Les trottoirs d’Alger sont tristes et anémiques. Ils rapetissent et s’écroulent sous le poids de mastodontes polluants qui les occupent, les écrasent, les piétinent et en chassent les piétons.
Les piétons d’Alger qui déambulent sous un soleil de plomb dans des rues sans lune, sans trottoirs et sans noms ne savent plus où mettre les pieds, n’ont plus de places où flâner ni encore moins où battre le pavé.
Les pavés d’Alger qui appartiennent à l’histoire, aux poètes et aux révolutions sont engloutis par les chaussées qui préfèrent s’enrober de bitume carnassier.
Les chaussées d’Alger s’épaississent, prennent de la hauteur, narguent les trottoirs, les annexent et les phagocytent.
Les trottoirs d’Alger se réduisent comme une peau de chagrin et subissent les assauts conquérants de rutilantes rugissantes. Tout y passe. Bus, bennes, camions de police et de livraison.
Parfois les piétons d’Alger osent la chaussée mais pas pour très longtemps. Les ogres métalliques qui roulent des mécaniques les en chassent immédiatement.
Alors il arrive que de vénérables piétons soient fauchés mortellement même dans leurs derniers retranchements. Surtout les plus insouciants. Personnes âgées et innocents petits enfants.
Les trottoirs d’Alger meurent de mort lente. Mais les routes d’Algérie tuent vivement.
Alors de grâce, braves roulants, allumés du bocal et accros du volant, épargnez la vie de nos enfants.
Les rues d’Alger dament le pion aux trottoirs qui n’accueillent plus de piétons, non plus de raison ni de vocation.
Alors, halte à l’amputation ! Et vite, vite, restituez les trottoirs aux enfants qui apprendront eux aussi à damer le pion à des chauffards sans foi et sans nom et à battre le pavé de temps en temps. C’est aussi dans l’air du temps !
9 août 2013
Salim Metref