Par Ahmed BEN ALAM
La rentrée en Algérie, c´est aussi les cordons de la bourse. Parallèlement aux gosses qui reprennent les chemins de l´école, les adultes font les comptes. A l´heure où partout ailleurs, on discute ferme de l´élaboration de la loi de finances de l´année à venir, en Algérie c´est la loi de finances complémentaire qui vient en discussion devant la commission des Finances et budget de l´Assemblée populaire nationale. C´eût été une exception en 2005, on aurait dit ok c´est normal. Ça peut passer. Mais en fait, ça devient une habitude. C´est chaque année en été qu´il faut refaire la loi de Finances pour corriger les erreurs, repasser une couche, rattraper d´une main ce que le précédent ministre des Finances avait laissé filer.
Ici en l´occurrence, il y a tellement de choses à rattraper, dans l´esprit du législateur: il y a d´abord l´interdiction de l´importation des voitures de moins de trois ans à entériner. Il y a aussi encore et toujours cette disposition qui concerne la levée de l´interdiction de l´importation des vins. Ces deux clauses à elles seules sont révélatrices de l´état d´esprit qui règne en haut lieu, et du climat de confiance prévalant entre l´exécutif et le législatif, comme si le gouvernement, formé d´une coalition dont les élus dominent largement l´hémicycle, était incapable de tenir ses troupes. Chacun n´en fait qu´à sa tête. Il y a des coteries, des chapelles, des clans qui traversent les trois partis (FLN, RND et MSP) qui n´obéissent pas aux critères en usage. Au sein de l´assemblée, tout en étant acquis politiquement au gouvernement, ces courants informels ont leur logique qui obéit à des sensibilités que la politique traditionnelle n´exprime pas. Sur certaines questions, on voit même des élus de l´Alliance faire jonction avec El Islah ou le PT. Ou inversement. C´est-à-dire que l´on voit de grands fleuves aller déverser leur eau dans des affluents, des voies secondaires qui ne cachent pas leur opposition au gouvernement.
L´autre caractéristique de cette loi de finances complémentaire, c´est qu´elle porte l´empreinte de Mourad Medelci, dont on connaît les tendances libérales et les affinités avec le patronat. Mais ce n´est pas la principale carte de visite de ce chevalier servant de la libre entreprise. Medelci connaît bien aussi le fonctionnement du commerce extérieur, pour avoir été à la tête du département du Commerce et pour être tout simplement un habitué des transactions commerciales. A ce titre, il est mieux placé que quiconque pour amorcer l´assainissement du commerce extérieur.
Le fait en outre de coïncider avec le début d´application de l´accord d´association avec l´Union européenne, fait de cette loi de finances un observatoire idéal du commerce extérieur.
L´une des nouveautés donc de cette loi de finances complémentaire concerne l´activité des sociétés à responsabilité limitée, Sarl, auxquelles il est demandé de se doter d´un ou de plusieurs commissaires aux comptes, choisis parmi les professionnels inscrits au barreau.
Quant aux activités d´importation et de revente en l´état de matières premières, elles sont désormais réservées aux seules entreprises dont le capital est égal ou supérieur à 20 millions de dinars. Autre nouveauté de cette loi complémentaire, elle concerne la contrebande, qui est désormais assimilée au grand banditisme et est sévèrement punie par la loi. Et puis bien sûr, cette loi tombe à pic avec le plan de consolidation de la croissance et le lancement du plan quinquennal 2005-2009.
En résumé, on peut dire qu´en courant derrière la loi de finances, les grands argentiers successifs s´aperçoivent qu´en fait c´est elle qui court derrière eux. C´est l´histoire du poisson qui se mord la queue.
19 août 2013
Ahmed Ben Alam