Par Ahmed BEN ALAM
Mettez côte à côte Belaïd Abrika et Abdelmadjid Sidi Saïd. Tous les deux sont hirsutes. La barbe de Abrika est fournie et d´un noir de jais. Elle est un peu messianique et elle cadre avec la mission de leadership d´Abrika au sein d´un mouvement citoyen qui a fait bouger les choses dans le pays.
Celle de Sidi Saïd est poivre-sel. Elle est clairsemée, dans un négligé qui sied bien à l´image que veut donner de lui le secrétaire général de la Centrale syndicale: celle d´un représentant des travailleurs plutôt soucieux de la défense du pouvoir d´achat des catégories sociales défavorisées que de sa propre mise.
La longueur de la barbe n´est pas la même, mais ce n´est pas ça qui est important. Elle réside plutôt dans leur manière d´aborder les problèmes.
Sidi Saïd réfléchit avant de tirer. Abrika tire avant de réfléchir. Vous allez dire: oui, ils sont pareils. Les deux tirent et les deux réfléchissent. Mais que faites-vous donc de cette quatrième dimension qu´est le temps? Avant ou après, ce n´est jamais kif-kif!
Néanmoins, il y a un point commun entre les deux. Il s´appelle Ouyahia. En dialoguant avant les faits avec Sidi Saïd (il annonce toujours à l´avance les deux jours de grève générale) et après coup avec Abrika (on brûle les pneus d´abord et on négocie ensuite l´application de la palte-forme d´El Kseur), le chef du gouvernement parvient à être le trait d´union entre les deux. C´est un tour de force qui mérite d´être signalé. Sur la lancée, Ahmed Ouyahia programme quelques meetings de soutien à la charte pour la paix et de la réconciliation. «Mais, vous confirmera Fayçal Oukaci, le soutien ne tient qu´à un fil. Bien des femmes vous le diront», précisera-t-il.
Dans son dernier clip, Kadhem Essaher, sans doute l´un des meilleurs chanteurs arabes de ces années 2000, a aussi laissé pousser quelques poils, plus poivre que sel. Personne ne lui a demandé à lui de donner son point de vue sur la charte pour la paix et le référendum du 29 septembre, et pourtant, en tant qu´Irakien d´abord et artiste ensuite, il ne fait aucun doute que toutes ces questions l´interpellent, et connaissant sa sensibilité, on sait que ça le travaille.
De même lorsque Baâziz fut questionné sur l´utilisation publicitaire de sa chanson Algérie mon amour, il a donné une réponse qui a laissé pantois plus d´un. «C´est une chanson que j´ai dédiée à l´Algérie. Je n´ai touché aucun sou en tant qu´auteur.»
Comme quoi, certaines choses qui ont semblé aller de soi, sont pourtant mal perçues, et ce n´est qu´après explication qu´on en saisit le sens. Et puis les artistes algériens, autant que Kadhem Essahar l´Irakien, ont besoin de la baraka pour que leur message ne soit pas dévoyé.
Car la baraka, c´est comme le train, il faut être là quand elle passe. Sinon elle part sans vous, et vous restez là sur le quai, à attendre le prochain convoi, à côté d´un élevage de lapins, d´une procession de dindes, d´une bûche dans la cheminée, d´un collier de viande boucanée pour l´Achoura, avant l´heure.
Cependant, un ratage de train peut aussi être bénéfique, puisqu´il vous oblige à une traversée du désert. C´est là qu´on apprend à connaître les hommes. Ainsi que les vrais et les faux amis, qui sont aussi rares que le merle blanc.
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19 août 2013
Ahmed Ben Alam