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Elles étaient belles ces «fellaghas» par Farouk Zahi

22 août 2013

Farouk Zahi, Guerre d-ALGERIE

Elles étaient belles ces «fellaghas» par Farouk Zahi dans Farouk Zahi hafsa-bentoumi
L’ennemi d’hier dans sa composante médiatique, judiciaire ou même tortionnaire s’accordait à dire qu’elles étaient jeunes et belles, ces fellaghas. Terme qui se voulait péjoratif pour désigner les combattants ou les militants de la cause nationale. Le vocable était invariable, qu’il s’agisse de l’homme ou de la femme. Et on ne sait par quel hasard, ces hommes et ces femmes, comme pour rappeler à notre mémoire poussiéreuse le combat qui a été le leur, partent discrètement à la veille, ou au lendemain de commémoration de faits qui ont marqué, durablement, l’histoire de la nation. Hier, c’était Mamia Chentouf et Nassima Hablal, aujourd’hui c’est Z’Hor Zerari ; la liste est inexorablement ouverte. Hafsa Bisker fait partie de ces icônes révolutionnaires.

 » Toute jeune, je mesurais la détresse de mes congénères. A Djemaâ Lihoud, lorsque nous rendions visite à ma tante qui habitait la Casbah, j’étais révoltée de voir des policiers coloniaux malmener des pauvres hères en quête de pitance quotidienne. Ils renversaient tous les étals de fortune sur leur passage.

Les petits vendeurs d’herbes aromatiques (hchicha m’katfa et autres) détalaient à toute vitesse quand la patrouille pédestre investissait les lieux. Cette hideuse image, ne m’a jamais quittée « .

Tel a été le propos de Hafsa Bentoumi née Bisker, lors d’une édition de l’émission  » J’avoue que j’ai vécu  » de la chaine 3 de la radio nationale. Cet alibi, est-t-il suffisant pour justifier la militance et l’activisme politique de cette femme ? Issue d’une famille lettrée qui pouvait aisément se fondre dans le magma assimilationniste que d’aucuns appelaient de leurs vœux à l’époque, elle s’est démarquée dès son plus jeune âge. Cette fibre sensible du nationalisme n’est assurément pas fortuite. Elle est la digne héritière de cette lignée des Bisker qui accueillait dans son fief de Bou Saada, à la fin du XIXè siècle, l’Emir El Hachemi Ibn Abdelkader El Hassani El Djazairi. Mohamed, son grand père, poète, journaliste, disciple de Ben Badis, Mohamed Abdou et Djamal Eddine El Afghani signait par cette métaphore  » El Bou Saadi El Madhi « , ses articles caustiques dans  » El Bassair  » et  » Echihab  » que les Ouléma publiaient entre les deux Guerres. Son père, Aissa, qui enseignait les mathématiques et les sciences au cours complémentaire de sa ville, eut comme illustre élève Mohamed Boudiaf. Désigné comme inspecteur par l’association des Ouléma, il ralliait Alger. Il enseignait, en même temps, à l’école Sarrouy où il eut comme élèves : Amar Bentoumi, Oucharef, Kaddache, Gadiri et Derouiche, connus tous pour leur stature ultérieure. Hafsa, née le 7 mai 1933, raconte, non sans émotion, ses premiers pas avec la langue arabe et l’initiation coranique à l’école  » Echabiba  » de l’ex Rampe Valey des Oulémas et la langue de Voltaire à l’école de Fontaine Fraiche.

Le Cercle  » Ettaraqi  » animé par cheikh Tayeb El Okbi et dont le crédo était la lutte contre l’obscurantisme et l’ignorance alimentés par le fait colonial, avait sa profondeur populaire à Mezghena la rebelle. Au déclenchement de la 2è Guerre mondiale, la famille, sous tension, quitte la capitale pour Ain Hadjel où le père officie à l’école indigène. La petite fille y fera le reste de sa scolarité primaire dans cette école. De retour à Alger, où son père est affecté à l’école de la rue de l’Allée des Muriers à Belcourt, Hafsa est inscrite au Lycée de jeunes filles de Maison Carrée (actuel Ourida Medad) où elle obtient son brevet élémentaire. Son père est promu, quelques années après la fin du conflit mondial, en qualité de directeur de l’école Lucien Chalon de Bou Saâda. Elle se rappelle avec fierté, qu’il faisait passer le nombre d’écoles, de deux à quatre et tout pour en ouvrir de nouvelles dans les endroits les plus reculés. Il utilisait parfois de simples hangars, pourvu que ces enfants ne soient pas livrés, comme leurs géniteurs, à la déchéance de l’analphabétisme.

