LA PETITE BIBLIOTHÈQUE DE L’ÉTÉ 2013 (I)
Entrez dans une maison de l’Esprit
Par Kaddour M’HAMSADJI
L’été, saison propice à la lecture… et au farniente
Les lecteurs curieux, les lecteurs inconditionnels, les lecteurs nouveaux se retrouvent toujours dans l’extraordinaire cérémonie de la découverte de livres.
J’ai bien reçu, en édition hors commerce, le nouveau roman Les Anges meurent de nos blessures de Yasmina Khadra; je l’ai déjà lu et j’ai éprouvé l’égal plaisir attendu. Je n’en dirai pas plus pour le moment, car cette oeuvre, annoncent les Éditions Julliard, ne sera officiellement en librairies qu’à partir du 22 août prochain. Sans doute me dois-je respecter la date de parution décidée par l’éditeur habituel de Yasmina Khadra, mais je présenterai Les Anges meurent de nos blessures d’ici peu. Pendant ce temps, bien que l’été soit bien avancé, le Ramadhâne aussi, les vacances largement entamées, les congés plus ou moins épuisés, la Petite bibliothèque de l’été 2013 – la septième depuis celle de 2007 qui en avait esquissé la tradition, celle «des lectures pour des heures creuses» – tient à rouvrir aujourd’hui. Depuis le dernier été à celui-ci, la rubrique hebdomadaire Le Temps de lire a essayé de présenter de nombreux ouvrages aux lecteurs de L’Expression. Le choix de ces ouvrages a été guidé par le désir de faire connaître avant tout la production de nos éditeurs et, par là, évidemment, les oeuvres et les auteurs susceptibles d’intéresser directement le lecteur algérien. Les fidèles de la rubrique auront constaté que presque tous les genres littéraires (roman, poésie, nouvelle, théâtre,…) et des sciences humaines (histoire, sociologie, psychologie, éducation,…) leur ont été proposés, – ce qui a eu précisément pour objet de faire, quelque peu, savoir et comprendre les formes de pensée qui prétendent nous instruire sur notre identité ou, tout au moins, nous procurer des éléments de portée générale pour enrichir notre propre réflexion sur la réalité véritable de tout ce qui nous entoure.
Le livre étranger nous intéresse évidemment; nous en avons besoin; les importateurs savent parfaitement leur métier pour attirer le public, le convaincre et lui vendre. Mais chez nous, faudrait-il toujours compter sur les hasards humains pour qu’un livre rencontre son lecteur?
Voici donc une première liste d’ouvrages qui pourraient aider nos lecteurs dans leur choix, s’ils n’ont pas déjà fait le leur par ailleurs…
CINQUANTENAIRE DU 17 OCTOBRE 1961 À PARIS, Droit d’évocation et de souvenance de Mohammed Ghafir dit Moh Clichy (Éd. Encyclopedia, Alger, 2012, 408 p.): «L’auteur raconte dans le détail l’horreur des événements du 17 octobre 1961 qui ont endeuillé les familles algériennes émigrées et celles d’Algérie et terni l’image de la France, celle que l’on appelle «la Patrie des Droits de l’homme et du Citoyen» en raison de la vocation universelle de sa déclaration adoptée le 26 août 1789. Formé spirituellement par la Révolution algérienne et forgé au feu des actions d’un militantisme éclairé et audacieux, «Moh Clichy», une fois revenu au pays à l’indépendance, s’est consacré à servir l’Algérie des Algériens engagés volontaires pour sa reconstruction.[...] En guise de témoignage sur les innocentes victimes de la répression policière française, il est une plaque commémorative à Bagneux portant cette inscription: ´´Le 17 octobre 1961, à Paris, une manifestation pacifique d’Algériens pour l’indépendance de leur pays était réprimée dans le sang. À leur mémoire, le 31 octobre 1961, square Montesquieu à Bagneux, une réunion du FLN Sud Parisien, destinée à faire le bilan des massacres du 17 octobre, était brutalement interrompue par la police.´´»
