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Illusion 1er partie Par : Yasmine HANANE

6 août 2013

Yasmina Hanane

La nouvelle de Yasmina Hanane

Samedi, 10 Novembre 2012

Illusion 1er partie  Par : Yasmine HANANE dans Yasmina Hanane 2000_200_150

Le jour où j’avais rencontré Youcef sera gravé à jamais dans mon subconscient. Certes, je le connaissais déjà un peu, car nous avions entamé tous les deux une carrière dans la presse dans le même quotidien, mais il était juste ce collègue avec qui je devais échanger des idées, préparer un reportage, ou consulter pour entamer un sujet.
Nous étions liés par notre profession et, durant des années, nous nous voyons quotidiennement, nous nous appelions pour des sujets divers, et nous écrivions nos articles à la même table parfois, sans pour autant nous  rapprocher davantage.
Je venais de rompre avec un ancien camarde de promo… Notre relation avait duré le temps des fleurs. Nous étions jeunes, ambitieux, et j’avais une idée floue du mariage. Pour moi, seule ma profession comptait.
Bien sûr, j’ai eu mal… Comme toutes les filles de mon âge, j’ai passé des heures à écouter Julio Iglesias, en versant des tonnes de larmes. Ah ! j’ai  rêvé à l’amour parfait et au bonheur d’une vie sereine et sans problèmes avec l’élu de mon cœur.
Hélas ! Nous croyons peut-être trop aux romans à l’eau de rose, à un âge où nous ne connaissions pas encore les roses. Eh oui ! Je veux dire qu’à peine sortie de l’adolescence, nous tombions amoureuses du premier beau gosse bien nippé, qui nous faisait rire aux éclats, ou échafaudait des plans pour détourner la vigilance de nos parents.
Foulard rouge : zone interdite
Foulard blanc : zone libre.
Le message passait bien. Nous étions heureux de braver l’interdit pour nous voir et nous apprécier.
Mais ce plan durait le temps d’une étincelle, dans un ciel d’été. Le temps faisait son œuvre, nous nous quittions en nous promettant mille et une choses : Oui… nous sommes obligés de nous quitter. Oui… nous allons nous séparer. Pas pour longtemps. Juste le temps de faire des études, de trouver un job. Et puis, la vie est pleine de surprises. Nous allons sûrement  nous revoir un jour, et entreprendre des projets ensemble.
Promesses, larmes, embrassades, chagrin… Le tout est noyé dans les dédales des sentiments encore inconnus.
Cela faisait tout de même quelque chose d’avoir quelqu’un à qui penser. Cela nous permettait de nous sentir désirées, adulées, et aimées !!!  Même si c’était faux !
Peu importe ! c’était  l’époque des illusions, et l’âge où tout était permis !
Mais voici que l’âge adulte nous surprend. Nous traçons alors d’autres projets, et finissons par nous oublier. La plaie se cicatrisait sans trop de mal, et nous  nous retrouvons à nous demander si vraiment nous avions connu l’amour.
Youcef était différent de tous les garçons que j’avais rencontrés… Enfin, je le pensais.
C’était un jeune homme très attirant et très réservé. Il dégageait une impression de bien-être, et je me sentais sereine en sa compagnie.
Nous étions des compagnons du métier. Nous étions appréciés par nos supérieurs. Si bien, qu’on avait fini par nous accorder tel un violon. Nous étions la paire qu’il fallait pour la couverture des grands évènements et les missions. Il faut le reconnaître aussi, nous étions heureux de bosser ensemble car nous savions nous compléter pour rehausser le niveau de nos couvertures et remettre un compte rendu professionnel des mieux élaborés.
Youcef partageait mes idées et lisait les mêmes œuvres que moi. Mieux encore, plus le temps passait, plus je découvrais en lui des facettes cachées qui me surprenaient agréablement. Il avait un penchant pour le cinéma mondial et la grande musique… Il aimait les voyages et le sport… Il aimait la bonne cuisine et le décor feutré des appartements meublés avec goût. Il nous arrivait d’écouter des tubes de grandes stars orientales ou occidentales, et nous étions tous les deux emportés par les vagues d’un luth discipliné ou d’une guitare enjôleuse. Youcef aimait le flamenco et moi aussi… Youcef aimait  Van Gogh et Auguste Renoir et moi aussi… Youcef appréciait l’opéra et moi aussi. En bref, Youcef aimait les belles choses et… moi aussi !
Nous nous découvrions tous les jours des goûts réciproques et nous tentions de nous maintenir à la même enseigne afin de ne pas nous perdre dans nos illusions.
Mais nous n’étions plus des adolescents… Nous étions des adultes… Des adultes mûrs et assez consciencieux.
Lorsque Youcef me proposera le mariage, je demeurais un moment sans voix !
Enfin me dis-je… que pouvais-je attendre de mieux chez un homme qui m’appréciait et dont je partageais pratiquement tous les penchants ?

À propos de Artisan de l'ombre

Natif de Sougueur ex Trézel ,du département de Tiaret Algérie Il a suivi ses études dans la même ville et devint instit par contrainte .C’est en voyant des candides dans des classes trop exiguës que sa vocation est née en se vouant pleinement à cette noble fonction corps et âme . Très reconnaissant à ceux qui ont contribué à son épanouissement et qui ne cessera jamais de remémorer :ses parents ,Chikhaoui Fatima Zohra Belasgaa Lakhdar,Benmokhtar Aomar ,Ait Said Yahia ,Ait Mouloud Mouloud ,Ait Rached Larbi ,Mokhtari Aoued Bouasba Djilali … Créa blog sur blog afin de s’échapper à un monde qui désormais ne lui appartient pas où il ne se retrouve guère . Il retrouva vite sa passion dans son monde en miniature apportant tout son savoir pour en faire profiter ses prochains. Tenace ,il continuera à honorer ses amis ,sa ville et toutes les personnes qui ont agi positivement sur lui

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57 Réponses à “Illusion 1er partie Par : Yasmine HANANE”

  1. Artisans de l'ombre Dit :

    Illusion 2e partie
    Par : Yasmine HANANE

    Une autre à ma place aurait hurlé de bonheur, et sauté de joie. Mais moi à cette minute, je demeurais comme hypnotisée. Je tenais le combiné de téléphone dans ma main, et de l’autre je tentais d’atteindre quelques fines poussières qui s’étaient incrustées dans les touches du cadran. Le tic nerveux qu’on se découvre dans des moments de grande émotion.
    Je répondis hâtivement à Youcef que je devrais en premier lieu réfléchir. Oui c’était ça. Il faut bien réfléchir avant de franchir un si grand pas. Le mariage n’était pas un jeu. Je tentais de repousser encore un peu l’échéance. Mes parents. La famille. Enfin, tout ce monde que je côtoie quotidiennement avait aussi son mot à dire là-dessus.
    C’était bien sûr des banalités dépitées sur un ton hésitant. Une faiblesse de ma part. Mais je ne pouvais accepter sans un petit recul. Oui. On est comme ça, nous les femmes actives et intellect intellectuelles. Intellectuelle ? Je ne le suis pas à vrai dire. J’avais juste un petit bagage emprunté pour quelques destinations encore inconnues. Je ne pouvais donc répondre favorablement à Youcef sans avoir fait mes “comptes” et additionné mes aspirations !
    Loin de s’offusquer Youcef se met à rire :
    -Je patienterai. Je suis très patient. Tu me connais bien. J’attendrai donc le temps qu’il te faudra pour te décider. Mais en mon for intérieur, je sais que tu te décideras. Hein ? N’est-ce pas ? Je te rappelle que nous nous connaissons comme aucun autre couple, non marié, ne s’était connu avant nous. Nous avons fait un long périple ensemble, et nous nous complétons mutuellement… Je pense que tu as tout simplement peur de t’engager. Autrement dit, tous les arguments que tu viens de brandir n’ont pas lieu d’être.
    Je ne pouvais le nier. J’avais peur de m’engager. Il avait trouvé la raison la plus plausible.
    Pourquoi donc ?
    Quelque chose en moi refusait de répondre… Je ne savais pas qu’au moment où je pensais que la vie commençait à me sourire, il suffisait d’une demande en mariage pour que mon cœur se mette à battre et mon cerveau à tourner dans le vide.
    Je raccrochais… Un vent s’engouffrait dans ma chambre par la fenêtre restée grande ouverte. Je n’osais même pas me lever pour la fermer. Quelques papiers sur mon bureau se dispersèrent. Je me remets à relire quelques notes récoltées lors d’une conférence et que je m’apprêtais à exploiter pour les besoins d’un article.
    Mais mon cerveau avait arrêté de penser. Je n’avais ni l’envie ni le courage de continuer.
    Je me lève pour fermer la fenêtre. Le vent continuait de secouer les branches des arbres, et le ciel devenait de plus en plus bas. On était au début de l’automne. Une saison qui évoque toujours pour moi le romantisme. Oui c’était ça. Je suis romantique. Idiote et sentimentale… Je ne sais plus. Que suis-je enfin ? Une femme qui recherche l’amour ou la sérénité ? Les deux peut-être.
    Sans le savoir, je devenais cette femme fragile et instable. Autrement pourquoi refuser le mariage ? Pourquoi refuser un homme tel que Youcef, qui attirait tous les regards féminins. Je n’étais pas jalouse, mais je savais que mes collègues femmes m’enviaient. Toutes voulaient Youcef. Toutes rêvaient de sortir avec lui, ne serait-ce qu’une fois. Oui. Elles le pensaient même tout haut. Je n’oublierai jamais leurs regards, leurs grimaces et leurs clin d’œil… Youcef représentait pour chacune d’elles un idéal.. Mais pour moi, l’idéal n’existait pas.
    Est-ce mon intuition féminine qui me mettait en garde contre l’avenir ? Que pouvait donc me cacher le futur ? Je tente de chasser ces idées et de repenser à la demande en mariage de mon collègue.
    Oui. Je crois que je pourrais être heureuse avec lui. Il était doux, attentionné, correct. Peut-être un peu trop ambitieux, mais cela ne gâchait rien. L’ambition mène toujours à bon port lorsqu’on sait l’entretenir.

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  2. Artisans de l'ombre Dit :

    Illusion 3e partie
    Par : Yasmine HANANE

    Je ne pouvais fermer l’œil cette nuit-là. Trop excitée par tout ce qui m’arrivait subitement. Je me suis levée une dizaine de fois pour arpenter ma chambre et relever tous les détails que je trouvais banals d’habitude. Telle que cette serrure d’armoire qui fermait mal, ou la plante déposée dans un coin et que j’oubliais souvent d’arroser, ou encore ces tas de livres qui s’entassaient au chevet et que je ne classais jamais.
    Au milieu de la nuit, je me suis mise à nettoyer, à épousseter et à remettre de l’ordre dans toute la maison.
    Ma mère se réveille, et surprise de me trouver en train d’asticoter le parterre, elle me touche le front :
    -Tu es souffrante ?
    -Mais non maman. Si je l’étais, je ne serais pas là à faire le ménage.
    -On n’a pas idée de se lever en pleine nuit pour nettoyer…
    Elle me regarde droit dans les yeux :
    -Quelque chose te préoccupe. Tu n’es pas du tout la femme qui s’use dans les tâches ménagères. Disons que tu es plutôt négligente dans ce domaine.
    Je lève une main suppliante :
    -S’il te plaît maman, n’en dis pas plus. Je me sens en pleine forme, et comme le sommeil me fuyait, je n’ai pas trouvé mieux que de mettre un peu d’ordre dans ma chambre, et pourquoi pas de dépoussiérer les meubles et de nettoyer le sol… Je ne pense pas déranger puisque vous avez tous un sommeil de plomb…
    Ma mère pousse un soupir :
    -Fais comme tu veux… N’oublies pas de fermer les robinets, et surtout ne laisse pas les seaux d’eau traîner au milieu du couloir, quelqu’un risque de se casser la figure dessus.
    Sur ce, elle hausse ses épaules et retourne se coucher.
    L’appartement était spacieux, et seules trois chambres étaient occupées : celle de mes parents, la mienne, et celle de mon frère et de ma belle-sœur… Le salon, la salle à manger, et les deux autres chambres étaient pratiquement vides.
    Je tirais donc le frottoir derrière moi, et le seau plein d’eau savonneuse pour entamer un grand lavage des carreaux de sol et des dalles de la cuisine et de la salle de bains.
    Je travaillais sans relâche afin de ne penser à rien. J’avais de l’électricité dans mes muscles, et cette énergie je me devais de la dépenser.
    Deux heures passèrent, avant que mes bras ne commencent à crier gare. J’étais en sueur et essoufflée, mais heureuse de voir qu’autour de moi, tout luisait. Aucun grain de poussière n’avait résisté à ma force musculaire, et aucun coin aussi obscur soit-il n’avait échappé à ma serpillière.
    Je passe un bras sur mon front dégoulinant, et relève une mèche de mes cheveux. Enfin, je ressens un certain bien-être. On dirait que la tension s’est apaisée… Oui c’était cela. Je me sentais plus légère, plus détendue.
    Je cours prendre une douche et l’eau fraîche me redonne une certaine vitalité. Je crois que maintenant mon cerveau pourra fonctionner normalement. Je respirais mieux, et ma tête pesait moins lourd !
    Je revins dans ma chambre et me rallongeais sur mon lit. Je repense à Youcef et à sa proposition…Un sourire effleure mes lèvres. Quelle idiote je suis… Bien sûr qu’il fallait que je m’attende à quelque chose de sa part. Il était si prévenant avec moi. M’aimait-il ? Je n’en savais rien. Et moi donc ?
    Pour la première fois depuis que je le connaissais, je me posais une question qui resta sans réponse.
    Cet homme était un peu ma doublure. Je n’avais jamais eu à trop me casser la tête avec lui. Le sentiment ne s’était jamais manifesté certes, mais il devait somnoler en nous deux, puisque lui-même était sûr de ce qu’il avançait.

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  3. Artisans de l'ombre Dit :

    Illusion 4e partie
    Par : Yasmine HANANE

    Oui. Je l’aimais. Je l’aimais même beaucoup. Je n’avais qu’à l’imaginer loin de moi et ne me portant aucun intérêt pour me sentir frustrée et malheureuse. Jusque-là, je n’y avais jamais pensé, et la découverte me laissa perplexe.
    Le sommeil finira par m’emporter dans ses vagues. Je ne me réveilla qu’à une heure tardive de la matinée, alors que la sonnerie du téléphone déchirait le silence de ma chambre.
    - Que fabriques-tu donc ? Tout le monde t’attend à la rédaction pour la réunion du menu !
    La voix de Youcef me tire totalement de mes songes :
    - Je, je dormais… Désolée. J’arrive dans un instant…
    Sans lui laisser le temps de répondre, je raccrochais avant de courir me préparer et de sauter dans mon véhicule.
    La journée s’annonçait radieuse. Après la tempête de la nuit précédente, la nature semblait avoir changé de look, pour nous narguer.
    Le temps était doux et mon cœur était en fête. La radio diffusait des morceaux de musique orientale. Un délice pour mes oreilles. Je jette un coup d’œil à ma montre pour constater que l’heure de notre briefing était largement dépassée, mais cela n’avait pas d’importance.
    Youcef prendra des notes, et nous allons pouvoir départager nos tâches sans trop de peine. Cela va de soi. Nous avions toujours su nous compléter dans toutes les situations.
    Nous compléter !
    Le mot sonne à mes oreilles. Je repense à la demande en mariage. N’ai-je pas rêvé ?
    Je me surprends à sourire : bien sûr que non. Dans ce cas précis, Youcef me fera remarquer que même mon subconscient réclamait son dû.
    J’arrive à la rédaction avec une heure de retard pour la réunion. Le red’chef me lance un regard qui en disait long sur sa pensée. Mais tout compte fait, et étant donné que je n’étais pas une vilaine récidiviste, il ne fera aucune remarque.
    Je tire une chaise et m’affale dessus. Youcef qui se trouvait de l’autre côté de la table me fait un sourire. Je tente de prendre un air dégagé, alors que je luttais contre une envie de rire. Oui. C’était ça. Un fou rire grondait en moi. Je n’arrivais pas à en comprendre les raisons. Peut-être es-ce dû à toute la tension cumulée ces dernières heures ?
    Je me mordis les lèvres et me croisais les doigts. Ce n’était pas le moment de se donner en spectacle, encore moins celui de s’effondrer.
    Je pris hâtivement quelques notes sur le sujet du jour, puis mon calepin en main, je me levais et me dirigeais vers le secrétariat afin de récupérer mon ordre de mission. Je devrais me rendre avec Youcef à une conférence de presse dans un ministère.
    Mon coéquipier m’attendait au rez-de chaussée, son cartable au bout du bras :
    - Je ne t’ai jamais vu aussi distraite. On dirait que tu reviens d’une autre planète.
    Je ne répondis pas à sa remarque. Il était le premier à connaître mon état d’âme en cet instant. Je me contentais donc de passer devant en agitant mon ordre de mission :
    - Allons travailler. Nous discuterons plus tard de tout ce qui me préoccupe.
    Quelques heures plus tard, nous étions attablés à une terrasse, nous nous regardions au fond des yeux sans échanger une seule parole.
    Youcef rompit le silence en fin de compte. Il sourit et me prit la main :
    - As-tu réfléchis à ma proposition ?
    - Pas encore…
    - Tu es sûre ?
    Je lui lance un regard impatient :
    - Je suis plus que certaine, une proposition comme celle-là ne se prend pas à la légère.
    - Ce qui veut dire qu’elle ne t’est pas indifférente.
    Je hausse les épaules :
    - Bien sûr que non. Voyons Youcef, essaye donc de comprendre. Je ne suis pas pressée de mettre mon pied à l’étrier, sans être sûre de ma destination.
    Il semblait déçu, mais se reprit :
    - Je… Heu… J’aimerais que tu saches que je ne suis pas aussi vieux jeu que tu ne le penses. Heu… Je veux dire… Je veux dire que si tu es en relation avec quelqu’un d’autre, je comprendrais, Je… Je ne veux pas te bousculer.

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  4. Artisans de l'ombre Dit :

    Illusion 5e partie
    Par : Yasmine HANANE

    Cette remarque me prend au dépourvu. Je me voyais très mal avec quelqu’un d’autre, et encore bien plus mal devant l’air confus de Youcef, qui me connaissait assez pour savoir que je n’irais pas par quatre chemins pour lui balancer les quatre vérités en face. Le fou rire que j’avais réprimé jusque-là me reprit. Cette fois-ci, je ne pouvais me contrôler. Mon rire éclata. Je riais sans retenue. Youcef sembla gêné devant mon euphorie. Il regarda autour de lui, comme pour chercher une aide, et constata que des gens assis à des tables voisines s’étaient retournés et nous regardaient. Alors il tendit la main et me donna une gifle.
    Le geste eut pour effet d’arrêter net ma “folie”. Mon rire s’était tari. J’essuyais du revers de la main mes yeux larmoyants, et je revins vers lui :
    -Désolée, Youcef, je suis tellement stressée ces derniers temps.
    Instinctivement, je porte la main à ma joue.
    -Je suis désolé moi aussi, rétorque-t-il, mais je n’avais rien trouvé de mieux pour stopper ton fou rire.
    Je ne répondis pas. J’étais embarrassée et honteuse de m’être donnée en spectacle. Ce n’était pas dans mes habitudes d’attirer les regards curieux sur moi.
    Je hausse les épaules :
    -Tu as fait ce qu’il fallait. J’espère que cela ne se reproduira plus.
    Il sourit :
    -Tu veux parler du fou rire ou de la gifle ?
    -Des deux.
    Il me serre le bras :
    -Oublie tout ça et revenons à nos moutons.
    -Pourquoi, nous avons des moutons ?
    -Oui. Et les nôtres sont bien particuliers.
    Il me toise, puis reprend :
    -On parlait de ma proposition. Si tu n’es pas trop nerveuse pour aujourd’hui, je souhaite discuter de ce projet qui nous concerne tous les deux.
    Je passe une main dans ma chevelure, puis pousse un soupir :
    -Tu voulais tout savoir de moi, et pourtant…
    -Et pourtant je connais tout de toi, me coupe-t-il. Je voulais juste savoir si tu n’as pas quelqu’un d’autre dans ta vie. Une question innocente.
    Je sais que tu n’aimes pas trop qu’on fouine dans ton passé, mais je ne veux pas tomber comme un cheveu dans la soupe.
    -Je n’ai rien à cacher ni dans mon passé ni dans mon présent. Toutefois, tu devrais savoir que comme toutes les filles de mon âge, moi aussi j’ai eu mes admirateurs.
    -Tu en as encore aujourd’hui. Mais pourquoi parles-tu donc au passé ?
    -Eh bien parce que depuis le lycée et l’université, je n’ai plus eu le temps de penser à sortir avec un homme. Je veux dire avoir un petit ami…
    -Tu n’avais pas le temps ou tu ne le voulais pas ?
    Je hausse les épaules :
    -J’avais trop peur de la déception.
    -Nous y voilà. Tu as donc été déçue par le passé.
    -Si on peut appeler une déception, un petit chagrin d’amourette.
    -Ce ne devait pas être un petit chagrin, puisque tu as tiré un trait sur ta vie amoureuse depuis.
    Je baisse les yeux, comme si dans la contemplation de mes doigts, j’allais trouver une meilleure réponse.
    -Il se trouve que j’ai connu quelqu’un alors que je sortais à peine de l’adolescence. Nous étions très épris l’un de l’autre, puis un jour hop, il n’y avait plus rien. Il était parti…
    -Où ça ?
    -Je n’en sais rien. Il avait tout simplement envoyé un petit mot d’excuses, me disant qu’on n’allait plus se revoir, et qu’il allait quitter le pays pour faire des études à l’étranger.
    -Parfait, c’était donc juste un passage à vide.
    Je secoue la tête :
    -Non, cela m’a fait tout de même très mal.
    -Tu parlais d’un chagrin d’amourette.
    -Oui, mais on ne le constate qu’avec le temps. Sur-le-champ, cela fait souffrir et je t’assure que je suis restée des journées sans rien avaler, non sans avoir transité par les idées de suicide. Je voulais attirer son attention.
    Je ne sais pas, j’étais une fan de Barbara Cartland et Danielle Steel. Tu vois à peu près. J’avais l’âge où tous les rêves étaient permis, l’âge des romans roses.

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  5. Artisans de l'ombre Dit :

    Illusion 6e partie
    Par : Yasmine HANANE

    Youcef se met à rire :
    - Je te revois encore adolescente innocente et naïve, avec des cheveux longs et de l’acné sur le front, un Harlequin sous le bras.
    - Tout le monde passe par là…
    - Tout à fait ma chère. Moi aussi j’ai connu quelques amourettes de ce genre, cependant, vu notre âge, je pense qu’il est inutile pour nous de trop tourner en rond.
    Nous sommes des adultes consciencieux. Je voulais juste que tu partages ma vie.
    Le reste m’importe peu.
    Je hoche la tête :
    - Je tiens à te prévenir que je tiens beaucoup à ma liberté.
    - Moi aussi…
    - Que je n’aime pas trop cuisiner, ni procéder continuellement à des travaux ménagers.
    - Moi aussi…
    - Que je lis le soir jusqu’à des heures impossibles, voire même toute la nuit, que j’aime regarder des films d’action ou de science-fiction quand cela me prend, que je traîne pieds nus et en tenues débraillées les week-ends, et que parfois je dors toute la journée.
    - Moi aussi…
    Je relève le menton et le regarde bien droit dans les yeux :
    - Je ne plaisante pas…
    - Je n’en ai pas du tout envie moi non plus.
    Je tente de deviner s’il était sérieux ou s’il se payait ma tête :
    - Tu as entendu ce que je viens d’énumérer ?
    - Parfaitement.
    - Alors ?
    - Alors quoi ?
    - Eh bien, si tu es d’accord sur cet emploi du temps extraordinaire, et sur la vie de bohème que je mène…
    - Je suis d’accord sur tout ce que tu fais, et tout ce que tu veux faire. Je ne vois pas pourquoi je te demanderais de changer tes habitudes alors que les miennes sont similaires.
    Je repense à nos affinités. Mais oui, nous avions déjà comparé nos goûts et partagé nos habitudes.
    Youcef sourit :
    - Je ne sais pas ce qui te prend. D’habitude tu es moins loquace.
    - Je crois que c’est ta demande en mariage.
    - Elle est bizarre cette demande ?
    - Pas bizarre, mais inattendue. Tu m’as prise au dépourvu.
    Youcef prend un air sérieux :
    - Tu ne le comprends donc pas ? Je pensais que nous avions beaucoup de choses en commun.
    - Oui, mais il se trouve que nous sommes amis et…
    - Mais moi je t’aime, je serais jaloux et malheureux de te voir partager la vie avec quelqu’un d’autre.
    - Quoi !?
    La surprise m’empêcha d’aller plus loin. Youcef m’aimait.
    Cela me parut tellement inconcevable. Je l’ai toujours considéré comme… Je ne savais plus.
    Moi aussi je l’aimais !
    La certitude me foudroya.
    Encore une fois, en un laps de temps très court, je découvris que j’étais très attachée à Youcef.

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  6. Artisans de l'ombre Dit :

    Illusion 7e partie
    Par : Yasmine HANANE

    Je ne savais pas qu’on pouvait aimer quelqu’un sans le savoir…Un amour silencieux et secret, qui prenait racine au fond de notre être et ne se manifestait qu’au moment où nous ne l’attendions point.
    Youcef reprend :
    - Je ne pourrais pas supporter de te voir partir avec un autre… Dieu seul sait comment je vais réagir.
    Je prends un air détaché :
    -Et s’il y avait un autre homme dans ma vie ?
    Il hausse les épaules :
    -Cela m’aurait chagriné bien sûr, mais je sais être diplomate…
    -Ce qui veut dire… ?
    -Que j’aurais changé de travail pour ne plus avoir à affronter ton regard et à partager tes missions, alors que ton cœur bat pour un autre.
    Ce n’était pas possible ! Je découvrais une réalité, qui certes aurait pu me réjouir, mais qui me laissait perplexe sur bien des points… Depuis quand Youcef était-il amoureux de moi ? Depuis quand avait-il découvert ce sentiment qu’il avait réussi à maîtriser jusque-là ?
    Enfin, je doute fort qu’il l’ait maîtrisé, mais il n’en avait jamais parlé… Jamais, il ne m’avait fait sentir qu’il m’aimait… Ou bien est-ce moi qui n’avait rien vu ? Qui ne voulait rien voir ?
    Je me rappelais alors que Youcef n’avait jamais oublié mes anniversaires. Il était toujours le premier à me réveiller avec un “happy birthday to you” et à m’offrir le cadeau inattendu.
    Il y avait aussi cette entente entre nous. Malgré mon caractère nerveux, Youcef avait toujours su me calmer par un sourire, un geste, et mettre fin à ma colère par une simple blague ou une anecdote… Je n’en revenais toujours pas ! Je n’avais jamais douté de sa sincérité envers moi, ni de ses nobles intentions. Seulement, toutes ses révélations aujourd’hui tombaient sans crier gare dans mes oreilles !
    - Tu n’aurais pas changé de travail… Je ne te l’aurais pas permis, dis-je enfin pour rompre le silence qui s’était installé entre nous.
    - Ah bon ? Et qu’aurais-tu fait ?
    - Je n’en sais rien… Je n’aimerais pas te savoir loin de moi… Je veux dire que je n’aimerais pas travailler avec quelqu’un d’autre que toi. Je m’explique : lorsque nous nous sommes connus, tu avais déjà quelques années d’ancienneté… Alors je me suis dis que seule une personne comme toi pouvait m’aider. Puis le rédacteur en chef nous avait nommés d’office pour la culturelle, je ne pouvais que m’en réjouir. Bien plus tard, nous nous sommes appréciés sur bien des choses… Nous nous sommes découvert des affinités… Et puis la routine avais pris le relais… Je ne pouvais plus travailler avec quelqu’un d’autre.
    - Et moi, je sais que je ne pourrais pas vivre avec quelqu’un d’autre.
    Nous nous regardâmes un moment dans les yeux, puis je baisse les miens pour murmurer :
    -Puisque tu le dis…
    -Je le dis et je le répète : tu es la seule femme avec qui j’aimerais vivre.
    Vite dit, vite fait…Nous nous marions !
    La rédaction nous offrit deux billets pour la Grèce en nous recommandant de faire un reportage sur notre voyage de noces.
    Nous étions heureux comme tous les jeunes mariés. La Grèce est un pays merveilleux. Comme j’ai toujours été attirée par les choses du passé, je ne pouvais être mieux servie en monuments, légendes et histoires.
    Les cultures millénaires s’entrechoquaient dans un pays où chaque pierre pouvait narrer une anecdote.
    Je tins à visiter Athènes, Mélinas et l’Olympe. L’origine des Jeux olympiques me confirma que, de tout temps, il y avait eu des hommes qui avaient œuvré pour l’union des peuples et la paix dans le monde.
    Youcef était de mon avis… Il fut heureux que je sois une adepte de la paix… des ménages !
    Je souris :
    - Malin ça mon vieux. Je suis journaliste certes, mais aussi une femme qui refuse l’imposition… Tu m’as choisie. A toi donc d’en subir les conséquences.
    Les journées passent… Nous étions arrivés à la fin de nos vacances, et c’est avec une certaine mélancolie que nous préparons nos bagages pour le retour.
    Nous avions néanmoins volé sa couleur au soleil… Nous étions bronzés à souhait, et nous arborions tous les deux une mine radieuse, si bien que nos amis nous en firent des compliments.

