Lundi 19 Aout 2013
«Le commerce est l’école de la tromperie» Vauvenargues
«Chacun son métier et toutes les vaches seront bien gardées». C’est ainsi que Ammi El Hocine concluait chaque critique acerbe qu’il faisait à propos des nombreux problèmes que rencontrent les citoyens dans n’importe quelle démarche qu’ils entreprennent. «Personne ne fait son travail et personne ne contrôle personne! A ce rythme-là, on va bientôt se retrouver ex æquo avec la Somalie.» Il faut dire que Ammi El Hocine en a lourd sur la conscience et il m’a approuvé dès que je lui ai posé le problème du service minimum des commerçants pendant les jours de fête. Il faut dire que la plupart des vieux retraités de France et de Navarre sont révoltés par le vide sidéral que produit chaque fête religieuse. Autant fermer les services des urgences des hôpitaux. Quand je lui ai touché un mot sur la conduite de certains prestataires de services comme les commerçants en denrées alimentaires ou les chauffeurs de taxi, il m’a répondu vertement: «Un pays où on ne sanctionne pas ce genre d’abus, n’est pas un pays. On a beau dire que charbonnier est maître chez lui, tout de même, le prestataire de service a un contrat social avec ses clients. On n’a jamais entendu parler de sanction frappant les contrevenants.» Il faut dire que du «casino» (c’est ainsi que l’on surnomme ce coin d’espace vert où les vieux jouent toute la journée aux dominos), on a une vue imprenable sur la route du marché et sur l’allée centrale que traversent à vive allure, dans les deux sens, les voitures venant de l’autoroute pour stationner devant les nombreuses échoppes qui jalonnent l’allée. C’est un cinéma permanent auquel est convié tout oisif qui vient tuer le temps en ce lieu privilégié. On regarde les gens vivre et on vit deux fois leurs problèmes. Pour être plus explicite, il faut faire l’historique de cette immonde cité que des planificateurs sans imagination avaient conçue sans prévoir les espaces pour les commerces et les services idoines. Des tours ont été posées çà et là et elles ont été envahies par une population de plus en plus nombreuse: la courbe démographique avait dû percer tous les plafonds que des planificateurs optimistes avaient dessinés. Au début de l’implantation des pionniers, il y avait juste deux boulangeries pour servir des milliers de bouches affamées dont le pain demeurait l’aliment de base. Il fallait se lever aux aurores pour acheter un pain de médiocre qualité ou bien en trimballer la charge à partir de la capitale. C’est ainsi que d’ingénieux jeunes s’improvisèrent commerçants: ils se mirent à vendre au bord de l’allée, dans des corbeilles en roseau, un pain acheminé à partir des boulangeries. Personne ne pouvait interdire cette forme de vente peu hygiénique dans un quartier où la question de l’approvisionnement en pain est problématique. Il y eut bien de timides tentatives de la part des policiers, mais en vain. C’est alors qu’arriva l’APC du parti dissous qui installa des échoppes en béton et les distribua à ses sympathisants. Certains se transformèrent illico en vendeurs de pain et de lait, denrées qui étaient rares sur la place. Chacun y trouva son compte, le commerçant comme le consommateur. Tout se gâta quand arrivèrent les premières pénuries de lait en sachet. C’est alors que certains distributeurs de ce précieux produit subventionné par le même gouvernement qui est chargé de contrôler et d’en assurer la distribution changèrent de comportement: non seulement ils se donnèrent le droit de cacher une partie de leur marchandise pour la réserver à «des clients» mais aussi, ils tentèrent d’imposer une vente concomitante: celui qui veut du lait subventionné doit acheter des croissants et du pain exposés à la poussière de la route. Il y en a même qui prenaient plaisir à invectiver les clients obligés de faire la chaîne…
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21 août 2013
Selim M'SILI