Une ville, une histoire
Saïd
Nostalgie - En 1968, le journal local La République recevait une curieuse carte postale de… Caracas, signée par un certain Saïd. Elle était envoyée avec un mot dont les journalistes de l’époque se souviendront encore longtemps.
Le phénomène de la harga n’est pas si nouveau que cela dans note pays, sauf qu’aujourd’hui il prend des proportions alarmantes et atteint toutes les strates de la jeunesse.
Il est difficile de faire l’historique de ce mouvement tant il est débridé mais on peut au moins parler de l’histoire de l’un des premiers harragas du pays, sinon le premier.
C’est Saïd, un chômeur oranais.
Sans diplôme, sans métier et quasiment sans revenu comme d’ailleurs des milliers d’indigènes de la ville, il ne survivra qu’en gardant les voitures à la place d’Armes, aujourd’hui place du Premier Novembre. C’est à midi généralement qu’il pouvait se faire un peu de monnaie car c’était l’heure où la plupart des fonctionnaires de l’opéra, de l’hôtel de ville et de l’hôtel des finances venaient récupérer leurs voitures pour aller déjeuner ou prendre l’apéro.
Nous sommes en 1930 et Saïd a 20 ans. Et à force de côtoyer tout le monde, il fera connaissance un jour et par le plus grand des hasards d’un matelot originaire d’Alger en permission chez une vieille tante.
Les deux hommes se lièrent d’amitié, se firent des confidences et convinrent de s’aider mutuellement et surtout de se revoir régulièrement.
Et c’est ainsi que le matelot de connivence avec quelques membres de son navire, propose à Saïd de l’embarquer dans la cale. Saïd accepta avec joie dans l’espoir de changer de vie sous d’autres climats et de réussir loin de cette ville qui ne lui a apporté que misère et souffrance.
Nous sommes en janvier 1932 quand Saïd foulera pour la première fois le sol de Marseille.
Puis silence radio. On perdra définitivement sa trace.
Etait-il mort ? S’est-il intégré dans la société française ? S’est-il marié, s’est-il fondu définitivement dans l’anonymat ? Personne ne savait rien, pas même son frère cadet resté au pays.
A la longue sa famille finira par faire le deuil de son fils.
En 1968, le journal local La République recevait une curieuse carte postale de… Caracas, signée par un certain Saïd.La carte était envoyé avec un mot dont les journalistes de l’époque se souviendront encore longtemps.
«Dites aux anciens Oranais qui se souviennent encore de moi que Saïd, l’ancien gardien de voitures de la place d’Armes, les embrasse et qu’il est toujours gardien de voitures…»Et en bas cette émouvante adresse :
Saïd, gardien à l’hôtel Plazza.
Abdenour Fayçal
15 août 2013
une ville ,une histoire