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Algérie : le gouvernement met le cap sans tirer des leçons du passé par Reghis Rabah *

15 août 2013

Contributions

Ce n’est qu’en 2013 qu’on découvre subitement que le système bancaire national est obsolète, 99 000 commerçants fraudent le fisc, un taux de chômage de diplômés qui commence à inquiéter sérieusement, le marché informel, lui, menace l’économie nationale, les importations sont exagérées et qu’il va falloir les revoir, la nécessité de contrôler le marché du transfert de devises, le devoir de faire partir les retraités pour laisser la place aux jeunes, nos frontières sont devenues une vraie passoire pour le trafic de carburants, la corruption métastase la société, etc. 

On apprend aussi et à notre grande surprise que l’Algérie maîtrise parfaitement la dimension temporelle de sa stratégie (01). En cette approche de l’échéance électorale, la prochaine tripartite traitera le crédit à la consommation qui fera le bonheur des banques étrangères. Pour le gouvernement actuel, les hydrocarbures devront constituer le levier essentiel pour assurer tout cela et que le développement économique en perspective doit se faire avec le pétrole, énergie qu’il conviendrait de mobiliser au maximum de sa capacité pour booster encore plus l’économie nationale.(02) Pour lui, parler de l’après pétrole est un discours démagogique qu’on rabâche depuis 1962.Pourtant le discours d’aujourd’hui semble balayer du revers de la main la trajectoire du modèle de développement national pour prendre une autre orientation qui semble tout effacer pour repartir de zéro sans pour autant tirer la moindre leçon des erreurs du passé. Quelles sont justement chronologiquement ces erreurs ? Qui en est responsable ? Les orientations actuelles peuvent-elles contribuer à décoller l’économie nationale ? Sommes-nous en face d’un discours électoral qui ne fera qu’allonger l’économie de rente pour plusieurs générations ?

DES ORIGINES DES ERREURS

Contrairement à ce qu’on oubli de dire dans le discours actuel que les premières années de l’indépendance nationale, l’Algérie ne comptait que très peu sur la fiscalité pétrolière. Les hydrocarbures ont commencé à prendre du poids après la nationalisation pour s’imposer d’une manière définitive avec la réorientation de l’économie nationale du début des années 80. Qu’en est-il exactement ? Il faut rappeler que les années 70 ont connu une période où les hydrocarbures servaient d’assise pour le développement de tous les pôles de l’économie nationale dans l’avènement de ce qu’on appelait industrie industrialisante. Elle visait une approche auto -centrée pour qu’à long terme l’économie nationale ne dépendra pas uniquement du pétrole et ce sera justement le secteur industriel qui prendra le relais. Début des années 80, des technocrates fortement influencés par le modèle américain ont procédé à une destruction sous forme d’une restructuration organique et financière de tout le secteur économique à commencer par celui des hydrocarbures sensé servir d’appui aux autres secteurs. Cette approche part du principe que plus l’entreprise est petite plus elle est maîtrisable. Mais en éclatant les grandes sociétés nationales, cela a favorisé une cassure du processus intégré et un effritement du savoir et du savoir faire capitalisé pendant plusieurs années. Cela a vu des efforts et des sacrifices de toute une génération partir en fumée. La première conséquence : la chute brutale des prix du pétrole conjuguée à celle du dollar de l’année 85 ont trouvé une économie fragilisée, fortement dépendante de la rente pétrolière et un secteur industriel en décadence. Depuis cet échec, maintenant admis par tous, les gouvernements successifs ne cessent d’être contraint par la rue de cumuler erreur après erreur pour entretenir un climat social qui arrange les affaires d’un système né de cette réorientation de l’économie nationale. Le comble c’est à chaque fois qu’on échoue,on tente de mettre cette échec sur le dos de cette période dite dirigiste alors que c’était la seule qui avait pour objectif de sortir le pays de la dépendance des hydrocarbures. Ne sont-ils pas aujourd’hui entrain de conduire le développement économique en naviguant à vue ?

