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Chaâbi qasbaoui / Quid ?

23 août 2013

Farid Talbi

Les musicologues et  les critiques traitant le plus  fréquemment  de la musique populaire contemporaine,  algérienne à succès artistique pérenne,   se réfèrent d’abord essentiellement à s’y  perdre aux mélange des genres , à ces poètes populaires d’une q’sida  , interprètes  et compositeurs éparpillés,   les plus anciens impliqués dans la chanson d’antan,  des différents terroirs .  Du tout terrain, que la mémoire collective n’a cessé ici et là d’entretenir par des rites coutumiers d’orgueil. Aller chercher loin des repères tous azimuts, dans la plus grandes des diversités,  à s’en mêler les pinceaux. Avec cette propension à dénaturer, fossiliser la révélation d’un véritable art populaire , autrement singulier,  pourtant naturellement labélisé, de fait devenu majeur en soi  :  le chaâbi qasbaoui algérois  !  ( et non pas kasabadji = artisan de la transformation du roseau  ) .
Bien sûr,   nécessaire  l’arrimage retro à  la géographie et l’histoire de l’unité nationale évidente. Mais pas suffisant, ce lointain survol ne  permettant de situer le genre dans son  cadre de vie  autrement singularisé   , à l’essentiel en un approche  sociologique. Mais encore  dans les limites d’un laps de temps qui fut particulier, bien sûr ou justement décisif.
A l’image du  jazz, rock, musiques universelles de notoriété, comme un  carcan de spécificités inaliénables, imprescriptibles !
Ensuite le chââbi  qasbaoui est  parfois considéré par  le musicologue ignorant du fait ‘qasba d’Alger’ ,  comme une simple adaptation conséquente à deux plus anciennes  pratiques :    l’une du genre  M’edh d’essence religieuse musulmane et l’autre de l’école musicale  d’Andalousie arabo-musulmane spécifique . Ajoutons de notre propos,  qu’il s’agit de  genre ou école,  de deux   lointaines pratiques usitées  selon  que  la géographie  humaine  mélomane ait été  rurale ou citadine. Ce qui n’est pas remarqué et  précisé par les « érudits ». Et  autre évidence, la porosité entre les deux pratiques s’est exercée pour le chaâbi urbain  souvent à sens unique, vers  les villes essentiellement, par ouverture relai   du M’edh à l’andalou !
 Le chââbi étant à l’évidence un  tant soit peu, conséquent à deux sources de ce patrimoine qui se perd dans le temps et l’espace d’un tout socioculturel,  voilà pour l’emballage du dessus du panier consensuel. Mais de là à considérer le genre comme une poudre de perlimpinpin  qui guérit  les plaies d’un  cœur  ……! 
Bien entendu un enracinement,  mais pas décisif.
Enfin selon les spécialistes en vue, la constitution du genre populaire chââbi qui nous intéresse,  devrait  aussi son succès à l’utilisation  contemporaine d’instruments modernes de musique ( banjo, piano….) , une orchestration  qui a enrichi  l’harmonie . Sans oublier la formidable introduction de la derbouka  qui a sublimé la rythmique  de l’interprétation  algérienne. Au goût  populaire. Accents africains, berbères.
 Forcément la novation,  mais comme un plus,  accessoire   .
Voilà au prétexte que le vocable « populaire » devait concerner toute la géographie humaine  algérienne, – (souvent  dans un souci unitaire d’idéologie politique, ou encore de redistribuer largement l’usufruit, ou  enfin parvenir  de partout au secours du succès culturel déjà assuré ) , le phénomène  spécifique a été gommé, ignoré . Donc au souci que le terme  «  populaire » devrait  prendre  source dans des éléments identitaires les plus largement prédéterminés ,  donc du fait   que les précurseurs aient été légion de représentation régionale et autres singulières,  en définitive  la consistance et le caractère de ce genre musical particulier  qu’est le chââbi algérois , pourrait avoir été  dénaturés .
Ni fondements précis, ni localisation spécifique, ni surtout approche sociologique,   on pourrait faire  dans le déni de paternité. Et ceci même  du fait qu’il ne fut qu’un genre unique  ,  même  de toute son « algérianité » originellement et  seulement  algérois, prenant source en la qasba . Essentiellement entre les années 1940 et 1960. Et çà transpire cette tranche de vie , ou de survie !
Pourquoi la dilution ?
Or les écoles de renoms  les plus illustres, s’identifient souvent à une ville : Vienne, New-Orléans, Le Caire, Londres, Oran du raïï ,…