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  7. Artisans de l'ombre Dit :

    Illusion 8e partie
    Par : Yasmine HANANE

    De retour à la maison, je me mets à tout ranger…Youcef m’avait ouvert la porte de son appartement, et je fus sidérée de constater qu’en matière d’ordre, il n’avait absolument rien à envier aux adolescents les plus acharnés.
    Les lieux étaient non seulement poussiéreux, mais du sol au plafond, rien n’était à sa place.
    Des revues et des livres jonchaient le parterre dans toutes les chambres, et même dans le couloir et la salle de bains.
    Le plan de travail et l’évier étaient inondés de vaisselle sale. Les meubles non entretenus arboraient une piètre mine, et dans tous les coins traînaient des boules de papiers.
    Youcef me lance d’une petite voix hésitante :
    -C’était l’appartement d’un célibataire… Je t’aiderai à tout mettre en ordre.
    -J’avoue que je n’en reviens pas. à te voir tous les matins si bien nippé, j’étais loin de me douter que tu vivais dans cette tanière.
    Il hausse les épaules :
    -Tous les hommes sont ainsi…Nous ne sommes pas tous des adeptes du ménage…Et puis toi aussi…
    Je lève la main pour l’interrompre :
    - Ne te compares surtout pas à une femme comme moi… Certes, il m’arrive de négliger mes tâches ménagères ou de laisser mes affaires traîner un peu partout, mais jamais je n’aurais pu vivre dans un tel désordre.
    Youcef m’entoure les épaules :
    - Je pourrais faire appel à une femme de ménage…
    - Non… Je vais tout remettre en ordre, et à compter d’aujourd’hui tiens-toi sur tes gardes : tu dois retirer tes chaussures à l’entrée, ne laisse pas tes vêtements traîner çà et là, pas de revues non plus dans toutes les chambres… Je vais aménager un petit bureau pour le travail et tu n’auras plus à jeter les papiers un peu partout. La cuisine aussi ne devrait plus ressembler à un champ de bataille. Compris ?
    Honteux, Youcef prend un air effaré :
    -Je vais devoir vivre dans une caserne désormais.
    -Oui… Et tu dois te plier strictement à la réglementation.
    Il se met au garde à vous :
    -à vos ordres mon colonel.
    Je me mets à rire :
    -Pas de formalités… Aide-moi plutôt à y voir plus clair dans ce labyrinthe.
    Il retrousse les manches, et nous nous mettons sans tarder au travail. Il avait fallu presque une semaine pour tout laver, frotter, ranger et ordonner.
    J’avais acheté des rideaux, des bibelots, des tapis, et refait la peinture.
    Au bout de notre peine, nous étions récompensés. L’appartement luisait de propreté et l’ordre régnait en maître.
    Je suspendais nos vêtements dans la penderie, et j’ai pu enfin déposer mes affaires dans la salle de bains et prendre un bain au sens propre du terme.
    Youcef était content. Il revint le soir avec un bouquet de fleurs, et une grande boîte de chocolat.
    -Pour me faire pardonner mes incartades, me dit-il en me tendant la boîte de chocolat avant de courir dans la cuisine chercher un vase pour les fleurs.
    - Tes chaussures ! M’étais-je mise à crier en le poursuivant.
    -Mes chaussures… Qu’ont donc mes chaussures ?
    Je pousse un soupir de lassitude :
    - Tu dois enlever tes chaussures à l’entrée, et mettre tes mules… Cela m’évitera d’avoir à passer l’aspirateur tout le temps sur les tapis.

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  8. Artisans de l'ombre Dit :

    Illusion 9e partie
    Par : Yasmine HANANE

    Il prend un air affligé qui me fera éclater de rire :
    - Voyons Youcef, tu n’es plus célibataire… Je partage ta vie désormais… Je veillerais à ce qu’on vive dans la propreté et la quiétude.
    Il s’approche de moi et me prend dans ses bras :
    - Désolé… Je tenterais de me rappeler toutes tes instructions. Heu… ne dis rien… je comprends fort bien tes appréhensions… Je suis heureux de constater que ma petite femme est soucieuse de mon bien-être.
    Il me tendit le vase où il avait mis les fleurs. Ces dernières embaumèrent les lieux :
    - Des fleurs pour ma fleur…
    Je pris le vase pour le déposer sur la console du couloir avant de revenir à la boîte de chocolat. Je n’ai jamais pu résister devant des gourmandises.
    Je laisse mon mari se servir un café pendant que j’attaquais sans attendre les petites roches tendres et dorées.
    Je me sentais si heureuse. Youcef était un mari attentionné. Nous avions repris notre travail, et nos missions occupèrent tout notre temps. Parfois nous rentrions très tard. Alors, pour m’éviter la corvée de cuisine et de la vaisselle, il allait acheter notre dîner chez un traiteur, et n’oubliait jamais de remplir le frigidaire de fruits, fromages, yaourts, etc.
    Il était habitué à dormir très tard et lisait souvent la nuit. Pour ne pas me déranger, il remontait la couverture sur moi, avant d’aller s’installer tranquillement au salon.
    Souvent, je le retrouvais au petit matin endormi sur son livre.
    Notre vie s’écoulait paisiblement. Nous avions élaboré un programme quotidien des plus plausibles.
    Entre le bureau, les reportages, les courses, les travaux ménagers et les différentes tâches de dernière minute, nous trouvions tout de même le temps de rendre visite à nos familles respectives.
    Ma mère était surprise par ma métamorphose. Elle trouvait que j’avais changé sur tous les plans. Moi qui n’aimais pas trop les tâches ménagères, j’étais devenue une adepte de la cuisine et du nettoyage. Elle me trouve embellie et plutôt un peu amincie.
    - Tu ne dois pas avoir beaucoup de temps pour penser à manger convenablement.
    - Je mange bien maman, rétorquais-je, mais je dois faire attention à ma taille aussi. Youcef n’aime pas les femmes trop fortes.
    Elle rit :
    - C’est ça… suis les impulsions de ton cœur et les suggestions de ton mari.
    Je m’approche d’elle pour lui murmurer à l’oreille :
    - C’est ce que tu m’avais toujours conseillé… n’est ce pas.. ?
    Elle hoche la tête d’un air entendu :
    - Oui…une bonne épouse se doit d’écouter son époux, et répondre à toutes ses aspirations.
    Quelques mois passent. Comme je n’avais pris aucune précaution depuis notre mariage, ce qui devait arriver, arriva : j’étais enceinte.
    La nouvelle, si elle devait me réjouir, me laisse perplexe un moment. Je ne m’étais pas imaginée maman. Enfin pas dans l’immédiat. J’avais tant de projets à réaliser avant de penser à pouponner. Mais c’est arrivé !
    Youcef était fou de joie. Lui ne s’en faisait pas trop. Il me rassura en me disant qu’après tout, toutes les femmes actives ne sont pas dispensées de leur rôle initial, et qu’un enfant allait nous rapprocher davantage.
    Je commençais à donner des signes de fatigue. Je souffrais de bouffées de chaleur, de vertiges, et je déprimais sans savoir pourquoi.
    Mon médecin tenta de calmer mes appréhensions :
    - Rien de grave… vous souffrez des symptômes propres aux femmes enceintes. La nature est ainsi faite. Elle vous offre un cadeau, et vous devez en payer le prix. Ceci dit, vous allez vite vous habituer à votre état. Et puis, le jour où vous verrez votre bébé, tout cela ne sera pour vous qu’un vague souvenir.
    Je supportais tant bien que mal les aléas dus à mon état. Je ne pouvais plus me déplacer autant qu’avant, et on me proposa un travail routinier au bureau. Ce qui m’affligea davantage… Je n’aimais pas rester sur place à me morfondre bien que je devais faire face à des réunions et à des obligations rédactionnelles de manière régulière.
    Youcef, lui, se déplaçait tout comme à ses habitudes. Il avait des missions, des reportages et des couvertures assez régulières. Ce qui me frustrait davantage.
    Ma mère venait de temps à autre me tenir compagnie quand mon mari était absent. Nous discutions alors de nos obligations de femmes et des devoirs d’une mère. J’étais encore une novice dans le domaine, et j’avais tout à apprendre pour assumer mon futur rôle.

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  9. Artisans de l'ombre Dit :

    Illusion 11e partie
    Par : Yasmine HANANE

    Il se met à rire :
    - Si c’est tout ce qui te préoccupe, je vais dès ce soir accrocher une note à l’entrée, afin de ne pas oublier ce détail. Je te le promets.
    Je mets ma main sur ses lèvres et il se met à m’embrasser les doigts :
    - Youcef, j’ai peur.
    - Tu ne devrais pas, voyons tu as si bien mené ta grossesse, et il n’y a plus rien d’inquiétant de nos jours à mettre un enfant au monde. Des milliers des femmes donnent toutes les secondes la vie sans problème aucun et…
    - Et des dizaines de femmes y laissent leur vie.
    Youcef se tût. Je l’avais interrompu par une vérité qui n’était pas à nier.
    Il me serre contre lui avant de me regarder dans les yeux et de lancer :
    - Le moment venu, je serai avec toi. Nous serions deux à combiner nos forces morales pour aider notre enfant à faire son entrée dans le monde.
    Je demeurais contre lui, en tentant de puiser un peu de réconfort dans ses caresses et sa force physique. Je sentais ses muscles me lier à lui et son cœur battre contre le mien. Un nouveau courage pénètre mon âme. Je me disais que si toutes les femmes refusaient de tomber enceintes par appréhension, le monde serait dépeuplé depuis la préhistoire. Nos mères et nos grands-mères avaient subi cette expérience sans broncher. Elles étaient plus courageuses et plus aptes à affronter leur destinée. Elles avaient “collectionné” les grossesses et les accouchements, avec abnégation, et sans aucune crainte.
    Youcef me murmure à l’oreille :
    - Tout se passera bien, ne t’inquiète pas.
    Je calculais hâtivement, il me restait encore une semaine ou deux avant le grand saut, un temps que je vais employer à réunir le trousseau du bébé et à me préparer psychologiquement.
    Nous étions en train de dîner. Youcef avait tenu à préparer lui-même un plat qu’il affectionnait particulièrement, les lasagnes.
    Je n’avais pas très faim. Mais ne voulant pas le froisser par un refus, je m’attablais devant mon assiette :
    - Attends, ne bouge pas, je vais te servir. Je suis certain que tu apprécieras mes lasagnes.
    Je pris ma fourchette et me mis à manger, alors que mon mari attendait mon avis :
    -Hum, c’est bon, mais je crois que tu n’as pas mis assez de sel.
    J’essuyais mes doigts à une serviette, tandis que Youcef goûtait d’un air connaisseur ses lasagnes.
    - Tu as raison, je crois que j’ai oublié de rajouter du sel à la sauce.Veux-tu me passer la salière, s’il te plaît ?
    Comme je ne pouvais pas me courber, je me levais pour lui tendre la salière. Une douleur suspendit mon geste, mon dos se déchira en deux, alors qu’un couteau tranchant me traverse le ventre. Je pousse un long cri et retombe sur ma chaise, tandis que mon mari accourt :
    - Tu ne te sens pas bien ?
    Je n’arrivais pas à prononcer un mot, mon cœur battait la chamade et une désagréable transpiration inondait mon corps. La douleur s’était estompée, mais je compris que le travail venait de commencer.
    Je regardais mon mari d’un air apeuré et suppliant :
    - Je crois que le moment est arrivé.
    Il tente de me calmer avant de courir dans notre chambre chercher mes affaires :
    - Tout se passera bien, tout se passera bien.
    Je le sentais tendu, sa voix était tremblante, il était désemparé. Avec effort, il me sourit :
    - Il sera bientôt là notre petit bonhomme.
    Je tentais de lui rendre son sourire, mais une autre douleur, bien plus forte m’obligea à m’agripper à lui. Je haletais :
    - Youcef, c’est terrible.
    - Cela ira, ne t’inquiète pas. Détends-toi
    J’étais sans forces. Youcef déposa mes affaires dans son véhicule, puis revint vers moi.
    Mes jambes ne me portaient plus. Il dut me soulever dans ses bras pour me déposer sur le siège arrière.
    Je me laisse aller un moment contre le coussin qu’il avait calé dans mon dos. Après tout, autant en terminer au plus vite. Le médecin s’était trompé, ses calculs n’étaient pas exacts. Je ne devais accoucher que dans une semaine ou deux.
    Mon cerveau s’arrêta de fonctionner. Je ne savais plus quelle journée on était ni à quelle heure.
    La nuit était tombée, la ville était illuminée. Youcef conduisait à cent vingt à l’heure. Fort heureusement, il avait actionné les feux de détresse. Je remarquais tout cela machinalement, alors que la douleur reprenait de plus belle. Je mordis mes lèvres jusqu’au sang pour m’empêcher de crier.
    À la clinique, une équipe me prit tout de suite en charge. On m’allongea dans la salle de consultation, où un médecin vint m’ausculter.
    À la vue de mon visage cramoisi et des grimaces douloureuses, il m’administra un sédatif. Un sédatif, pourquoi maintenant que j’ai besoin de toutes mes forces ?
    Je ne tardais pas à le savoir.
    On me conduisit vers une chambre attenante au bloc opératoire, et le médecin s’entretint un moment avec Youcef, avant de revenir vers moi et de m’expliquer que le bébé se présentait par le siège, et qu’une césarienne était indispensable.

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  10. Artisans de l'ombre Dit :

    Illusion 12e partie
    Par : Yasmine HANANE

    Je n’en revenais pas. Quelques jours auparavant, mon gynécologue m’assurait que tout allait bien.
    -Cela arrive, me dit le médecin, les surprises de dernière minute sont légion chez toutes les femmes sur le point d’accoucher. Dans votre cas, on pouvait espérer que le bébé face une balance et reprenne une position normale, mais vu son poids, je ne pense pas. Nous n’allons pas non plus essayer le forceps, car cela pourra nous prendre un temps précieux, et comporte de grands risques. Enfin la solution la plus sûre et celle qui comporte le moins de risques, c’est la césarienne.
    Une césarienne !
    Le mot résonna un moment dans mes oreilles.
    Youcef s’approcha de moi et me prit la main :
    -Voyons ma chérie, il n’y a rien à craindre. De nos jours, cette opération est des plus courantes.
    Je regarde tour à tour mon mari et le médecin. Puis reprenant mes esprits, j’émerge de ma torpeur :
    -Vous voulez dire que je ne pourrais pas prétendre à un accouchement normal ? Je ne pourrais pas entendre le premier cri de mon bébé ?
    Le médecin garde le silence quelques secondes avant de lancer :
    -Je vous comprends fort bien. Comme toutes les jeunes mamans, vous voulez sentir votre bébé contre vous dès la première seconde de sa naissance, mais hélas, il y a des circonstances fort complexes qui nous obligent à prendre d’autres initiatives. Je vous promets néanmoins de vous remettre votre bébé dès que vous serez en état de le prendre dans vos bras. La césarienne ne prend pas beaucoup de temps. Vous vous réveillerez quelques heures plus tard, en ayant l’impression d’avoir dormi d’un sommeil profond.
    -Et mon bébé, mon bébé, docteur, que ressentira-t-il ?
    -Absolument rien, il poussera comme tous les bébés le premier cri de sa délivrance. Une puéricultrice le prendra ensuite en charge pour lui prodiguer les premiers soins.
    Une puéricultrice ? Mon enfant sera remis à une personne étrangère tel un orphelin, c’est une autre femme qui le prendra dans ses bras pour l’habiller et le nourrir !
    Je sentis les larmes ruisseler sur mon visage. Youcef intervint encore :
    -Allons, allons, tu ne seras ni la première ni la dernière femme à accoucher par césarienne.
    Je hoche la tête :
    -Oui, oui, je le conçois. Je voulais seulement qu’on comprenne que ce bébé, je l’ai attendu. Je voulais tant…
    Les larmes me nouèrent la gorge et je ne pus terminer ma phrase. Youcef attendit que la crise passe puis fit signe au médecin :
    -N’écoutez que votre conscience docteur. Préparez-la à cette opération. Si nous attendons qu’elle cesse ses jérémiades nous risquerons d’y passer la nuit.
    -Bien, alors comme le travail vient de commencer, je pense qu’on pourra opérer aux premières heures de la matinée.
    Les premières heures de la matinée !
    Mais quelle heure était-il donc ?
    Je jette un coup d’œil à la montre bracelet de mon mari : minuit trente !
    Le médecin s’en va, et Youcef demeure à mon chevet. Il passe la main dans mes cheveux et me caresse la joue :
    - Allons, sois courageuse.
    - Je suis courageuse Youcef. Je l’ai été durant neuf mois. Et maintenant…
    Youcef me tint contre lui :
    -Ce n’est rien ma chérie. Je vais rester avec toi, hein ? Le fait de savoir que je suis là ne te confère-t-il pas une certaine sérénité, une certaine confiance ?
    Je hoche la tête :
    -Youcef, tu… resteras jusqu’à la fin de l’opération n’est-ce-pas ?
    -Non, je resterai jusqu’à ton réveil.
    -Tu verras le bébé avant moi.
    Il sourit :
    -Cela va de soi, je suis son géniteur. Oh ! du calme, j’ai dis ça pour plaisanter. Bien sûr que je verrai le bébé lorsqu’on le sortira du bloc, et je veillerai à ce qu’il soit bien traité, je te le promets. Je lui dirais que tu étais désolée, mais qu’un malentendu de dernière minute a retardé votre rendez-vous. Cela te va ?

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  11. Artisans de l'ombre Dit :

    Illusion 13e partie
    Par : Yasmine HANANE

    Je contemple mon mari un moment. Il avait l’air angoissé…Ses cheveux étaient collés à ses tempes et ses yeux était cernés…Tout comme moi, il ne s’attendait pas à cette tournure des évènements.
    -Je compte sur toi….Tu tenteras de programmer un autre rendez-vous pour nous deux dans la journée.
    -Essaye donc de m’en empêcher…..
    Epuisée, je me laisse aller contre mon oreiller. Le sédatif commençait à faire son effet, et le sommeil alourdit mes paupières.
    Lorsque j’ouvris mes yeux, il faisait déjà jour. Le sédatif s’était dissipé, et une douleur me déchira le ventre et le dos. Youcef s’était endormi sur une chaise. Il avait la tête ballante et les mains jointes dans un geste suppliant.
    Je tendis le bras et le secouais :
    -Youcef…Réveille –toi….
    Il sursaute et bondit :
    -Que se passet-il … ?
    La mémoire lui revint instantanément. Il s’approche de moi l’air inquiet :
    -Comment te sens-tu… ?
    -Pas trop bien…Mes douleurs reprennent….
    -je vais voir si le médecin peut faire quelque chose….
    Sans attendre la réponse, il court vers la porte, mais à ce même moment, une infirmière l’ouvrit en poussant une chaise roulante :
    -Oh…Excusez-moi…Je viens pour madame….
    Youcef s’efface pour la laisser passer, puis vint m’aider à m’installer dans la chaise et je m’agrippe à ses bras :
    -Youcef….J’ai peur….
    -Je suis là ma chérie…Rien de fâcheux ne t’arrivera.
    -Tu…Tu m’attendras ici… ?
    -Non..Je t’attendrais devant le bloc….Je ne vais pas quitter les lieux avant de m’assurer sur ton état.
    -Tu attendras mon réveil pour me dire comment est notre bébé….
    -Je te ferais un compte rendu de toute sa morphologie…
    Je fus tentée de revenir en arrière et de refuser cette césarienne….
    -Heu… Youcef….Et….Et si on rentrait à la maison…Je vais refuser cette opération….Je préfère revoir mon gynécologue…..
    -Vous n’en auriez pas le temps chère madame…..
    C’était le médecin qui venait à moi….Il avait entendu ma dernière phrase.
    - Vous n’irez nulle part….Chaque minute qui passe est trop précieuse pour votre vie et celle de votre bébé…
    L’infirmière me pousse à l’intérieur du bloc et referme la porte derrière elle.
    Je ne sais pas si j’étais en vie durant les deux heures qui suivirent, mais l’anesthésie aidant, il m’avait semblé que durant tout ce temps, mon corps n’était qu’un élément vide. Je n’avais gardé aucun souvenir, aucune sensation, aucune attache avec le monde réel….Tout comme les yogistes, on dirait que j’étais sortie de mon corps un moment pour vadrouiller quelque part. Où.. ? Je ne me rappelle pas.
    J’ouvris mes yeux sur un plafond blanc. Ma tête pesait une tonne, et ma langue était pâteuse. Je sentais des picotements aux niveaux de mes doigts et de mes orteils et un long trait brulant qui me traversait l’abdomen de bout en bout.
    Ma chambre baignait dans une pénombre et mes bras étaient reliés à des flacons de sérum et de sang.
    Un bouquet de fleurs déposé à mon chevet embaumait….C’était donc son parfum musqué qui emplissait mes narines, avant même que je n’ouvris mes yeux.
    Je tente de relever ma tête, mais un vertige m’en dissuada. Youcef remarque mon manège et s’approche de moi.
    -Enfin tu es réveillée….Je me demandais combien de temps tu allais encore dormir…
    Youcef était là… ! Il n’était pas parti…Je me sentais moins seule…
    Je me retourne vers lui :
    -Combien de temps ai-je dormi… ?
    -Je ne sais pas exactement…Une heure et demie, deux heures….Peut-être un peu plus depuis ta sortie du bloc.
    -Le bloc…. ?
    Tout me revient….Le bloc…La césarienne…le bébé…..

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  12. Artisans de l'ombre Dit :

    Illusion 14e partie
    Par : Yasmine HANANE

    Je m’agite… Je voulais me lever. Mais les mains puissantes de Youcef me retinrent :
    - Hé… doucement. Ne fais pas donc la gâtée. Que veux-tu donc faire ? Danser alors que tu sors à peine du bloc opératoire ?
    - Le bébé, Youcef… Mon bébé… Où est-il ? Il est mort ?
    Youcef comprend enfin mon impatience :
    - Le bébé est vivant et bien portant…C’est un beau garçon de 4 kg 200. Il est aussi beau qu’un petit ange.
    - Où est-il ?
    - A la nurserie. Où veux-tu qu’il soit ?
    - Je veux aller le voir…
    - Tu n’iras nulle part…
    La voix ferme de mon mari me ramène sur terre. Pardi, je venais d’accoucher par césarienne !
    Youcef reprend d’une voix plus douce :
    - On te ramènera ton fils dans un moment. Tiens-toi donc tranquille, tu vas provoquer des douleurs ou une infection.
    Le mot douleur me fait mal… Le mal de mon ventre reprend… J’avais envie de crier, de mordre dans quelque chose, ou cogner contre un mur.
    L’infirmière de service vint me prendre le pouls, et m’injecte quelque chose.
    Je me sentais mieux et lui demandais si je pouvais voir mon bébé.
    Elle acquiesce et sort, avant de revenir avec un paquet rose dans ses bras. Je sentais mes mains trembler. Es-ce vrai que cette petite chose mignonne est à moi ?
    Youcef se lève et prend le bébé pour le déposer au creux de mes bras. Je retins mon souffle. Non, mon Dieu… Je dois rêver. C’était trop beau pour être vrai…
    De mon index je me mets à caresser la touffe de cheveux couleur ébène qui surmontait le crâne de mon fils. Qu’il était beau ! C’était le plus beau bébé que j’ai jamais vu. Jamais !
    Il ouvrit toute grande sa petite bouche en forme de cœur et je demeure stupéfaite devant la petite grimace qu’il afficha.
    - Youcef… murmurais-je… Youcef, je le trouve … je le trouve magnifique. Et toi ?
    Youcef m’entoure les épaules et m’embrasse sur la joue :
    - Il est aussi beau que toi… Il te ressemble comme deux gouttes d’eau. J’en suis très fier.
    - Comment va-t-on l’appeler ?
    - Tu avais déjà prévu un beau prénom. Si je me rappelle bien, tu voulais l’appeler Mehdi.
    - Mais tu ne voulais pas de ce prénom, tu disais qu’il était trop anodin.
    - Tu l’appelleras Mehdi. Je ne m’opposerais pas à ta décision. Tu es en droit de choisir son prénom après tant de souffrances.
    J’étais heureuse… Si heureuse que j’oubliais jusqu’à ma souffrance physique. Je garde Mehdi un long moment dans mes bras. Je me sentais fatiguée mais je ne voulais pas me séparer de lui. Cependant, le bébé commençait à s’agiter.
    - Il doit avoir faim, me dit Youcef. Je vais appeler la nurse.
    Je lève une main suppliante :
    - Non… je veux le garder encore un moment.
    - Voyons…le petit est encore trop fragile…
    La nurse me prend le bébé, et je laisse encore couler mes larmes. J’étais devenue ces dernières vingt-quatre heures telle une éponge qu’on essorait. Où est donc passée la femme au caractère inébranlable que j’étais ?
    Je jette un coup d’œil inquisiteur à mon mari. Youcef était épuisé. Il arborait une barbe hirsute, ses yeux étaient cernés et ses joues creuses. Depuis la veille, il n’avait ni mangé, ni bu, ni pris du repos, encore moins une douche.
    - Youcef, tu devrais rentrer… tu es fatigué…
    Il passe une main lasse sur son visage :
    - Tu peux le dire, j’ai passé la journée la plus longue et la plus terrible de ma vie mais je suis heureux tout de même. Tu es sortie d’affaire, et nous avons un beau bébé.
    - Oui…Tu es tranquillisé en somme. Rentre à la maison pour prendre une douche et tâche de dormir un peu.
    Youcef se lève :
    - Je… je n’aimerais pas te laisser seule.
    - Ça ira… Je me sens déjà beaucoup mieux. D’ici ce soir tu pourras revenir si tu veux…

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  13. Artisans de l'ombre Dit :

    Illusion 15e partie
    Par : Yasmine HANANE

    Lorsque je revins de la clinique, je fus surprise de constater que toute la famille m’attendait. Youcef avait préfèré m’éviter trop de visite après l’intervention. Alors, en accord avec les autres, tout le monde avait décidé d’organiser une fête en mon honneur et celle du petit.
    On me félicite, on s’exclame devant la beauté du bébé, on prend des photos, on mange, on boit, on plaisante, on chante et on danse.
    Je ne tenais plus ! Le bébé n’était pas habitué à tout le vacarme qu’on faisait et donnait des signes de fatigue. Il n’arrêtait pas de s’agiter et de pleurer.
    Ma mère me le prend des bras et m’accompagne dans ma chambre. Elle me contemple un moment avant de lancer :
    - Je n’arrive pas encore à croire que la jeune fille insouciante et désordonnée est devenue maman. Et quel beau bébé !
    Je souris à ma mère :
    - Maman ! Le mot me semble un peu bizarre. Je n’arrive pas à admettre moi-même la chose.
    - Tu finiras par l’admettre ma fille. Tu vois que tu t’inquiètes déjà pour le repos et le confort du petit. L’instinct maternel ne trompe jamais.
    - Et toi ? Comment c’était pour toi ?
    Elle secoue sa tête :
    - Moi ? C’était une autre époque. J’étais encore une enfant. Alors tu imagines un peu, un enfant qui berce un enfant…
    Elle se met à rire :
    - Je ressemblais à ces petites filles qui jouaient à la poupée. Mais ma poupée à moi était réelle… Elle était en chair et en os. Fort heureusement, tes deux grands-mères étaient là pour me guider. .Je ne savais ni donner le sein ni changer les couches et encore moins tenir un bébé dans mes bras. J’avais peur de lui faire mal.
    Elle soupire :
    - Ce n’était qu’au bout de la troisième grossesse que j’ai pu enfin prendre moi-même l’initiative de m’occuper du nouveau-né… Je venais d’avoir mes 18 ans !
    Je hoche la tête :
    - Je me suis de tout temps demandée comment les femmes de ton époque réussissaient l’exploit de mettre chaque année au monde un enfant. Cela ne devrait pas être facile d’avoir plusieurs enfants en bas âge…
    - C’était l’époque où les familles vivaient en communauté. De ce fait, chaque jeune femme se devait de remplir son devoir de mère comme il se doit. La femme qui avait le plus d’enfants, et en particulier le plus de garçons, était la mieux considérée. C’était l’époque où chaque famille rêvait de voir son fils ou sa fille comblés par une nombreuse descendance pour assurer sa longévité et sauvegarder son patrimoine.
    - Heureusement qu’on n’en est pas encore là. Je ne sais pas ce que je serais devenue avec un enfant chaque année sur les bras.
    - Bof ! tu te serais pliée aux exigences de l’époque et tu aurais de ce fait accepté ton destin.
    Mehdi s’était endormi et je me sentais un peu mieux. Ma cicatrice ne me permettait pas de me plier. Je voulais prendre tout de suite une douche mais ma mère m’en dissuada :
    - Attends au moins une semaine… Laisse ta peau se refermer comme il se doit.
    - Je ne sais pas si je pourrais supporter davantage mon état. Je ne veux plus me laver tel un chat qui a peur de l’eau.
    - Qu’à cela ne tienne, dans quatre ou cinq jours je te ferais moi-même prendre un bain avec des herbes médicinales et des plantes odorantes.
    Les jours, les semaines, puis les mois passent. Mehdi grandissait et prenait du poids. Ma mère ne cessait de me prodiguer soins et conseils. Elle me rendait souvent visite et reconnaissait le moindre petit écart.
    Le bébé n’était pas assez habillé. Il pleurait, parce qu’il avait faim ou était fatigué… Non, il n’était pas malade… La rougeur de ses joues était due à la température ambiante, etc…
    Je tentais de suivre ses conseils, et mes premières hésitations ne furent plus qu’un mauvais souvenir. Je savais m’occuper désormais de mon bébé. Je savais le tenir correctement dans mes bras, lui faisait prendre tous les matins son bain, lui donner son biberon, et l’aborder.
    Youcef n’en revenait pas… A chaque minute, il découvrait en moi une nouveauté. J’avais décidé de prolonger mon congé de maternité de quelques semaines. Mon mari sortait seul en reportage et rentrait tous les soirs rompu de fatigue.
    Le jour où je devais quitter mon bébé pour reprendre mon travail arriva trop vite à mon goût. Ma mère proposa de venir chez moi tous les matins afin de s’occuper de son petit-fils, en attendant que je tombe sur une bonne nourrice.
    Me voici donc départagée entre mon travail, mon rôle de mère et d’épouse, et mes multiples travaux ménagers. Youcef cuisinait de temps à autre. Même si sa cuisine n’était pas des meilleures, je ne pouvais m’en plaindre, car cela me déchargeait d’une tâche des plus ardues.