DU SUREFFECTIF DES ORGANISMES RESTRUCTURES

Le sureffectif en Algérie est la conséquence directe de la politique de plein emploi menée dés la promulgation du premier plan triennal et qui prévoyait l’emploi de toute la population masculine algérienne (03).Ceci paraissait logique étant donné le sens même de la révolution armée qui aspirait à l’épanouissement du citoyen algérien après une souffrance de plus d’un siècle d’indigénat. Les sociétés nationales restructurées avaient des objectifs politiques, celui de servir d’assise à l’indépendance économique de l’Algérie. Il était donc demandé aux salariés de les défendre comme des acquis de cette nouvelle bataille après celle armée. Parler donc comme l’ont fait ces technocrates de rentabilité et sur la base de simples opinions « mimétistes » les a dérouté. Les objectifs deviennent peu clairs, l’Etat qui assurait aux salariés presque tout (emploi, salaire, logement, règle leurs problèmes sociaux etc.) se désengage progressivement de leur environnement. L’erreur réside dans le fait d’avoir imposé un traitement économique aux problèmes du sureffectif alors qu’il est principalement et éminemment politique. Il s’agissait d’affectation arbitraire, de reconversion forcée voire de dislocation sociale. L’alliance est donc rompue. Sont apparues des fissures dans la cohésion sociale qui ont permis aux dysfonctionnements qu’on est entrain de subit aujourd’hui, de s’enraciner. Cette déroute a rendu l’Algérien au travail narcissique, replié sur lui-même et complètement désintéressé de l’intérêt général. Il ne pense qu’à lui et à son entourage immédiat et il éduque ses enfants dans ce sens. Les entreprises issues de la restructuration y compris Sonatrach ont été totalement noyautées par des recrutements familiaux lorsqu’ils ne sont de complaisance. Est instauré un processus d’encanaillement qui fait grossir ces cercles pour les rendre un champ de bataille favorable à la corruption mais très loin des objectifs de rendement tel que souhaité par ces technocrates. Pourquoi s’étonne t-on aujourd’hui que dans les dossiers de corruption en cours comme celui de Sonatrach I et II, lorsqu’un dirigeant est impliqué c’est toute sa famille qui le suit. C’est le cas de certains PDG de Sonatrach, de l’épouse du vice président commercialisation, la femme et les deux enfants de l’ancien ministre de l’énergie et des mines et ceci n’est que l’arbre qui cache la forêt. De la même manière les procès liés à la corruption sont fortement médiatisés mais n’aboutiront jamais en Algérie. Qu’avons-nous retenu de l’affaire Khalifa ? Les larmes d’émotion de la juge en charge du dossier, de l’acquittement total des cadres dirigeants qui ont reçu des enveloppes sous différentes formes. Le secrétaire général de l’UGTA qui « assume ». Le ministre qui a autorisé cette banque s’est trompé de champion. Le golden boy lui-même ne peut pas être extradé de la Grande Bretagne. Par contre, les seuls perdants restent ceux qui ont fait confiance à l’Etat pour déposer leurs économies qu’ils ne récupéreront sans doute jamais. Les affaires en cours risquent de suivre le même cheminement si des changements profonds ne se produisent pas dans la société.

