Quel chemin parcouru en un mois et demi ! Début août, quand je décidais de faire un break dans cette rubri-que, le président Abdelaziz Bouteflika paraissait out. Tout semblait indiquer qu’il serait bientôt exclu du jeu politique. Tout ce qui lui restait alors, disait-on, était de négocier pour organiser sa sortie dans les meilleures conditions.
Le chef de l’Etat était rentré, en juillet, pour poursuivre une longue convalescence, après son AVC du 27 avril, et le monde entier avait découvert qu’il se déplaçait en chaise roulante. L’image était pénible, mais elle avait une forte signification politique : l’idée du quatrième mandat semblait désormais dépassée. Elle paraissait même incongrue. On ne voyait plus guère la nécessité de réviser la constitution. Dans les milieux initiés, on se focalisait sur deux questions : qui succèderait à M. Bouteflika ? et est-ce que le chef de l’Etat aurait un rôle dans la désignation de son successeur ?
Et puis, chamboulement total du décor. A la mi-septembre, le président Bouteflika a réussi à renverser totalement la tendance. Il est là, et bien là. Il fait et défait les gouvernements, il exerce pleinement ce pouvoir que lui confère la constitution de « nommer aux emplois civils et militaires », il fait exploser les équilibres du pouvoir, impose son équipe aux commandes du pays, et bouscule alliés et adversaires. En cet été 2013, l’homme considéré naguère comme au bout du rouleau, est revenu en force, pour s’imposer comme le véritable maitre du pays. Il a même réussi à en supplanter les vrais maitres, ceux qui constituent l’épine dorsale du pouvoir depuis deux décennies. Abdelaziz Bouteflika, ramené par l’armée pour sauver le système, adoubé par les fameux services qui lui ont balisé le terrain tout au long de ses deux mandats, en serait allé jusqu’à savonner la planche au plus puissant des généraux algériens, Toufik Mediène !
Le changement est énorme. Et ce n’est pas fini, car le président Bouteflika poursuit la mise en place de la feuille de route qu’il avait annoncée au printemps. Rappelez-vous : un « proche » du président Bouteflika, parlant à un journal algérien, avait déclaré que le chef de l’Etat était prêt à accepter un amendement de la constitution, et qu’il était prêt à se sacrifier pour aller à un nouveau mandat. Il acceptait de cohabiter avec un vice-président, une option qu’il avait toujours refusée jusque-là. Et après avoir mâté le DRS, changé le gouvernement, imposé un proche à l’état-major de l’armée, devenu le principal centre du pouvoir du pays, il s’apprête à faire amender la constitution, pour aller tranquillement à un quatrième mandat. Dans quelques jours, le conseil des ministres se réunira pour adopter une série de projets de lois. Lesquelles ? On ne sait pas exactement, mais le projet de loi portant révision de la constitution devrait figurer en bonne place. Le reste relèvera ensuite de simples questions de procédure.
Dans ce cheminement très délicat, la maladie du chef de l’Etat n’aura finalement été qu’un épisode sans conséquence. Le calendrier prévu a été à peine décalé de quelques semaines. Et il ne restera, dans quelques mois, qu’à assurer un service minimum : comment permettre au chef de l’Etat d’annoncer sa candidature, de faire un discours, et d’aller à la cérémonie de prise de fonction. En l’état actuel du pays, il ne devrait pas y avoir de problème pour trouver un médecin qui signera un certificat médical attestant que M. Bouteflika est en mesure d’exercer pleinement les fonctions de président de la république. Par contre, il sera difficile de trouver de vrais candidats. C’est ce qui explique qu’à sept mois des présidentielles de 2014, personne ne sait encore comment les choses vont se passer, qui sera candidat, et quel parti votera pour quel candidat.
19 septembre 2013
Abed Charef