    Illusion 16e partie
    Par : Yasmine HANANE

    Souvent Mehdi se réveillait la nuit, et je devais me lever pour m’occuper de lui. Au petit matin, mon bébé s’endormait, alors que moi je n’avais pas fermé l’œil. Un calvaire pour une femme active.
    Je ne savais plus où donner de la tête. Jamais je n’avais imaginé, qu’un bébé pouvait autant bousculer ma vie et mes habitudes. Cette petite créature demandait à elle seule beaucoup de soins et énormément de temps.
    Pourrais-je tenir le coup ?
    Youcef me proposa une mise en disponibilité… Une année ou deux. Cela me permettra, me dit-il, de voir plus clair… du moins jusqu’à ce que Mehdi soit assez grand pour se dispenser de mes soins.
    Je réfléchis à sa proposition. Mais tout compte fait, avec un seul salaire nous ne pourrions pas faire face à toutes nos dépenses. Nous étions habitués l’un et l’autre à un train de vie assez aisé.
    La solution me vint d’une collègue qui me présenta une nourrice. Elle était jeune, mais avait assez d’expérience avec les enfants et pourra s’occuper de Mehdi comme il se doit. Mieux encore, elle se proposa de venir à la maison, et même d’habiter sous mon toit si cela m’arrangeait. Elle demandait un salaire assez raisonnable, et une journée de congé par semaine.
    Que pouvais-je souhaiter de mieux…?
    J’étais aux anges. Non seulement je pourrais reprendre mon travail sans aucune entrave, mais aussi et surtout, je serais rassurée sur la garde de mon fils que je n’aurais pas à trimballer tous les matins et tous les soirs. Mehdi restera au chaud dans son berceau et cette nurse tombée du ciel va s’occuper de lui et le prendre en charge tant que je serais à l’extérieur. Je ne vais pas la retenir pour la nuit. Non… je n’aimerais pas l’avoir dans mes jupons une fois rentrée chez-moi. Elle pourra cependant me seconder en certaines occasions. Par exemple lors de mes missions ou lorsque je dois sortir le soir, etc.
    - Ouf ! dis-je à Youcef, nous sommes enfin tranquille. Cette nurse est tombée au moment opportun, alors que je désespérais d’en dénicher une. La providence est avec nous.
    - Je suis content moi aussi de savoir que cette femme va venir chez-nous tous les jours. Elle a l’air d’être instruite et assez au courant des besoins d’un enfant en bas âge. Que trouver de mieux de nos jours, alors que les nurses deviennent de plus en plus exigeantes ?
    - Grace à Dieu je vais pouvoir donner libre cours à mes ambitions professionnelles.
    - Hum… et si… et si jamais nous avons un autre enfant ?
    - Quoi ? Oh non ! Pas avant longtemps. Je viens à peine de me relever d’une césarienne ; et puis même si ce n’était pas le cas, je crois que je n’aimerais pas avoir un second enfant avant cinq ou six ans.
    - Aussi long que ça ?
    - Pas assez long à mon goût. Je viens de découvrir qu’un enfant demande beaucoup d’attention et beaucoup de soins. Ce qui signifie beaucoup de temps et de patience.
    Pour trouver du temps et avoir de la patience, il va falloir espacer les naissances, car avoir deux bébés sur les bras, ne doit pas être chose aisée.
    Youce sourit :
    - Tu penses à tout sauf à moi.
    - Pourquoi ?
    - Eh bien, tu ne demandes même pas si je suis d’accord sur ce que tu viens d’avancer.
    Je sors de mes gonds :
    - Mon cher, un enfant se fait à deux certes, mais il se trouve qu’il est porté par un seul. Seule la femme doit supporter les neuf mois de grossesse, les douleurs de l’accouchement, et les aléas qui viennent après. Alors si l’un des conjoints est le plus concerné dans cette affaire, c’est bien la maman. Non… arrête, n’ajoute rien… Ne fais plus aucune remarque là-dessus, car c’est décidé, je ne veux plus d’enfant avant cinq ou six ans, si ce n’est plus.

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  14. Artisans de l'ombre Dit :

    Illusion 17e partie
    Par : Yasmine HANANE

    Youcef fait la moue :
    - Mehdi se sentira bien seul.
    -Non, je vais le mettre à la crèche dans une année. Il grandira avec des enfants de son âge.
    Il se racle la gorge :
    - Tu as tout planifié à ce que je vois.
    - Et alors ?
    - Je pensais que lorsqu’un couple est marié, il doit prendre des décisions en commun.
    - Qui a dit le contraire ?
    - Toi.
    - Hein ?
    - Oui, tu prends des décisions, et tu planifies l’avenir de notre famille, sans prendre en considération ni mes aspirations ni mon avis.
    Je sentis la moutarde me monter au nez :
    - Allons donc Youcef, que vas-tu chercher là ? Je suis une mère, et comme toute mère consciencieuse, je pense à l’avenir de ma famille. C’est pour cela d’ailleurs que je voulais espacer les naissances.
    - Tu vas aussi décider du nombre de nos enfants.
    Je hoche la tête :
    - Bien entendu. Je n’aimerais pas en avoir plus de deux. Mon travail et mes occupations quotidiennes et même nos moyens ne nous permettront pas d’aller plus loin.
    Youcef me regarde un moment en silence, puis lance :
    - Je vais peut-être te surprendre, mais j’espérais avoir bien plus d’enfants.
    - Non, deux suffiront largement. Pense un peu aussi au coût de la vie qui augmente de jour en jour.
    Il hausse les épaules :
    - Nous voici devant un dilemme. Je pensais qu’on avait des affinités dans tous les domaines et voilà que tu me surprends. Moi j’aime les enfants.
    - Moi aussi, figure-toi, mais tu vois bien que j’ai dû passer par le bistouri pour ma première expérience, et je n’aimerais pas la renouveler.
    - Hum, je te comprends fort bien, seulement tu n’es ni la première ni la dernière femme à accoucher par césarienne.
    - Tu ne m’apprends rien là-dessus. Vous les hommes êtes tous les mêmes. Vous êtes tous des égoïstes. Aucun d’entre vous ne pourra imaginer, ne serait-ce qu’une seconde, les aléas d’une grossesse et les douleurs d’un accouchement. Vous êtes les plus gâtés aussi, car vous recevez les bébés sur un plateau d’argent, et sans même sentir une égratignure. C’est pour cela que vous êtes arrogants à souhait et insouciants pour la plupart.
    Emportée par ma colère, je débitais n’importe quoi. Youcef m’interrompt d’une voix ferme :
    - Arrête !
    - Hein?
    - Arrête de dire des sottises. Nous les hommes, n’avons pas eu non plus à choisir notre destinée, la nature nous a elle-même désignés pour jouer notre rôle tel qu’elle l’avait conçu pour nous. Je rends hommage à toutes les femmes, et à ma mère en premier, pour cette noble mission dont elles ont la tâche et…
    - Tu rends hommage aux femmes. Tous les hommes disent ça, pour se disculper.
    - Non, tu te goures, je ne me disculpe pas. Je n’ai pas à me disculper. Et de quoi donc veux-tu m’inculper ?
    - De tout, de ton ignorance envers moi, de ton insouciance. Tu ne t’occupes ni du bébé, ni des courses, ni de la maison. Tu es constamment à l’extérieur et, en plus, tu me fais une scène parce que je veux planifier les naissances.
    - Tu ne les planifies pas, tu veux les limiter.
    - Exact ! Et je ne vois pas où est le mal lorsqu’une femme active comme moi prend les devants pour tracer l’avenir de sa famille car elle n’aimerait pas se faire prendre les pattes dans les couches d’une demi-douzaine de bambinos.
    - Et si moi je veux une demi-douzaine de bambinos ?
    - Eh bien, tu ne les auras pas avec moi.
    - Très bien ! Rappelle-toi seulement ce que tu viens de dire.
    - Je me le rappellerais, ne t’inquiète dons pas, je n’ai pas encore l’Alzheimer.

    Illusion 18e partie
    Par : Yasmine HANANE

    C’était notre première dispute déclarée. Je me mets au lit et tire la couverture sur mon visage. Youcef s’empare de son oreiller et alla se coucher au salon.
    Je rabats la couverture et m’assois dans mon lit, non sans avoir pris le soin d’éteindre la lumière. Mehdi dormait profondément dans sa petite chambre. Je me lève sur la pointe des pieds pour aller jeter un coup d’œil sur lui.
    Mon fils suçait son doigt.
    Un véritable petit ange. Je lui caresse la joue, puis les cheveux. Mon enfant semblait paisible dans son sommeil…Il souriait.
    Il fronçait les sourcils puis souriait encore. Je pouvais rester ainsi des heures à le contempler.
    Fatiguée et déçue par le comportement de mon mari, je rejoignais ma chambre en espérant trouver un semblant de repos. Je me levais plusieurs fois dans la nuit pour aborder Mehdi, changer sa couche ou lui donner son biberon…Ce n’est que vers l’aube, que je pu enfin fermer les yeux.
    Youcef boudait. Il avait refusé de prendre son petit-déjeuner et était sorti très tôt. La nurse arriva à l’heure et je pu me préparer moi aussi pour entamer ma journée. Heureusement que j’étais véhiculée !
    J’arrive à la rédaction et me rendis tout de suite dans le bureau du red’chef pour lui demander de me donner de la matière pour la journée. Je voulais éviter Youcef… surtout pas de sortie avec lui aujourd’hui. Heu…c’était un peu mesquin de ma part de mélanger les navets et les choux mais il se trouve que mon coéquipier était mon propre mari et la source de ma mauvaise humeur.
    Qu’à cela ne tienne. Je tombe sur un sujet qui se rapporte aux femmes actives et à leurs préoccupations…C’est comme si le hasard me tendait une perche. Je prends à cœur ce sujet. Je me rendis dans plusieurs administrations, les écoles, en passant par les femmes d’affaires, les politiciennes et les candidates aux législatives…!
    Je rédige un long et profond article sur le thème. Toutes les femmes étaient unanimes : les hommes ne pensent qu’à eux. Elles, elles doivent se débrouiller seules pour tenir leur foyer, mettre des enfants au monde, les élever, suivre leur scolarité, et même assurer leur avenir…Que fait l’homme dans tout ce labyrinthe ?
    Elles répondirent toutes presque à la même enseigne : il se cherche une autre femme…Il court derrière un autre jupon…L’homme est insatiable…Il veut retrouver sa mère dans toutes les femmes qu’il rencontre… On vire alors vers le complexe d’Œdipe ou le talon d’Achille. L’homme veut toujours plus…Il n’attend pas d’être servi, il se sert lui-même, et c’est toujours la malheureuse femme qui casque. Elle est aussi souvent maltraitée et traitée de tous les noms, elle est battue et humiliée. Des femmes heureuses de pouvoir s’exprimer délièrent leur langue. Une petite hésitation, un petit silence de circonstance, puis un clin d’œil complice :
    “Vous êtes une femme… vous comprenez… ils sont gentils, les hommes, juste au début d’une idylle…Au début d’une union…puis…plus rien. On boit le calice jusqu’à la lie à cause d’eux. Même ceux qui se prétendent évolués, cultivés et compréhensifs sont de mèche avec les autres, il n’y a que de la façade qui trompe… les apparences…l’alter égo…
    Au fur et à mesure de mes investigations, je découvrais un monde que j’ignorais jusque-là. Un monde fait de femmes battues et malheureuses, de femmes traînées devant la justice, destituées de leurs droits, jetées dans la rue, ou répudiées sans aucune assurance ni garantie quant à leur avenir ou celui de leurs enfants…Et on parle des droits de la femme ! Où sont-ils donc ces droits ? Où est la parole sacrée qui redonnera la place à la femme dans une société à prédominance masculine ?
    Même ces dames de fer, comme on les appelle, se trouvent être juste un échantillon qu’on brandit pour montrer que les hommes ne sont pas aussi mauvais que ça, et qu’ils ont tout de même été tolérant jusqu’à permettre à ces “meneuses” d’atteindre le sommet de leur carrière et l’apothéose de la réussite.
    Mais ces femmes elles-mêmes souffrent de leur situation sociale.
    Elles en parlent, entament des débats, discutent, proposent des solutions…Mais en fin de parcours, personne ne les écoute réellement…Elles sont applaudies, adulées et deviennent celles sur lesquelles on peut compter…Hélas ce n’était que chimère !

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  15. Artisans de l'ombre Dit :

    Illusion 19e partie
    Par : Yasmine HANANE

    Une fois les lampions éteints, elles redescendent de leur podium et on les oublie.
    Je notais. Je ne cessais de noter les impressions des unes et les confidences des autres. Elles sont toutes révoltées, mais elles préfèrent passer la vérité sous silence, car elles ont peur !
    Oui, peur ! Qui va s’occuper d’elles donc ? Qui va les protéger ? Les lois ? La justice ? Chacune d’elles en connaissait déjà un bout, un exemple… Telle voisine, telle cousine, telle amie… Aucune d’elles n’avait eu le courage d’aller jusqu’au bout, car la famille veille au grain… Lequel ? Eh bien dans une société comme la nôtre, vaut mieux éviter la foudre masculine. Après tout, nos aïeules avaient bien supporté leur condition, n’est-ce pas ?
    Je n’en revenais pas… Mais enfin, que devrais-je penser ? Ces femmes que j’admirais. Ces femmes qui ne courbent pas l’échine devant les hommes, ni les bras devant le travail titanesque qui les attendait m’avaient avoué dans un chuchotement leur impuissance.
    Tout ce qu’on pouvait raconter sur les droits de la femme était juste un mirage… Même dans les plus grands pays du monde et les plus développés, la femme passe sous le joug de l’homme. Combien sont-elles à avoir détruit leur vie et leur avenir à cause de ce dernier ? Quelques-unes allèrent même jusqu’à verser des larmes de rage et d’impuissance… Grrrr…
    Le poing serré, elles ne pensent qu’au jour où elles pourront prendre leur revanche.
    “Nos grands-mères vivaient mieux que nous, me dirent quelques-unes… Elles, au moins, avaient un seul but dans la vie : fonder une famille. Elles, au moins, avaient eu la chance de tomber sur des hommes capables de les entretenir et de subvenir à leurs besoins… Du moins étaient-elles à l’abri des humiliations et des intimidations… à leur époque, les hommes avaient des moustaches et les tiraient à la moindre incartade…
    C’était le geste symbolique de l’honneur. Ils étaient durs mais justes, ils étaient pauvres, mais riches de leur expérience de la vie et de leur sens des responsabilité… Jamais ils n’avaient dépassé les bornes de leurs masculinité.
    De nos jours, l’homme compte sur sa femme pour subvenir à ses besoins, et par-dessus le marché, au lieu d’être aidée et épaulée, elle est humiliée et maltraitée.”
    Mon papier provoquera à n’en pas douter des réactions, me dis-je en suçant mon stylo. Je relis mes notes… On dirait que le fait de m’être accroché avec Youcef a provoqué un déluge.
    Des femmes comme moi se livrent quotidiennement et sans discontinuité au plus vieux combat du monde. C’était toujours l’homme l’instrument de leurs malheurs.
    Combien sont-elles à avoir abandonné leurs études à cause d’un père ou d’un frère acariâtres.
    Combien sont-elles à ne pas avoir connu une salle de cours de leur vie ? On dit que la femme instruite provoque la foudre… Oui… C’est ça… Certains esprits fermés le pensent réellement.
    Et puis combien sont-elles à avoir essuyé le refus d’exercer une profession après avoir décroché brillamment un diplôme ? J’en connaissais beaucoup de ma promotion.
    Tiens, Youcef aussi m’avait demandé de prendre une mise en disponibilité pour élever Mehdi. N’était-ce pas un prélude de sa part pour m’empêcher de reprendre mon job sous prétexte que mon fils avait besoin de moi ? Et puis avec son idée d’avoir plusieurs enfants et une famille nombreuse, je pouvais tirer toutes les conclusions. Si des femmes comme moi pouvaient au moins imposer leurs idées, d’autres battaient en retraite, car la bataille n’en valait plus la peine… Il faut savoir choisir, ne cesse-t-on de leur répéter.
    En voulant exercer une fonction, la femme voulait s’affirmer. Elle pensait ainsi pouvoir reprendre les rênes et mener le chariot à bon port. Hélas ! L’affaire ne s’avéra pas aussi aisée qu’elle l’espérait.
    Alors qu’elle se réjouissait d’avoir gagné la partie en accédant à l’instruction et au monde professionnel, elle se retrouva prise entre le marteau et l’enclume. Certes, le savoir lui permettra d’avoir des ambitions et d’égaler l’homme sur le terrain du travail et de la recherche, mais cette “liberté” devint conditionnelle.
    La femme active est désormais vue par l’œil “pécuniaire” de l’homme. Elle est souvent sommée de verser l’intégralité de son revenu mensuel, au risque de se voir interdite d’exercer son métier, ou, pis encore, de sortir de chez elle. Une aberration pour ces malheureuses qui avaient cru retrouver dans leur vie conjugale ce qu’elles avaient tant recherché auparavant : une compréhension et un soutien.

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  16. Artisans de l'ombre Dit :

    Illusion 20e partie
    Par : Yasmine HANANE

    Pourtant, et pour ne pas noircir davantage le tableau, quelques femmes confirmèrent leur statut de mère et d’épouse, en parallèle à leur profession.
    Pourquoi ? Eh bien, quelques-unes d’entre elles nous répondirent qu’elles avaient dès le début pris le taureau par les cornes afin de remettre les pendules à l’heure. Loin s’en faut, elles devinrent elles-mêmes ce pilier central sur lequel on pouvait s’appuyer. Celles-là sont celles qui ont su mener leur barque, car leurs époux avaient compris que pour gagner la confiance et l’amour d’une femme, il fallait la traiter autrement.
    Tel que le précisait d’ailleurs Mahatma Gandhi dans ce dicton : “Si j’étais une femme, je me rebellerais contre toute prétention qu’émettrait l’homme de faire de sa femme son jouet. Je n’ai réussi à pénétrer dans le cœur de ma femme que le jour où j’ai décidé de la traiter autrement que je ne l’avais fait jusqu’alors. J’ai compris que l’épouse n’est pas l’esclave du mari, mais sa compagne et sa collaboratrice.”
    Je regarde mes feuillets noircis par mon écriture penchée. L’article était presque terminé.
    J’entendais un bruit de serrure et jette un coup d’œil à ma montre : il était presque minuit. Youcef n’avait pas l’habitude de veiller assez tard. La nurse était partie vers dix-huit heures, alors que je revenais de la rédaction. Je voulais rester seule avec Mehdi. Je savais que Youcef allait tarder, mais pas jusqu’à cette heure-ci.
    Il traverse le couloir, chaussures aux pieds bien sûr, et se dirige vers la salle de bains sans un regard vers la chambre.
    Je l’entendais prendre sa douche en chantonnant. Je reprends mon travail. J’avais relevé certains détails, souligné d’autres, et entamé un premier paragraphe sur mon ordinateur.
    Mehdi se met à pleurer et je cours vers sa chambre. Youcef m’avait précédée. Je ne l’avais pas entendu sortir de la salle de bain.
    Il prend le petit dans ses bras et se met à le bercer. Mehdi se rendort. Youcef me jette un coup d’œil furtif avant de le remettre dans son lit, puis me toise un instant avant de se diriger vers la cuisine. Il ouvrit le frigidaire puis le referme en haussant les épaules. Il avait vraisemblablement déjà diné.
    Je hausse les épaules moi aussi. Je n’avais pas cuisiné, ni même rien mangé depuis le matin. J’étais tellement absorbée par la rédaction de mon texte que je ne me suis pas rendue compte que mon estomac gargouillait.
    Youcef traîne ses pattes au salon puis se laisse tomber sur un fauteuil et allume la télé. Je me rendis alors dans la cuisine pour réchauffer un reste de soupe aux légumes. Je sortis une salade variée du frigidaire, du fromage et des fruits.
    Je dépose le tout sur la table et me mets à manger. Youcef vint se verser un grand verre d’eau et prend une pomme avant de retourner au salon.
    Tout en mangeant je réfléchissais… Mehdi était encore petit et avait besoin de toute mon attention…
    Je suis contrainte de travailler et de partager mon temps entre mon fils et mes reportages.
    J’avais compris que je ne pouvais pas compter sur mon mari. Notre dispute de la veille était un prélude à tout ce qu’il avait l’intention de m’imposer.
    Moi aussi j’aimais les enfants. Qui n’aime pas les enfants ? Mais pas au point de sacrifier ma carrière. Je ne suis pas celle qui va fermer les yeux sur les longues années d’études, les stages et les formations, pour se consacrer aux enfants et à la cuisine. Youcef le savait pourtant. Nous avions travaillé ensemble avant notre mariage et il connaissait mes ambitions. Pourquoi ce revirement de situation ?
    Je repense aux femmes que j’avais rencontrées. Elles étaient formelles dans leurs réponses : tous les hommes ou presque changent après le mariage… C’est pour cela, d’ailleurs, qu’il y avait autant de divorces ces dernières années.
    Je découpe un morceau de fromage et me mets à le mastiquer distraitement. Ma mère était fière de moi. Oui, elle était heureuse de me savoir heureuse. Je lui parlais souvent de Youcef, et elle ne cessait de me répéter que je ne pouvais tomber sur un parti meilleur.
    Pour elle, un homme tel que mon mari était tout ce qu’on pouvait espérer pour sa fille. Il travaillait dur, avait son appartement, son véhicule, et me permettait de sortir et de travailler, etc.
    Et aujourd’hui que pensera-t-elle de lui si elle apprenait qu’il voulait une demi-douzaine d’enfants et qu’il espérait me voir m’occuper d’eux ? De ma carrière, il n’en avait cure…
    Je pousse un soupir avant de me lever. Je me sentais épuisée. Ma journée avait été longue. J’aurais pu oublier ma fatigue si Youcef… Je secoue ma tête : pas de faiblesse. Non… pas de faiblesse. Il faut savoir tenir. Si je ne tiens pas aujourd’hui, je ne pourrais plus jamais tenir ni m’en sortir. Je m’étire. Mes muscles étaient “soudés”. Cela faisait bien belle lurette que je n’ai pas pensé à reprendre le sport.
    Par paresse ou manque de temps ? Les deux peut-être…

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  17. Artisans de l'ombre Dit :

    Illusion 21e partie
    Par : Yasmine HANANE

    Des jours durant, Youcef maintint sa distance et je me tins à mes convictions. Je continuais de mener mon train de vie… Réveil, bébé,boulot, maison, etc. Les week-ends, je me rendais chez mes parents, alors que Youcef passait ses journées au lit.
    Mon reportage sur les femmes et leurs problèmes sociaux, s’il avait pu accrocher la gent féminine, n’en avait pas moins fait des remous auprès de la gent masculine.
    Youcef, qui avait lu mon article de la première à la dernière ligne, jette le journal sur la table du salon et sortit sans un mot.
    Devrais-je comprendre que l’article ne lui plaisait pas, ou est-ce le fait qu’on se faisait la tête depuis quelques jours qui le rendait taciturne et hors de lui ?
    L’article avait ajouté son grain de sel. Youcef ne pouvait accabler ses semblables et me donner raison, alors qu’on était à couteaux tirés justement sur un des points les plus culminants de mon papier…
    à la rédaction, on avait remarqué notre froideur. Mais jusqu’à ce jour, personne n’avait fait le lien entre mon travail et ma vie familiale… C’était tant mieux, puisque j’évitais de ce fait les questions indiscrètes.
    Les réactions des lecteurs ne tardèrent pas à pleuvoir dans ma boîte e-mail. Des dizaines de commentaires…
    Des reproches, des remarques, des avis, des témoignages poignants.
    Les antagonistes ne manquaient pas bien sûr…
    Les uns étaient révoltés. D’autres estimèrent que les femmes, toutes les femmes, méritaient l’enfer qui paraîtra bien doux devant leurs méfaits.
    Quelques femmes s’insurgèrent contre les comportement jugés “honteux et perfides” de ces énergumènes qui piochent dans les poches de leurs femmes, pour dépenser un argent durement gagné, dans des plaisirs éphémères, comme boire et jouer au poker, ou, pis encore, entretenir une relation…
    Prise dans l’engrenage de ces réactions, j’oubliais pour un moment mes préoccupations.
    La sonnerie de mon portable me fera sursauter. Je regarde le numéro affiché. C’était la nurse. Mon cœur fera un bond dans ma poitrine : Mehdi… Mon Dieu… Pourvu que…
    Je décrochais fébrilement. La nurse m’apprendra que mon bébé n’avait cessé de vomir depuis la matinée, et qu’il avait une forte fièvre. Et…
    Je ne la laisse pas terminer sa phrase. J’avais déjà saisi mon sac avant de bondir vers la sortie, sans même informer le red’chef.
    Je maudissais la circulation intense à cette heure de la journée. Je ne lâchais plus le klaxon… Mon pied appuyait sur le champignon dès qu’une voie était libre… Je pensais ne jamais arriver chez moi.
    Je grimpais les escaliers quatre à quatre et introduisais ma clef dans la serrure de la porte d’entrée.
    Mais mes mains tremblaient si fort que je n’arrivais pas à la tourner. Je me mets alors à taper de toutes mes forces sur la porte. La nurse vint m’ouvrir, mon bébé dans ses bras. Je le lui prends et l’interroge ;
    -Depuis quand a-t-il de la fièvre ?
    -Depuis une heure environ… Je crois que ce sont les dents…
    Mehdi semblait inerte dans mes bras. Il avait le visage tout rouge, et ses yeux étaient cernés.
    Il respirait difficilement et transpirait de tous ses pores.
    Comme s’il avait senti ma présence, il tente d’ouvrir les yeux…
    Je le sentis si vulnérable, si faible dans mes bras… Il se met à pleurer puis se tut… Il n’avait même plus la force de pleurer…
    -Vite…, dis-je à la nurse, je vais le prendre à l’hôpital.
    La nurse m’accompagne… Je ne pouvais conduire en tenant mon bébé… Mes mains tremblaient… Une angoisse m’étreignait le cœur.
    J’actionne les feux de détresse et me lance comme une dingue sur l’autoroute.
    Je ne savais pas au juste quelle heure il pouvait être, mais le soleil qui tapait fort me renseigna. On était en milieu de journée. Vais-je trouver un médecin à cette heure-ci ? C’était l’heure du déjeuner.
    Mes oreilles bourdonnaient. Mon fils ne donnait plus signe de vie. Je regarde la nurse d’un air inquiet :
    -Comment va-t-il ?
    -Il dort. La fièvre est tombée.
    Je tendis mon bras et lui touche le front :
    -Il n’est pas aussi chaud que toute à l’heure, mais je ne serai rassurée que lorsqu’on aura vu un médecin.
    J’arrivais à l’hôpital au moment où le personnel se rendait à la cantine.
    Mon fils dans les bras, je courais d’un service à un autre à la recherche d’un toubib.

