Il y a du bon et du mauvais dans les contenus culturels. Un peu beaucoup, à l’image des télévision(s) publique(s) algéro-algérienne(s) pourtant déjà existante(s) depuis des décennies. Ainsi, la langue, usitée ou diffusée, est, généralement, un (savant ou malheureux, cela dépend) mélange arabo-algéro-berbéro- franco-houmiste (la presse écrite n’est pas exempte de ce «travers») heureusement de plus en plus assez compréhensible par les Algériens, et un peu par les autres maghrébins (qui font face au même problème).
Il y a du bon et du mauvais dans les contenus politiques, certaines chaînes tombant «à bras raccourcis» sur tous ceux qui dirigent de près ou de loin le pays, à l’exception de leurs amis, alors que d’autres passent leur temps à tout «descendre en flammes»…sauf «moul esstah» et ses proches, parents et amis ou ses affaires.
Il y a, il y a…
Mais, il y a, aussi, de grandes satisfactions :
D’abord, et avant tout, c’est de (re-) voir la dynamique individuelle prendre le dessus sur l’inertie étatique. Il était temps, car, en matière de communication, si la loi relative à l’Information d’avril 90 avait permis la libération de l’expression médiatique cela n’avait pas duré longtemps, le mouvement ayant été stoppé en plein vol (raisons invoquées : terrorisme, état d’urgence ) avec le rétablissement du ministère de la Communication et la suppression du Conseil supérieur de l’Information (Csi). Seul gain de l’époque, l’émergence, puis le développement rapide, quasi-incontrôlable, d’une presse écrite libre, cherchant à tout prix son indépendance, ce qui ne fut guère facile tant les divers «centres de décision», traditionnels ou nouveaux, institutionnels ou privés, politiques ou économiques, cherchaient à s’accaparer du «4è pouvoir». Aujourd’hui, donc, existent, peut-être, quelques bonnes centaines d’entreprises de presse et de communication ou bien plus (dont celles publicitaires au sens strict du terme).
En matière d’audiovisuel national 100%, sans trop nous appesantir sur la mort (programmée ?) du cinéma et les obstacles mis sur le chemin des entreprises de production (radio – car on oublie souvent que des entreprises de production privées de radio avaient vu le jour dans la foulée de la loi d’avril 90 – et télévision) soumises au diktat d’une entreprise nationale unique de diffusion, c’est la «salle d’attente» ! Pour combien de temps encore et surtout comment ? Il y a tellement de calculs. On commence (rait) à se bousculer au portillon des «projets». On en voit depuis quelque temps, des petites et grandes manœuvres comme si la situation de la régie publicitaire (Anep et autres grosses boîtes détenant les budgets de clients précis) allait rester la même, comme si les téléspectateurs algériens étaient malléables à merci, comme si les journalistes, les animateurs et les créatifs du pays allaient continuer à travailler comme il plaira aux «patrons», parfois sans contrat de travail ou sans enregistrement aux caisses d’assurances et de sécurité sociales, comme si l’éthique, la déontologie et la responsabilité sociale avaient foutu de camp pour toujours du champ médiatico-journalistique comme si toutes les chaînes créées à l’étranger allaient, demain, rentrer au bercail, abandonnant les avantages apportées par une «présence» à l’extérieur (charriant indépendance juridique, échappant au droit algérien sauf pour ses correspondants et ses représentations, et influence politique)
Une salle d’attente avec, heureusement, des fenêtres d’espoir qui imposent, petit à petit, au sein des entreprises et à la société, leur qualité et leur savoir-faire.
Ainsi, au niveau de certaines chaînes, il y a certaines émissions de qualité (cela est visible, aussi, à la radio, et même à la télé publique) qui sont en train de transformer, de bouleverser, l’idée que l’on se faisait, jusqu’ici, de la qualité de notre nouveau paysage audiovisuel et de ses animateurs.
