« Un des objets de la psychologie est de comprendre et de prédire les comportements humains. La psychologie sociale s’intéresse particulièrement aux phénomènes d’influence entre les personnes et qui peuvent expliquer leur conduite. Une première conception traditionnelle explique les comportements des personnes par leurs pensées, leurs représentations du monde : j’agis en fonction de mes idées, mes convictions, bref » je fais ce que je pense « . Je crois au management participatif donc j’organise fréquemment des réunions avec mes subordonnés.
« Nous ne sommes engagés pas tant par nos idées ou nos sentiments que par nos actions »
Une autre conception moins intuitive, liée à la théorie de la dissonance cognitive (cf. section 11), renverse cette perspective sur elle-même et postule plutôt que » je pense ce que je fais « . Dans l’exemple ci-dessus, je pourrais me dire que si j’organise des réunions fréquentes avec mes subordonnés, c’est donc que je suis un tenant du management participatif (si je ne l’étais pas au début, je m’en persuaderais et le deviendrais car sinon mon comportement n’aurait aucun sens en dehors de toute contrainte ou de volonté de manipulation). Cette seconde perspective est à la base de la théorie de l’engagement initiée par Charles Kiesler au début des années soixante-dix et largement développée en France dans les années quatre-vingt-dix par des auteurs comme J.-L. Beauvois et R.-V. Joule.
Comment influencer et convaincre
L’enjeu est de taille : comment influencer, motiver, convaincre les gens pour qu’ils fassent certaines choses que je veux qu’ils fassent, autrement dit commentproduire de l’engagement chez les personnes ? Pour Kiesler, l’engagement est le lien qui existe entre un individu et ses actes. Nous ne sommes engagés pas tant par nos idées ou nos sentiments que par nos actions.
Lorsque l’individu s’engage, il s’assimile à l’acte qu’il a produit et cet acte est susceptible de le transformer. Ceci explique pourquoi par exemple lorsque nous avons pris une décision, accompli une action, nous avons tendance à nous y tenir, voire à persévérer dans ce sens (c’est » l’escalade d’engagement « ) que la décision et ses conséquences soient bonnes ou mauvaises et nous changerons nos croyances sur nous mêmes et le monde pour rationaliser ces comportements. Donc pour produire de l’engagement chez quelqu’un, je vais chercher à lui faire faire certains actes et plus ces actes seront engageants plus ils provoqueront chez lui des changements d’attitude dans le sens désiré. La célèbre technique commerciale du » pied dans la porte » est une illustration puissante de la théorie de l’engagement. (…)
Maximiser l’engagement par l’influence sans contrainte
La théorie suggère que je vais maximiser l’engagement d’une personne en lui faisant accomplir en toute liberté (sans pression ni récompense d’ailleurs, qui pourrait paradoxalement le désengager puisqu’il aurait une raison externe et non interne de faire ce qu’il fait), des actes importants pour elle, idéalement de façon visible, irrévocable, et répétée. Il faudra préalablement faire précéder ces actes de demandes peu coûteuses qu’elle ne refusera pas pour créer un engrenage. Voilà une piste managériale intéressante, notamment quand il s’agit de faire faire des choses à quelqu’un sur qui, situation de plus en plus fréquente, je n’ai pas de responsabilité hiérarchique ou un pouvoir de récompense ou punition. »
22 août 2013
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