    Illusion 22e partie
    Par : Yasmine HANANE

    Une infirmière m’arrête à l’entrée de la pédiatrie :
    - Madame, madame, vous ne pouvez pas accéder à ce service. Les médecins sont sortis pour le déjeuner. Adressez-vous au service des urgences.
    Je sentis mon sang bouillir dans mes veines :
    - Urgences, vous parlez d’urgence ? Qu’appelez-vous donc les urgences, hein? Ce service où on doit patienter des heures entières avant d’être reçu par le premier interne de service. C’est ça vos urgences ? Et puis, comme dans tous les autres services, là-aussi les médecins ont dû sortir pour déjeuner.
    Une main se pose sur mon épaule et je me retourne vivement. Un jeune homme en blouse blanche me dit d’une voix calme :
    - Ce n’est pas tous les médecins qui sortent pour le déjeuner. Nous sommes censés travailler par équipe. Je suis bien là moi.
    - Ah ! Vous êtes médecin ?
    - Oui.
    Je lui tendis alors mon bébé les larmes aux yeux :
    - Je, je suis désolée mais…
    Il me prend Mehdi des bras et se dirige vers son cabinet. Je le suis. L’infirmière hausse les épaules et se dirige vers un autre service.
    Je fais signe à ma nurse de m’attendre dans le couloir.
    Le médecin dépose Mehdi sur la table de consultation et se met à l’examiner minutieusement. Au contact du stéthoscope, mon fils se réveille et se met à crier.
    - Là, là, là, on ne s’agite pas petit bonhomme.
    Le médecin parlait d’une voix douce, et ses gestes étaient lents et précis.
    Il examina les yeux, la gorge, les oreilles etc.
    - Quel âge a-t-il ?
    - Bientôt sept mois.
    Mehdi reconnut ma voix et se remit à pleurer. Je m’approche, et le jeune médecin me lance :
    - Il doit avoir faim. C’est bon signe. Heu, vous pouvez lui donner le sein.
    - Je ne lui donne pas le sein, il prend un biberon toutes les deux heures environ.
    - Vous n’êtes pas de ces femmes qui n’aiment pas allaiter leurs enfants, pour ne pas abimer leur poitrine!
    - Non, pas du tout. Il y a que… j’ai accouché par césarienne et…
    - Ah ! je comprends. Ne vous en faites pas trop pour le petit. Je vais vous prescrire quelques médicaments. Votre enfant fait ses dents. La fièvre et tous les symptômes dont il souffre est un passage obligatoire. Rentrez chez-vous et préparez-lui un bon biberon. À partir d’aujourd’hui, vous surveillerez régulièrement sa température. En principe dès qu’il commencera à prendre son traitement, tout rentrera dans l’ordre.
    - Vous me rassurez docteur, mais êtes-vous certain que mon fils ne souffre pas de quelque chose de plus grave ?
    Le médecin dépose son stéthoscope sur son bureau et me sourit :
    - Hormis la poussée dentaire, votre fils se porte comme un charme. Son état général est satisfaisant.
    Il a un bon poids. En plus, il semble gourmand.
    - Heu, oui, mon fils prend son lait et ses repas à des heures régulières.
    - Alors, madame, ne changez rien à son programme quotidien. Votre enfant est assez robuste pour dépasser “la crise dentaire” sans aucune inquiétude.
    Je soupire d’aise. Le jeune médecin me sourit :
    - Rentrez chez-vous et tentez de vous détendre. Vous êtes passée par une rude épreuve. Hélas ! ce n’est pas terminé. Un enfant est tellement fragile… et toutes les mamans perdent les pédales devant le moindre petit bobo de leur bébé.
    Je remercie le jeune pédiatre avant de quitter les lieux. La nurse m’attendait. Je lui tendis Mehdi et nous rentrons.
    Je trouvais Youcef à la maison. Il semblait bien inquiet. Comment avait-il su ?
    J’avais à peine franchi la porte d’entrée qu’il se mit à vociférer :
    - Ah ! Te voila enfin ! Pourquoi ne voulais-tu pas répondre ? Je t’ai appelée mille et une fois sur ton portable. J’ai cru devenir fou d’inquiétude.
    Mon portable?
    En fait je l’avais laissé au bureau. Comment savait-il pour Mehdi ?
    - J’ai laissé mon portable au bureau.
    - Très bien, tu n’as même pas pensé à m’appeler et…
    - Comment as-tu su ?
    Il se prend la tête entre les mains :
    - Je ne sais pas ce que tu as à l’intérieur de ton crâne, mais pardi tout le monde t’a vue traverser la rédaction en coup de vent, avant de dévaler les escaliers comme une folle.
    Quelqu’un est venu me dire que tu avais démarré comme une forcenée. J’ai tenté de te joindre sur ton portable, puis sur le fixe.
    Comme personne ne répondait, j’ai compris que c’était Mehdi.

    Illusion 23e partie
    Par : Yasmine HANANE

    Il ne termina pas sa phrase. Ses yeux lançaient des éclairs. Je pris peur. Le bébé gigotait dans mes bras. Je le tendis à la nurse et lui demandais de lui préparer un biberon rapidement.
    Je fulminais, mais je ne pouvais être le facteur déclenchant d’une orageuse dispute que je sentais venir.
    Youcef continue de me lancer un regard meurtrier. Il semblait sur le point de me sauter au cou et de m’étrangler. Il est vrai que j’aurais dû l’appeler mais je n’y avais même pas pensé. Mon fils avait une fièvre de cheval et je n’avais pas de temps à perdre. Heu…oui, j’ai pensé plutôt l’emmener d’abord à l’hôpital que d’informer son père.
    Ma colère reprend le dessus. Et puis pourquoi l’appeler ? Je ne m’adressais plus à lui depuis plusieurs jours. Il me faisait la tête et m’ignorait. Qu’aurait-il fait de mieux que moi devant un enfant fiévreux ? Si je l’avais contacté, il m’aurait fait perdre un temps précieux.
    Enfin, Youcef se calme et me lance d’une petite voix :
    - Qu’a dit le médecin ?
    - Rien de grave. C’est les dents. Il a prescrit un traitement.
    - Tu as acheté les médicaments ?
    - Pas encore. Mehdi avait faim, je suis rentrée aussi rapidement que je pouvais.
    - Alors donne-moi l’ordonnance, je vais descendre tout de suite chez le pharmacien.
    J’ouvris mon sac et lui tendis l’ordonnance :
    - Ne tarde pas trop. Mehdi doit commencer son traitement rapidement. La fièvre risque de revenir et…
    Youcef lève la main :
    - On dirait que tu es la seule concernée dans cette affaire. Tu oublies qu’il est aussi mon fils.
    Je me mordis les lèvres. C’était la vérité. Emportée par mon inquiétude et ma colère, je n’ai pas pensé une seconde que Youcef pouvait s’inquiéter pour
    Mehdi.
    - Désolée mais je voulais juste préciser que notre bébé doit entamer son traitement. La poussée dentaire ne se fera pas sans encombre.
    Youcef me tourne le dos. Il prend son blouson et sortit. Une demi-heure plus tard, il revint avec les médicaments qu’il me tendit :
    - Voila, tu as toutes les indications sur les boîtes. Comment va-t-il ?
    - Bien ! Il a pris son biberon et s’est endormi. Je ne vais pas le déranger. A son réveil, je lui donnerai ses médicaments.
    - Bien.
    Youcef semblait embarrassé. A maintes reprises, il ouvrit la bouche avant de la refermer. Je baisse la tête. Nous sommes des imbéciles tous les deux. Nous sommes des demeurés. Nous sommes…
    Il s’approche de moi :
    - Tu retournes au bureau ?
    Je n’y avais même pas pensé :
    - Je n’en sais que trop. La journée a été trop rude.
    - Alors reste auprès de Mehdi.
    Le ton était autoritaire. Il n’en fallait pas plus pour attiser ma colère :
    - Tout à l’heure tu m’avais reproché de ne pas t’avoir appelé pour t’informer que Mehdi était malade et que je devais l’emmener à l’hôpital. Et maintenant… ?
    - Quoi, maintenant ?
    - C’est à moi que tu ordonnes de rester auprès de lui !
    - Mais tu es bien sa mère !
    - Et toi tu es bien son père.
    - Que veux-tu dire par là ?
    - Que tu estimes avoir des droits sur ton fils.
    - Parfaitement.
    - Alors ces droits tu dois les prouver. Pourquoi ne serait-ce pas toi qui restera auprès de lui ?
    - Mais…mais tu sais bien que je travaille.
    - Et moi donc ?
    - Ce n’est pas pareil, toi tu es sa mère. Tu es la plus proche de lui. Tu connais mieux que moi ses besoins.
    - Très bien ! Et toi tu es son père, tu n’es pas proche de lui, et tu ne connais rien à ses besoins.
    En entendant cette réplique Youcef s’emporte :
    - Mais enfin, où veux-tu en venir ?
    - Et toi donc ?
    - Je te demande de rester auprès de notre enfant et tu en fais tout un drame. Je suis son père, je suis son géniteur. Je pourrais très bien m’occuper
    de lui.
    - Alors vas y. Moi je vais retourner au boulot.
    - Mais tu n’y penses pas !
    - Mais si. Je vais retourner au bureau.
    Youcef devint furieux :
    - Tu sais que tu déconnes ?
    - Toi de même.Illusion 24e partie
    Par : Yasmine HANANE

    Nous nous regardions en chiens de faïence un moment, puis il baisse son regard :
    - Allons, nous sommes en train de mettre le feu aux poudres.
    - C’est toi qui le veut.
    Il pousse un soupir :
    - Cessons de nous conduire comme des gamins gâtés.
    Je ne répondis pas. Mon mari avait vraisemblablement envie de faire la paix. Et…et moi aussi, bien sûr. Mais notre fierté l’emportait toujours.
    Il enlève son blouson et l’accroche à la patère de l’entrée avant de se débarrasser de ses chaussures et d’enfiler des mules. Que faisait-il donc ?
    Il se dirige vers le salon et se laisse tomber sur un fauteuil. Je le suivis. Il me lance d’une voix fatiguée :
    - Je n’irais pas au boulot. Je reste.
    - Moi aussi.
    Il sourit puis se met à rire. Malgré ma résistance, je fus gagnée par son rire. Nous nous regardons un instant, puis je pris les devants :
    - Je vais préparer quelque chose à manger. Tu as une préférence ?
    - Oui, je mangerais tout ce que tu proposeras.
    Je souris :
    - Il y a des escalopes. Je fais des grillades et des frites. Cela te va ?
    - Fort bien.
    Nous déjeunons ensemble. Youcef se leva plusieurs fois pour se rendre dans la chambre de Mehdi où la nurse avait fini de le changer.
    Le petit dormait du sommeil du juste après une matinée agitée. Je me sentais beaucoup mieux. Ma peur s’était envolée et Youcef s’était calmé. Il se proposera même pour faire la vaisselle.
    Je libère la nurse. Nous étions tous les deux au chevet de notre fils, la présence d’une tierce personne n’était pas indispensable.
    Youcef me rejoint dans la chambre de Mehdi :
    - Comment va-t-il ?
    - La fièvre est tombée, mais elle risque de revenir. Il touche le front du petit et me regarde :
    - Il n’a pas encore commencé son traitement. Avec des antibiotiques, la fièvre et tout le reste ne seront qu’un mauvais souvenir.
    - Espérons-le. Je… je suis désolée Youcef, je me suis conduite comme une imbécile.
    Surpris, Youcef demeure sans voix.
    - Je t’assure que je pense réellement ce que je dis, Youcef.
    Lorsque la nurse m’avait appelée, je me suis affolée.
    J’ai tout plaqué pour courir à la maison. Je sais que j’aurais au moins pu te laisser un message. Comprends-moi, je ne savais pas quoi faire. Et…
    Youcef m’entoure les épaules et m’attire contre lui :
    - Tu n’es pas un ange, tu as toujours eu une langue pendue, mais au fond tu n’es pas mauvaise non plus. Je sais que les mamans perdent les pédales devant leur enfant malade, mais les papas aussi ont leur part là-dessus. Tu ne le penses pas ?
    Je hoche la tête :
    - Si. Ils ont même une grande part… Seulement, je… je crois que souvent nous nous conduisons comme des forcenés sans trop le vouloir vraiment. La colère nous rend aveugles. Heu…c’est un peu le manque de communication entre nous qui nous empêche de ne pas voir plus loin que le bout de notre nez.
    - Tu deviens bien plus raisonnable.
    Il sourit et poursuit d’un air plus malicieux :
    - J’ai lu ton article sur les femmes soumises…
    - Hum… et alors ?
    - Eh bien, les lecteurs ne partagent pas tous ton avis, tu as dû t’en rendre compte.
    - Bien entendu. Mais il ne s’agit pas seulement de mon avis, il y a aussi des dizaines de femmes qui ont parlé de leur vie conjugale et du harcèlement moral dont elles sont victimes.
    Il faut ajouter que même en dehors de leur foyer, elles subissent des intimidations : dans la rue, au boulot, dans les lieux publics…etc.
    - C’est le tribut à payer pour leur indépendance…
    Dans le monde entier, les femmes subissent ces affres. Je pense que c’est un passage obligé pour atteindre certains objectifs.
    - Si tu crois qu’il faut que l’homme s’impose pour que la femme soit toujours à sa merci, je te réponds tout de suite que même dans les pays les plus développés, l’homme se cache toujours derrière ce qu’il appelle le sexe faible pour argumenter son impuissance et ses faiblesses.

    Illusion 25e partie
    Par : Yasmine HANANE

    Il s’agite. Je me penche sur lui, et il ouvrit les yeux. Me reconnaissant, il ébauche un sourire qui dévoile ses gencives enflammées. Deux petites dents pointaient au centre de la mâchoire inférieure. Un ange ne m’aurait pas parut plus attendrissant.
    - Il doit avoir faim, me dit Youcef. Tu lui donnes sa soupe ?
    - Je vais la préparer. En attendant, tente de lui faire prendre une petite cuillerée de sirop. Il va peut-être pouvoir l’avaler.
    Quand je revins avec la soupe, je trouve Youcef en train de bercer Mehdi dans ses bras. Un tableau qui me rendit ma bonne humeur :
    - Alors, ce sirop, il l’a pris ?
    - Aussi docilement qu’un agneau. Tu vois bien qu’il paraît en forme.
    - Il est encore pâle et ses joues sont creuses.
    - Cela va de soi. Il a bien passé un mauvais quart d’heure.
    Mehdi me tendit ses menottes et je le prends pour lui donner sa soupe. Il ingurgite quelques cuillerées puis repousse ma main.
    Je le change et le remet dans son lit en fredonnant une berceuse. Comme à ses habitudes, avant de s’endormir, il se met à sucer son doigt.
    Je fais signe à Youcef de quitter les lieux sur la pointe des pieds.
    Nous nous installons au salon et je propose de continuer la discussion interrompue sur les femmes et leur besoin d’indépendance.
    - Tu vois bien que, de nos jours, les femmes sont bien plus libres, me dit Youcef d’un air de reproche.
    - Non, je ne vois pas du tout. La femme, quel que soit son niveau dans notre société, est toujours en liberté conditionnelle.
    - Ce qui vent dire… ?
    - Ce qui veut dire que même si elle est cultivée et occupe un poste important, elle est toujours obligée de se soumettre au diktat de l’homme.
    - Voyons, tu n’es pas en liberté conditionnelle.
    - Tu trouves ?
    - Je ne trouve pas, je le constate. Tu es ma femme, tu travailles, tu disposes de ton salaire, et je te laisse faire ce que tu veux à tes heures libres.
    - Merci ! Une version rassurante de ta part. Tu parles de liberté ! Tu “me laisses”, donc tu dispose de ma liberté à ta guise mon cher mari. Il y a beaucoup d’hommes dans ton cas qui, sous prétexte d’avoir des idées libérales, avouent autoriser leurs femmes à occuper un poste. On oublie trop que ces femmes ont arraché leur droit à l’instruction et au travail. Ce n’est donc plus l’homme qui doit autoriser. Dans le cas contraire, la domination sévit toujours.
    - Les femmes ne sont jamais contentes. Quels que soient les objectifs atteints, elles reviennent toujours à la version première, et oublient souvent que leurs aïeules avaient vécues moins bien qu’elles.
    - Tu te trompes Youcef, nos aïeules étaient bien plus libres. Certes, elles n’avaient pas connu l’instruction, mais elles étaient libres et fières. Il y a bien eu des femmes héroïnes.
    - Des exceptions !
    - Qu’appelles-tu donc une exception ? Le courage d’une femme à affronter l’ennemi ? Le courage d’une femme à affronter un être plus fort qu’elle ?
    - Les deux, peut-être.
    - Non Youcef, ces femmes étaient nées pour prouver leur existence. Elles avaient hérité du courage et de la bravoure de leurs ancêtres, et surtout de leurs génitrices. Pense un peu à la Kahina. Au sacrifice de Fatma n’Soumer… et à toutes celles qui avaient donné leur vie pour l’indépendance du pays.
    Youcef pousse un soupir :
    - Ce que femme veut, Dieu le veut. Je n’aurais jamais le dernier mot avec toi. Mais je remercie Dieu d’avoir créé la femme. Un monde sans femme ne sera jamais un monde. Que nous le voulions ou pas.

    Illusion 26e partie
    Par : Yasmine HANANE

    Mehdi se remet à pleurer, et nous interrompons la discussion. Youcef voulait encore une fois me mettre au pied du mur mais ce n’était pas chose aisée pour lui car je ne voulais en aucun cas ni le froisser ni lui donner raison. Je pense que j’étais bien placée aussi pour comprendre que si les femmes que j’avais rencontrées étaient capables de tenir tête, elles ne pouvaient pas éternellement lutter contre un état d’esprit qui ne s’y prêtait pas.
    Je me lève pour m’occuper de mon fils. Mon Mehdi aussi deviendra un homme me dis-je en le berçant dans mes bras. Il essayera lui aussi d’imposer ses idées. D’ici là, les femmes auraient-elles gagné davantage de liberté ? Ou bien, seraient-elles des assistées prise entre les griffes d’une société mâle ?
    En berçant mon bébé, je regardais Youcef qui faisait les cent pas entre le salon et la cuisine. Il alla se préparer un café, puis vint me demander si je n’avais besoin de rien, car il comptait sortir prendre l’air.
    Je n’avais pas fait les courses car je n’étais plus ressortie. Alors je le chargeais de faire quelques emplettes.
    Mehdi se rendort, et je me retrouve seule. Je repense à mon mari. Il était toujours élégant, jeune et beau. Et moi donc ?
    Je courus dans la salle de bains pour jeter un coup d’œil à mon reflet.
    Je retins un cri.
    Échevelée, démaquillée, les yeux cernés et rouges, les pommettes saillantes et je parlais des droits de la femme !
    Où est donc passée mon élégance et ma fierté d’être femme ?
    Je remplis la baignoire et pris un bon bain chaud. Je me sentais bien plus relaxée et plus détendue. Je m’allongeais alors un moment dans ma chambre, avant de me sécher les cheveux et de m’habiller. Je passais une crème hydratante sur mon visage qui brillait, et un contour des yeux pour camoufler les cernes.
    Je mis du parfum sous les lobes de mes oreilles.
    Je souris en repensant à Youcef. Un entêté mon mari, un dur quelque part. Et je ne suis pas un ange non plus. Non, je ne veux pas donner aux autres l’exemple d’une femme soumise, alors que j’avais désormais décidé de lutter pour les droits de la femme. Je ne vais pas être de celles qui apprécient le dicton “Sois belle et tais-toi”. Non, je serais plutôt de celles qui allieront la beauté à l’intelligence pour arriver à une stabilité sociale.
    Youcef revint avec les achats. Il déposa tout sur la table de la cuisine et me rejoignit dans notre chambre :
    -Hum, tu sens bon.
    -Je viens de prendre un bain.
    -Je vois, tu as profité de mon absence pour te relaxer et te changer les idées. C’est bien, je crois que tu ne vas pas refuser de préparer le dîner.
    -Pas du tout, mais tu vas t’occuper de Mehdi. Je ne pourrais pas être au four et au moulin.
    -Tu n’as pas à le demander, je vais m’installer dans sa chambre avec un bon livre. Il dort comme un ange. J’espère que la fièvre ne reviendra pas.
    -Je l’espère aussi.
    La soirée se passe agréablement. Youcef me raconte des anecdotes qui me font rire aux éclats, alors que Mehdi que j’avais mis sur sa chaise, semblait aller beaucoup mieux.
    Je le change et lui administre ses médicaments, avant de le remettre dans son lit. Youcef avait récupérer son oreiller dans le salon et s’était retiré dans notre chambre. La meilleure façon de me prouver qu’il voulait faire la paix.
    Les jours passent. Mon reportage sur les femmes avait suscité des réactions parfois imprévisibles. Le red’chef me propose d’ouvrir une rubrique hebdomadaire, pour traiter des sujets se rapportant à tout ce qui pouvait rehausser le niveau des débats entamés avec les lecteurs.
    Je ne faisais plus équipe avec Youcef. Lui avait préféré continuer dans ses sorties quotidiennes pour d’éventuelles couvertures politiques ou autres.
    Je ne voulais pas m’enliser dans un seul thème moi non plus. J’étais censée traiter avec mes lecteurs, et je tentais de trouver des réponses logiques à toutes leurs réclamations.
    Ma notoriété ne s’en porta que mieux. Ma signature ne passait plus inaperçue. Des femmes vinrent à la rédaction pour me proposer des sujets “brûlants”. Je devins le psychologue qui en les écoutant raconter leurs malheurs, panse leurs blessures profondes.
    Quand j’y repense !

    Illusion 27e partie
    Par : Yasmine HANANE

    Il avait fallu une mésentente avec mon mari pour que ma carrière prenne un autre élan. Un coup du hasard ? Peut-être bien, mais je savais que cette situation n’allait pas durer éternellement. Les femmes sont comme ça. Elles sont prêtes à monter sur la lune, mais il suffirait d’un petit coup de vent, pour que toutes les ambitions s’anéantissent. C’est pour cela que nous sommes toutes parfois déçues, avant même d’avoir entamé un dixième de ce que nous voulions faire.
    Je découvrais de plus en plus le raisonnement féminin. Les unes et les autres des femmes de notre société avons des divergences d’idées. Heureusement d’ailleurs, car entre un niveau d’instruction et un autre, il y a un monde.
    Seulement, ce qui m’étonna le plus, c’était l’entêtement de quelques femmes au foyer, sans instruction aucune et même sans avenir (hormis leur cuisine et les enfants) a venir réclamer des droits qu’elles venaient tout juste de découvrir.
    Quelques collègues hommes vinrent me retrouver pour me demander d’aller plus doucement dans mes investigations afin de ne pas éclabousser la réputation du journal.
    Cette phrase à elle seule me mettra hors de moi. Qu’est-ce que je suis donc pour jouer avec la réputation de mon gagne-pain ? Et quel toupet ont ces hommes pour m’imposer leurs opinions ? J’étais décidée plus que jamais à aller de l’avant. Loin de me décourager, cette réaction inattendue de ces hommes me motiva. Je compris que je touchais un point sensible, un point qui suscite de la jalousie, de l’envie et bien sûr un certain rejet.
    L’idée de lancer un forum féminin sur le Net et un débat quotidien avec mes semblables, renforça davantage mes motivations.
    Je suis une alliée des femmes, mais je ne suis pas une ennemie des hommes. Ce que je me suis assigné pour but, c’était de permettre aux deux sexes de s’exprimer afin de trouver un point d’entente. Et encore, je ne suis pas une Klara Zetkin, une Lady Diana ou une mère Theresa. Je ne suis rien d’autre qu’une petite journaliste, qui avait voulu traiter un sujet concernant les femmes et leurs préoccupations. Je suis loin d’être une militante des droits de la femme, mondialement reconnus. Pourquoi donc me met-on des bâtons dans les roues ? Je tentais d’en parler avec Youcef, mais mon mari était très occupé par les multiples sujets qu’il traitait. Parfois, il s’endormait sur la table de travail, épuisé. Mais au fond, je savais que lui aussi tentait de donner raison à ses collègues hommes et à tout ceux qui estimaient que je ne pouvais changer le monde, en étalant noir sur blanc, les problèmes féminins. Mehdi commence à marcher. Il avait plusieurs dents et lorsqu’il souriait deux fossettes creusaient ses joues.
    Je recommandais à la nurse de ne pas trop le laisser trotter à travers la maison, car il ne tenait pas encore assez bien sur ses pieds et risquait de se blesser en tombant.
    Elle me rétorqua qu’elle connaissait son travail. Son ton était acerbe :
    - Vous parlez des droits de la femme, me dit-elle, vous demandez l’égalité et vous êtes vous-même en train d’imposer vos idées.
    - Où est le problème pour vous là-dedans, répondis-je sur le même ton.
    - Je n’ai aucun problème, si ce n’est ces ordres que vous distillez chaque fois que vous revenez à la maison, alors que vous passez votre journée à traiter des préoccupations de femmes que vous estimez lésées dans leurs droits.

    Illusion 28e partie
    Par : Yasmine HANANE

    Eh oui, je suis quelquefois sévère. Oui, sévère même envers moi-même. Mais je ne m’en rendais pas compte. Je suis une combattante. Une résistante. Une révoltée.
    Les mots me restèrent en travers de la gorge. Je ne pouvais faire une scène à une femme qui venait de me démontrer que moi-même je suis parfois dure envers elle.
    Je choisis donc de me taire, et elle n’en rajouta pas un mot non plus.
    J’avais changé de look. J’avais opté pour des jeans et une coupe courte. Je voulais paraître plus humble, plus simple, plus cool… Je recevais souvent des femmes qui n’avaient même pas les moyens de se payer une séance de coiffure. Comment pouvais-je donc me permettre de m’habiller plus élégamment au risque de heurter leur sensibilité ?
    Youcef désapprouva mon choix. Il m’avait toujours connue plus élégante. Même en tenue débraillée, j’étais toujours maquillée et bien coiffée.
    Je répondis que je ne faisais que suivre mes ambitions.
    Il secoue sa tête d’un air qui en disait long sur ses pensées. Je tenais bon. Je vais rester telle que je l’avais décidé !
    Je passais beaucoup de temps au bureau quand ce n’est pas mes sorties sur le terrain qui m’occupaient.
    Je travaillais dur. Très dur même et souvent sans m’en rendre compte. Quand il n’était pas trop occupé, Youcef me rejoignait au salon et me demandait d’aller plus doucement. Après tout, le monde ne changera pas. La terre continuera de tourner et le soleil de se lever tous les matins.
    J’oubliais que j’avais un mari, un enfant et une famille. Encore pour Mehdi, je pouvais faire une exception. Je pouvais jouer de temps à autre avec lui, l’aider à faire quelques pas, lui parler, avant de le remettre sur sa chaise ou dans son berceau.
    Mais pour le reste, j’avais comme l’impression de vivre hors du temps. Seul mon boulot occupait mon esprit.
    Ma mère vint passer quelques jours chez moi et remarqua vite mon relâchement. Je ne faisais plus la cuisine, je n’étais plus aussi méticuleuse dans l’entretien de la maison, ne faisais plus les courses, et comptais beaucoup sur la nurse pour l’éducation de mon fils.
    Ma mère secoue sa tête : Non, je n’étais plus ni une bonne mère ni une bonne épouse.
    - Les hommes n’aiment pas beaucoup les femmes comme toi.
    Je hausse les épaules :
    - Où est le mal ? Youcef ne semble pas trop en souffrir.
    - Hum… Tu crois ?
    - J’en suis persuadée.
    - N’en sois pas aussi certaine. Tu es en train de détruire ton foyer pour une cause qui ne te mènera nulle part.
    - Voyons maman, que connais-tu donc au travail que je fais ?
    - Bien plus que tu ne le crois. Tu veux refaire le monde. Tu veux démontrer que les femmes sont lésées et doivent lutter pour sauver leur tête.
    - Oui, je… je trouve que notre société est trop dure envers les femmes, et ces dernières n’arrivent pas à se situer.
    - Je comprends fort bien ton obstination à démontrer que la femme est l’égale de l’homme, et que ce dernier lui doit plus de considération.

