Le pays retrouvé transformé en un gigantesque théâtre des paradoxes, les martyrs voudront savoir pourquoi les hommes nés libres se retrouvent aujourd’hui à courir à perdre haleine après un destin hors de portée qui fuit, un peu comme un limaçon qui gâcherait toute sa vie à tenter de rattraper une gazelle, chevauchant le vent en plein désert ?! Pourquoi alors ceux qui se sont «réveillés» de la longue nuit coloniale sont déprimés de voir la vie perdre de ses couleurs, aujourd’hui délavées ; et les plus jeunes rêver, à l’état éveillé, d’une vie meilleure, mais ailleurs ?!
Les martyrs voudront surtout savoir comment a vécu le peuple entre le lever et le coucher du soleil de la Liberté ? Comment il a survécu jusqu’à la mort du moustachu, avant de roupiller sur ses lauriers piégés jusqu’après la tombée du Mur de Berlin, et rentrer les pieds devant dans un tunnel si noir que le petit bout de lumière est encore loin devant…
Debout comme un I majuscule, comme dirait l’autre, face au peuple pris d’une insatiable soif de vérité, les martyrs demanderont à savoir pourquoi un pays qui engloutit chaque année la moitié de son trésor national dans la «décérébration» de nos enfants, se retrouve, cinquante-deux ans plus tard, avec dix millions de «sans-le-savoir» sur ses bras ballants ? Pourquoi notre dinar national, symbole «dévalué» de la souveraineté chèrement payée du pays, n’a ni le même prix ni la même valeur aux yeux de ceux qui en usent, et de ceux qui en thésaurisent, jusqu’à acheter des îles entières, y vivre et y mourir de leur belle mort ?! Pourquoi le peuple des petites gens a aujourd’hui comme un gros coutelas mal aiguisé qui lèche une plaie purulente : aimer la patrie jusqu’à se faire hara-kiri, ou continuer à la «jarnacquer» dans le dos, en enfouissant sa tête dans le sable mouvant de nos hypocrisies notoires ?
Par un terrible verdict (sans appel) de l’Histoire, et avant de partir rejoindre leurs paisibles demeures, les martyrs rendront leur sentence (juste et sans possibilité d’appel) en regardant sans sourciller le peuple droit dans les yeux. Accroupi face au soleil, le chef du tribunal des martyrs prononcera sa sentence, voulue comme la dernière prière des morts : «Nous les martyrs, devons choisir d’être oubliés, raillés ou utilisés. Quant à être compris, jamais !!».
7 septembre 2013
El-Houari Dilmi