DE LA LIBERALISATION DES SALAIRES

Il a fallu de nombreuses années après l’indépendance pour qu’enfin l’Algérie ait son propre code de travail. En effet, la loi du 5 août 1978, portant Statut Général des Travailleurs (SGT) remplace l’ordonnance du 02 juin 1966, elle-même issue de celle coloniale du 4 février 1959. Cette loi introduisait un système unique qui couvre toutes les activités de l’Etat et ses prolongements. Elle n’établit aucune différence de fond entre le secteur économique et administratif. Ceci paraissait aux yeux de ses initiateurs cohérents, étant donné les objectifs politiques assignés aux uns et aux autres. Pour l’approche technocratique, à partir du moment où il s’agit maintenant de rendre les activités plus compétitives, le SGT est apparu comme «un seul costume pour toutes les tailles» et donc les salaires devront être non seulement libérés mais aussi liés à la productivité et la performance de chacun. L’idée paraissait séduisante au départ mais dans les faits on a libéré les salaires en gardant le même mécanisme de régulation. En effet, le SGT a été remplacé par la loi 90-11 portant relation de travail amendée à deux reprises uniquement pour « tripoter » les verrous des licenciements et de la compression des effectifs. La régulation du travail continue jusqu’à ce jour d’être évaluée suivant un décret d’application du statut général des travailleurs. Il s’agit du décret 80-48 du 23 février 1980 et qui institue la régulation économique des salaires et de la stimulation matérielle collective et individuelle du travail. Ce qu’on appelle de nos institutions publiques administratives et économiques PRI/PRC. A Sonatrach, cette évaluation est faite parfois tous les cinq ans. C’est-à-dire la même note apparaît sur la fiche de paie du travailleur pendant plusieurs années. En d’autres termes, cette stimulation ne récompense pas l’effort fourni par le travailleur ou l’équipe mais devient une partie intégrante du salaire parfois même revendiquée en tant que droit. Résultat : une enquête de l’ONS a révélé en 2013 une grande disparité dans les salaires sans aucun lien avec les performances mais en fonction de l’activité de l’entreprise elle-même. Sonatrach par exemple qui commercialise les hydrocarbures payent beaucoup mieux que les filiales du groupe qui sont eux aussi du secteur d’activité. Ainsi, l’ONS note que le niveau des salaires nets mensuels de mai 2011 se situe à environ 29.400 DA. Il est de 41.200 DA dans le public et de 23.900 DA dans le privé national. Cette dernière confirme, si besoin est, que les activités pétrolières (production et services d’hydrocarbures) et financières (banques et assurances), restent les secteurs qui payent le mieux avec respectivement des niveaux de salaires relativement élevés avec 74.800 DA et 44.900 DA, soit 2,6 et 1,5 fois plus que le salaire net moyen global. Contrairement, les secteurs de la construction, de l’immobilier et services aux entreprises sont les parents pauvres avec des salaires inférieurs à la moyenne, c’est à dire respectivement 22.500 DA et 24.400 DA, soit 77% et 83% du salaire net moyen global. Ces salaires correspondent au montant effectivement perçu par le salarié et prend en compte le salaire de base, les primes et indemnités ainsi que les différentes retenues (impôts sur le revenu global -IRG-, sécurité sociale et retraite). En Algérie, le salaire de base représente 62% de la rémunération brute totale et les primes et indemnités 38%. Ces écarts de salaire trouvent leurs explications dans le cachet des entreprises activant dans ces secteurs. D’un côté, les entreprises qui emploient un grand nombre de salariés très qualifiés (hydrocarbures et banques) avec un système de rémunération spécifique. D’autre part, il y a les secteurs qui affichent une faiblesse relative des salaires due essentiellement à la prédominance du personnel d’exécution important et peu qualifié. Ainsi, un cadre perçoit un salaire net moyen de 55.200 DA contre 34.000 DA pour le personnel de maîtrise et 21.600 DA pour un salarié d’exécution. Ces différences sont plus marquées dans certains secteurs d’activité (industries extractives et la santé) où le salaire des cadres atteint respectivement 94.400 DA et 56.800 DA. Par contre, dans les secteurs (production, distribution électricité, gaz et eau) et (services collectifs sociaux personnels), les cadres ne perçoivent respectivement que 41.400 DA et 41.700 DA. Ceci, il faut le préciser ne concerne que les salaires moyens rentrant dans les grille visibles et conventionnées. La rémunération des cadres dirigeants, c’est une autre paire de manche. Les tentatives de lier les salaires aux performances individuelles ont presque toutes échouées ou restées à l’état embryonnaire pour la simple raison qu’il reste difficile de déterminer qui est rentable et qui ne l’est pas .On roule les pousses, parfois on tricote, on lit le journal et surtout on est derrière son micro pour suivre un jeu pour qu’enfin on revient aux injustices dues à la disparité salariale d’avant le SGT.

