «disparus». Mais il se trouve que non. Bouteflika frappe, fait semblant ou fait de l’effet de scène, après ses longues maladies, ses dizaines d’enterrements et son affaiblissement physique télévisé. Du coup, on ne comprend pas ce qu’il vise. Que veut cet homme qui joue aux échecs, change les têtes et reprend main avec un seul bras qui bouge ? Le peuple, assis autour du baril regarde cet homme avec intrigue et se demande comment expliquer ce retour d’âge politique. Prépare-t-il un septième mandat comme l’annonce le loufoque Saadani associé au rusé Ghoul? Prépare-t-il son frère ? Un cousin ? Un Sellal ? Un guitariste de musique andalouse Tlemcenien? Un Hadj Ghaffour même ? On ne sait pas. Etrange cas du pays qui subit sa république comme une monarchie et y trouve ce malsain confort de la démission de tous.
Dans tout les cas, le bonhomme garde fermée sa tête. Personne ne semble savoir ce qu’il y a dedans : un avion, une réforme ou une émeute. Il suffit de regarder l’étrange visage de Saadani pour comprendre que ce figurant est comme beaucoup : il se sent placé là comme un pion, mais ne sait pas de quel jeu il s’agit, hésite sur ce qu’il va dire et soutenir puisqu’il n’est au courant de rien et sait qu’il est obligé de remplir les blancs sans ouvrir la bouche. Et ils sont, nous sommes tous, dans ce cas, assis en cercle, sous forme d’une immense association de surveillance du croissant lunaire. Ah, disent certains, si cet homme avait eu durant sa jeunesse ou son âge mûr, les audaces de sa fin de vie ! Ah, disent-ils, si seulement on sait où il va pour le précéder ou le suivre en courant ! Ah, disent d’autres, si seulement c’est vrai ce qu’il fait en défaisant DRS, officines et clans adverses ! Ah ! disent ceux qui restent, si seulement on arrive à comprendre ! Car pour le moment on ne sait pas grand’chose. Sauf cette amitié étrange et efficace qui semble unir Gaïd Salah à Bouteflika et qui semble leur permettre de grandes audaces.
23 septembre 2013
Kamel Daoud