    Illusion 29e partie
    Par : Yasmine HANANE

    J’étais étonnée devant les propos de ma mère. Comment connaissait-elle donc tout ça ?
    Je hoche la tête :
    - Parfaitement maman. Mais pourquoi m’en fais-tu donc le reproche ?
    - Mais je ne te reproche pas ce que tu fais. Tu travailles, tu mènes un combat dans une société, mais cela ne devrait pas t’empêcher de t’occuper de ta famille et de ton foyer. Te rends-tu compte que tu ne fais même plus la cuisine, et que ton appartement ressemble à une caverne d’Ali Baba ?
    - Ce n’est rien, je pourrais faire le ménage un de ces jours, mais ce qui urge le plus c’est mes séminaires, mes réunions, mes reportages. Je travaille sur des sujets chauds et les lecteurs sont branchés et…
    Ma mère lève la main :
    - Je suis heureuse de constater que tu réussis dans ton job, mais pour être plus sincère, je suis déçue par ton comportement envers ton mari et ton foyer.
    Ma mère n’en rajoutera pas plus.
    Je la connaissais assez bien pour comprendre qu’elle était mécontente. Pouvait-elle saisir le fond de mes idées ?
    Je m’approche d’elle et l’embrasse sur le front :
    - Maman, voyons, je ne suis pas aussi négligente que tu le penses. Je veux juste prouver aux hommes que nous autres les femmes sommes aussi capables qu’eux de gérer le monde.
    - Hum…Tu penses gérer le monde, alors que tu n’arrive même pas à gérer ton foyer.
    - Que manque-t-il donc à mon foyer ?
    - De la chaleur ! De la chaleur et un meilleur entretien. Jamais je ne t’ai vue aussi désordonnée. Tu aimais bien te laisser aller de temps à autre lorsque tu étais jeune fille, mais depuis que tu t’es mariée, je me réjouissais de te voir prendre soin de ta maison. C’était tellement bien rangé partout qu’on avait du mal à croire que c’était toi qui tenait cet intérieur aussi bien. Je sais que tu travailles beaucoup et, le soir, tu as le petit sur les bras, mais tu n’as pas le droit de délaisser ton mari et de négliger ton foyer.
    - Youcef ne s’en plaint pas trop. Il est habitué.
    - Non, il ne s’en plaint pas parce qu’il n’aime pas les scènes de ménage. Cet homme est trop bien éduqué pour accepter d’affronter tes excès de colère chaque soir. Je me trompe ?
    Je pousse un long soupir :
    - Pourquoi prends-tu donc sa défense ? Tous les hommes sont pareils : arrogants, égoïstes, insouciants. Si tu voyais et écoutais les femmes que je reçois à la rédaction, tu ne m’en diras pas autant et tu ne me reprocheras point de délaisser mon mari.
    - Pourquoi donc ? Tu crois qu’il est difficile pour lui de te sermonner sur tes obligations familiales ? Je pense qu’il est plutôt fatigué par tes airs de madame qui connaît tout et qui veut bouleverser le monde féminin en déclarant la guerre aux hommes. Il ne doit pas tellement croire à tes ambitions. Et moi non plus d’ailleurs.
    - Ah ! Nous y voilà ! Tu es donc comme toutes ces femmes complices qui encaissent sans rechigner et reprochent aux autres leur besoin de liberté, d’instruction et d’évolution. Nous allons encore tourner en rond.
    - Aussi longtemps que le monde sera monde, ma fille, à travers tous les siècles, il y a eu des femmes qui s’étaient révoltées. Tu ne seras ni la première ni la dernière à écrire sur la condition féminine et à demander des droits. Il y aura toujours un vaincu et un vainqueur. Tu n’arriveras jamais à imposer tes idées ou à changer quelque chose aux préceptes de la nature. L’homme a toujours démontré sa supériorité et il continuera.
    - Tu te trompes. Je ne vois pas quelle supériorité il pourra démontrer. Homme ou femme, nous possédons tous le même cerveau.
    Ma mère soupire :
    - Un jour tu comprendras ma fille. Pour le moment, je suis bien trop occupée pour continuer à palabrer sur un sujet qui te tient à cœur mais que tu es loin de maîtriser. Heu… j’aimerais tout simplement te mettre en garde : ton mari ne résistera pas longtemps à tes sautes d’humeur.
    Je hausse les épaules :
    - Il connaît mon caractère, et il sait que je ne pourrais pas changer.
    - Bien. Alors tiens-le toi pour dit. Tes idées de grandeur finiront par le lasser et ne viens pas pleurnicher, s’il va chercher réconfort entre les bras d’une femme.
    - Quoi ? Youcef ? C’est impossible ?
    - Rien n’est impossible pour un homme qui ne retrouve plus de chaleur chez-lui. Réfléchis donc à mes propos ma fille, et tente de réajuster le tir.

    Azad 30e partie
    Par : Yasmine HANANE

    La voiture démarre dans un brouillard… On dirait que les cieux déversaient toute leur réserve d’eau. Azad allume ses phares et se met à rouler à petite vitesse. Il avait aussi allumé le chauffage, et suggéra à Hadjira de se détendre sur le siège arrière :
    - Ne soyez pas timide, jeune demoiselle, nous allons bientôt arriver, et vous serez chez vous, au chaud, dans quelques instants.
    - Merci ! Merci monsieur…
    - Appelez-moi Azad.
    Elle allait riposter lorsque Katia lance :
    - Mon frère n’aime pas le protocole. Il est très simple.
    - Je vois…
    - Puis-je savoir ce que vous voyez ?
    - Je vois que vous êtes un homme très simple et très correct.
    Azad sourit et lui lance un regard dans le rétroviseur :
    - Vous dégagez la même impression.
    - Oh ! Vous l’avez deviné sûrement. Que je suis bête… ! C’est, bien sûr, un jeu pour le psychologue.
    - Pas tout à fait. Je ne peux pas toujours deviner. Je dois au préalable discuter longuement avec une personne avant de découvrir les facettes de son caractère. Ils étaient arrivés devant la maison de ses parents, et Azad descendit de son véhicule pour accompagner sa sœur sous la pluie. Il revint deux minutes plus tard et propose à Hadjira de se mettre sur le siège avant. Elle s’exécute, mais Azad remarque la rougeur de ses joues.
    - C’est plus confortable, n’est-ce pas ?
    Il contourne le quartier, et un quart d’heure plus tard, il gare devant son immeuble.
    - Voilà, nous sommes arrivés. Attendez, je vais vous aider.
    Il ouvrit la portière et lui tendit le parapluie :
    - Je vais vous aider à atteindre l’ascenseur. Vous boitez, prenez donc mon bras.
    - Non… je… je vais me débrouiller. J’ai le parapluie et vous ? Vous serez trempé jusqu’aux os sous ces averses.
    - Oh ! Ce n’est pas grave. J’ai juste quelques mètres à traverser, et je serai à l’abri dans la cage d’escalier. Prenez mon bras et donnez-moi ce parapluie.
    N’ayant pas le choix, elle lui tendit le parapluie qu’il maintint au-dessus de sa tête, et s’accroche au bras qu’il lui tendait.
    Azad la sentit tendue. Cela allait de soi… Elle ne le connaissait pas encore assez pour se permettre une telle familiarité.
    Ils étaient enfin devant l’ascenseur.
    - Voila, chère amie, je crois que nous sommes arrivés sains et saufs.
    - Merci !, répondit-elle en prenant appui sur l’entrée de la cage. Merci beaucoup. Je ne sais pas ce que j’aurais fait sans vous.
    - Tu serais rentrée comme une grande chez toi. Tu permets qu’on se tutoie, n’est-ce pas ? On est, je suppose, de la même génération.
    Elle sourit :
    - Bien sûr.
    L’ascenseur s’arrête au deuxième étage, et elle hésite une seconde avant de sortir :
    - J’aimerais monter chez toi.
    - Hein ?
    - Oui… pour une consultation.
    - Oui… tout de suite, là ?
    - Mais non…
    Elle baisse la tête avant de poursuivre :
    - Je voulais venir faire une petite thérapie. Je suis un peu agitée ces derniers temps.
    - La fatigue peut-être ou le surmenage.
    - Possible, mais il y a autre chose… Quelque chose dont j’aimerais t’entretenir.
    - Ma porte t’est ouverte Hadjira… Tu viendras quand tu voudras.
    - Merci ! Merci encore pour tout … et bonne nuit.
    Elle s’en va, et le jeune homme la suit des yeux alors que la porte de l’ascenseur se refermait.
    La soirée passe sans encombre. Il avait l’impression d’avoir rencontré quelqu’un d’important, alors qu’en réalité il venait de faire connaissance avec sa voisine. Certes, elle était aussi le professeur de sa sœur, mais jusqu’à ce jour il ne le savait pas.
    Il sourit en repensant à la jeune femme. Elle était timide au fond d’elle-même. Sous ses airs de femme sûre, elle cachait une autre personnalité.
    De quoi voulait-elle donc l’entretenir ?
    De sa timidité peut-être ?
    Elle lui avait révélé qu’elle était agitée. Possible que ce soit vrai… L’anxiété prenait tout le monde au dépourvu.
    Il venait de terminer de dîner lorsque son téléphone se met à sonner. Il reconnut le numéro de sa belle-mère. Elle n’avait pourtant pas l’habitude de l’appeler. Que se passe-t-il pour qu’elle le contacte ce soir ?
    Il s’empresse de répondre, et une petite voix, presque un chuchotement, lui lance :
    - Allo ! Azad, c’est toi ?
    - Oui, Zahia ?
    - Chut ! Je parle de la cuisine, je n’aimerais pas qu’on nous entende.
    - Qu’est-ce qui se passe Zahia ? Quelque chose ne va pas ?
    - Non… (elle parlait toujours à voix basse) Non… tout va bien. Je voulais juste te demander de me recevoir dans ton cabinet demain matin.
    - Des problèmes ?

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  18. Artisans de l'ombre Dit :

    Illusion 31e partie
    Par : Yasmine HANANE

    Un coup d’œil à ma montre m’apprendra qu’il était déjà vingt-deux heures. Mon estomac criait famine. Soudain, je me rappelle le dîner. Ah ! j’avais totalement oublié que Youcef et ma mère m’attendaient.
    Je me lève promptement et ouvrit la porte toute grande. La maison était plongée dans le noir… Seul le bruit de la télévision me parvenait du salon. Youcef était allongé sur le sofa et suivait une émission.
    - Ma mère est allée se coucher ?
    Youcef se retourne vivement :
    - Ah ! tu m’as fais peur. Je pensais que tu n’allais plus donner signe de vie.
    - Arrête avec tes remarques. Je te demandais si ma mère est allée se coucher…
    Il hausse les épaules :
    - Je n’en sais rien. Peut-être que oui…Nous avons dîné ensemble en t’attendant puis elle a débarrassé la table et fait la vaisselle.
    Durant ce temps, j’ai fais manger Mehdi. Il s’est endormi dans mes bras, et elle l’a repris pour le changer et le déposer dans son berceau.
    Regarde un peu si elle est encore auprès de lui.
    Je me dirige vers la chambre de mon fils et ouvrit tout doucement la porte. Je n’éteignais jamais totalement la lumière dans la chambre de mon bébé. Tout comme moi, ma mère avait laissé la petite veilleuse allumée.
    Une douce pénombre régnait dans les lieux.
    Ma mère se relève. Elle s’était allongée sur le lit tout près du berceau :
    - Tu t’es rappelée de ton fils enfin ?
    Je souris :
    - Pas uniquement de mon fils, mais de vous tous. Désolée maman, j’étais tellement prise dans mon boulot.
    - Et tu fais ça tous les soirs bien sûr. Je comprends mieux maintenant la réaction de ton mari. Je ne vois pas si tu te rends compte réellement de la situation.
    - Voyons… tu ne vas pas recommencer !
    Elle hausse les épaules :
    - Je ne recommencerais pas. Tu ne veux pas m’écouter, car je dis des vérités, et c’est toujours la vérité qui fait mal. Promis (elle met une main sur sa bouche) je ne vais plus aborder ce sujet avec toi.
    Ne pouvant soutenir davantage son regard de reproche, je baisse les yeux et me penche sur le berceau de Mehdi. Je remonte la petite couette sur lui et lui caresse la joue.
    Il s’agite puis se met à sucer son doigt. Je l’embrasse avant de me relever. Je me dirige vers la cuisine pour réchauffer le dîner.
    Je mangeais sans trop d’appétit, bien que quelques minutes plutôt j’avais ressenti une faim intense. Les remarques acerbes de ma mère et le silence accusateur de mon mari m’avaient refroidie.
    Je repousse mon assiette, un café me remettra sûrement d’aplomb. Je branche la cafetière électrique et prépare deux petites tasses de ce liquide noir tant apprécié par Youcef.
    Un plateau au bout des bras, je me dirigeais au salon en ayant l’intention d’entamer une longue et sérieuse discussion avec mon mari.
    Un son de musique me parvint. La télé doit diffuser des variétés. Je dépose le plateau sur une petite table et m’approche du sofa.
    Youcef, hélas, dormait. Je m’approche de lui et contemple un moment son visage paisible. Mon mari devait faire un rêve car il souriait et dans la lumière tamisée du salon, il me parut encore plus beau.
    Je le secouais :
    - Youcef, réveille-toi !
    Il ouvrit les yeux :
    - Que se passe-t-il ?
    - Tu t’es endormi sur le sofa. Lève-toi et va dans la chambre.
    Il se lève mollement et se dirige en titubant vers notre chambre. Sans perdre de temps, il se jette sur le lit et se rendormit.
    Je sirote mon café devant la télé puis, n’en pouvant plus, je m’allonge sur le même sofa et me laisse emporter par le sommeil à mon tour.
    Au petit matin quelqu’un vint mettre une couverture sur mes épaules, c’était Youcef. Avait-il eu un remord de conscience ?
    Quand je me réveillais, il ne faisait pas encore tout à fait jour. Je me rendis dans la cuisine pour préparer le petit-déjeuner. Ma mère termine sa prière et me rejoint :
    - Mehdi ne s’est pas réveillé dans la nuit. C’est un ange…
    - Quand il n’est pas malade, il ne se réveille que lorsqu’il a faim. Hier, tu l’a mis au lit un peu tard.
    - Heureusement que j’étais là.
    - Maman, tu ne vas pas recommencer… !

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  19. Artisans de l'ombre Dit :

    Illusion 32e partie
    Par : Yasmine HANANE

    Elle s’approche de moi et lance :
    -Si tu ne veux pas de remontrances, rends-toi donc compte de ta vie familiale, Youcef me fait de la peine. Ces derniers temps tu ne lui accordes aucun intérêt.
    Un homme a besoin de plus de tendresse, tu me comprends ?
    Sur ce point, ma mère avait raison, j’étais devenue trop distante vis-à-vis de mon mari.
    Oh ! Il ne se plaignait pas bien sûr, mais il devait souffrir.
    Je dépose la cafetière sur la table et m’assois pour la servir. Elle me pince le bras :
    -Va donc voir si ton mari est réveillé, sois un peu gentille avec lui, hein ?
    J’hésite une seconde Je ne voulais pas que Youcef pense que je lui suis redevable de quelque chose, mais ma mère me pince encore le bras :
    -Vas-y donc, qu’attends-tu ?
    Je me dirige vers ma chambre et ouvre la porte tout doucement. Youcef était réveillé et suivait les informations à la télé. Je referme la porte derrière moi et m’approche de lui :
    -Déjà réveillé ?
    -Et toi donc ?
    -Oh ! Je suis désolée. Je me suis endormie sur le sofa. J’étais épuisée. Figure-toi que j’avais préparé du café car je voulais qu’on discute un moment ensemble.
    -T’es-tu au moins rendu compte qu’il était un peu tard pour une discussion, pour un couple qui bosse dur.
    -Tu l’as dis, nous travaillons sans relâche ces derniers temps, nous n’avons presque pas de vie… heu… de relations…
    Il me prend la main et m’attire vers lui :
    -Tu es enfin redevenue un peu plus raisonnable.
    Il se lève et me prend dans ses bras :
    -Je ne savais plus si j’étais marié, si j’avais une femme, ou si nous avions par un commun accord fait une séparation de corps.
    -Heu… Youcef, ne m’en veux pas s’il te plaît. Je suis en pleine effervescence dans mes projets, je suis devenue un pilier sur lequel des femmes s’appuient pour reprendre confiance.
    Je ne peux pas abandonner maintenant, il y a tellement de choses à faire. Ma rubrique est devenue si populaire ces derniers temps et…
    Il m’embrasse et m’empêche de terminer ma phrase.
    Deux heures plus tard, nous nous rendons ensemble à la rédaction. Je me sentais plus sereine et plus heureuse, j’étais détendue et prête à abattre des montagnes.
    Youcef monte à l’étage supérieur où se tenait une réunion avec un parti politique et moi je rejoins mon bureau.
    Une femme m’attendait. Elle se lève à ma vue et me met au courant de ses préoccupations :
    -Oh Madame, depuis le temps que je voulais vous rencontrer.
    -Eh bien me voici Qui êtes-vous, que voulez-vous ?
    -Je représente une association d’aide aux femmes en difficulté. Je… nous aimerions que vous nous aidiez à organiser une manifestation.
    -Qui aura pour but… ?
    -Les droits sociaux de la femme. Nous, nous estimons que nous sommes lésées dans nos droits les plus primordiaux. Nous recevons quotidiennement des femmes touchées dans leur amour propre.
    Elles ne peuvent ni divorcer ni réintégrer leur foyer.
    Les maris les jettent comme des objets dans la rue, et lorsqu’elles demandent le divorce, elles ne l’obtiennent pas.
    L’homme se remarie, fonde une autre famille, et la femme pourra attendre des années, avant que ce monsieur daigne la libérer. Une aberration ! Cette calamité pourrait arriver à n’importe quelle femme, vous vous rendez compte ! N’importe qui d’entre nous pourra vivre le même calvaire, nous sommes mineures à vie et l’homme aura toujours tous les droits sur nous.

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  20. Artisans de l'ombre Dit :

    llusion 35e partie
    Par : Yasmine HANANE

    Je répondis sans hésiter :
    - Depuis bien plus d’un siècle aux États-Unis et en Europe.
    -Bien, n’estimes-tu pas que tout ce temps écoulé fut assez suffisant pour l’adhésion totale de la femme dans la société ?
    -Si… je crois même que c’est grâce au courage des premières manifestantes que nous avons atteint le stade actuel, mais la lutte continue et continuera tant que la femme est toujours discréditée. Tu imagines un peu ces femmes harcelées continuellement par leurs supérieurs. Elles vivent un calvaire inimaginable. Je parle particulièrement de celles qui sont dans le besoin et doivent gagner leur vie et le pain de leurs enfants.
    -N’empêche qu’il y a aussi celles qui sont pour la promotion canapé.
    -Elles sont parfois contraintes de passer par là.
    -Hum… je n’aime pas dire du mal, mais ce sont ces femmes qui ouvrent la porte à toutes les suspicions.
    -Youcef, voyons ! Tu changes totalement de sujet. Je te parlais juste de la manifestation prévue par cette association.
    -Mais je crois que tu as déjà pris le parti de ces femmes. Que veux-tu que je te dise, moi ? Que tu ne devrais pas te mouiller là-dedans ? Tu ne m’écouteras pas… Alors ?
    Il hausse les épaules :
    -Fais ce que tu veux mais fais gaffe, il y a toujours des remous dans ces actions.
    Je lui tire la langue et m’en vais préparer le dîner. Ma mère était repartie, et Mehdi qui commençait à marcher s’accroche aux pieds de la table et des chaises de cuisine.
    Je demande à Youcef, qui regardait la télé au salon, de le garder auprès de lui.
    -Mais j’ai un travail fou, me lance-t-il.
    -Moi aussi, figure-toi.
    Il secoue la tête :
    -Ma parole, on dirait que tu prends plaisir à me contrarier.
    -Je suis occupée moi aussi, Youcef, une femme active est bien plus occupée qu’un homme, et un enfant a besoin de ses deux parents.
    -Ah ! Tu viens de débiter une phrase intéressante ma chère… Où étais-tu donc ces derniers temps ? Tu as bien délaissé ton foyer et ta petite famille.
    Je fais la moue :
    -Juste un moment. J’étais trop prise. Heu… je suis toujours prise par mon boulot. Ta femme est sollicitée. Elle devient une plume connue. N’en es-tu pas fier ?
    Il hausse les épaules :
    -Je suis fier d’elle parce qu’elle est mon épouse et la mère de mon fils. Pour le reste…
    Touchée, je deviens écarlate et, les mains sur les hanches, je m’écrie :
    -Donc, tout ce que je suis en train d’édifier, toute cette masse de travail quotidien, tous mes projets et mes ambitions ne sont rien pour toi.
    -Désolé, je suis un peu perturbé ces derniers temps et bien trop fatigué pour te tenir tête. Alors s’il te plaît…
    Mehdi se heurte à un meuble et tombe. Je cours dans la cuisine en criant :
    -Tu vois ce que tu as provoqué…
    Il ne répond pas. Je me penche et soulève Mehdi dans mes bras. Il avait un bleu au front et des larmes coulaient telles des perles sur ses joues roses.
    Je le serre tendrement contre moi :
    -C’est fini, ne pleure plus, maman est là…
    Youcef me rejoint et me le prend des bras :
    -Là… là… ce n’est rien mon fils…Papa est là.
    Je lui jette un regard meurtrier :
    -Papa est là. Maintenant qu’il est tombé, il n’a plus besoin de toi.
    Youcef prend Mehdi et se dirige au salon, alors qu’une odeur de brûlé emplissait la cuisine :
    -Oh zut ! mon ragoût a pris feu, m’écriais-je.
    -Bravo… bravo… Nous aurons un dîner en feu d’artifice.
    -Tais-toi donc Youcef, c’est de ta faute si notre dîner a brûlé.
    -Je sais, je sais…C’est toujours la faute aux hommes les erreurs des femmes. Et vous voulez encore plus. Que Dieu ait pitié de nous.

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  21. Artisans de l'ombre Dit :

    Illusion 36e partie
    Par : Yasmine HANANE

    Je me mets à rire tout d’un coup.
    Toutes les femmes oublient une marmite sur le feu, au moins une fois dans leur “carrière” de ménagère. Où est donc le mal pour moi? Je mets ma casserole sous le robinet et essuies la cuisinière avant de préparer rapidement une salade variée et des grillades. Je dépose du pain frais, du fromage et des fruits sur la table.
    - Youcef tu peux venir, le diner est prêt. Dépose Mehdi dans sa chaise.
    Hormis le son de la télé, aucun bruit ne parvenait du salon.
    N’obtenant pas de réponse, je me rendis sur les lieux. Un spectacle des plus attendrissants accroche mon regard.
    Mes deux hommes dormaient profondément en se serrant mutuellement. J’eus les larmes aux yeux. J’adore cette image, me dis-je, je suis une mère et une épouse comblée. Ma famille me rend heureuse. Pourquoi dois-je donc la sacrifier?
    Je sentais pourtant quelque chose remonter le long de mon estomac, un besoin de m’exprimer. De mieux m’exprimer en tant que femme car beaucoup de mes semblables n’avaient pas accès à ce bonheur paisible.
    Le combat doit continuer…
    Le lendemain, après la réunion du menu, le red’chef vint me retrouver et me tint ces propos :
    - Tu as fais du bon travail ces derniers temps, ta rubrique marche bien, et les gens nous appellent quotidiennement pour donner leur avis. Je te félicite bien sûr pour les efforts que tu déploies, seulement, je te demande d’être plus prudente. Je n’aimerais pas attirer la foudre sur notre rédaction. Nous les journalistes sommes vite mis à
    l’index. Je te demanderais d’être un peu moins virulentes dans tes articles.
    Je regarde mon supérieur dans les yeux.
    Quelque chose refusait de passer dans ma gorge, je sentais la colère remonter le long de mon corps, tout en menaçant d’exploser tel un volcan et de déverser des tonnes de lave qui anéantiraient à jamais et mon red’chef, et le journal, et la société, et ces gens, ces hommes, qui ont provoqué ce remous, alors qu’il n’y a pas si longtemps, le collectif du journal me remerciait d’avoir fait doubler le tirage. Même si mes idées ne plaisaient pas à tous, la rentabilité publicitaire était montée d’un cran et le tirage ne cessait d’augmenter.
    Je pus enfin prononcer :
    - Je présume, qu’il y a un antidote à toute chose dans ce monde, mais pour les articles que je rédige quotidiennement, il n’y en aura jamais, car je ne pense pas m’arrêter là, alors que mon téléphone ne cesse de sonner et que des femmes, qui avaient jusque là gardé le silence sur leur malvie, ne cessent d’affluer à la rédaction…
    - Je sais, je sais tout cela. Je ne te demande pas d’arrêter, mais plutôt de faire en sorte que le lecteur n’ait pas l’impression que tu déclares la guerre aux hommes.
    - Je ne déclare la guerre à personne, je ne fais que relever des injustices et des discriminations, qu’on préfère passer sous silence. Et pourquoi… ? Parce que cela touche la sensibilité de ceux qui se sentent morveux, donc les véritables bourreaux. Les lecteurs ne peuvent pas tous tomber d’accord sur ce que j’écris, mais beaucoup d’entre eux, je parle des hommes bien sûr, approuvent mes idées libérales. Il n’y a pas que des attardés mentaux dans le monde, je n’aimerais pas non plus servir d’appât à ceux qui veulent réaliser certains de leurs desseins.
    - Non, je ne crois pas que tu sois le genre de femme à servir d’appât à une quelconque cause. Tu es bien trop intelligente et trop avisée, je voulais juste te mettre en garde contre les malintentionnés.
    - Qui sont-ils ces malintentionnés et que me veulent-ils ? Me réduire au silence, ils ne le pourront pas, ce sera trop flagrant pour eux. En plus, il y a de plus en plus d’associations qui s’intéressent à mon combat. Des centaines de femmes me contactent. Si j’arrête maintenant, des questions vont se poser et des réclamations vont se soulever. Que vas-tu répondre à toutes celles qui vont assiéger la rédaction ?

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  22. Artisans de l'ombre Dit :

    Illusion 37e partie
    Par : Yasmine HANANE

    Son teint vire au rouge :
    -Oh non, surtout pas ça. Je ne te demande pas d’arrêter. Calme-toi donc et tente de comprendre un peu la situation.
    -Quoi ? Tu veux dire que je devrais désormais écrire avec des barrières ?
    Tu veux dire que je dois m’autocensurer ?
    La colère me rendait aveugle et sourde. Je ne savais pas que ma voix était parvenue jusque dans les bureaux limitrophes et que mes collègues s’étaient “agglutinés” devant la porte du mien.
    Je continuais sur ma lancée :
    -Je préfère plutôt mourir, me suicider, que me censurer. Non, je n’arrêterais pas. Non, ma rubrique “La voix féminine” ne s’éteindra pas. Je t’annonce seulement que je pourrais changer de canard. Et tu es bien placé pour savoir que je reçois des dizaines de propositions de la part des autres quotidiens. Ce n’est pas les journaux qui manquent, que je sache. Alors fini pour le tien. Si je te permets aujourd’hui de doubler, voire de tripler le tirage, demain, il n’en restera que des cendres.
    Des voix commençaient à s’élever. Mes collègues haussaient le ton :
    “Arrêter la rubrique ? On n’en a pas idée, alors que c’est la seule qui tient encore le coup.”
    “Nous avons deux fois augmenté le tirage, et on espère aller plus loin. Ce n’est pas le moment de badiner.”
    “ Chaque fois que cela marche bien, on vient nous mettre des bâtons dans les roues.”
    “Nous sommes avec toi. Tu n’arrêteras pas.”
    “Tu ne vas pas t’autocensurer, nous le refuserons.”
    “Celui qui n’est pas content, n’aura qu’à ne plus acheter notre canard.”
    Je ne m’attendais pas à tant de solidarité de la part de mes collègues, je l’avoue.
    Je me laisse tomber sur une chaise et me mets à pleurer devant tout le monde pour la première fois de ma vie :
    -Voila pourquoi les femmes sont encore à leur premiers pas. Chaque fois qu’elles tentent de s’élever, on les écrase.
    Quelqu’un se fraye un passage à travers la foule et vint me prendre par mes épaules. C’était Youcef. Il s’apprêtait à sortir en reportage et on a dû le mettre au courant de ce qui venait de se passer :
    -Calme-toi, pourquoi pleures-tu ? Quelqu’un t’a-t-il contrariée ?
    Je lève les yeux vers le red’chef qui baisse les siens. Quelques filles de la rédaction se mettent à crier :
    - “La voix féminine” ne s’éteindra pas !
    -Nous sommes toutes avec toi. Tu as fais un travail fabuleux.
    -Que celui qui n’est pas content quitte les lieux.
    Elles se mettent à taper des mains :
    -A bas les opportunistes… Nous sommes toutes avec toi. A bas les opportunistes… Nous sommes toutes avec toi.
    Youcef m’aide à me relever et m’entoure les épaules :
    -Je t’emmène à la maison, tu as les nerfs à fleur de peau. Repose-toi, nous aviserons ensuite.
    Je quitte la rédaction le visage ruisselant de larmes, tout en ayant l’impression d’avoir reçu la foudre sur la tête.
    Deux jours durant, je boycottais la rédaction. Des messages de sympathie me parvinrent de partout. Ma boîte e-mail explosait, et mon téléphone n’a pas cessé de sonner. Un pilier… j’étais un pilier qui retenait le toit de tout un empire.
    Des femmes en colère s’étaient présentées au journal et avaient menacé le red’chef. J’avais juré de ne plus écrire sous la houlette de ce dernier.
    Au bout de trois jours, le directeur de la rédaction en personne me contacta. Il me demanda de reprendre mon travail tout en me promettant de remettre les pendules à l’heure.
    Je tins bon. Non, je ne reviendrais pas. Je vais démissionner et aller ailleurs.

