Une ville, une histoire
Nostalgie - Un jour, mû par un impérieux désir d’exister et de sortir de l’anonymat, il acheta un drapeau algérien et alla le brandir seul sur une place publique en scandant le nom de son pays.
Il est né en Kabylie dans une famille nombreuse et même en France où il a émigré juste au lendemain de l’indépendance, il a toujours gardé au fond de son cœur, l’image de sa mère, de ses frères et de son village.
Pour des raisons professionnelles, il s’installera, dans les années 70, en Amérique du Nord, plus précisément à New York. Rien à voir avec Paris où, la au moins, il pouvait voir des compatriotes tous les jours, il lui suffisait d’aller à Barbès ou de se mêler aux clients du marché de Château rouge pour se croire au pays. Tout y était, l’ambiance des souks, leurs odeurs, leurs parfums et même quelques produits du terroir. Il pouvait, par exemple, acheter de la limonade Hamoud Boualem, des «m’hajebs» et même des crêpes à la mode de chez nous. Mais à New York, les choses étaient différentes et les Algériens n’étaient pas des masses. Il y en avait quelques-uns, mais ils étaient dispersés et noyés dans une mégapole qui comptait plus de 10 millions d’habitants.
Les nouvelles du village étaient rares et les communications étaient hors de prix. En plus, à cette époque, l’Internet n’existait pas.
Il passera dix ans confiné entre son travail et son domicile et les séances de jogging à Central Park pour évacuer. Et puis, de temps à autre, il trouvait une petite surprise dans sa boîte aux lettres, du courrier de ses amis ou une longue missive de sa famille qu’il lisait et relisait pendant une semaine pour se pénétrer des événements qui se passaient au pays.
Et puis un jour, mû par un impérieux désir d’exister et de sortir de l’anonymat, il acheta un drapeau algérien et alla le brandir seul sur une place publique en scandant le nom de son pays. Des dizaines de curieux s’agglutinèrent aussitôt autour de lui.
Un homme se fraya un chemin parmi la foule, s’approcha de lui et lui murmura quelques mots à l’oreille. Il n’en fallait pas plus pour que les deux hommes tombent dans les bras l’un de l’autre et éclatent en sanglots.
C’était un compatriote, un Algérien qui passait par là. Les New-Yorkais émus par cette scène insolite, applaudirent à tout rompre et quelques journaux en parlèrent même en première page.
Abdenour Fayçal
15 août 2013
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