En 1951, elle obtient la première partie du Baccalauréat lui permettant ainsi, de s’inscrire au lycée Fromentin des hauteurs d’Alger, où elle obtient la deuxième partie en sciences élémentaires. Optant pour la filière médicale, son choix est contrarié par son père qui met en opposition l’astreignante carrière médicale et l’équilibre d’une famille. Elle dit ne pas regretter, puisque sa qualité de pharmacienne, plus tard, ne l’a jamais empêchée d’être à l’écoute et en contact permanent avec sa famille. Après une année d’enseignement à l’école de filles du Plateau (actuelle Ibn Khaldoun) de Bou Saâda, son père consent à lui trouver un stage dans une pharmacie. Elle se rappelle cet épisode épique où un caïd polygame, apostrophait son fils pour lui rappeler le nom de sa génitrice.  » Ya tfoul, qui fach asmha mouk ? « . Accompagnée d’une bourrade dans les côtes, cette phrase assassine interpellait, durablement, la jeune stagiaire sur la condition féminine d’alors. Dès l’année 1953, elle s’inscrit au concours de pharmacie qu’elle remporte avec brio. Sa boulimie pour la lecture éveille en elle, ce besoin de s’informer sur les luttes que menaient, à l’époque, les nations subjuguées par les empires coloniaux. La cinglante déroute, en mai 1954, de l’armée française à Dien Bien Phù, donne à réfléchir à la jeune étudiante sur le mythe de l’invincibilité de l’armada coloniale. Dès le déclenchement de la lutte armée, la veille de la Toussaint, Hafsa cherche des contacts dans l’organisation naissance, mais néanmoins clandestine. Elle intègre, celle-ci, en juillet 1955.

Abane Ramdane la met en contact avec Nassima Hablal, responsable des femmes algérienne et Ysa Bouzekri future Mme Abane. En contact permanent avec Meriem Belmihoub (Mme Zerdani) et Fatiha Hermouche, elle distribuait des tracts et suscitait des recrutements pour le  » Nidham « . Elle se rappelle de celles qu’elle a côtoyées, notamment, Turkia Dahmoun, Fatima Hamdiken, Fadila Mesli, Zoubida Ould Kablia et Ourida Medad.

Leur point de ralliement était le foyer des étudiantes attenant à la faculté d’Alger et tenu par les Sœurs blanches. A la création de l’Union Générale des Etudiants Musulmans Algériens (UGEMA), Abane les exhorte, Zoulikha Bekadour et elle-même, à postuler à des postes d’encadrement, chose qu’elles acceptèrent en dépit du contexte de l’époque. Il n’était pas aisé pour des jeunes filles, issues d’un milieu conservateur, de se  » mélanger  » avec des garçons. La noblesse de la cause, fit que le carcan sociologique fut levé avec bonheur et spontanéité.

-  » Zoulikha et moi, furent plébiscitées respectivement en qualité de Trésorière et de Secrétaire générale de la jeune organisation présidée par Mohamed Seddik Benyahia. Depuis cet instant, l’intellectuel algérien dans sa grande majorité, épousait la cause de son peuple.  » dit -elle.

La première épreuve que devait affronter l’organisation estudiantine naissance, fut celle où elle devait décider de l’arrêt des cours en mai 1956 pour marquer dans les faits son attachement à la lutte de libération nationale.

La réunion, eut pour théâtre la résidence universitaire  » La Robertsau  » du Telemly. Rejoints par les lycéens, les étudiants relativement peu nombreux, aboutir après des débats houleux à la décision consensuelle d’entamer la grève dès le 19 mai 1956 et l’abandon des cours.

