« Etat second »
Voyant rouge, Abdelkader se précipite chez lui à la recherche de son fusil, sa femme tente en vain de le calmer.
A 53 ans, Abdelkader a encore la démarche souple et légère de la jeunesse. Son regard vif et son pas alerte feraient la fierté d’un jeunot.
Aujourd’hui, Abdelkader est triste. Encore une fois, il assiste impuissant aux querelles de ses neveux qui se battent régulièrement comme des chiffonniers à cause des terres léguées par leur père Mohamed.
Abdelkader soupire, voilà 6 mois que son aîné de 15 ans a quitté ce bas-monde, laissant derrière lui 3 filles et 6 garçons, tous mariés.
Depuis, la famille est déchirée par des conflits autour de l’héritage.
Versant une larme en se souvenant de son unique frère, Abdelkader se dit qu’il était grand temps que la paix revienne dans la maison de son défunt frère et que l’amour réunisse de nouveau ses neveux.
Il rentre chez lui décidant de revenir plus tard quand les esprits se seront calmés.
Le lendemain, le quinquagénaire réunit ses neveux et leur fait un petit discours moralisateur sur les liens familiaux sacrés et sur le respect des aînés et de leur mémoire.
Après quoi, il les informe de sa décisionn s’ils étaient d’accord précise-t-il, doucereusement ,de procéder au partage de la terre.
L’oncle se rend rapidement compte que ses neveux, sans rien dire, n’attendaient en réalité que ce moment.
Maîtrisant leur enthousiasme, à grand-peine, ils se disent tous d’accord. Un partage ne pouvant jamais être à parts égales, les uns et les autres s’attendent évidemment à ce que certains soient mieux lotis que d’autres.
La différence peut aussi bien se situer au niveau de la surface que de l’emplacement plus ou moins avantageux du terrain.
Pour éviter des complications, le patriarche propose un tirage au sort, ses neveux acceptent car ils savent que c’est la meilleure solution. Sitôt dit, sitôt fait. Le tirage au sort est fait et le partage avec.
Tout le monde affiche un air plus ou moins satisfait à part Ahmed l’aîné. Jouant de malchance, il a eu en fait le lot de terrain le plus mal placé. Il a beau protester, il n’attendrit personne, ce sont les règles du jeu, lui dit-on.
Maussade, il rentre chez lui, sans cesser de réfléchir. Vu son emplacement, il est certain que son terrain ne lui apportera rien du tout. A l’issue d’une discussion avec sa femme, trois jours plus tard, il prend alors une décision : il vendra sa part, pour en tirer le meilleur prix, il s’adressera au meilleur courtier qu’il connaisse : Brahim.
Contacté, celui-ci, flairant la bonne affaire, ne tarde pas à se présenter. Alerté par ses neveux Abdelkader arrive attéré. Il n’arrive pas à croire qu?un étranger va acheter la terre de ses ancêtres.
Mais c’est en vain qu’il tente de raisonner son neveu. Faisant la sourde oreille, celui-ci ne se laisse pas démonter.
La moutarde monte lentement mais sûrement au nez de l’oncle, ce qui le fait le plus rager, c’est de voir la face hilare de ce rapace de Brahim sur les terres de son frère. Brahim était vomi par tout le village qui, pourtant, ne pouvait que faire appel à lui.
C’est en voyant Brahim tirer Ahmed par le bras, en lui jetant à un regard ironique que Abdelkader est aveuglé par une colère noire. Sans rien distinguer devant lui, il rentre d’un pas décidé chez lui et s’empare de son fusil de chasse.
Les efforts de sa femme de le retenir ne lui valent qu’un coup à l’épaule avec la crosse du fusil. Pointant celui-ci sur Brahim, Abdelkader se retrouve face à son neveu qui le défie de tirer, les deux hommes continuent de le railler et de se moquer de lui.
Il appuie sur la détente, visant le coeur de son neveu qui s’affale. Tentant de fuir, Brahim est atteint par deux balles à la nuque. Le quinquagénaire ne tentera pas de nier les deux assassinats.
7 septembre 2013 à 10 10 43 09439
[ EXPRESSION ]
« La moutarde lui monte au nez »
[ SIGNIFICATION ]
L’impatience l’envahit.
La colère le gagne.
[ ORIGINE ]
Ceux qui ont tenté l’expérience d’avaler une cuillère à soupe de moutarde forte ont une petite idée de l’image contenue dans cette expression.
Pour les autres, même si c’est plutôt l’heure du petit déjeuner, faites d’abord l’essai avant de continuer à lire.
Bien. Si vous lisez ceci, c’est que vous arrivez à nouveau à peu près à respirer. Séchez vos larmes, reprenez lentement votre souffle, on n’est pas pressés !
Alors maintenant que vous savez tous l’effet que ça fait, vous avez pu constater que ça vous a très fortement irrité les muqueuses nasales, en plus de quelques autres effets secondaires pas piqués des hannetons.
Donc, vous avez maintenant compris pourquoi le ‘nez’ est présent dans l’expression.
Pour le verbe ‘monter’, il va de soi que ce n’est pas la moutarde qui, de ses petits bras musclés, se hisse dans votre cavité nasale. Il s’agit simplement d’un usage classique dans le langage lors de manifestations physiques involontaires lorsque des mouvements d’humeurs corporelles marquent un changement de comportement : « le sang lui monte au visage » pour manifester la honte ou la colère, ou bien « les larmes lui montent aux yeux » pour indiquer une émotion particulière.
Ne reste plus qu’à expliquer la colère ou l’impatience, parce que s’il est vrai que le gobage de moutarde est un jeu stupide, il n’a pas pour autant de raisons de provoquer de tels sentiments.
En réalité, c’est un jeu sur le mot ‘irritation’, celle physique provoquée par la moutarde et celle psychologique liée à une impatience ou de la colère, qui justifie la naissance de notre expression.
Dans sa forme actuelle, elle date du XVIIe siècle, mais un siècle plus tôt, elle existait déjà sous la forme « la moutarde lui entre au nez ».
[ EXEMPLE ]
« « Comment ? Tu n’es même pas malade ! c’est trop fort. Alors pourquoi me tires-tu du lit ? » (…) Placide sentit la moutarde lui monter au nez. »
Paul Morand – L’homme pressé
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