Nous voulons parler du  cachet indélébile et le label qui fructifient l’art local révélé, les apprentissages à demeure, les échanges, pas moins.  Et avec , la ville matrice , le quartier déterminé , livrant sa spécialité pour le bonheur des adeptes étrangers , le pèlerinage au source des puristes   ..Et pareil pour les arts majeurs, peinture, sculpture, Barbizon, Paris, Aix, Etretat, l’Afrique de partout   ….
Pour faire simple disons  le chââbi dont il est question , n’est ni un une mangeaille  dénuée de caractère et  livré aux appétits de goinfres  , ni un bien vacant à traiter comme l’on été ls logements du patrimoine architectural d’Alger,  mégalopole en péril  .
La chansonnette d’aujourd’hui, doit s’élever . Se référer  à   M’rizek, El Anka, Guerouabi, Fekkai, M’naouar, El Achab, El Ankis   qui ont su créer  un art populaire, issu d’un mode de vie circoncis dans le temps, l’espace ,  typiquement algérois . Admirable, génial, un produit spécifique  , d’expression poétique,   bien localisée ,  d’un peuplement  autochtone multiculturel  comme tel, mélomane .   La qasba ce (haut)  lieu où la difficulté de vivre ou simplement survivre d’une population recluse, soumise à la domination étrangère, à  la guerre , cette condition humaine de circonstances  était  habitée de rêves et le choses de la vie d’alors et de toujours .  Une existence qui a livré des messages déclamés par un langage codé du verbe et de la chanson / musique .
Dans le contexte,  tout cela ne pouvait se dire que  par la chanson populaire « qasbaouie », entre et   pour les qasbaouis , sensibles au genre, perceptibles à la construction d’un art  du cru  . Tout comme le foot musulman où hommes de culture, anonymes,  gens prétendus « voyoux» , mais hommes de cœur de convictions,  hommes imbus de patrie et liberté, ont  fait l’unité et la ferveur derrière le jeu du ballon ! Encore un thème en friche !
En somme, au  cœur de la sociologie du phénomène chââbi, commande la qasba d’Alger, son brassage populaire particulier , son parler  et ses codes comportementaux , ses rites et mœurs mêlés et multiples, la façon  pour dire la musique nouvelle avec les moyens de bord . Et la faire partager autour de soi avec souci de perfection…
 Voilà pour le populaire.
Ce chââbi là , cet art révélé savamment du savoir populaire  situé ici et pas là-bas ni ailleurs  ,  se pratique de moins en moins ,  parce qu’ il  reste tributaire de textes d’auteurs lyriques, épiques du parler dialectal  , de musiques élaborées aux accents délimités à son terroir, d’interprètes à voix surdoués et maitres de la diction et de la rythmique,  de brassage humain approprié, d’un contexte culturel de faveur  culturelle éphémère  . Pas une petite affaire désormais ! Et puis il demeure un art d’humilité qui ne s’accommode ni de falsification et du commerce, ni de pub’  artificielle, un  art  pudique que l’on lève à tempérament ( el kh’mira – levain ) pour demeurer vrai !
 Et l’expression d’un état d’âme  particulier   .
Ce fut là par la particularité, peu ou prou construite, la réussite d’un genre porté à perfection de la chanson   populaire,  et son  succès  à demeure .
Il y a lieu  peut-être de concentrer la recherche pointue, les études plus élaborées de cette école musicale multiculturelle de la qasba d’Alger. Créatrice en elle, mère du chaâbi algérois .
Ou plancher sur  la sociologie d’époque  et du lieu qui ont produit le chââbi algérois. Sans nous disperser . Sans intérêt identitaire autre qu’artistique.
Faire vraiment œuvre d’école bien délimitée, labélisée,  afin de pouvoir maintenir et régénérer cet art populaire dans ses caractères  singuliers, remarquables qui ,  hélas  pourraient s’effriter, disparaitre , faute de sagacité et d’honnêteté intellectuelle .
FT -

À propos de Artisan de l'ombre

Natif de Sougueur ex Trézel ,du département de Tiaret Algérie Il a suivi ses études dans la même ville et devint instit par contrainte .C’est en voyant des candides dans des classes trop exiguës que sa vocation est née en se vouant pleinement à cette noble fonction corps et âme . Très reconnaissant à ceux qui ont contribué à son épanouissement et qui ne cessera jamais de remémorer :ses parents ,Chikhaoui Fatima Zohra Belasgaa Lakhdar,Benmokhtar Aomar ,Ait Said Yahia ,Ait Mouloud Mouloud ,Ait Rached Larbi ,Mokhtari Aoued Bouasba Djilali … Créa blog sur blog afin de s’échapper à un monde qui désormais ne lui appartient pas où il ne se retrouve guère . Il retrouva vite sa passion dans son monde en miniature apportant tout son savoir pour en faire profiter ses prochains. Tenace ,il continuera à honorer ses amis ,sa ville et toutes les personnes qui ont agi positivement sur lui

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