Par Ahmed BEN ALAM
Il y a un militantisme d´agitation qui consiste à toujours être plus offensif que les autres, même quand les idées développées sont des idées courtes. Autrement dit, la valeur des idées est inversement proportionnelle à la puissance de décibels de leur émetteur. La devise en l´occurrence est simple: il s´agit de crier plus haut que les autres. «Je crie donc j´ai raison.». C´est la raison de celui qui hurle plus fort que les autres qui l´emporte. A l’heure où l´on parle de démocratie, de bonne gouvernance, de lutte contre les inégalités sociales, de défense des minorités, de réformes économiques, d´arrêt de la violence, cette façon d´agir vient parasiter inutilement les débats, pour ne pas dire qu´elle empêche le débat. Pas de débat, donc tout va bien ! se disent ceux qui monopolisent la parole, on peut continuer à faire notre salade, notre macédoine estivale, les affaires marchent bien. Tant mieux clament-ils en catimini.
L´autre tactique affectionnée de ces milieux est celle du matraquage. Ainsi en plus de brailler comme des bêtes de somme, ils aiment aussi répéter toujours la même chose. Plus perroquet que ça, tu meurs! Parce qu´ils sont persuadés d´une chose: à force de seriner toujours la même litanie aux gens, même quand c´est faux, ils finissent par se convaincre que c´est vrai, et que de toute manière, c´est ce qu´il leur faut. Soit par lassitude, soit par autosuggestion, les pires mensonges deviennent les meilleures vérités. Pour les empêcher de réfléchir, on réfléchit à leur place. C´est si simple, n´est-ce pas!
La méthode a déjà été testée par tous les dictateurs, de Staline à Mussolini, mais aussi par des gouvernements qui se disent démocrates et qui ont chargé, à toutes les époques depuis les années 1920, soit depuis le développement des médias de masse, des laboratoires universitaires de réfléchir à la meilleure manière de contrôler les consciences des gens et des moyens qu´il faut mettre en oeuvre pour arriver à cette fin. Avec le temps, bien sûr, les démocraties sont parvenues à la conviction que la meilleure arme pour mieux communiquer reste le langage de la vérité, parce que les opinions se basent beaucoup plus sur les relations interpersonnelles et sur des leaders d´opinion que sur les matraquages médiatiques, surtout quand ils sont très mal faits, et qu´ils ne tiennent pas compte de la majorité silencieuse. Les minorités agissantes restent ce qu´elles ont toujours été: des tonneaux vides qui résonnent quand on leur donne des coups et qui peuvent peser sur le cours des choses pendant un instant, mais à la longue elles prêchent dans le désert.
Bien sûr, l´ennemi de cette façon de faire n´est autre que le pluralisme des idées. Pour eux, il s´agit à tout prix d´empêcher l´expression des idées différentes ou divergentes. Ils oublient qu´avec son regard qui porte loin, Aigle noir fume le calumet de la paix en se tenant au-dessus de la mêlée. En Algérie, on a eu l´époque de l´unicité de pensée. Les choses étaient claires. La démocratie n´existait pas. Mais même depuis l´avènement du multipartisme et de la liberté de la presse, – malgré l´existence de dizaines de partis et de dizaines d´organes, on a l´impression d´assister au rétrécissement du champ politique et de la diversité des opinions. Le foisonnement des titres existant sur le marché ne garantit pas encore le pluralisme réel des idées. Et tout le drame est là, d´autant plus que lorsqu´une idée différente en vient à se faire jour, on crie haro pour la faire taire immédiatement, ou pour la couvrir avec le tapage et le tintamarre médiatique habituel.
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20 août 2013
Ahmed Ben Alam