Les départs sont toujours douloureux, alors que les ports sont faits pour accueillir… l´arrivée des navires.
Il y a des situations inexplicables. Des moments où la pensée se fige. Aux angoisses, le vide, dans toute sa plénitude, fait écho. Comment expliquer la force de vivre face à l´abîme, la mort? Ils étaient nombreux, très nombreux les visages de ces amis, voisins, inconnus inondant de leur regard la tristesse qui m´étouffait. Leurs paroles, leurs tapes sur l´épaule devenues soudain des océans de tendresse. Je n’étais plus seul. Je découvrais, étonné, cette grande famille, moi qui me croyais seul. J’apprenais à nouveau qu´il reste tant d´humanité dans chaque Algérien, alors que les affres de la décennie noire m´avaient fait douter jusqu´à la nature primaire des hommes que nous sommes. Le soir, les yeux grands ouverts, j´écoutais Bouali, l´amoureux de littérature, Abdelkrim, l’animateur de la radio locale de Chlef, Abad, l´intellectuel révolté, Ali, le journaliste d’investigation venu d´Alger… et bien d´autres, parler de l´Algérie, des derniers événements de Chlef, de culture, d´histoire, d´avenir. En cette veillée un peu particulière, je revivais, face à la mort qui a failli me vaincre tant l´être qui nous avait quittés nous était (nous est) cher.
Faut-il des moments de grande douleur pour découvrir que la vie n´est jamais finie, et que ce que nous appelons espoir n´est en fait que son moteur? Et puis Magani Mohamed, écrivain discret mais combien profond, riche, simple qui m´édifiait sur son «combat» pour créer une «résidence pour écrivains». Comme dans les pays qui magnifient la création, la littérature, l´art, la culture.
Pour faire reculer le pessimisme, le renoncement, l´échec, l´abandon, le fatalisme de nos visions sur l’avenir de l´Algérie. Sur notre avenir commun. Oui, la littérature est la vie.
Elle permet de vaincre notre condition de mortel et nos peurs de tous les jours. Là, où tu reposes, toi qui m´as quitté, vois-tu, tu n´es plus seule toi aussi. J´ai appris que pour que tu ne meures pas, je dois continuer de vivre.
D´écrire. Battre définitivement la mesquinerie de la mort, la ridiculiser, lui dire que nos chemins se croisent par la nature des choses, mais que nous prenons toujours celui de l´espoir, de l´infinie bonté de la vie.
Celle que tout un chacun cache dans son coeur et qui n´ose, souvent, pas la manifester de crainte d´être traité de faible. Non, il reste des immensités d´amour et de tendresse dans le coeur de chaque Algérien. Nous avons toutes les raisons d´espérer un grand pays, parce que nous avons un grand peuple.
Merci, Maman de m´avoir appris ta dernière leçon de la vie. Pardonne-moi, mon cher rédacteur en chef, pardonne-moi cher lecteur, mon ami, mon semblable pour la faiblesse de dédier cette chronique à la vie.
bouzinamed@yahoo.fr
21 août 2013 à 4 04 29 08298
Mohamed Magani
Mohamed Magani est né en 1948 à El Attaf, petit village situé à Aïn Defla. Après des études à l’université d’Alger et à l’université de Londres, il a enseigné de 1985 à 1995 au Centre national pour la formation des enseignants et à l’université d’Alger. De 1995 à 1999, il est « writer in residence » à Berlin. A cette époque, il est invité aux Journées littéraires de Mon-Dorf (Luxembourg, 1997). Il vit actuellement en Algérie.
1990-1991 : Vice- recteur, UFC.
1991-1995 : Chargé de cours à l’Institut des sciences de l’information et de la Communication
Enseignement assuré : Méthodes de recherche en sciences sociales.
1995-1999 : « Écrivain en résidence », en exil à Berlin, à l’initiative du Parlement International des Écrivains et du DAAD (Berlin) « Arnold-Zweig Stipendium »
1999-2001 : sans travail.
2002- – Chargé de cours, Université d’Alger.
Enseignements : méthodes de recherche en sciences sociales; Anglais
2003 : Fondateur et Président du Centre PEN algérien
2005 : Membre du Comité Exécutif du PEN International (Association mondiales des Écrivains).
2006 : Membre du Comité International d’Orientation, FESMAN III, (Festival Mondial des Arts Nègres, Dakar, 2008)
Publications
La Faille du ciel, roman, Enal (Alger), Publisud (Paris), 1983
Grand Prix Littéraire International de la Ville d’Alger
Esthétique de boucher, roman, Enal, 1990; Die Ästhetik des Metzgers, Kinzelbach, 1998, Estetica de Macellaio, Edizione de la Meridina, 2002; Besa, 2007
Un Temps berlinois, roman, Publisud, Paris, 2001, Besa, 2005
Le Refuge des ruines, roman, Barzakh, Alger, 2002
Une Guerre se meurt, roman, Casbah, 2004
Scène de pêche en Algérie, nouvelles, Dar El Gharb, 2006
An Icelandic dream, nouvelles, Ijtihad/Epigraphe, Alger
Please pardon our appearance … nouvelles, The Tufnell Press, Londres
Histoire et sociologie chez Ibn Khaldoun, essai, OPU, Alger
Enseignement primaire, où en sommes-nous?,essai, Ijtihad, Alger
Nouvelles et textes sont apparus dans : New Rundschau, Lettre International, Berlin Salz, Nouvelles/Nouvelles, Paris, Le Jardin d’Essai, Paris, Diner’s Club Magazine, Vienne Banipal, Londres, Si Scrive, Words Without Borders, New York., 91stMeridian, IWP, University of Iowa.
Dernière publication sur 1.Bonjour de Sougueur : Mon bébé, Justin, me manque beaucoup