LA COOPTATION N’A PAS PERMIS L’EMERGENCE D’UNE ELITE MANAGERIALE

En dépit des sommes considérables consentis pour la formation dans l’espace et dans le temps des cadres dans les différents secteurs d’activité de l’économie nationale, l’ordre établi par le rouage clanique a empêché l’apparition d’une vraie élite de gestionnaires capables de conduire et de gouverner les entreprises publiques. Dans de nombreux cas, ce n’était pas le savoir et le savoir faire qui faisaient défaut mais c’est le savoir être et l’audace managériale qui leur manquaient. Ils obéissent et ne savent pas dire non quand il le faut. Si on se réfère aux affaires de Sonatrach par exemple, le passage d’à peine deux ans de Chakib Khellil comme PDG du groupe aura suffit pour violer la culture de cette entreprise cumulée depuis prés de 40 ans. Il a facilement réussi à mettre dans les postes clés ses collaborateurs du ministère notamment son directeur des hydrocarbures comme Pdg, son assistante aux ressources humaines et son chef de cabinet au secrétariat général du groupe. En dépit de toute une direction juridique dotée de cadres de haut niveau et formés dans les universités étrangères, il coopte un américain pour lui rédiger une loi rejetée avant même d’être mise en application. Cet américain a perçu une rémunération de 2 millions de dollars, démotivant ainsi les compétences qui ont vidé l’entreprise au profit de celles étrangères. Lorsque les deux principales affaires de Sonatrach se sont éclatées, c’est eux qui ont servi de fusibles en mettant tout sur son dos sans fournir la moindre preuve. Aujourd’hui si un mandat international est lancé contre lui, c’est parce que la justice algérienne est mise devant un fait accompli par le parquet de Milan et des fuites d’information ont circulé sur le fait qu’il avait nargué la justice algérienne qui l’a convoquée à deux reprises, uniquement pour répondre et confronter les lampistes qui l’accusent. Rôdé dans le système de gestion international et très informé des points faibles et des prédispositions des dirigeants algériens, cet ancien ministre instruit verbalement mais ne formalise que très peu. D’ailleurs, c’est durant son règne que s’est développé les réseaux Internet qui a remplacé la communication interne par soit transmis formalisé. On se contacte et on instruit d’une manière virtuelle. Désormais, ses collaborateurs appliquent les instructions la bouche ouverte car une de ses qualité c’est qu’il sait récompenser d’une manière pavlovienne l’obéissance par des artifices divers : mission à l’étranger, logements, recrutement de complaisance, avantages divers. La plus part de ses vice- présidents, le PDG actuellement sous contrôle judiciaire et de nombreux directeurs centraux ont bénéficié de logements dans la résidence Chaâbani en contractant des prêts CNEP que la Sonatrach paye, croit-on savoir indirectement sous forme de prime de logement cette fois – ci directement versé aux intéressés, en terme plus simple, le beurre et l’argent du beurre. Aucun algérien n’aurait pu imaginer que des cadres nationaux permettent ou ferment les yeux pendant que des étrangers comme SAIPEM vide le pétrole du gisement Sif Fatima ou le trafique de la filiale de Londres en attendant l’ouverture de la boite de Pandore par la justice d’autres pays. Plus grave à en croire un site électronique (4), la DRS enquête actuellement sur des taupes à l’origine d’importantes fuites d’information de Sonatrach vers ses conquérants. Si cette fuite se confirme, elle expliquerait pourquoi les investisseurs choisissent les gisements existants ou les blocs qui leur sont mitoyens. Depuis 1986, très peu sinon aucun d’entre eux n’a risqué un dollars pour rien. Tous les blocs ont été fructueux pour rendre ainsi le risque géologique du domaine minier algérien presque nul. Par contre, aucun de ses investisseurs ne s’intéresse aux 761. 751 km2 du domaine libre et que l’Algérie souhaite valoriser.

En conclusion, il est important de tirer les leçons du passé pour pouvoir faire un pas productif en avant sinon les mêmes méthodes produisent les mêmes erreurs.

Renvoi :

(01)- sa déclaration de Sellal sur l’échéance d’exploitation du gaz de schiste à l’horizon 2014.

(02)- réunion avec les représentants du patronat et de la centrale syndicale de l’UGTA en novembre 2012

(03) lire le préambule du plan triennal couvrant la période 67-69

(4)- Article paru sur le site de TSA, le samedi 10/08/2013 à 17 :31

* Consultant, Economiste Pétrolier

À propos de Artisan de l'ombre

Natif de Sougueur ex Trézel ,du département de Tiaret Algérie Il a suivi ses études dans la même ville et devint instit par contrainte .C’est en voyant des candides dans des classes trop exiguës que sa vocation est née en se vouant pleinement à cette noble fonction corps et âme . Très reconnaissant à ceux qui ont contribué à son épanouissement et qui ne cessera jamais de remémorer :ses parents ,Chikhaoui Fatima Zohra Belasgaa Lakhdar,Benmokhtar Aomar ,Ait Said Yahia ,Ait Mouloud Mouloud ,Ait Rached Larbi ,Mokhtari Aoued Bouasba Djilali … Créa blog sur blog afin de s’échapper à un monde qui désormais ne lui appartient pas où il ne se retrouve guère . Il retrouva vite sa passion dans son monde en miniature apportant tout son savoir pour en faire profiter ses prochains. Tenace ,il continuera à honorer ses amis ,sa ville et toutes les personnes qui ont agi positivement sur lui

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