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  23. Artisans de l'ombre Dit :

    Illusion 38e partie
    Par : Yasmine HANANE

    Se passera alors une chose à laquelle je ne m’attendais nullement : le red’chef sera limogé.
    Youcef m’apprendra la nouvelle. Je demeure un moment interdite. Non… tout de même… je ne voulais pas qu’on en arrive là…
    Le lendemain matin, je m’habille et me rends au siège du journal. Le directeur me reçoit à bras ouverts :
    -Enfin, voici notre revenante… vous nous avez fait languir…
    -Me voici de retour.
    -J’en suis content. Désormais vous aurez affaire directement à moi. Vous travaillerez comme vous l’avez toujours fait et comme vous l’entendez.
    Toutes vos demandes seront des ordres.
    -Je suis désolée pour ce qui s’est
    passé.
    Il sourit :
    -Ne le soyez pas. Ce n’est pas de votre faute.
    Il prend un air malin et me lance d’une petite voix :
    -Votre esquive nous a permis de juger de la popularité de votre rubrique. J’ai cru devenir fou, mon téléphone n’arrêtait pas de sonner, et des messages, voire même des menaces, affluaient à chaque seconde.
    -Bien… je vais donc devoir reprendre le boulot.
    -Tout à fait, et surtout n’hésitez pas à faire appel à moi en cas de besoin. Nous sommes tous prêts à vous aider dans votre tâche.
    -Merci, monsieur le directeur… J’aimerais… j’aimerais juste vous demander une faveur…
    -C’est accordé d’avance. Vous voulez une augmentation je présume ?
    Une augmentation ?
    Mon cerveau s’arrête un moment. Une augmentation ? Je n’y avais même pas pensé !
    -Oh non… non… pas une augmentation. Je voulais juste que le red’chef réintègre son poste. Après tout, il pensait bien faire. Il avait peur des remontrances au cas où ma rubrique provoquerait des remous.
    Le directeur n’en revenait pas. La cause de mes malheurs, le red’chef a été limogé pour intimidations, et voila que je demande sa réintégration.
    Mon supérieur me lance un regard curieux :
    -Vous voulez la réintégration de celui qui vous a causé tant d’aléas? Vous avez frôlé la crise de nerfs et vous êtes rentrée chez-vous pour vous cloîtrer des journées durant. Vous revenez enfin parmi nous, et la première chose que vous demandez, c’est la réintégration de celui qui voulait vous censurer.
    Je hausse les épaules :
    -C’était juste un malentendu professionnel entre nous. Je… je suis désolée pour ce qui est arrivé. Mais enfin, ce journaliste est aussi un père de famille. Sa femme et ses enfants vont pâtir de son limogeage. Et puis, vous savez très bien qu’après un licenciement, on est condamné à un long chômage. Cet homme va devoir mendier un boulot et Dieu seul sait s’il va en dénicher. Il… il ne mérite pas cette sanction. Je m’y oppose fermement. Je ferme les yeux sur ses propos si c’est ce que vous voulez et…
    Mon directeur lève une main :
    -J’ai compris. Vous êtes de cette branche de femmes qui ne lâchent pas prise. Je vais rediscuter de son cas avec les syndicalistes.
    -Je veux qu’il réintègre son poste.
    -Oui, mais il doit être sanctionné tout de même.
    -Je vous répète que je suis prête à oublier ses propos. Ce journaliste doit reprendre son poste.
    J’avais retrouvé ma confiance en moi. Ma voix s’était élevée sans que je me rende compte :
    -Vous venez de dire que mes demandes sont des ordres. Je vous prends au mot. Après tout, le red’chef n’a pas dû prendre la décision de m’intimider tout seul.
    Le visage de mon directeur vire au gris. Ses mains tremblèrent un moment. Il se reprit vite et me lance d’un air déçu :
    -C’est votre souhait ?
    Je hoche la tête d’un air entendu.
    -Parfait ! Dès demain le red’chef reprendra son poste.
    J’étais soulagée. Je quitte les lieux pour rejoindre mon bureau.
    Je reprends mon service. Une tonne de courrier m’attendait. Des lecteurs proposaient de m’aider. Des quotidiens me contactaient. Des curieux voulaient me rencontrer, et des femmes voulaient organiser une marche au cas où je ne serais pas de retour dans les jours à venir.

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  24. Artisans de l'ombre Dit :

    Illusion 39e partie
    Par : Yasmine HANANE

    Des messages m’attendaient au bureau,qui m’allèrent droit au cœur. Je n’étais donc pas seule. Je n’étais pas seule à lutter pour une cause juste. Je ne voulais ni soulever les masses, ni déclarer la guerre, ni heurter l’ego des hommes. Je n’étais qu’un instrument médiatique. Une femme qui souffrait de la situation de ses semblables.
    Des heures durant, je ne cessais de recevoir des femmes et répondre au téléphone. La sympathie de mes collègues me motiva. La plupart d’entre eux vinrent me féliciter et me remercier pour mon geste envers le rédacteur en chef.
    A la fin de la journée, je n’avais plus qu’une seule envie : rentrer chez moi et me mettre au lit pour dormir le plus longtemps possible.
    Youcef me dépose à la maison et s’en va faire des courses. A son retour, il me trouva allongée sur le tapis du salon, dormant à poings fermés. La nurse était partie et Mehdi jouait tranquillement dans sa poussette.
    Il tente de me réveiller ; mais si je l’entendais, je ne pouvais lui répondre. Mes lèvres refusaient de prononcer et ma langue d’articuler.
    Je n’en pouvais plus. Mes nerfs risquaient de craquer.Youcef me soulève dans ses bras et me met au lit. Il s’occupa de Mehdi et de tout le reste.
    Au matin, j’entrouvris les yeux. J’avais dormi comme je ne l’avais pas fait depuis fort longtemps.
    Youcef dormait encore. Je me lève sur la pointe des pieds et me dirige vers la chambre de Mehdi. Mon fils dormait comme un ange.
    La nuit avait donc été paisible pour tout le monde. Je m’étire avant d’aller me préparer un café noir et serré. J’avais besoin de toutes mes forces physiques et morales pour affronter une nouvelle journée.
    Je devrais me rendre au siège des femmes en difficulté, pour une réunion, vers la mi-journée. Les organisatrices avaient reçu leur autorisation et préparaient leur manifestation.
    Youcef se réveille à son tour et me rejoint dans la cuisine :
    -Alors… ça va mieux ?
    -Oui… beaucoup mieux. Je manquais de sommeil ; cela fait des jours que je ne dormais plus ou pas assez.
    -Hum…tu reprends donc avec tes jérémiades.
    -Quelles jérémiades ? Tu parles de ma rubrique. Toi aussi tu es pour la discrimination.
    Il lève une main suppliante :
    -Arrête. Ne commence pas. Je voulais juste te taquiner.
    Mehdi se met à pleurer :
    -Je crois que nous l’avons réveillé.
    -C’est toi qui l’as réveillé. Tu fais toujours les choses à l’envers, Youcef.
    Sans lui laisser le temps de riposter, je cours vers la chambre de mon bébé. Il avait faim, et je m’empressais de lui donner sa soupe et son biberon. Rassasié, Mehdi souriait de toutes ses dents. Il était adorable dans son petit pyjama bleu-ciel.
    Je le serre dans mes bras…Il met ses menottes autour de mon cou et se met à me mordre les joues et les oreilles. Je l’aimais tant, mon petit bout’chou.
    Youcef me rejoint, une tasse de café à la main :
    -Alors, on s’est calmé ?
    -Tu parles de moi ou de Mehdi ?
    -Des deux…On dirait qu’il a hérité de ton caractère.
    -Eh bien c’est tant mieux. Il saura, plus tard, que sa mère n’était pas une bonne à rien.
    -Et qu’elle a combattu contre vents et marées pour la liberté et les droits de la femme.
    -Oui, et je continuerais… Je continuerais, Youcef. Mehdi sera très fier de moi lorsqu’il comprendra que je n’ai fait que mon devoir de journaliste et de femme.
    -De toute façon, tu as marqué un point au rédacteur en chef.
    Je hausse les épaules :
    -Tu t’attendais donc à quoi ?
    -Oh à peu près à ce que tu as fait. Je te connais assez pour savoir qu’au fond de toi même tu n’es pas aussi mauvaise que tu veux en donner l’air.
    -Moi mauvaise ?

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  25. Artisans de l'ombre Dit :

    Illusion 40e partie
    Par : Yasmine HANANE

    Je dépose Mehdi dans son lit, et m’apprête à faire une scène, lorsque Youcef se met à rire :
    -Ta susceptibilité te jouera un sale tour un de ces jours…
    Il me tourne le dos et se dirige vers la salle de bains.
    Je renoue avec mon quotidien. Des réunions, des reportages, des rencontres…Mon courrier s’accumulait, je ne pouvais répondre à tous ceux qui m’écrivaient. J’avais fait appel à quelques collaborateurs pour m’aider dans le tri des messages que je recevais. Par ordre d’importance donc, je prenais connaissance des contenus et donnais des instructions pour les réponses.
    Je n’avais pas que des admirateurs bien entendu. Des femmes m’en voulaient d’avoir osé soulever le remous dans les rangs des associations. Je n’étais ni une sainte ni un ange. Je ne pouvais changer l’ordre des choses. Etaient-elles conscientes de la réalité ?
    Des femmes comme elles souffraient de leur état… Des femmes étaient quotidiennement battues à mort, jetées hors de leur foyer, intimidées et menacées, privées de leurs enfants et de leur famille, etc.
    C’est pour celles-là que je lutte. Que nous devions toutes lutter pardi !
    Dans mon courrier, je recevais parfois aussi des suggestions : Pourquoi vouloir changer ? Rendons à César ce qui lui appartient… La femme doit réintégrer son foyer… La nature a bien fait les choses.
    L’homme doit bosser pour gagner sa croûte et la femme doit le seconder pour éduquer les enfants et prendre soin du foyer et de la famille.
    On veut évoluer ? Alors payons le prix de l’évolution.
    Telle était l’opinion de certains érudits… Des gens de la haute société comme on dit.
    D’autres, voulant mettre nos efforts au pied du mur, remontèrent jusqu’à l’ère antéislamique. A cette époque on enterrait les femmes vivantes.
    C’était vrai, répondis-je… Mais il y avait aussi des femmes qui étaient commerçantes, cavalières, guerrières. Elles dirigeaient des armées entières et affrontaient l’homme sur les champs de bataille. Elles négociaient des combats, proposaient des transactions commerciales et traversaient le désert, en voyageant la nuit dans des caravanes.
    Certes je citais là des femmes nobles et bien nées. Les filles qu’on enterrait vivantes à leur naissance étaient issues de familles pauvres.
    Les nomades préféraient enterrer leurs filles, afin de leur éviter l’humiliation. Ces malheureuses n’avaient d’autre perspective à la mort de leurs parents que de servir de troc et de marchandises bon marché à des intermédiaires. On les considérait bien moins que des objets. Jeunes, elles étaient destinées à la prostitution, vieilles on les “oubliait” souvent dans le désert.
    L’islam avait libéré la femme en bannissant toutes ces pratiques païennes.
    Je rédigeais ma chronique sans trop de mal. Les mots s’alignaient devant moi et mes idées se suivaient.
    Je me découvrais tous les jours des capacités rédactionnelles et les phrases qu’il faut pour mettre le lecteur, sinon à l’aise, du moins face à une réalité qu’on s’obstine souvent à ignorer.
    La présidente de l’association des femmes en difficultés me reçoit les bras ouverts :
    -Oh comme je suis contente de vous voir, je craignais tant que vous ne veniez pas.
    -Pourquoi donc ?
    Elle prend un air sérieux et lance :
    -On radotait un peu sur vous ces derniers temps… Vous vous êtes absentée quelques jours, et on parlait de votre éviction. La rumeur faisait son chemin. Les uns disaient que vous avez eu des problèmes avec votre rédaction, d’autres avec votre mari et tout cela ne nous rassurait pas…Vous êtes quelque part le porte-parole des femmes.
    Je souris :
    -Rassurez-vous… Il n y’a rien de vrai dans tout ce qu’on vous raconte… J’ai reçu beaucoup de messages dans ce sens. Ce qui explique cette rumeur dont vous parlez… Je n’ai fait que m’absenter deux ou trois jours de la rédaction pour un malentendu professionnel… Ce qui pourrait arriver à n’importe qui.
    -Ouf… Je me sens soulagée maintenant que vous êtes là et prête à nous aider.
    -Que puis-je faire pour vous ?
    -Vous êtes au courant de notre programme. On vous a déjà parlé de cette action qu’on prépare.
    -Oui… J’en ai même parlé dans ma chronique.
    -C’est ça. J’ai reçu d’autres réclamations allant dans le sens de notre manifestation. Les femmes veulent soulever des sujets assez accrochants.
    -Qu’elles le fassent donc… Pourquoi attendent-elles toujours les autres…

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  26. Artisans de l'ombre Dit :

    Illusion 41e partie
    Par : Yasmine HANANE
    .
    Elle toussote :
    -Je pense qu’elles ont peur. Elles ne sont pas toutes motivées comme vous. Elles ont soit un mari qui les empêche de regarder plus loin que le bout de leur nez, soit elles sont issues d’une
    famille conservatrice. Vous
    comprenez…
    -Non, je ne veux rien comprendre là-dessus.
    -Je ne vous suis pas.
    -N’avez-vous pas un mari et une famille vous aussi ?
    -Si, si bien sûr…mais vous en convenez que nous ne sommes pas toutes pareilles.
    -Oui, nous sommes plus effrontées que les autres.
    -Non pas précisément…Vous, par exemple, êtes bien placée pour défendre ces malheureuses. Vous êtes cultivée et vous exercez un métier qui vous permet de communiquer.
    -Moi aussi j’ai un mari et une famille figurez-vous.
    -Mais vous, vous luttez pour vous maintenir à flot.
    -Eh bien, que toutes les femmes qui se plaignent de leur condition en fassent de même.
    Elle sourit :
    -Elles ne le pourront pas. Jamais elles n’oseront s’élever contre une éducation qui a fait d’elles des soumises. Vous oubliez les dérivés de notre société.
    Je pousse un soupir :
    -Ce que vous me racontez là, je le connais déjà par cœur. Par contre, ce que j’aimerais faire, c’est démontrer à ces femmes qu’une seule main ne pourrait jamais applaudir.
    Instruites ou pas, nous sommes toutes logées à la même enseigne. Le silence n’arrangera rien. Celles qui avaient osé se plaindre de leur condition bien avant nous ont été taxées de sorcières et de femmes de mœurs légères. On leur avait collé toutes les tares sociales, mais elles ont tenu bon. Grâce à elles, nous sommes un peu moins soumises aujourd’hui, mais le combat doit continuer. Pour cela nous demandons à toutes celles qui adoptent nos idées de rejoindre notre manifestation.
    -Très bien. Je n’ai même pas besoin de m’étaler sur le but de cette marche, vous avez déjà tout saisi.
    Je me lève :
    - Communiquez-moi tous les renseignements requis et précisez-moi la date de cette action. Je vais préparer un article plus détaillé en attendant d’être sur le terrain.
    -Parfait !Vous serez informée bientôt. Et, encore une fois, merci pour votre collaboration. Grâce à vous, d’autres femmes n’hésiteront pas à rejoindre notre mouvement.
    Je pris congé et me dirigeait vers un magasin de jouets. C’était l’anniversaire de Mehdi. Je devrais me dépêcher de rentrer à la maison.
    Ce soir, toute la famille sera là. J’avais chargé ma mère et ma belle-sœur de préparer le dîner et de confectionner quelques confiseries.
    Youcef avait commandé un gâteau d’anniversaire et des boissons chez un traiteur. Je n’avais donc plus qu’à m’empresser à choisir un cadeau pour mon bout’chou et rentrer.
    Dans le magasin de jouets, je tombe sur un train électrique. Sans hésitation, je le prends et demande qu’on l’enveloppe dans un papier cadeau. Je vais bientôt pouvoir jouer avec Mehdi au “Grand voyage”.
    Il aimait ça, mon fils. Je vais lui expliquer ce que c’est qu’une locomotive, ce que sont les wagons et comment on faisait pour les mettre sur les rails et les faire avancer.
    J’imaginais déjà la joie de Mehdi. C’est un petit curieux qui aime toucher à tout.
    Emballée par ma trouvaille, je prends aussi un grand ours en peluche, un cheval, des petits moutons, des cubes, etc.
    Les bras chargés de paquets, je me dirige vers mon véhicule. J’entassais le tout sur le siège arrière et m’apprêtais à démarrer lorsque mon portable se met à sonner : c’était la rédaction.
    Je décrochais, et la voix d’une collaboratrice m’agresse l’oreille :
    -Désolée de te déranger mais il y a des femmes qui aimeraient te rencontrer tout de suite.
    -Ah non ! Pas aujourd’hui, je rentre chez moi.
    -Elles ne veulent rien savoir. Elles sont là depuis plus de deux heures et t’attendent.
    -Eh bien, explique-leur que je suis très occupée… Je ne pourrais les recevoir que demain matin. Elles peuvent s’amener à la première heure si elles le désirent.
    -Elles ne veulent pas quitter la rédaction sans t’avoir rencontrée.
    J’allais riposter lorsqu’une voix que je ne reconnus pas me demande :
    -Etes-vous vraiment celle qui défend corps et âme les droits de la femme ?

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  27. Artisans de l'ombre Dit :

    Illusion 42e partie
    Par : Yasmine HANANE
    .

    Je demeure interdite un moment. Cette voix autoritaire et ferme ne pouvait être que celle d’une femme qui voulait discuter de quelque chose d’important. Je lève les yeux au ciel : C’est l’anniversaire de mon fils !
    Je pousse un soupir avant de répondre :
    -Je suis une simple journaliste qui tente de voir plus clair dans les droits de la femme madame.
    -Très bien. Alors nous vous attendons pour vous aider à voir clair dans nos affaires.Vous serez étonnée de l’impact que vous suscitez auprès de certaines femmes. Nous sommes toutes avec vous, alors soyez avec nous.
    -Mais je le suis. C’est pour vous que je sacrifie tout mon temps.
    -Alors, nous ne quitterons pas la rédaction sans vous avoir rencontrée.
    -Mais je…
    Un déclic m’apprend que la communication avait été interrompue.
    Je remets mon portable dans mon sac. Que vais-je donc faire ? Ces femmes m’attendent pour débattre d’un sujet, ou me suggérer quelque chose d’autre. Les abandonner à leur sort, c’est trahir leur confiance.
    Je repense à mon fils. Ai-je le droit de rentrer tard le jour de son anniversaire ? Et puis toute la famille sera là. Comment va-t-on interpréter mon absence chez moi un tel jour ?
    Je secoue la tête. Tant pis. L’action que je mène mérite tout de même des sacrifices. Je vais tenter de persuader ces femmes de revenir le lendemain. Un tour à la rédaction, quelques phrases pour calmer les esprits, et je me déroberai pour rentrer chez moi. Mehdi ne me pardonnera pas de l’avoir abandonné un tel jour.
    A peine étais-je arrivée à mon bureau qu’un groupe de femmes m’entoura :
    -Vous êtes enfin là. Cela fait des heures qu’on vous attend. Vous allez devoir nous écouter toutes. Nous sommes ici nous aussi pour étaler nos problèmes et tenter de trouver des solutions collectives.
    Je me tourne vers ces pies et lève la main avant de hausser la voix :
    -Cela suffit comme ça. Vous m’avez fait venir alors que je m’apprêtais à rentrer chez moi… C’est l’anniversaire de mon fils. Son premier anniversaire.
    -Nous sommes désolées, figurez-vous, mais il y a des situations qui nous dépassent. Nous avons tapé à toutes les portes, en vain.
    -Très bien. Puisque je suis là, que voulez-vous de moi ?
    -De l’aide, bien sûr.
    -De quoi s’agit-il ?
    Les femmes parlaient toutes en même temps, et je ne pouvais saisir que des bribes de leurs revendications.
    Je hausse encore une fois le ton :
    -Pas toutes à la fois. Je ne peux pas assimiler ce que vous racontez.
    Une femme lève la main et s’avance vers moi :
    -C’est moi qui vous parlais au téléphone tout à l’heure. Nous sommes ici pour vous demander de nous aider à trouver des issues à des problèmes qui nous empêchent d’avancer.
    Nous savons que vous ne pouvez pas lutter seule dans un labyrinthe qui n’en finit pas. Nous sommes prêtes à vous prêter main-forte à condition que vous consentiez à publier nos revendications.
    -Que revendiquez-vous. ?
    -Pas grand-chose, si ce n’est nos droits. Je ne vais pas m’étaler là-dessus, puisque vous en avez déjà parlé dans votre rubrique.Vos propos et vos reportages nous ont encouragées à aller de l’avant. Nous ne voulons plus vivre comme des automates en ne faisant qu’exécuter les ordres de nos “messieurs”. Nous voulons vivre et apprécier la vie à sa juste valeur.
    Je hausse les épaules :
    -Vous pouvez mener chacune son combat. Je ne peux pas venir dans chaque foyer et demander à vos “messieurs” d’être gentils avec vous.
    -Mais ce n’est pas ce que nous vous demandons. Nous voulons juste vous mettre au courant.
    -De vos petits malheurs quotidiens ? J’en connais déjà un bout.
    Une jeune femme s’approche alors, et relève un pan du foulard qui lui cachait presque tout le visage :
    -Regardez madame. Regardez.

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  28. Artisans de l'ombre Dit :

    Illusion 43e partie
    Par : Yasmine HANANE
    .

    Le visage tuméfié, le nez cassé, les lèvres écrasées et un œil au beurre noir.
    -C’est votre mari qui vous a fait ça.
    -Non. C’est mon beau-père.
    -Pardon ?
    -C’est mon beau-père.
    -Votre beau-père vous a tabassé et vous a défiguré ?
    -Oui madame. Mon beau-père me traite pire qu’une esclave.
    -Et votre mari dans toute cette affaire ?
    -Mon mari travaille à l’étranger. Cela fait trois années qu’il n’est pas revenu. Je devais le rejoindre, mais à chaque fois il retarde l’échéance. Moi et les enfants vivons sous le même toit que ses parents, et c’est là où rien ne marche.
    -Attendez. Vous dites que votre mari vit à l’étranger ?
    -Oui, c’est ça.
    -Et vous vivez sous le même toit que vos beaux-parents ?
    Elle acquiesce.
    -Votre mari est-il au courant de la maltraitance que vous subissez de la part de son propre père ?
    Deux longues larmes coulèrent sur les joues de la malheureuse :
    -Mon beau-père est un alcoolique. Un clochard. Avec lui, c’est la terreur à la maison.
    -Et vos parents donc , Qu’attendent-ils pour vous récupérer en attendant que vous rejoigniez votre mari ?
    -Mes parents sont pauvres. Ils veulent que je revienne à la maison, mais sans mes enfants. J’ai trois enfants. Et je ne peux pas les abandonner à leur sort. Mon beau-père est un malade qui risque de leur faire subir ce que je subis quotidiennement. Je me vois dans l’obligation de rester auprès d’eux pour les protéger de ses colères et de ses…
    Les sanglots l’empêchèrent de continuer. .
    Je la prends par les épaules :
    -Votre beau-père abuse de vous. C’est bien ça ?
    Elle hoche la tête d’un air qui renseignait amplement sur ses souffrances qu’elle n’avait jamais pu exprimer jusqu’à ce jour.
    Je sentais une colère sourdre en moi.
    -Vous n’avez bien sûr rien fait pour mettre fin à tout ça ? Ni déposer plainte, ni tout avouer à votre mari ou à votre famille, ni songer au moins à vous rapprocher d’une association qui aurait pu vous aider.
    Elle renifle et s’essuie les yeux :
    -Je ne pouvais rien. Comprenez-moi. Je vis sous le même toit que lui. Que deviendrons-nous s’il nous mettait à la porte moi et les enfants ?
    -Alors vous êtes la première complice de votre situation.
    -Non. Ne me dites pas ça madame. Vous voyez. J’ai fais un premier pas. Je suis venue vous demander de l’aide.
    -Je ne suis ni avocate, ni agent de police ma pauvre amie. Je ne suis qu’une journaliste.
    -Justement, j’aimerais que vous racontiez mon histoire, que vous portiez mes propos dans la presse. Il faut que le monde apprenne à connaître les réalités enfouies dans les tabous que brandit notre société.
    -Moi à votre place j’aurais déjà tout raconté à mon mari. C’est insensé. Vous portez un lourd fardeau sur vos épaules, alors que lui se pavane ailleurs.
    -Je ne pourrais jamais faire ça. Il me tuerait. Il est si attaché à son père.
    -Ce n’est pas une raison pour que sa propre femme subisse les affres les plus vils de la part de l’homme sur qui il comptait pour protéger sa famille.
    Elle renifle encore :
    -J’ai peur. j’ai peur pour moi et les enfants.
    Une femme s’approche de nous. Elle me tire par le bras et me chuchote à l’oreille :
    -Kenza est une femme qui sait tout juste lire et écrire quelques mots. Nous ne pouvons pas l’abandonner. Elle a été mariée contre son gré. Son mari est son propre cousin. Alors vous comprenez.
    -Vous voulez dire que son beau-père est son oncle ?
    Elle hoche la tête :
    -Hélas oui. Cette malheureuse a peur du scandale. Elle a peur de susciter la colère de son mari et de sa famille. Elle a peur d’être répudiée et séparée de ses enfants et appréhende la réaction de la société à son égard. Sa situation est plus que délicate.
    La jeune femme pleurait toujours.

    Dernière publication sur 1.Bonjour de Sougueur : Mon bébé, Justin, me manque beaucoup

  29. Artisans de l'ombre Dit :

    Illusion 44e partie
    Par : Yasmine HANANE
    .
    Je garde le silence un moment. Je n’arrivais plus à me concentrer sur quoi que ce soit. Ce que je venais d’apprendre n’était pourtant pas un cas unique. Mais pour la première fois, je palpais la situation. Je ressentais même les coups que recevait cette pauvre femme. Comme pour me protéger, je mets mes mains devant mon visage :
    -C’est affreux ! m’écriais-je. C’est affreux, intolérable, inconcevable !
    Un silence de plomb planait sur l’assistance. On dirait que la terre avait cessé de tourner, et qu’on attendait l’apocalypse d’une seconde à l’autre.
    Au bout d’une minute, une vieille femme s’approcha de moi. Elle me tendit une photo. J’y jette un coup d’œil : une belle femme, d’une trentaine d’années, souriante. Elle avait de beaux cheveux noirs qui ondulaient sur ses épaules, des yeux de biche, et un air qui ne trompait pas sur son instruction et son intelligence.
    -Qui est-ce ?
    -Ma fille.
    -Elle est très belle. Que fait-elle dans la vie.
    -Elle était médecin. Elle traitait le mal.
    -Elle était ?
    -Oui. Elle était jeune, belle et dévorait la vie à pleines dents…
    Des larmes ruisselaient sur les joues de la vieille. Elle les essuie d’une main rageuse et continue :
    -Elle était si brillante, si ambitieuse. C’était la fierté de notre famille. Elle exerçait comme médecin généraliste dans un hôpital et s’apprêtait à entamer une spécialité..
    -Pourquoi parlez-vous donc au passé ?
    -Parce que Houria, ma fille, fait partie du passé. Elle n’est plus de ce monde et il ne me reste d’elle que des souvenirs. Tout cela parce qu’elle était tombée amoureuse d’un homme qui s’est moqué d’elle. Il s’est payé sa tête, et par sa faute elle a payé un lourd tribut : elle s’est suicidée !
    Les larmes s’étaient taries. Rien dans le visage de la vieille dame ne dénotait du chagrin qui couvait en elle. La première crise passée, elle s’en voulait de s’être montrée faible devant l’assistance. Mais son obstination avait eu le dessus :
    -Je veux que toute la lumière soit faite sur son cas.
    -Je comprends votre réaction, et j’admire votre courage vénérable dame. Seulement, je ne vous suis pas encore. Je ne sais pas ce qui a pu mener votre fille, une femme instruite et mûre, à commettre un tel acte.
    -Je vous l’ai dit. Un imbécile s’est payé sa tête. Il lui avait promis monts et merveilles. Un homme sans foi ni loi. Nous étions contre son mariage avec cet énergumène, mais elle, elle n’y voyait que du feu. L’amour rend aveugle. Elle ne voyait que lui. Elle était allée jusqu’à lui faire une procuration sur son compte en banque, et à lui proposer son propre logement. Tous les papiers avaient changé de main en un laps de temps très court. Et puis le jour où elle lui avait appris qu’elle était enceinte, il a subitement changé de comportement. Il s’était mis à lui interdire toute sortie et à la tabasser. Elle mettra du temps pour en comprendre les raisons. Mais un jour la vérité jaillit telle une fontaine au milieu d’un désert : l’homme était marié et avait déjà trois enfants. Sa première femme était elle-même venue lui apprendre la réalité. Elle venait reprendre son mari, lui avait-elle dit, car ce dernier lui appartenait à elle seule.
    Encore sous le choc de cette révélation inattendue, ma fille Houria ne passe pas par quatre chemins pour appeler cet homme qui prétendait l’aimer et la chérir.
    Un déluge n’aurait pas suscité autant d’affliction chez ma fille. Elle pleurait comme une éponge alors qu’elle apprenait la réalité de la bouche de son propre homme. Un cauchemar !
    Elle revint à la maison et tente de revoir un peu les choses. Etait-ce une plaisanterie ?
    Hélas non ! Tous les papiers, tous ses biens portaient le nom de ce salaud. Et puis il y avait ce bébé qui allait naître. Rien à faire. Le soir même, elle est sommée de quitter les lieux. Elle recevra une notification de divorce deux jours plus tard. Tout avait été calculé à son insu.
    Houria s’alita. Elle se sentit réduite dans son âme et dans son corps. La dépression n’en fera qu’une bouchée. Elle ne tiendra pas le coup. Un soir, alors que nous pensions qu’elle dormait dans sa chambre, elle avale un tube de barbituriques. Et hop ! La fin. Houria était partie. Elle avait quitté ce monde par la plus petite porte. Elle qui était l’espoir et la vie n’était plus là. Elle avait été réduite à néant par un homme sans foi ni loi…

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  30. Artisans de l'ombre Dit :

    Illusion 45e partie
    Par : Yasmine HANANE
    .