- » Signataire du manifeste de la grève en ma qualité de Secrétaire générale et fichée par la police, Lamine Khène me recommandait expressément de me mettre au vert. Hébergés clandestinement, mes camarades et moi au nombre de 15 dans une famille française dont le père était surveillant général à l’école normale de Bouzaréah, nous quittions Alger pour Bordj Ménail dans un premier temps. Je rencontrais Salah Zammoun et M’Hamed Bougara à Palestro. Après le Congrès de la Soummam, je fus affectée dans le maquis de Berroughia où j’y rencontrais Ali Mellah qui me chargeait de former des infirmières pour le maquis près de Tlétat Ed Douairs. Les étudiants de médecine et de pharmacie, été automatiquement inclus dans le service de santé des unités combattantes. Ceci me permit de rencontrer Youcef Khatib, Hermouch, futur professeur de médecine à l’hôpital Ait Idir et Khoudjet Eldjeld, étudiant en chirurgie dentaire. Mes pérégrinations de soignante m’obligèrent à me déplacer du Djbel Sabbah aux monts de Ain Boucif, jusqu’à parfois aux confins de Paul Cazelles (Ain Oussera). J’hébergeais mes malades et mes blessés chez l’habitant et changeait de lieu et de nom à chaque déplacement, ce qui donnait l’illusion à l’ennemi que nous étions plusieurs. Il faut dire, honnêtement, que la population civile payait le prix fort. A chacun de nos passages, les populations des hameaux étaient massacrées sans état d’âme. Des parachutistes, en guise de jeu, éventraient des femmes enceintes et faisaient des paris sur le sexe du fœtus « .

En 1958, activement recherchée par les services de répression, on lui recommande de rallier la Tunisie. Son père Aissa, relevé de ses fonctions et expulsé, se trouve déjà à Djendouba où il prit un poste d’enseignement. C’est ainsi qu’elle rejoint, la Tunisie via la France et la Suisse. Attachée au bureau de l’UGEMA en Tunisie, elle active auprès des instances internationales à travers l’union générale des étudiants Tunisiens. Ces compagnons se rappelleront pour longtemps, la réplique de Hafsa à Bourguiba qui répondait de manière malveillante au mémorandum de Lamine Debaghine alors, Ministre des Affaires Etrangères du GPRA. (Gouvernement provisoire de la République Algérienne). Rentrée, définitivement au pays après l’indépendance, elle ouvre une pharmacie au boulevard de Provence à Bab El Oued. Elle la fermera pour une année en guise de protestation aux discours des nouveaux dirigeants politiques du pays. En 1983, elle s’élèvera avec d’autres moudjahidate contre le nouveau Code de la famille dont elles trouvaient certaines dispositions, iniques envers la femme

Mme Bentoumi Hafsa née Bisker, coule de vieux jours heureux auprès de ses petits enfants et ce, depuis, sa retraite professionnelle qu’elle a prise en 1989. L’animatrice de l’émission radiophonique, posait l’ultime question à son invitée :

-  » Mme Bentoumi, quel est le secret de votre vivacité ? « .

-  » Ecoutez, madame, à la vieille de mes quatre vingt ans, je pense avoir rempli ma mission. Lorsque je travaillais, rentrer à la maison à 17h et s’entendre interpellée par un  » Maman ! « , était la plus belle reconnaissance pour moi. « .

Hafsa et les autres sont faites d’une pâte que seul, le Seigneur en détient le secret.

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À propos de Artisan de l'ombre

Natif de Sougueur ex Trézel ,du département de Tiaret Algérie Il a suivi ses études dans la même ville et devint instit par contrainte .C’est en voyant des candides dans des classes trop exiguës que sa vocation est née en se vouant pleinement à cette noble fonction corps et âme . Très reconnaissant à ceux qui ont contribué à son épanouissement et qui ne cessera jamais de remémorer :ses parents ,Chikhaoui Fatima Zohra Belasgaa Lakhdar,Benmokhtar Aomar ,Ait Said Yahia ,Ait Mouloud Mouloud ,Ait Rached Larbi ,Mokhtari Aoued Bouasba Djilali … Créa blog sur blog afin de s’échapper à un monde qui désormais ne lui appartient pas où il ne se retrouve guère . Il retrouva vite sa passion dans son monde en miniature apportant tout son savoir pour en faire profiter ses prochains. Tenace ,il continuera à honorer ses amis ,sa ville et toutes les personnes qui ont agi positivement sur lui

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Une réponse à “Elles étaient belles ces «fellaghas» par Farouk Zahi”

  1. Artisans de l'ombre Dit :

    Hafsa Bisker : Moudjahida, pharmacienne, militante des droits des femmes
    Hafsa la pharmacienne, Hafsa l’antihéroïne

    « Les dirigeants ont promis qu’ils tiendraient leurs promesses. Entendez par là qu’ils ne sont pas près de les lâcher. » Coluche

    D’emblée, on apprécie la sobriété et le charme du trait, le visage avenant de Hafsa avec cette propension à citer, non sans une charge émotionnelle et affective, son papa, comme elle se plaît à le désigner au détour d’une phrase ou d’un fait vécu. Son père lui a inculqué les vertus du savoir et lui a transmis son éducation. Et en guise de reconnaissance, Hafsa le cite chaque fois avec beaucoup de tendresse et de respect.