Le dernier exemple est venu de Jornane El Gosto ( El Djazair Tv). Des «Guignols de l’Info’» en chair et en os. Sans marionnettes pour parler des «épouvantails» du pays.Tous les «responsables», les pourris, les ripoux, les opportunistes, les versatiles, les retourneurs de veste, les tabous, les corrompus, les corrupteurs, les naifs, les dinosaures, les jeunots, les ambitieux, etc… y passent. A la moulinette des mots et des gestes. Sans pitié ! Avec un humour décapant, parfois féroce, «vrai», plus que vrai, privilège de la jeunesse et, comme il se doit, dans toute œuvre de fiction ou de dérision, qui fait oublier le traditionnel et bien lourd «respect» dû aux «décideurs» respect que ne défendent plus que les «bouffeurs» et les «brosseurs», au nom d’une morale calculée à l’aune de leurs bénéfices. Ça fait oublier tous les stress, la cherté de la vie, la gastrite, les alertes au diabète et à la prostate, le régime alimentaire forcé, la chaîne à la mairie, les ministres ripoux, le permis retiré, la morgue du jeune député, les frasques du fils ou du neveu d’un(e) «ponte», l’incompétence du nouveau maire, les «filous» des paradis fiscaux, les gros élus sentant la sueur et le business, la chaleur étouffante, l’échec au bac, le chômage qui dure
Le concept est clair. Dénoncer les dérives politiciennes et les déviations affairistes. A partir du sommet. De la terrasse d’un immeuble, autour d’un baril (vide et retourné) de pétrole, avec comme personnage central (mais invisible bien que toujours là) Moul Esstah, le proprio et, bien sûr, sa famille, dont son frère… en tout cas, celui qui, peu à peu, s’est, dit-on, tout approprié… sans acte notarié!
Une obsession ? Un mauvais procès ? Une critique gratuite ? Non, une situation peut-être pas vécue mais, en tout cas, ressentie par la plus grande partie de la population algérienne, dont les plus jeunes, la majorité. Tous les grands déprimés du pays… qui «avalent tout»… et qui sont «capables de tout», à tout moment.
Cette idée de Stah se retrouve d’ailleurs dans le dernier film de Merzak Allouache, Les Terrasses, film sélectionné (sous les couleurs de l Algérie) au Festival de Venise. Les terrasses, pourquoi ? Extrait d’une interview de juillet 2013: «J’ai commencé à y penser lors du tournage d’un court-métrage dont la moitié se déroulait sur une terrasse située au-dessus de mon bureau (à Alger). Je n’y avais pas mis les pieds depuis plusieurs années. Le lavoir qui existait est devenu un petit logement avec des fleurs et des rideaux. J’ai alors commencé à apercevoir ce changement. On n’est pas encore arrivé au stade de l’Égypte où les gens habitent dans des cimetières mais on n’en est pas loin. La transformation de terrasses en lieu d’habitation a pris de l’ampleur en Algérie.
J’ai visité plus de 60 terrasses à Alger pour tourner ce film. Nous avons rencontré, parfois, des difficultés pour obtenir les autorisations. On ne savait pas très bien qui gérait ces terrasses. Celles-ci n’appartiennent plus aux habitants de l’immeuble mais à celui qui s’y installe ». Elémentaire ! Il avait découvert qu’en fait, pour mieux voir le pays et la société, ou pour mieux les «dominer», il fallait «occuper» les terrasses des immeubles… Le drame, c’est que chaque «stah» du pays, même le plus pourri, à son «moulah».
PS: Depuis quelque temps, à New York, les terrasses des buildings et autres gratte-ciel sont «squattées» par des commerces aménagées parfois luxueusement, attirant de plus en plus de clients qui ne veulent plus subir les pollutions et les bruits des rez-de -chaussée et de la rue et,à la recherche de vues toujours imprenables, à couper le souffle : Cafés, salons, restaurants, jardins…publics, galeries d’expositions, terrains de sports….Décidemment, l’»american way of life «, par ses innovations et ses défis, ne finira jamais d’étonner. Une manière de prendre sa «revanche» sur ceux qui, un jour de septembre, l’ont attaqué par la «voie des cieux» ?
22 août 2013
Belkacem AHCENE DJABALLAH