Alerte aux amateurs plasticiens algériens, à la recherche de modèle !
Gratuit, il existe notre modèle, vraiment.
J ’entr’aperçois ce matin encore, furtivement à la télé unique, la personne qui incarnerait au regard du peintre autodidacte dépourvu de préjugés artistiques scolastiques, le modèle exceptionnel le plus expressif d’attitudes marqués, sentiments révélés, que l’on peut prêter à la majesté d’un visage de femme. Ou au modèle subjuguant d’un port corporel de grande dame. Ou au tout à la fois, en recomposition surréaliste, suivant l’utilisation de la palette, au registre de la mise à l’épreuve de la sensibilité personnelle des non-dits. Non pris.
Pourvu mon ami peintre du samedi (week-end officiel), de nourrir encore et encore l’inspiration passionnée de ton art, pourvu de savoir vraiment composer avec la plastique de ces reflets de l’âme humaine, algérienne, pudique, aux contours d’un visage fugitif de femme, remarquable. Et tu l’auras ton portrait recherché.
Et en l’occurrence énigmatique et surprenante, l’apparition de la dame de la télé !
Un brin aventureuse ma tentation de peindre, du jour .
Comme à l’occasion d’un solo d’instrumentiste, pour une interprétation impertinente d’un « istikhbar zidane », de violon alto aux cordes tendues à l’extrême, sachant que l’instrument pourrait rendre l’âme après une ultime partition malmenée par les tons élevés, à la recherche de retentissements insoutenables.
Il ne s’agit pourtant que de dépeindre l’instant, à ma façon.
Cette image télévisée, la dame inconnue, une ébauche de portrait qui trônerait sur mon chevalet, des semaines durant, pour lui prêter selon le regard d’un moins bon ou meilleur jour, la profondeur d’un mélodrame d’épopée. Ou la vêtir du lyrisme d’une poésie légère et pathétique d’essence populaire algérienne. Ou peut-être restituer une réincarnation saugrenue, surgie de l’inconscient, de mon passé décomposé, comme une vieille meurtrissure. Que je ferais naitre vers une fin définitive de mois d’aout, à cause des étés brûlants de mon enfance, puisqu’il y a des années de cela que les tons orangers torrides des fruits de la passion, sur fond blancs neutres, me taraudent ?
En quoi elle, cette dame qui invite à une épure exceptionnelle ?
Au principal, la lueur de grands yeux foncés dominent nettement en bonne proportion le visage, et qui se posent sur toi pour te couvrir, t’interroger ou t’écouter, comprendre, et qui te pressent toujours, acculent à dire, à échanger, secouant la fibre de l’esthète. Des sourcils sombres à peine retaillés, naturels, qui vont livrer les effets des expressions accentués de l’être songeur mais réactif, spontanément. Noir ivoire, blanc de titane, nuances de gris perlé, bistre, céladon, anthracite, marrons, la grosse tentation de la composition de couleurs prodigieuses adaptées aux expressions profondes du visage de la femme ; extra pour un curieux comme moi, ignorant, qui apprend encore et toujours, se découvre à l’épreuve de l’art de la recomposition de la personnalité et des humeurs par la couleur, avec enthousiasme quasi délirant ! Et si la peinture de révélation plastique ne serait que le réveil nostalgique et douloureux d’états d’âme, ceux-là définitivement enfouis dans l’oubli de la grisaille d’archétypes tristounets, qui nous pèsent indéfiniment sur la cafetière ? Secrètement, et que çà ?
La dame encore, sur ma toile.
Une grande bouche dessinée en juste proportion des pommettes , l’ovale parfait du visage manifestant la fermeté angulaire , un front dégagé d’intelligence et sobriété , une chevelure simplement oubliée sur une épaule dénudée . Bref des traits en équilibre régulier qui facilitent au fusain la bonne proportion, sur la toile du profane impénitent que je demeure quand je me retrouve en quête désespérée d’art en délibéré.
Mon ami de Founoune, voilà que l’affreuse l’unique EN télévision du parler pour ne rien dire, la télé de l’image du vide mental assourdissant, la télé du théâtral débile colorisé d’un ballon de baudruche de foot qui n’entra jamais que dans les buts de l’absurde collectif, voilà que l’horreur du petit écran nous livre, par inadvertance, cette apparition de femme, un rêve de modèle pictural.
Douleur hélas ! Cette même grande dame est conduite à bavarder d’une chronique télé ménagère de la tomate et navet, du – ‘’ qui de la chèvre et du choux, de l’œuf ou de la poule ? ‘’ – , un temps d’antenne bouhiouf d’ennui lugubre, qu’elle va pourtant illuminer de son aura.
Et qui m’en dira tant !
En ce moment de ciel bas, de moral dans les chaussettes, en cette époque de « tout va bien » dans le pire des mondes, à ce moment un mot où me revient souvent à l’esprit : « Positivons ma belle, la vie ne nous appartient plus ! »
Ouais !
Farid Talbi
19 septembre 2013
Farid Talbi