    Du reste, l’empreinte de Hadj Aïssa, si elle est évidente sur la famille, aura aussi marqué toute une génération à Bou Saâda et ailleurs par sa culture, sa générosité et son sens du devoir. Les Bisker ont une longue histoire qui a croisé celle de l’Emir Abdelkader. Lors de l’installation de l’Emir en Syrie, défense lui fut faite par la France, ainsi qu’à ses enfants, de remettre les pieds sur le sol algérien. Mais la France, ayant apprécié le rôle hautement humanitaire joué par l’Emir qui a sauvé les chrétiens du massacre en Syrie, autorisa ses enfants à retourner en Algérie.

    C’est ainsi que l’Emir El Hachemi, fils de l’Emir, regagnait l’Algérie en 1894 après la mort de son glorieux père. Celui-ci, sentant ce désir dans le cœur de son fils, lui dit un jour : « Si tu dois retourner au cher pays natal, je te conseille de te diriger vers Bou Saâda où je conserve encore de fidèles amis parmi les Cherif et les Bisker. » En effet, deux frères, Hadj Mohamed et M’hamed, fils de Kouider Ben Bisker, se rendirent à Damas pour passer plus d’un mois auprès de l’Emir Abdelkader lors de leur pèlerinage à La Mecque et à El Qods. Celui-ci les traita en hôtes de marque, en raison de l’aide que leur avait fournie leur père Kouider dans le saint combat mené contre l’envahisseur.

    Derrière son regard déterminé d’une intellectuelle engagée, Hafsa nous retrace les étapes de sa vie où, à 20 ans, la tête pleine de projets, elle n’a pas hésité pourtant à rejoindre le maquis. Dans le contexte qui était le nôtre, ce n’était pas évident. Hafsa Bisker est née le 7 mai 1933 à Bou Saâda, issue d’une famille de lettrés, dont le grand-père, Mohamed, poète, journaliste, disciple de Ben Badis, Mohamed Abdou, Djamel El Afghani, a contribué, à sa manière, à insuffler une nouvelle dynamique à la Nahda pour tenter de sortir le monde arabe de sa léthargie. Il écrivait dans El Bassaïr et sa signature était un couteau boussaâdi.

    Aïssa, son père, était un personnage à Bou Saâda. Doté d’une large culture, il incarnait bien la trajectoire incomparable des Bisker. « Il enseignait les maths et les sciences au cours complémentaire. Mohamed Boudiaf a été l’un de ses élèves. Moi, j’ai fait l’école primaire des Plateaux à Bou Saâda, avant de joindre Alger où mon père avait été nommé inspecteur par les oulémas. ll dispensait ses cours à l’école Sarrouy et a eu comme élèves Bentoumi Amar, Oucharef, Kaddache, Gadiri, Derouiche et bien d’autres, devenus par la suite des hommes illustres. J’ai étudié à l’école Chabiba, à la rampe Valée, sous la direction de Cheikh Athmane. L’une de mes camarades, qui est restée une grande amie, est Mme Abane Izza Bouzekri. »

    Hafsa rejoint l’école de Fontaine fraîche dès le déclenchement de la Deuxième Guerre mondiale. Le climat tendu dans la capitale inquiète et dissuade sa famille qui part à Aïn Lahdjel, « où les aléas de la guerre sont plus supportables ». Dans cette ville, située entre Sidi Aïssa et Bou Saâda, Hafsa effectue son cursus scolaire classique dans une école rurale. « Les journées étaient éprouvantes, avec un régime draconien à la stalinienne. On se levait à 5h du matin pour aller réciter le Coran et accomplir la prière du fadjr. On revenait à l’école où les cours étaient dispensés de 7h30 à 12h. On y retournait après la prière du dhor, jusqu’au crépuscule. On était lessivées, complètement épuisées. »

    A la fin de la guerre, la famille retourne à Alger, où son père officiait à l’Ecole de l’Allée des Mûriers, à Belcourt. Mais, deux ans plus tard, il est muté à Bou Saâda où Aïssa est promu directeur en remplacement de Grimal. « C’était un tournant pour l’enseignement dans cette ville où les indigènes, réduits à des citoyens de seconde zone, seront réhabilités et verront s’offrir à eux davantage de chances de réussite », nous dit Djamel, frère cadet de Hafsa. A Alger, Hafsa passe avec succès son brevet au lycée de Maison carrée, devenu lycée Ourida Meddad, « l’une des premières filles que j’ai recrutées au sein de l’Organisation ».

