Le jour férié magnifique que le socialisme avait presque atteint, dont le congé payé n’est qu’un souvenir ou un produit dérivé, dont les vacances scolaires de l’enfance ne sont que l’annonce inaugurale. Un jour unique, magnifique, rappelant l’oisiveté compensatoire du paradis final et les jours heureux d’avant la chute et l’expulsion.
C’est donc ce parfait cycle que les Algériens recherchent chaque an, à chaque fois, face à chaque date de fête, inlassablement, comme autrefois on cherchait le mouvement perpétuel ou l’équation finale de la physique quantique. La M théorie. La commission de recherche regroupe d’ailleurs le peuple entier, face au calendrier et à la fascination des coïncidences. Le but est de pouvoir se mettre d’accord sur sa date, clore l’épisode du monde et rejoindre les temps d’autrefois peut-être, les jours lumineux et sans labeur de la mythologie, les temps suspendus. D’ailleurs, c’est peut-être le but de cette quête du jour férié parfait : retrouver le temps immobile, celui qui ne passe pas, synonyme de l’éternité. Au plus haut de la quête.
Au plus bas de l’échelle, c’est donc seulement trouver la date exacte qui nous donne à la fois le bénéfice du week-end prolongé, conjugué à un jour férié qui en rallonge la durée et un mois mou qui autorise l’absence et l’affaissement, pendant une saison chaude qui couvre le besoin de la sieste par le poids de la météo. Quelque chose qui ressemble à une année de jours fériés collés les uns au autres, entre fêtes nationales, religieuses, personnelles, antiques, à venir et familiales. Il y a deux ans, souvenez-vous, on a battu le record de six jours fériés consécutifs. Cela donne de l’espoir. Un jour cela sera une année entière. Ou est-ce déjà cinquante ans ? On ne sait pas. Ce jour est recherché depuis le départ du dernier colon. C’est notre utopie, le but de notre histoire nationale : un JAD. Un jour férié Absolu et sans fin.
7 août 2013
Kamel Daoud