Le vieux avait plusieurs raisons de penser ainsi. Dans son quartier, il a vu, au fil des jours, des commerces pousser comme des champignons et se multiplier comme si on les avait clonés.
Son premier voisin avait transformé une des pièces de sa maison donnant sur la rue en magasin pour alimentation générale. Quelques jours après, plusieurs ont fait de même…
Un autre, usant de la même pratique, a aménagé sa salle de séjour, transformant une des fenêtres en porte, en un petit salon de thé. D’autres ont fait de même quelques jours après…
Un gargotier… des gargotiers. Un KMS… plusieurs KMS. Une boutique pour produits cosmétiques… une dizaine d’autres boutiques dans le quartier. Une table de vendeur de cigarettes pour le petit qu’on venait de renvoyer de l’école… de nombreuses tables presque identiques agrémentaient les trottoirs.
«C’est formidable, cette capacité d’imitation dont font preuve les gens de chez nous», se dit le vieux, l’esprit traversé, soudainement, par une idée géniale. Une capacité à exploiter, à faire fructifier.
Il décida donc d’ouvrir, à son tour, une librairie, fermement convaincu que d’autres allaient en faire de même. «Avec quelques librairies dans le quartier, pensait-il, on va participer à faire revivre la culture qui se meurt». Des jours passent, puis des mois, et encore des années…
Le vieux n’arrivait pas à comprendre pourquoi il restait le seul, dans le quartier, à tenir un commerce sans aucun autre concurrent. Il n’arrivait pas à comprendre pourquoi sa boutique chômait. Avant de mourir il offre tous ses livres à une école, mais celle-ci n’a accepté que les bouquins en langue arabe.
4 septembre 2013
El-Guellil