    Une brillante élève

    « Au lycée, les disparités étaient flagrantes et les colons concevaient mal la présence d’une Arabe, à tel point qu’ils exploitaient le moindre prétexte pour me décourager. Par exemple, la directrice m’avait imposé l’arabe dialectal à l’examen, alors que j’avais opté pour l’anglais. » En 1951, Hafsa passa avec brio le probatoire du bac en sciences élémentaires, ce qui lui ouvre les portes du lycée Fromentin (Descartes), où elle décroche la deuxième partie du baccalauréat. « Je voulais faire médecine, mais mon père ne voulait rien entendre. Jugeant cette spécialité à risques pour une femme obligée d’être sur ses gardes même la nuit pour les cas urgents.
    Compte tenu des considérations de l’époque, et surtout du statut insignifiant de la femme, cette projection était une vue de l’esprit considérée par les mâles comme une atteinte aux valeurs ancestrales. Mon père me suggéra de faire de l’enseignement. Mais ce n’était pas ma vocation. Je voulais à tout prix être au service de ces femmes malheureuses, délaissées, au bord du désespoir. Finalement, j’ai dû accepter la proposition de mon père. J’ai enseigné une année à l’école de filles de Bou Saâda. A l’époque, une femme ne sortait pas sans voile. Imaginez ma position. Cela a été une révolution, mais c’était pénible. Mon père s’en est rendu compte. Il a vu que je m’ennuyais, alors il m’a débrouillé un stage en pharmacie que j’effectuais en parallèle à l’enseignement. En 1953, je remonte sur Alger pour passer l’examen de pharmacie, en priant Dieu de me compter parmi les ‘‘recalé(e)s’’, tant je tenais à la médecine. Finalement, j’ai réussi et j’ai dû me résoudre à mon sort. C’était mon destin ! »

    Les conseils de Abane

    « On habitait à Notre-Dame d’Afrique, et comme j’étais une lectrice acharnée, j’ai lu sur le journal, au printemps 1954, la déconfiture de Dien Bien Phu et la débandade française. Je me suis dit : ‘‘qu’est-ce qu’on attend pour leur donner le coup de grâce ?’’ J’étais déjà psychologiquement préparée et lorsque la déflagration du 1er Novembre se produisit, j’étais folle de joie en compagnie de mon amie Izza Bouzekri, avec laquelle on s’était échinées à trouver une alternative pour entrer dans l’organisation. Izza, devenue Mme Abane, trouve un contact, et, dès juillet 1955, on était dans la Révolution. On a activé avec Amara Rachid, Lounis, Sabor, Taouti, etc. J’activais à Alger au sein du fln. Je recrutais les jeunes filles disposées à entrer dans la lutte.
    Le siège des sœurs blanches, au-dessus de la fac centrale, était notre port d’attache qui n’éveillait aucun soupçon. C’est là que j’ai rencontré Kebaïli Ouassila et Ourida Meddad. C’étaient des lycéennes. Je les ai fait rentrer au fln. c’est par le biais de Amara que j’ai connu Abane Ramdane. J’activais dans un réseau. Abane et Ben M’hidi avaient voulu donner corps à la Révolution en incitant les étudiants à se présenter aux élections de l’ugema. Ça a été une révolution, un véritable plébiscite. On aurait dit que les Algériens n’attendaient que ça. Le président élu était Benyahia. Zoulikha Bekadour, qui était en propédeutique, a été élue trésorière et moi en qualité de secrétaire générale. C’était une aubaine pour moi, une chance extraordinaire, mais aussi une couverture pour mes activités militantes.

    On a organisé des conférences, des débats à la salle des Actes et la Robertsau avec des musiciens, des artistes. On s’est réappropriés la parole. J’envoyais tous les documents aux organisations internationales pour les alerter sur toutes les exactions, toutes les atrocités commises par l’occupant français. A un moment, le vase a débordé, on ne pouvait plus reconnaître la France. On n’allait tout de même pas encadrer des cadavres ! Abane m’avait mise en contact avec Nassima Hablal et Izza, tout en me suggérant d’opter pour la clandestinité afin d’assurer ma sécurité… J’étais hébergée chez une famille française progressiste, les Coudre, dont le mari était surveillant général à l’Ecole normale de Bouzaréah.