LES CAHIERS DE BELAÏD ou la Kabylie d’Antan de Belaïd Naït Ali, (Éd. Dar Khettab, Boudouaou, Alger, 2009, 532 p.): «Les «Cahiers» illustrent – mêlant philosophie, morale et logique – la foi et l’amour d’un homme en détresse de vie, luttant pour sa vraie et libre existence dans son propre pays. L’aventure est ici humaine; elle est sublime. Le premier «cahier» a été commencé en mai 1945 et le dernier (noté «septième bis») a été terminé en décembre 1946. [...] C’est l’histoire de vie de Belaïd (le commun des mortels) rapportée dans ses propres récits. En effet, en maints endroits, transparaît une condition humaine tragique formant un oxymoron parfait: le mort-vivant. Comment vivre lorsque tout est consacré à l’apprentissage de la mort et que mourir est encore plus difficile? Cet esprit, si déterminé à ne rien céder au malheur et pourtant si fortement tourmenté, s’est inventé des espaces de rêveries pour peindre, parfois à la seule lueur d’une flamme de bougie et surtout avec ses propres mots, la dure et extraordinaire réalité vécue. Cette conscience présente, en méditation constante, déborde de philosophie pratique…
LES FALAISES DE LA COLÈRE de Nour-Eddine Mamouzi (NECIB-Éd. Alger, 2012, 221 p.): «L’auteur entend développer un enseignement tiré de l’expérience humaine et très illustratif du caractère propre à la terre, en somme notre Terre Maternelle qui finalise le «lien mystérieux de la matière et de l’esprit. [...] Ritedj, mère courage? Sans aucun doute. Mais le courage d’écrire l’histoire de Ritedj est aussi le courage de l’auteur. L’histoire de Ritedj, je ne saurais pas la résumer ici. Pourrait-on la raconter mieux que Mamouzi? Allons donc, il faut lire la légende dans le texte pour se faire soi-même son plaisir et sa certitude qu’il existe encore des âmes comme on voudrait encore en avoir.»
TIARET, MÉMOIRE-MIROIR de Amar Belkhodja (El Kalima Éd., Alger, 2012, 246 p.): «Alors Tiaret, mémoire-miroir m’a charmé et je souhaite que le lecteur curieux et exigeant beaucoup et de l’éditeur et de l’auteur le soit autant que moi. [...] Ses sources, Belkhodja va les chercher dignement là où elles souffrent de la stagnation, de l’oubli ou plus cruellement du déni de son existence historique.»
MALEK CHEBEL ET CLAUDE DURAND RACONTENT LES MILLE ET UNE NUITS (Idées du Monde, Nouv. Monde éd., Paris, 2012, 308 p.): «Nous entrons dans le livre des contes choisis des Mille et Une Nuits, racontés par Chebel et Durand, tout curieux d’en connaître, tout soumis à leurs admirables extravagances, tout heureux devant mille et un spectacles inimaginables autrement, tout ravis de jouir des interdits qui ne sont pas sans charme toujours ni de bon sens aussi. [...] Respectant la structure de la pensée véhiculée dans les contes des Mille et Une Nuits, restituant le rythme de la narration des aventures et fidèle à l’objet des récits, [les deux auteurs] racontent à leurs lecteurs, dans une traduction savamment entreprise, l’un des chefs-d’oeuvre, parmi les plus appréciés dans le monde, de la littérature populaire orientale.»
FRANCE-ALGÉRIE: LE GRAND MALENTENDU de J.-L. Levet – Mourad Preure (EMERGY Éd., Alger, 2012, 327 p.): «Prendre le café de l’amitié. [...] Deux amis, un Algérien et un Français, chacun d’eux se passionne pour sa propre patrie, chacun d’eux a un beau et sage sentiment pour le peuple de l’autre. [...] L’ouvrage se présente alors comme un long et libre entretien organisé. Remettons-nous en à l’initiative des hommes de bonne volonté, sains de corps et d’esprit, non aux politicards qui, comme celui-là, estropié de sa chute au gouvernement de l’autre rive de la Méditerranée, n’a pour seul argument qu’un obscène ´´bras d’honneur´´.»
CHADLI BENDJEDID MÉMOIRES, tome 1: 1929-1949 (Casbah Éd. Alger, 2012, 332 p.): «Ces Mémoires, sans Chadli Bendjedid vivant, peut-être constitueront-ils longtemps, à les lire entre les lignes, un testament pédagogique à l’adresse de la jeunesse algérienne. «Je suis indigné d’entendre dire que j’aurais effacé les traces de l’ère Boumediene. Ceux qui tiennent de tels propos sont ceux qu’on appelle les barons du système à qui la situation a longtemps profité et une minorité de gauche qui a essayé de me faire chanter, sans y parvenir. [...] Or, ce que j’ai entrepris, c’était la réforme d’un système qui était dans l’impasse et qui n’était pas imputable au seul chef de l’État.»
çahha ciyyâmoukoum oua qiyyâmoukoum oua ‘Îd el fitr moubârak. In châa Allah.
À suivre: La Petite bibliothèque de l’été 2013 dans Le Temps de lire de mercredi prochain.
12 août 2013
Kaddour M'HAMSADJI