Et la justice algérienne a fini par rattraper Chakib Khelil, l’ancien ministre du pétrole, ou du moins a failli saisir son ombre hilare qui n’en finit plus, elle, de nous rire au visage. Un rire tonitruant, de celui qui sait que rien ne peut arriver ni à lui, ni aux siens, qui a eu toute la latitude de venir et repartir sans être inquiété, de pouvoir vendre ses biens, de rapatrier enfants et argent et de s’installer dans son pays, l’Amérique. Cette Amérique qui n’extradera jamais un de ses enfants, reconnaissante pour tous les sacrifices qu’il a faits pour les intérêts de l’Oncle Sam. Le mandat d’arrêt international délivré par la Cour d’Alger, pour beaucoup d’Algériens de basse caste, vient en retard, a une odeur politique et ressemble à de la poudre aux yeux. Car comment peut-on extrader un citoyen américain, même s’il s’appelle Chakib, alors qu’on a n’a pas encore réussi à extrader un Algérien, qui s’appelle Moumen, d’Angleterre. La justice algérienne a fait son boulot en prenant tout le temps nécessaire pour s’intéresser à un dossier déjà ficelé par la justice italienne. Les Italiens ont fait le ménage, pointé du doigt les principaux accusés, même si cela n’a pas plu à Berlusconi, et a commencé à délivrer un mandat d’arrêt international contre un neveu de la République algérienne. Le tour de Chakib et sa famille allait logiquement suivre et de là à affirmer que les mandats étaient dans le tiroir de la justice, il n’y a qu’un pas à franchir allègrement, mais la justice algérienne a été plus prompte. Les mauvaises langues diront que c’est pour court-circuiter son homologue italienne et qu’il est plus difficile, voire quasi-impossible, d’extrader un justiciable américain en Algérie qu’en Italie. D’autres affirment que ce mandat pourrait sonner la fin de l’affaire « Sonatrach, le retour » et qu’avec la mise à mort de Chakib Khelil on serait tenté en haut lieu de fermer le dossier, manière de dire « Vous vouliez la peau du ministre, vous l’avez même si vous ne l’aurez jamais, alors circulez, y a plus rien à voir ». D’autres diront qu’en le sacrifiant, alors qu’il est à l’ombre de l’impunité du Texas, c’est le reste du clan qu’on protège. Que penser à la fin de cette décision ? Rien et tellement beaucoup. Elle ne fait qu’illustrer un peu plus l’image que nous renvoie l’éclat de nos propres souliers. Cette affaire ne pouvait épiloguer sur autre chose d’inhabituel. Même si c’est un ancien ministre qu’on recherche, l’acheminement du dossier a un air de « déjà-vu ». Que reste-t-il alors ? A part la trace des centaines de millions volées dans le tiroir-caisse de la République que l’Algérie ne récupérera jamais et les complicités qu’on ne dévoilera pas pour le moment ou d’ici cinquante ans, il y a les lampistes qui vont trinquer, même si c’est des seconds couteaux riches à millions de dollars et puis le rire gras et tonitruant de Khelil aux premiers jours de l’enquête. Un rire qui résonnera longtemps dans le vide de l’Algérie, jusqu’après la mort du ministre et de tous les ministres qui eux ne seront jamais inquiétés par la justice parce que inconnus de la justice des autres.
14 août 2013
Moncef Wafi