    En mai 1956, j’ai pris le maquis. A Bordj Menaïel, j’ai rencontré Si Salah Zamoun, ainsi que M’hamed Bouguerra à Palestro, qui voulait que je reste dans la région, mais pour une question d’efficacité je voulais activer ailleurs pour être plus utile. En septembre 1956, après le congrès de la Soummam, j’ai rencontré Si Cherif Mellah à Berrouaghia. Je m’occupais des blessés. Je les soignais. J’étais carrément autonome dans mon infirmerie ambulante. J’ai mis à contribution toutes les relations de mon père pour m’approvisionner en médicaments. Pour soulager les grandes douleurs, le somnifère était toujours sur moi, je peux témoigner qu’il y avait des massacres terribles infligés aux familles hébergeantes.

    On m’avait chargée de former des infirmières pour les premiers soins d’urgence du côté des Douayer. Je changeais de prénom à chaque fois, à telle enseigne que l’ennemi a cru à l’existence de plusieurs infirmières. Ça les a complètement déroutés. Comme j’étais recherchée, je me réfugiais chez ma tante à Aïn Boucif. La situation se compliquait. Mon père, Aïssa, a été relevé de ses fonctions et expulsé. comme j’étais activement recherchée, le fln m’a demandé de partir. En 1958, je pars à Lyon puis en Suisse pour joindre la Tunisie où j’étais surveillante dans un lycée, alors que papa enseignait dans un établissement à Djendouba. Je me suis inscrite en droit tout en poursuivant mes études en physique-chimie biologie ».

    Secrétaire générale de L’UGEMA

    Hafsa active au bureau de l’ugema à Tunis. Invitée en tant que membre observateur au congrès de l’uget à Monastir, l’Ugema s’illustre à travers Hafsa qui réplique sèchement à Bourguiba qui avait répondu méchamment au mémorandum du Dr Lamine Debaghine. Elle poursuivra son combat jusqu’à l’indépendance, et elle ouvrira une pharmacie à Bab El Oued, qu’elle fermera pendant une année, en 1964, pour protester contre les propos irresponsables de Ben Bella qui avait déclaré que « la place n’était plus au stylo mais à la pelle », peu après avoir commis cette autre ineptie appelant le peuple à aller « dégraisser dans les hamams les bourgeois. » Hafsa goûte à une paisible retraite depuis 1989. Parler avec elle du statut de la femme ? Son exaspération n’a rien d’un coup de sang, ses paroles ne sont pas prononcées sous le coup de l’emportement.

    Depuis toujours, elle s’échine à lutter contre les inégalités avec un œil critique qui ne plaît pas forcément aux décideurs. Le combat qu’elle a mené est aussi intimement lié à celui de la femme, fait-elle savoir, en continuant à servir, bon an mal an, la cause et se méfiant toujours de l’instrumentalisation politique qu’on en fait. « Vous savez, les balles de l’ennemi n’ont pas choisi les poitrines des hommes et des femmes qui sont morts vaillamment au champ d’honneur. La femme est l’un des piliers de la société. Elle n’est pas égale, mais le complément de l’homme. Actuellement, il y a beaucoup d’entraves pour l’émancipation de la femme. Le code de l’infamie n’est pas juste. Mettez-vous à la place de la femme répudiée après 40 ans de mariage et qui se retrouve à la rue atrocement seule au ban de la société. Il faut que cela change, même si des avancées appréciables ont été faites. En tout cas, j’estime que notre combat n’a pas été un simple coup d’épée dans l’eau. Il n’a pas été vain même si nous constatons des dérives regrettables. »

    Parcours : Née en 1933 à Bou Saâda, Hafsa Bisker a bientôt 77 ans, et garde toujours la même verve et la même détermination. A 20 ans, elle s’engage dans la Révolution. Ni son statut d’infériorité par rapport aux hommes ni les rigueurs des maquis ne la découragent. Elle s’acquitte convenablement de ses missions. Intellectuelle, elle a décroché son bac au début des années cinquante, elle mettra son savoir au service des autres, notamment les plus démunis pour lesquels elle s’est battue et continue de se battre. Militante des droits des femmes, elle s’en prend au code de « l’infamie » qui est loin de régler les problèmes auxquels est confrontée la gent féminine. Pour elle, la femme est le complément de l’homme et, pour avancer, une société a besoin de ses deux jambes. Pharmacienne à Bab El Oued, elle a tenu son officine durant de longues années avant de prendre sa retraite en 1989.

    Par Hamid Tahri – EL WATAN 11/03/10

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