    Elle se tut un moment avant de poursuivre :
    - Voilà toute l’histoire madame. Vous pourrez l’écrire afin que toutes les filles d’aujourd’hui sachent qu’un homme qui les fait rire aux éclats et leur fait des promesses n’est pas toujours le meilleur. Qu’elles fassent très attention car les vautours sont partout, et même le mariage de nos jours ne garantit plus rien. Bien sûr, tous les hommes ne se valent pas. Les femmes non plus, mais… Qu’on sache que le mal existe partout et que la plupart du temps, dans les affaires de cœur, ce sont toujours les femmes qui casquent.
    Je sentais un frisson remonter le long du corps. Deux histoires, deux femmes, deux victimes, et j’attendais encore la suite.
    Je ne suis pas en mesure de défendre de tels cas, mais tout de même, si on doit lutter, c’est pour permettre aux femmes de vivre mieux, d’être respectées et de vivre dignement.
    Les deux cas qui se présentaient aujourd’hui ne démontraient pas seulement un manque de confiance, mais étaient une image vivante de la maltraitance, de la trahison et de l’humiliation.
    Qui des deux conjoints la société incriminera-t-elle si on devait juger publiquement ces cas ? La femme bien sûr. L’une pour avoir séduit son beau-père, et l’autre pour avoir “chipé” le mari d’une autre.
    On verra bien le mal. Mais sous d’autres auspices. Il était temps de secouer les consciences. Seule, je ne pourrais pas combattre, ne cessais-je de répéter. Mais ensemble, nous lutterons et gagnerons à coup sûr contre les vieilles idées et la discrimination.
    Les femmes que je recevais aujourd’hui s’accrochaient à moi. Elles me dévoraient du regard et attendaient mon “verdict”.
    Je repense à l’association des femmes en difficulté. A la manifestation qui se préparait.
    Je me retourne vers les femmes qui s’étaient agglutinées autour de moi :
    - Il y a une manifestation qui se prépare pour les prochains jours. Une manifestation féminine. Une action qui vise à revendiquer des droits féminins. Nous allons marcher pour inciter les autorités à revoir le code de la famille et à abolir certains statuts qui font de la femme une mineure à vie. Et puis, pour celles qui veulent dénoncer certaines choses, c’est le moment ou jamais de le faire. Je sais que vous craignez toutes la réaction de vos maris et frères ou même de vos supérieurs hiérarchiques. Mais si nous continuons toutes à avoir peur, nous n’avancerons jamais. Alors ce que je vous propose, c’est tout d’abord de participer à cette action.
    -Nous sommes toutes avec toi. Mais cela n’élucidera pas le cas de Kenza, la femme qui subit en silence les mauvais traitements de son beau-père, et ne ressuscitera pas Houria..
    -Certes. Mais je vais écrire sur ces deux cas. Cela incitera la société à revoir ses tabous et suscitera beaucoup de réactions. Je connais des avocates qui prendront volontiers ces deux affaires en main.
    - Et si jamais cela n’aboutit pas ?
    -Voilà ce que je n’aime pas : le pessimisme. Pardi il faut croire à tout ce qu’on fait. Il faut y croire dur comme fer. Il faut aller toujours de l’avant et ne jamais se retourner. Ces deux cas sont le reflet d’une faiblesse. Tentons d’être plus fortes. Plus réalistes aussi. Qui d’entre vous aimerait être comme cette jeune femme, qui doit passer sous le joug de son beau-père ?
    Des voix s’élèvent :
    -C’est la pire des humiliations.
    -La dignité de cette femme est bafouée.
    -Son beau-père est une bête de la pire espèce. Il n’a pas honte de s’attaquer ainsi et sans scrupules à la mère de ses petits-enfants ?
    -Il mérite la castration ou, pis encore, la guillotine. Des êtres comme lui n’ont même pas le droit de respirer le même oxygène que nous.
    Je me lève et hausse le ton :
    -Alors pourquoi je vois autant d’hésitations chez vous ? Vous ne voulez pas rejoindre l’action de l’association des femmes en difficulté ?

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  31. Artisans de l'ombre Dit :

    Illusion 46e partie
    Par : Yasmine HANANE
    .

    La mère de Houria me regarde dans les yeux :
    -Moi je vous suivrais en enfer s’il le faut. Pourvu que toute la lumière soit faite sur la mort de ma fille.
    -Moi aussi, me dit enfin Kenza.
    Il n’en fallait pas plus pour que les autres femmes se joignent à elles :
    -Nous sommes toutes avec vous. Faites quelque chose… Ne laissez pas la société digérer des tabous inventés par ceux qui veulent cacher de tristes desseins.
    -Je suis tout ouie. Ne soyez pas trop agressives dans vos propos, et je vous écouterai jusqu’au bout.
    -Nous allons marcher avec les manifestantes, et crier haut et fort notre désarroi. Nous aimerions que chacune d’entre nous arrive un jour à se faire entendre et débatte de son cas sans un chaperon.
    Nous sommes toutes encore soumises à la bonne volonté masculine. Quelle est la femme qui n’a pas souffert au moins une fois dans sa vie de la discrimination, de l’humiliation et de la déstabilisation dans sa vie conjugale ?
    Je repense à Youcef. Si je n’avais pas résisté, il aurait lui aussi fait des siennes. Et puis, d’ailleurs à ce jour, nos idées sur les actions féminines et ma plume orientée dans ce sens ne semblent pas trouver un écho favorable auprès de lui. Il me laissait faire parce que je savais lui tenir tête. Même si cela demandait certains sacrifices, je tenais toujours bon. Et puis il y avait Mehdi entre nous… Mehdi !
    Je bondis sur mes pieds. Mon Dieu, j’ai totalement oublié que c’était le jour de son anniversaire !
    Je prends hâtivement mes affaires :
    -Bon… je… je vous tiendrais au courant pour la manifestation. Si vous voulez avoir des renseignements vous n’aurez qu’à vous rapprocher du siège de l’Association des femmes en difficultés. La présidente se fera un plaisir de vous recevoir et d’écouter vos doléances. Kenza, j’aimerais bien que tu passes la voir, elle fera beaucoup de choses pour toi. J’en suis convaincue. Heu… bien entendu, je ne vais pas t’abandonner ainsi à ton sort.
    Pour les autres, je vous promets d’écrire un long article sur tout ce que je viens d’entendre.
    La mère de Houria me lance :
    -Très bien, nous comptons sur vous madame. Heu… nous allons nous rendre dès demain avec Kenza à l’Association des femmes en difficultés.
    -Je téléphonerai à la présidente pour la prévenir de votre passage. Soyez fortes, ne lâchez pas. Même si nous ne gagnons pas à tous les coups, nous serons un exemple pour les futures générations. Sinon, nos filles et nos petites filles nous taxeront de lâches !
    Sur ce, je m’empresse de quitter la rédaction. Dehors, il faisait nuit. Je repense à Mehdi et à ma famille qui devait être au complet ce soir chez moi. J’avais éteint mon mobile pour que l’on ne me dérange pas. Je le rallume. Une dizaine d’appels en absence s’affichent.
    Je rappelle Youcef qui décroche à la première sonnerie. Sans me laisser le temps de placer un mot il m’agresse :
    -Ah te voilà ! Que fais-tu encore dehors à cette heure-ci, d’autant plus que tu sais très bien que c’est l’anniversaire de ton fils ! T’es-tu au moins rappelée son existence ? Où es-tu donc passée ? J’étais sur le point d’appeler la police pour lancer un avis de recherches. Ma parole, ton égoïsme dépasse les bornes. Et surtout ne viens pas me raconter que tu as encore reçu des “cas” sociaux.
    Je lève les yeux au ciel. Mon mari adore se donner ainsi en spectacle…

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  32. Artisans de l'ombre Dit :

    Illusion 47e partie
    Par : Yasmine HANANE

    .

    Il aimait s’extasier devant la famille et démontrer son autorité. Ils sont tous pareils, me dis-je, avant de me décider à répondre :
    -Tu ne demandes même pas si je n’ai pas eu d’accident sur l’autoroute ou si on ne m’a pas agressée ou kidnappée.
    -Si c’était le cas, on nous l’aurait fait savoir. Je suis certain que tu es restée encore à la rédaction. Des foutaises. Des balivernes. Et je ne sais encore quoi. Bon, bref ! Nous discuterons de tout ça plus tard. Maintenant princesse, daignez vous montrer afin que nous puissions au moins découper le gâteau d’anniversaire. Le petit s’est endormi sur le tapis du salon.
    -J’arrive. Je démarre tout de suite.
    Quelle sentence me réservait-on ?
    J’étais prête à tout accepter. J’étais coupable d’un délit inconcevable pour une maman. Mon fils m’attendait pour découper son gâteau, et moi j’étais en train de palabrer à la rédaction.
    Je me mordis les lèvres. Youcef avait raison. Mon entêtement avait dépassé les limites aujourd’hui. Ce n’est pas parce que je défendais des causes féminines que je devais négliger les miens.
    Je passe la main sur mon front. J’étais épuisée. J’avais trop discuté. Je me suis trop concentrée sur les causes soulevées par toutes ces femmes qui pensaient trouver une peu de réconfort auprès de moi.
    Une désagréable sueur couvrait mon corps. Pourtant, il faisait frais. La nuit était tombée, et la lune brillait haut dans le ciel. Une nuit romantique, me dis-je en baissant la vitre.
    Je humais l’air frais. Je tentais de remplir mes poumons d’un oxygène pur afin d’évacuer mon trop-plein des “malvies” des autres.
    Je me sentais lasse tout d’un coup. Le volant glissait entre mes mains, et mes jambes appuyaient automatiquement sur les pédales. Je n’avais pas besoin de trop me concentrer pour conduire. Mes gestes étaient devenus routiniers. Hélas mes écrits aussi. Où est donc passé le temps où je courais toute heureuse vers mon chef de rubrique pour lui proposer un sujet et le rédiger sans trop de mal ? Je changeais de thème à chaque fois, et cela me motivait.
    Je pousse un long soupir.
    J’étais devenue un automate. Certes, j’ai évolué, j’ai réussi si on peut dire. Mes écrits accrochaient, mon lectorat augmentait de jour en jour. J’avais même beaucoup d’admirateurs. Je gagnais bien ma vie. Mon boulot me plaisait aussi. Je défendais la cause de ces malheureuses qui ne savaient plus à quel saint se vouer. Je me suis tracé pour but de les défendre et je ne voulais pas faillir à ma mission. Mais à quel prix !
    Je freine devant l’immeuble et cherche une place où me garer avant de monter chez moi, les bras chargés.
    Youcef m’attendait. J’avais à peine appuyé sur la sonnette qu’il m’ouvrit la porte.
    -Ce n’est pas trop tôt.
    Evitant son regard plein de reproches, je me dirige vers le salon. Ma mère venait de débarrasser la table. On avait terminé de dîner.
    Je ne savais pas sur quel pied danser. Un silence m’accueille. Un lourd silence qui renseignait sur ma culpabilité et les jugements qu’on me réservait. Oui. J’étais jugée. Pas à ma juste valeur bien entendu. Je n’avais pas de juste valeur. Ce soir, j’étais cette “embêtante” qui avait gâché la soirée par son absence.
    Mehdi s’était réveillé. Il courut vers moi et me tendit les bras. Je flanche devant sa tête ensommeillée et son sourire. Je méritais la guillotine.
    Je le soulève pour le serrer bien fort contre moi.
    -Bon anniversaire bout ‘chou.
    Je lève les yeux vers mon mari qui soutint mon regard. Je lisais en lui. Un volcan bouillonnait. Je savais que toute cette tension n’allait pas tarder à augmenter de plusieurs crans, lorsque tout le monde serait parti.

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  33. Artisans de l'ombre Dit :

    Illusion 48e partie
    Par : Yasmine HANANE
    .

    Comme pour dissiper le malaise, ma mère s’avance vers moi :
    -Je vais réchauffer ton dîner.
    Je lève une main protestante :
    -Non, je n’ai pas faim. Découpons plutôt le gâteau d’anniversaire.
    -Mais tu n’as rien avalé de la journée.
    Je sentais mon estomac gargouiller, mais je hausse les épaules :
    -Ce n’est pas grave, je vais manger après. Mehdi a sommeil, et vous m’attendiez tous depuis le début de la
    soirée.
    Youcef s’approche :
    -Tu savais qu’on t’attendait, pourquoi n’as-tu pas donc pensé à rentrer plus tôt ?
    Je me sentais trop lasse pour répliquer.
    Je savais que si je répondais, la partie ne serait pas facile à mener. Et puis, il y avait toutes ces paires d’yeux qui me toisaient et n’attendaient que le feu vert pour se délecter de la scène. Non, je ne voulais pas entrer dans le jeu de Youcef, ni donner du spectacle à sa famille.
    Je me dirige donc vers la table du salon où ma belle-sœur venait de déposer le gâteau.
    Youcef prend son briquet et allume la bougie qu’on avait plantée au milieu. Mehdi, heureux, battait des mains.
    Je le prends dans mes bras et j’invite les autres à se rapprocher afin de le voir souffler sa première bougie.
    Voilà déjà une année depuis que mon fils a fait son entrée dans ce monde !
    Que de choses s’étaient passées depuis !
    Embrassades, vœux de longue vie et de bonheur pour mon bébé, puis ma belle-sœur découpe le gâteau et se met à servir les convives. Youcef remplissait les verres de limonade, et moi je faisais manger Mehdi.
    Sur la grande table de la salle à manger trônaient des dizaines de cadeaux.
    Ma mère suit mon regard :
    -Tu les ouvriras demain, il est trop tard pour ce soir. Mehdi somnole, tu devrais le changer et le mettre dans son berceau.
    Je me lève et m’excuse devant l’assistance avant de m’éclipser. Mehdi suçait son doigt. Un peu de crème pâtissière collait encore à sa bouche, je l’embrasse pour lui essuyer les lèvres tout en le berçant dans mes bras.
    Une fois changé, Mehdi s’endormit comme un ange.
    J’étouffe un sanglot, j’avais envie de casser quelque chose ou de me cogner la tête contre le mur.
    Pourquoi m’étais-je laissé aller aujourd’hui ? Pourquoi n’avais-je pas été assez ferme devant ces femmes qui voulaient me rencontrer ? Leurs problèmes et leurs tracasseries ne datent pas d’aujourd’hui, elles pouvaient bien patienter quelques heures de plus.
    Mais le mal était fait. J’avais raté l’anniversaire de mon fils. Aux yeux de tous, j’étais la coupable. Je n’avais aucun alibi pour me défendre.
    Les invités venaient de partir. Ma mère parlait à quelqu’un. Elle va sûrement s’en aller elle aussi, et je vais me retrouver seule avec Youcef.
    Cette idée me donne froid dans le dos. Pour la première fois depuis mon mariage, j’avais peur de la réaction de mon mari. Tout simplement, parce que tous les arguments que je pourrais brandir pour ma défense seraient vains, j’étais à blâmer !
    Je ressortis dans le couloir et ma mère s’avance vers moi :
    -Va te reposer, demain vous aurez le temps de vous disputer tous les deux.
    - Je ne veux pas me disputer ni ce soir ni demain.
    - C’est très bien ma fille. Mais ton mari a toutes les raisons cette fois-ci de te faire une scène. Tu as exagéré, conviens-en.
    Je hoche la tête et elle remarque les larmes qui brillaient dans mes yeux :
    -Allons, cela s’arrangera. Ce n’est tout de même pas la fin du monde.
    -Je suis vraiment navrée, je suis une mère indigne. J’ai voulu brûler les étapes, et j’ai oublié l’anniversaire de mon fils, son premier anniversaire.
    Ma mère me serre le bras :
    -J’espère que cette leçon te servira d’exemple dans ta vie quotidienne et surtout familiale.

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  34. Artisans de l'ombre Dit :

    Illusion 49e partie
    Par : Yasmine HANANE
    .
    Elle s’approche de mon oreille et chuchote :
    -Les hommes ne résistent pas longtemps quand leurs femmes les abandonnent, tu saisis ?
    Je hoche la tête :
    -Oui, mais Youcef sait très bien de quoi il s’agit. Je suis un peu trop prise ces derniers temps par mon boulot, je ne vais tout de même pas abandonner mon poste pour rester à la maison, alors que je suis de celles qui tentent de se frayer un passage dans la société pour démontrer que les temps où les hommes imposaient leur loi sont révolus.
    Ma mère me serre encore le bras :
    -J’ai peur pour toi ma fille. Tu luttes pour la place de la femme dans la société, et tu oublies ta propre place dans la famille.
    Youcef s’approche de nous, ses clefs de voiture à la main :
    -Je vais déposer ta mère et ta belle-sœur, et je reviens.
    -Oui, oui, Youcef, je suis là maintenant.
    Il me toise avant de lancer :
    -Oui, tu es là. J’espère que tu es là…
    -Hein… Que veux-tu dire ?
    Il hausse les épaules :
    -Ce que tu as compris. Souvent tu n’es pas là. Même dans ton sommeil, tu rêves d’associations, de réunions, de revendications, des femmes maltraitées. Alors comment veux-tu que je sache si tu es là ou pas.
    Je ne vais tout de même pas me taire !
    Youcef est journaliste, et lui-même passe souvent des soirées entières ou les trois quarts de la nuit à rédiger ses articles ou à se documenter.
    J’allais riposter lorsque ma mère s’interposa :
    -Que Dieu vous garde mes enfants. Promettez-moi de ne pas vous disputer, sinon je ne vais pas fermer l’œil de la nuit.
    Youcef me regardait toujours. Je baisse les yeux. Quelque chose me brûlait dans la poitrine.
    Ma mère continue sur sa lancée :
    -Mon fils, tu es bien plus sensé qu’elle. Le petit dort comme un ange, vous n’allez pas le réveiller avec vos récriminations !
    Mon mari fait jouer ses clefs :
    -Nous reparlerons de tout ça plus tard.
    Ma mère me lance un regard suppliant avant de se diriger vers la sortie où l’avait précédée ma belle- sœur.
    Je referme la porte derrière eux, et j’appuie mon dos un moment contre le mur du couloir.
    Je me sentais si seule ! Moi qui recevais les foules, et dirigeais les débats, je me sentais seule !
    Pour chasser ces idées démoralisantes, je me mets à débarrasser la table du salon. Des restes de gâteaux et des assiettes sales, traînaient çà et là.
    Je me mets à nettoyer et à frotter. Soudain, je sentis une vive douleur traverser mon dos.
    Je me redresse vivement.
    La douleur s’estompe puis reprend de plus belle.
    On dirait qu’on introduisait un couteau dans mes vertèbres. Je me mordis les lèvres pour ne pas crier.
    C’était atroce. Je cours vers ma chambre pour m’emparer d’une boîte d’aspirine.
    Je prends deux comprimés à la fois et m’allonge sur mon lit.
    La douleur vrillait mon dos. J’avais même du mal à respirer.
    Je repris mon souffle et tente de réguler ma respiration. Mon Dieu, que m’arrive-t-il donc ?
    Je tente de ne pas trop bouger. Un moment passe et je me sentis mieux.
    Je ferme les yeux. En quelques secondes, le sommeil m’emporte dans son tourbillon.
    Une heure passe. Un bruit me réveille. C’était Youcef qui revenait. J’entendais la clef tourner dans la serrure de la porte d’entrée.
    Je ne voulais pas trop bouger. J’avais peur que la douleur ne se réveille encore. Mon mari entrouvrit la porte de ma chambre puis s’approcha de moi :
    - Tu es au lit déjà ?
    - Oui, je me sens fatiguée.
    - Quand donc comprendras-tu que tes préoccupations professionnelles “exagérées” t’éloignent de ta vie familiale ?
    - Je ne fais rien de mal.
    Je travaille, et comme toutes les femmes qui travaillent, je me démène comme un diable pour concilier ma vie professionnelle et familiale.
    - Tu mens !
    - Pardon ?
    - Tu sais très bien que tu ne te casses pas trop la tête pour ta famille. Même ce soir, même pour le premier anniversaire de ton fils, tu n’as pas pu faire un effort. J’avais honte de ta conduite. Honte devant toute la famille.

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  35. Artisans de l'ombre Dit :

    Illusion 50e partie
    Par : Yasmine HANANE
    .

    Il ouvrit les bras :
    - C’était moi qui me sentais le plus concerné d’ailleurs dans cette affaire, car on me prenait pour un idiot qui se laissait dominer par sa femme.
    - Youcef. Je t’en supplie, arrêtons-nous là pour ce soir. Je ne me sens pas bien.
    - Ah ! Madame ne se sent pas bien. Madame est fatiguée parce qu’elle a vadrouille toute la journée, et a pris en charge des femmes en difficulté. Mieux encore. Elle est passée maîtresse dans l’art d’orienter des femmes sans défense, et de mettre en route un processus de combat qui va sauver le monde féminin.
    Je pousse un soupir :
    - Laisse-moi me reposer pour ce soir. Demain matin à la première heure, nous rediscuterons de tout ce que tu voudras. Ce soir je me sens trop lasse, et mon dos me fait souffrir.
    - Ne racontes pas des bobards, je ne te croirai pas. Tu essayes de fuir comme à tes habitudes lorsque tu ne trouves pas d’arguments pour te défendre.
    - Non mais…
    Je ne put terminer ma phrase. Un long cri s’échappe de ma gorge. Je voulais me relever pour répondre comme il se doit à Youcef, mais une douleur fulgurante me déchire le dos, et je me laisse retomber sur mon lit, le souffle coupé.
    Youcef demeure un moment interdit. Puis voyant que mon visage, sous l’effet de la douleur, changeait de couleur à chaque seconde, il comprit que j’étais réellement souffrante :
    -C’est sérieux, dis donc !
    Je ne put répondre. Je me mordis les lèvres jusqu’au sang en m’entortillant.
    -Je ne peux pas te laisser dans cette état. Veux-tu que je t’emmène à
    l’hôpital ?
    Je ne pouvais répondre, car aucun mot ne pouvait traverser mes lèvres. Par contre mes cris redoublèrent, et
    Mehdi se réveille.
    Youcef prend son portable et forme le numéro des urgences. Il demande un médecin. Mais on l’oriente vers un cabinet privé. Je l’entendis jurer entre ses dents avant de composer le numéro qu’on lui avait communiqué.
    Un quart d’heure plus tard, un médecin arrive.
    Youcef prend Mehdi dans ses bras pour le calmer et me laisse avec le
    toubib.
    Ce dernier, comprenant l’intensité de ma douleur, m’administre un calmant qui me détendit instantanément.
    Ensuite, il prend son stéthoscope et se met à m’ausculter tout en me posant des questions.
    Ai-je fais un faux geste ? Suis-je tombée ? M’étais-je retournée brutalement en faisant une marche arrière avec mon véhicule ?
    Je répondis par la négative. Rien de tout cela ne m’est arrivé. Du moins, je le pensais.
    Le médecin termine sa consultation et me prescrit des anti-inflammatoires et quelques vitamines.
    -Vous allez prendre ces médicaments. Cela va calmer la douleur. Mais je ne pourrais me prononcer sur votre état qu’après une radio dorsale. Je soupçonne une lombalgie discale. Enfin j’espère que c’est une lombalgie, et non une hernie. Seule une radio nous le confirmera. Vous semblez très tendue. Je pense que vous devriez vous reposer et prendre plus régulièrement des repas équilibrés. La fatigue et le surmenage provoquent souvent des malaises inattendus. Ce qui pourrait être le cas pour vous si vous exercez une fonction trop contraignante.
    Je hoche la tête :
    -Il est vrai docteur que ces derniers temps je travaille beaucoup.
    -Doucement ma petite dame. Chaque chose en son temps, il ne faut pas brûler les étapes.
    Je soupire :
    -Oui. C’est ce qu’on ne cesse de me répéter. Ce soir j’ai eu maille à partir avec mon mari, parce que j’ai raté l’anniversaire de mon fils. Je suis rentrée un peu tard, et voilà que maintenant j’ai cette douleur lancinante au dos.
    Le médecin me tapote l’épaule :
    -Je suis navré. C’est peut-être tout ce chamboulement qui a provoqué cette douleur. C’est ce qu’on pourrait appeler une douleur psychosomatique. Mais pour en avoir le cœur net, il faudrait faire cette radio.
    -D’accord docteur, je ferai cette radio. Je n’ai d’ailleurs pas le choix.

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  36. Artisans de l'ombre Dit :

    Illusion 51e partie
    Par : Clayton E. Swisher

    .
    Le médecin s’en va, et Youcef revint vers moi. Il avait réussi à faire rendormir Mehdi, et la maison est de nouveau plongée dans le calme :
    -Alors ça va mieux ?
    -Oui… le médecin m’a fait une injection pour calmer la douleur et m’a demandé de faire une radio.
    -Bien, alors tâche de te rendormir. Je t’emmènerais demain chez un radiologue.
    Toute trace de colère avait disparu de sa voix. Youcef semblait plutôt inquiet pour moi. Je sentis les larmes picoter mes yeux. Tout à coup, n’en pouvant plus, j’éclate en sanglots.
    Youcef vint s’asseoir auprès de moi, et m’entoure les épaules :
    -C’est fini. Calme-toi, la tempête est passée. Tente de te reposer, cela vaudra mieux pour toi.
    -Je, je me sens encore coupable de tout ce qui s’est passé.
    -Chut, chut, le passé est passé, on ne peut plus revenir là-dessus.
    -Tu n’es plus fâché ?
    Pour toute réponse, mon mari m’embrasse sur le front avant de me proposer d’une petite voix :
    -Dors, nous aurons le loisir de rediscuter de nous demain. Tu veux bien m’écouter pour cette fois ?
    Je hoche la tête :
    -Oui, je t’écouterais car j’ai sommeil et je n’ai plus de force pour résister plus longtemps.
    J’essuie mes larmes et me rallonge sur mon lit tandis que Youcef arrangeait mes oreillers et remontait la couette sur mes épaules.
    Je ne sais pas comment j’ai pu dormir, mais je pense que le sédatif que le médecin m’avait administré y a été pour beaucoup.
    Je me réveille sur une odeur de café et les babillements de Mehdi. Il faisait déjà grand jour, car le soleil perçait les rideaux de ma chambre.
    Je m’étire, je ne ressentais plus ma douleur, vais-je faire cette radio quand même ?
    Je décide de suivre le conseil du médecin. La santé n’a pas de prix !
    Youcef sirotait son café dans la cuisine et Mehdi jouait dans sa chaise.
    -Ah ! Tu es levée ?
    -Oui, j’ai pu dormir quelques bonnes heures et ma douleur s’est calmée.
    -À la bonne heure…
    -La nurse n’est pas encore là.
    Youcef jette un coup d’œil à sa montre :
    -Elle sera là dans quelques minutes. Heu… que décides-tu donc pour aujourd’hui?
    -D’abord aller faire ma radio, et ensuite me rendre au bureau.
    Mon mari fronce les sourcils :
    -Tu n’y penses pas, tu es fatiguée. Pourquoi ne prendrais-tu pas quelques jours de repos?
    -Je prendrais quelques jours de repos, mais pas dans l’immédiat. On a encore besoin de moi, je dois préparer la manifestation des femmes en difficulté et participer à son organisation. Ce n’est vraiment pas le moment de lâcher.
    Youcef m’interrompt :
    -Tu es folle, tu perds la boule. Le médecin aurait dû t’envoyer chez un psychiatre et te faire faire une radio à tes neurones.
    -Voyons Youcef, tu es journaliste tout comme moi. Comment peux-tu penser, ne serait-ce qu’une seconde, que je pourrais abandonner ainsi une aussi grande action, alors qu’elle commence à battre son plein. Pas plus tard qu’hier, j’ai reçu des femmes qui m’ont fait des révélations à donner froid dans le dos. Tu n’imagines pas tout de même que je vais faire faux bond alors qu’elles comptent toutes sur moi pour les aider.
    -Et toi qui va t’aider ?
    -Moi je n’ai pas besoin d’aide, je me suffis à moi-même.
    -Hein, tu crois ça ?
    -Oui, tu en doutes toi ?

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  37. Artisans de l'ombre Dit :

    Illusion 52e partie
    Par : Yasmine HANANE
    .

    Il secoue la tête :
    -Incorrigible, tu oublies tout ce qui s’est passé hier soir. Tu as reçu des femmes en détresse et tu as totalement raté l’anniversaire de ton fils. Tu confirmes par là même que ton combat pour les droits féminins occupe tout ton esprit. C’est une sorte de dépendance, ne trouves-tu pas ? Tu deviens esclave de toi-même, de ton boulot, de toutes ces femmes qui s’amènent tous les jours, en espérant trouver du réconfort chez toi.
    La sonnerie de la porte d’entrée retentit. Youcef s’interrompt et se lève pour aller ouvrir. Il tendit son index vers moi tout en se dirigeant vers le couloir :
    -Un jour tu te réveilleras de cette torpeur, tu finiras par regarder autour de toi. Ce sera peut-être trop tard. Tes regrets t’engloutiront et tu vivras dans l’enfer du remords.
    Mehdi me tendit ses mains. Il avait le visage barbouillé de chocolat.
    J’embrasse ses menottes et passe une main caressante sur ses cheveux, avant de le prendre dans mes bras pour me diriger vers la salle de bains.
    La nurse qui venait d’arriver me suit :
    -Laissez madame, je vais lui faire prendre son bain.
    -Non, aujourd’hui je veux lui faire prendre son bain moi-même. Cela fait longtemps que je ne l’ai pas fait.
    Une heure plus tard, je me retrouve chez le radiologue où je me fais prendre plusieurs clichés de mon dos, comme l’avait prescrit mon médecin.
    Juste après, mon enveloppe à la main, je me rendis chez ce dernier.
    Il prend tout son temps pour étudier les prises, puis revint vers moi :
    -Selon ces radios, vous n’avez rien de grave, une petite lombalgie discale tout au plus.
    -Mais docteur, la douleur était atroce.
    -Je sais, c’est dû au fait que vous travaillez trop. La position assise n’arrange pas vos vertèbres et je crois que vous abusez de l’ordinateur.
    -C’est un outil indispensable à mon travail.
    -Je comprends, nous en usons tous mais dans votre cas, je pense que la douleur a été amplifiée par votre état moral. Comme je vous l’ai déjà précisé hier soir, c’est plutôt psychosomatique.
    Le médecin me recommande de prendre mes médicaments régulièrement au moins pendant deux semaines. Selon lui, tout rentrera dans l’ordre dès que j’aurais consenti à prendre quelques jours de repos.
    Du repos ? je crois que ce n’était pas du tout le moment d’y penser. Je repense à Kenza et à Houria, aux autres femmes qui avaient besoin de moi, à la manifestation des femmes en difficultés etc.
    Mon portable sonne. C’était Youcef :
    -Alors ? Qu’as dit le médecin ?
    -Rien de grave, il me faut du repos.
    -Je te l’avais bien dit.
    -Youcef, tu sais bien que ce n’est pas le moment.
    - Tu bosses trop, arrête-toi donc pour souffler un peu.
    -Je te promets de prendre quelques jours de repos, et même de quitter la ville, une fois que la manifestation des femmes en difficultés aura lieu.
    Youcef pousse un soupir :
    -Je ne sais pas si tu pourras tenir le coup aussi longtemps.
    -Ce ne sera pas long. Dans une semaine je serais fixée. Je te promets de revoir, juste après, tout mon emploi de temps.
    -Combien de fois m’as-tu fais des promesses que tu n’avais jamais tenues ?
    Je commençais à m’impatienter :
    -Youcef, nous reparlerons ce soir. Je suis au volant et on m’attend à la rédaction.
    -Très bien, je ne t’embêterais plus mais je t’en prie, pense un peu à Mehdi qui a plus que jamais besoin de toi maintenant qu’il commence à parler.
    -Promis, je rentrerai tôt ce soir.

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  38. Artisans de l'ombre Dit :

    Illusion 53e partie
    Par : Yasmine HANANE
    .
    Je raccroche rapidement afin d’éviter d’autres remontrances. Youcef avait raison. Cela faisait des mois que je travaillais sans relâche. Parfois, je perdais même la notion du temps.
    J’avais raté le briefing. J’étais en retard à la rédaction. Mais depuis ma querelle avec le rédacteur en chef, on m’avait laissé tranquille. Personne n’avait le droit de me faire une remarque. J’étais aussi celle sur qui on comptait pour maintenir le tirage en augmentation constante.
    Je m’installe dans mon bureau où m’attendait une pile de courrier. Mes collaboratrices avaient déjà entamé le tri et avaient classé les missives par ordre d’importance. Une invitation à un débat à la télévision, un entretien à la radio, un rendez-vous avec une chaîne étrangère et un écrit émanant d’un journal étranger qui me proposait un poste de travail.
    Je m’étire sur ma chaise.
    Je ne risque pas de chômer. J’étais très sollicitée, et mes lecteurs se comptaient par centaines.
    Je pousse un soupir. Ah ! Si on savait les sacrifices que je suis en train de faire pour me maintenir à flot !
    Comme toutes les femmes d’affaires et les politiciennes, je ne pouvais réussir que sur les débris de ma vie personnelle. Et ça, je ne pouvais le tolérer.
    Le téléphone se met à sonner. Je décrochais en espérant que ce n’était pas encore un cas désespéré.
    La voix de la présidente de l’association des femmes en difficulté me rassure :
    -Ah, je vous retrouve enfin.
    -Je suis toujours là figurez-vous.
    -Oui, mais vous êtes si prise… Je ne vais pas tourner en rond sur ce point. Je voulais juste vous communiquer un avis. Nous avons fixé la date de notre manifestation. C’est dans une semaine tout au plus. De ce fait, nous lançons un appel à toutes celles qui tiennent à y participer de se joindre à nous. Au préalable, elles devraient passer à l’association pour retirer les formulaires d’inscription.
    -Elles doivent y adhérer obligatoirement ?
    -Pas tout à fait. Mais nous aimerions connaître toutes les participantes. Parfois il y a des intruses.
    -Qu’appelez-vous des intruses ?
    -Eh bien, toutes ces femmes qui n’ont rien à voir avec notre mouvement et nos objectifs. Elles ne sont là que pour la vitrine.Vous comprenez ?
    -Je vais tenter de faire un papier. J’aimerais solliciter votre association sur des cas un peu complexes.
    Des femmes qui ont besoin d’aide.
    -De quoi s’agit-il ? Nous en recevons tellement ces derniers temps, qu’il me semble parfois que ce n’est que des “passagères curieuses”.
    - Les femmes que je vous confie ne sont pas des cas de curiosité. La société est une véritable passoire, elle filtre elle-même ces cas, et ce que je vous propose est très sérieux.
    -Je vous écoute.
    -Je risque d’être un peu longue pour vous narrer le cas des femmes que j’ai reçues ici même à la rédaction pas plus tard qu’hier. Mais pour en savoir plus, vous n’aurez qu’à jeter un coup d’œil sur ma rubrique demain. Je ne sais pas si vous pouvez aider Kenza. Je la confie à l’une de nos meilleures avocates. Mais un soutien psychologique de votre part sera précieux.
    -Orientez-là vers nous.
    C’est un cas de divorce ?
    -Bien pire. Il y a des femmes qui sont soumises aux plus basses besognes.
    -Nous sommes à l’écoute de toutes les femmes en difficulté.
    -Alors essayez de les aider et de les guider.
    -Je ferai de mon mieux. N’oubliez surtout pas de venir pour la couverture de la manifestation et tâchez de convaincre le plus de femmes à y participer. Nous comptons sur votre mot dans la presse.
    Je raccroche en me tenant la tête. J’avais l’impression que mes neurones n’avaient plus assez d’espace pour assimiler autant de problèmes et de préoccupations.
    Je passe la main sur mes yeux fatigués, avant d’allumer mon ordinateur. Une autre journée, un autre article à préparer, un sujet brûlant, et des curiosités à satisfaire.

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  39. Artisans de l'ombre Dit :

    Illusion 54e partie
    Par : Yasmine HANANE
    .
    Je suis lancée dans ma rédaction. Cela devient certes routinier, mais tout de même, il faut toujours relire ce qu’on écrit pour éviter les coquilles et mettre à l’aise le lecteur.
    Il faisait nuit lorsque je remets mon papier. Ma rubrique comportait comme menu un exposé sur la femme victime de harcèlement sous toutes ses formes, un communiqué sur la manifestation qui se préparait, et puis les récits émouvants de Kenza et Houria.
    Mes collaboratrices avaient rajouté leur grain de sel, en me proposant une nouvelle interview avec les femmes victimes de leurs ambitions.
    Un peu mon cas, me dis-je en relisant l’entretien.
    C’était déjà l’heure du bouclage. Je prends mes affaires et quitte la rédaction.
    Rien ne me retiendra ce soir, ni le déluge, ni le tsunami, ni le tremblement de terre. Je suis avant tout une femme, une épouse et une mère !
    Youcef n’était pas encore rentré. Je m’empresse de libérer la nurse. Mehdi dormait comme un ange. Je me dirige alors vers la cuisine pour préparer le dîner. Je n’ai pas cuisiné il y a des lustres, il me semble.
    À peine avais-je déposé ma marmite sur le feu que Mehdi se réveille. Je cours le prendre dans mes bras. Il fut heureux de me voir, et me met ses bras autour du cou :
    - Mama, Ma… Ma…
    - Oui, mon ange, maman est là.
    Il souriait de toutes ses petites dents, et les fossettes creusèrent ses joues, tandis que des boucles de cheveux bruns collaient à son front.
    Je me mets à jouer un moment avec lui, puis je lui donne son biberon.
    Je me rappelle tout à coup des cadeaux d’anniversaire que j’avais achetés, et de tous les paquets qu’on n’avait pas ouverts la veille et qui trônaient encore sur la table du salon.
    Je courus les chercher et me mis à les ouvrir un à un devant mon fils.
    Des cris de joie accueillaient chaque paquet, Mehdi avait compris que tous les jouets étaient pour lui et ses yeux brillèrent de bonheur.
    Il se met à taper des mains et à babiller.
    Mon bonheur, ma vie, mon avenir, tout était là…
    Le bruit de la porte d’entrée me tire de mes méditations. Youcef nous rejoint dans la cuisine.
    À la vue des paquets et des papiers d’emballage jetés çà et là, il sourit :
    - On dirait que tu reviens à de meilleurs sentiments envers ton fils.
    Je relève la tête brusquement. La remarque était plus qu’un coup de couteau dans mon cœur :
    - Je n’ai jamais oublié mon fils, je l’ai toujours
    adoré.
    - Oui, mais quelquefois tu as tendance à
    l’ignorer.
    - Jamais !
    Youcef me prend dans ses bras :
    - Ne crie donc pas autant. Je suis là, tu es là et notre fils est là. Que veux-tu de plus ma chérie ?
    Je me dégage de lui :
    - Je veux que tu retires ce que tu viens de dire.
    - Je retire ce que je viens de dire, à condition que tu ne fasses plus faux bond, comme pour hier.
    - Tu sais très bien que…
    Il s’approche de moi et mets un doigt sur ma bouche :
    - Chut, ne dis plus rien…
    Il se met à humer les odeurs qui embaumaient la cuisine :
    - Hum, je crois que je ferais honneur au dîner de ce soir, cela sent tellement bon.
    Mehdi se remet à babiller et nous revenons tous les deux vers lui :
    - Regarde ce que t’a acheté maman.
    - Vois ce que je t’ai acheté mon chou, renchérit Youcef.
    Mehdi regarde ses jouets, puis se met à pleurer. Youcef le soulève dans ses bras :
    -Tu es fatigué, maman ne t’a pas changé ?
    -Il vient juste de prendre son lait.
    - Alors je vais le changer.
    - Non, laisse. C’est à moi de le faire.

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  40. Artisans de l'ombre Dit :

    Illusion 55e partie
    Par : Yasmine HANANE
    .

    Youcef me tendit le petit et me caresse la joue… Il se penche vers moi et m’embrasse sur le front, tandis que Mehdi me mordait l’oreille.
    Je pose une main caressante sur la joue de mon mari. Que serais-je devenue sans lui ?
    Je me sentais heureuse tout à coup… Heureuse d’être chez-moi, auprès de mon mari et de mon fils.
    Les jours suivants s’avérèrent très mouvementés. Je ne cessais de recevoir des “cas” et de répondre à des sollicitations.
    Les femmes en difficultés avaient aussi leur part dans tout ce qui se trimait. Plus d’une fois, nous nous sommes réunies pour parer à toute éventualité. J’avais pris contact avec des organes de presse pour une plus ample couverture de l’évènement.
    Le courrier arrivait de partout. Les e-mails pleuvaient dans ma boîte. Les critiques acerbes ne manquaient pas aussi.
    Certains lecteurs trouvaient que j’en faisais trop.
    D’autre pas assez. Des femmes tentèrent aussi de m’intimider en me faisant savoir que malgré tous les tabous et les soumissions elles étaient heureuses !
    Oui, c’est ce que j’ai cru comprendre de certaines lectrices outrées, qui ne voulaient rien changer à leur mode de vie.
    Qu’à cela ne tienne ! me dis-je. Je ne force personne à changer son mode de vie ou à demander quoi que ce soit… Je suis une simple journaliste, pas un prophète !
    La manifestation prévue par les femmes en difficulté n’avait pour objectif que d’aider celles qui viennent solliciter son aide.
    Et puis, si ces femmes acceptaient de mener la vie qu’on leur imposait, de quoi devrais-je me mêler, elles n’avaient pas à lire mes articles !
    Je sentais que je perdais pied. Oui, c’était ça… J’espérais que toutes les femmes allaient s’allier à mes idées libératrices.
    Euh… J’oubliais que déjà ma propre mère n’était pas de mon côté sur ce point là. Elle ne cessait de me répéter qu’à chaque époque suffisait sa peine !
    Non ! m’écriais-je hors de moi… Non, ce n’est pas vrai. Nous sommes obligées d’œuvrer pour gagner le maximum de droits. Nous sommes des femmes.
    Des êtres considérés faibles et irresponsables.
    Nous devrions donc démontrer le contraire sinon… hop ! tout ce qui a été construit sera détruit en un laps de temps.
    J’avais parlé à haute voix. J’avais oublié que j’étais au bureau, et que la porte était grande ouverte. La secrétaire accourt :
    Tout va bien madame ?
    Je me retourne vivement vers elle :
    -Oui, ça va. Je crois que je n’en peux plus.
    -Je comprends, toutes ces activités autour de vous…
    Je pousse un long soupir :
    -Je ne sais plus où donner de la tête ces derniers temps.
    La semaine se termine. Le jour J pour la manifestation pointe son nez. Il y avait foule autour du siège de l’association dès les premières heures du matin. Une organisation infaillible permettra quand même aux femmes de prendre un bon départ. Des banderoles renseignaient sur le but de cette marche, et durant tout le trajet, d’autres femmes sur les balcons, et sur les trottoirs rajoutèrent leurs voix à la nôtre.
    C’était un véritable défi contre la soumission et la discrimination. Ma photographe prenait des photos. Les femmes s’époumonaient :
    “Non à la discrimination”, “Non au harcèlement”, “Non à l’imposition”. L’instruction devra prendre le dessus sur l’ignorance et les croyances occultes.
    Nous les femmes, nous les gardiennes du feu sacré des traditions et des mœurs devrions faire comprendre aux hommes que loin de nous écarter de nos devoirs, nous voulions juste démontrer que la société sans les femmes, ne sera plus que l’ombre d’elle-même. Une femme instruite veillera à élever une génération instruite et avisée.
    De ce fait, les droits de la femme doivent être respectés. Un mariage, un divorce, une vie commune ne doivent être réalisés qu’avec son consentement. Nous nous voyons soumises à un code qui nous maintient mineures à vie. Cela suffit ! Les temps évoluent… Les mœurs aussi… Ce qui ne veut pas dire, que nous nous écartons du droit chemin !
    Tous ces mots ! Toutes ces phrases ! Toutes ces réclamations !
    Le cri d’une femme en détresse monte très haut dans un ciel bleu.
    Je n’en revenais pas ! Je n’étais pas seule à lutter quotidiennement dans ce domaine. Finalement, j’avais raison de ne pas lâcher mes idées malgré tous mes déboires.
    Kenza et Houria étaient parmi la foule. Kenza !
    Je ne reconnaissais pas la femme timide qui était venue me voir quelques jours auparavant !
    Houria aussi avait l’air bien plus sûr d’elle.

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  41. Artisans de l'ombre Dit :

    Illusion 57e partie
    Par : Yasmine HANANE
    .

    L’association des femmes en difficulté est en somme ce premier pas. Et pourtant, ces femmes, de leur côté, vivent leurs propres problèmes. C’est dire que nous sommes toutes vouées à mener la même existence. Nous sommes des épouses et des mères. Des sœurs et des filles. La société est loin d’être tolérante envers nous. Pour dépasser ce cap, nous devons donc lutter, là était l’objectif que nous nous sommes assignées. Votre présence aujourd’hui, prouve que nous ne sommes pas les seules à vouloir changer. Vous êtes toutes avec nous et avec nos idées. Persévérez, vous y arriverez, éradiquons ensemble les tabous. Instruisons nos filles, suivons positivement l’évolution des mœurs afin de pouvoir progresser et vivre dans un monde plus développé et mieux adapté à notre ère, nous sommes loin de la vie des cavernes !
    Des youyous fusèrent, des cris, des hourras, des applaudissements. On vient m’embrasser, on me bouscule et on me renverse. Je tente de me relever, une main s’agrippe à mon bras, une autre à mon épaule. Je relève la tête, et reçoit un projectile. Que se passe-t-il ?
    J’entendis la sirène d’une ambulance, puis plus rien.
    Le plafond blanc aux lueurs phosphorées éblouit mon regard, mes paupières s’entrouvrirent puis se refermèrent. Je n’arrivais pas à garder les yeux ouverts. Je me sentais si fatiguée. Je venais d’émerger d’un sommeil lourd et sans rêve.
    Où étais-je ? Et pourquoi tout ce silence autour de moi ?
    Je sentais comme une piqûre sur mon bras. Je tente de le soulever, mais la piqûre devint plus sensible. Je battis alors en retraite tout en me disant que je finirais par me réveiller.
    Le blanc et le silence. Un univers de solitude !
    Mon cerveau refusait de fonctionner. On dirait… on dirait que je revenais d’un autre monde. Oui, c’est un peu ça, je revenais d’une destination inconnue. Un labyrinthe m’avait happé. Ma tête pesait une tonne. Incroyable me dis-je. Je ne me suis jamais sentie aussi fatiguée.
    Je replonge dans l’inertie et la torpeur. Combien de temps s’est-il écoulé avant que je ne me réveille tout à fait ? Je n’en savais rien. Par contre, des voix autour de moi me permirent de me rendre compte que j’étais encore en vie.
    Cette fois-ci, pas question de se laisser aller. Je devrais faire un effort et ouvrir mes yeux. Je devrais regarder autour de moi.
    Une main serra la mienne et un chuchotement me parvint :
    -Alors, on reprend pied ? Ouvre au moins les yeux pour qu’on sache que tu es là.
    Je reconnus d’emblée la voix de Youcef. Mon mari était à mes côtés !
    Je ne sais si j’étais heureuse de l’entendre, ou heureuse d’être encore
    en vie.
    Ma main tire sur quelque chose, j’étais reliée à un flacon de sérum. Je voulais parler, mais aucun son ne sortit de ma gorge. Mes joues étaient comme bloquées et ma langue était inerte et râpeuse.
    J’ouvris les yeux après plusieurs tentatives.
    Mon cerveau commence enfin à se dérouiller. Je me rappelle la marche, la manifestation, les femmes qui voulaient m’écouter. Et puis plus rien. Ah, tout de même, je crois que j’avais ressentis une douleur, une forte douleur à la tête.
    -Alors comment te sens-tu ?
    Je serre la main de mon mari, avant de regarder autour de moi. Ma mère et mon frère était là. Mes beaux-parents aussi.
    Je tendis la main à ma mère qui vint tout près de moi. Je remarque ses yeux rougis, et son air abattu.
    -Tu nous a fais une de ces peurs !
    -Heu, que… qu’est-ce que… ?
    Je pus prononcer ces mots, et Youcef me borde avant de passer une main sur ma tête :
    -On peut dire que tu l’as échappé belle, quelqu’un a profité de la manifestation pour te balancer sa haine au visage et à sa manière. Tu étais visée. On t’a blessée cette fois-ci, tu aurais pu en mourir, mais je crains que ce n’est qu’un sursis pour toi.
    -Hein, pourquoi donc ? Qu’es-ce que j’ai bien pu faire ?
    -Mon Dieu ! Mais tu deviens idiote ou quoi ? Il est vrai que tu as reçu un coup à la tête.
    -Je n’ai rien fait de mal, j’étais
    avec les femmes, j’ai participé à la
    manifestation.
    -Che Guevara aussi n’avait pas que des amis.
    Je tente de me relever. Mon mari exagérait, il ne ratait jamais l’occasion de me rappeler que mes sujets ne plaisaient pas à tout le monde, et que je ne pouvais pas faire face à tous les obstacles.
    -Sois raisonnable, ne tente pas de tirer le diable par le queue et puis tiens-toi donc tranquille, tu attendras que le flacon de sérum soit terminé. N’essaye pas de te relever.
    -Je, je crois que je me sens mieux…
    Mais ce n’était pas le cas. Je me sentais faible et un vertige me fait retomber sur mon oreiller. Je passe une main sur ma tête. Des bandages entouraient mon crâne.

    Dernière publication sur 1.Bonjour de Sougueur : Mon bébé, Justin, me manque beaucoup

  42. Artisans de l'ombre Dit :

    Illusion 58e partie
    Par : Yasmine HANANE
    .

    Youcef reprend
    -Cette fois-ci, c’était juste une bouteille en verre. La prochaine fois, je ne te garantirais rien.
    -Arrête Youcef. Je ne suis pas morte. Je ne vais pas courber l’échine devant des imbéciles.
    -A ta guise.
    Ma mère me tenait toujours la main. Mon frère, atterré, me regardait sans pouvoir prononcer un mot. Ma belle-mère s’approche du lit et lance d’un air hautain :
    -Lorsqu’une luciole s’approche trop de la lumière, ses ailes prennent feu.
    Sans me laisser le temps de répondre, mon beau-père toussote :
    -Il faudrait peut-être faire un peu plus attention la prochaine fois. Mehdi a encore besoin de toi.
    Mehdi ! Mon fils… Il me manquait tant !
    Je me retourne vers mon mari :
    -Où est Mehdi. ?
    -A la maison. Où veux-tu qu’il soit ? Il est avec la nurse.
    -Quelle heure est-il ?
    -17h30.
    -Il est aussi tard ?
    -Tu as bien sûr perdu la notion du temps. Nous sommes là depuis 13h à attendre que tu reprennes connaissance.
    -Tu veux dire que j’ai été “absente” durant plus de quatre heures ?
    -Nous n’étions même pas sûr que tu allais te réveiller, avec un tel traumatisme crânien. On a dû te faire un scanner afin de vérifier si le cerveau n’était pas atteint.
    Je n’en revenais pas. Il s’était passé tant de choses, et moi j’étais ailleurs. Et puis, cette manifestation, ce n’était pas moi qui l’avait organisée. Je n’étais qu’un outil médiatique là-dedans. Ce n’était peut-être pas ça aussi qui avait provoqué mon agression.
    Disons que c’étaient plutôt mes idées libératrices. Les gens n’étaient pas tous du même avis, et parfois ils le font savoir à leur manière. C’était le prix à payer pour se maintenir à flot. Que pouvais-je faire d’autre ? Je suis censée me conduire comme une femme intellectuelle.
    Alors comme tous les intellectuels je dois subir le revers de la médaille, et cette fois-ci, pour une cause réellement juste. Je ne faisais que suivre des actions qui peuvent promouvoir les droits de la femme, et lui redonner sa place dans une société qui ne voulait pas encore reconnaître tous ses droits.
    Un jour l’histoire retiendra tout ça.
    -Alors, tu veux rentrer ou rester ?
    -Rester où ?
    Ici dans cet univers froid et silencieux ? Oh non, merci ! Je veux rentrer à la maison et serrer mon fils dans mes bras.
    -Bien. Je vais prévenir le médecin. On voulait te garder davantage en observation, mais vu tes réactions impulsives et ton entêtement, je crois que cela s’est davantage embrouillé dans ta tête. Cela ne sert à rien de te faire des scanners ou autre chose. Tu ne changeras jamais !
    -Jamais ! Tu as dû le comprendre depuis longtemps Youcef.
    Je revins à la maison. Mon mari m’avait conduite illico presto dans ma chambre avant de redescendre pour se faire servir mon ordonnance chez le pharmacien du quartier.
    Ma mère voulait nous accompagner, mais je l’en avais dissuadée. Je voulais me retrouver seule, avec mon mari et mon fils.
    Je me languissais de Mehdi. Le temps m’avait paru interminable.
    La nurse venait de partir. Mon fils jouait sur le tapis de sa chambre. A ma vue, il affiche son sourire habituel et me tendit les bras.
    Malgré mon “turban” blanc, il m’avait reconnue.
    J’étais sa mère, et un enfant ne pouvait ne pas reconnaître sa maman, ne serait-ce qu’à son odeur.
    -Bébé. Oh combien tu m’as manqué !
    Je le serre contre moi, et il se met à battre des mains.

    Dernière publication sur 1.Bonjour de Sougueur : Mon bébé, Justin, me manque beaucoup

  43. Artisans de l'ombre Dit :

    Illusion 59e partie
    Par : Yasmine HANANE
    .

    Je le redépose pour aller chercher le train électrique que je lui avais acheté pour son anniversaire, avant de le monter sur le tapis. Je mets les rails puis la locomotive, et enfin les wagons. Au premier coup de sifflet, Mehdi se met à rire :
    -Tu vois Mehdi, le train va démarrer. Nous allons partir avec lui. Hein bébé ? Nous allons partir très loin d’ici. Loin. Hein ? Ecoute donc : tram tram tram tram, hou hou !
    Mehid battit des mains avant de lancer de sa petite voix :
    -Hou hou hou.
    -C’est bien mon fils. Tu as compris.
    -Ah ! Si on pouvait retrouver cette harmonie chaque soir !
    Je me retourne vivement. Youcef se tenait au seuil de la porte, le paquet de médicaments dans ses mains.
    Je me relève promptement :
    -Je voulais juste montrer à Mehdi comment un train pouvait démarrer sur des rails pour partir très loin.
    Youcef sourit :
    -S’il pouvait comprendre où peuvent t’emmener des impulsions aussi. Je ne sais pas s’il serait d’accord.
    -Un jour. Un jour il apprendra tout et comprendra mieux que quiconque que sa mère voulait juste dévoiler ses convictions féministes. Je ne sais pas si dans quelques années le monde saisira nos pensées, mais le jour où Mehdi deviendra adulte, j’espère que les femmes seront bien mieux loties.
    Youcef lève une main suppliante :
    - Assez pour ce soir. Tiens voilà tes médicaments. Je dois repartir, j’ai un travail urgent.
    - Hein ? Quel travail. ?
    - Une couverture pardi !
    - Oui je sais. Mais tu vas couvrir quoi ?
    - Un débat sur les prochaines élections. Je risque de tarder.
    Ne m’attends pas. Tu devrais penser à te reposer davantage.
    - Je crois que je ferais mieux de rédiger immédiatement mon article sur la manifestation d’aujourd’hui, sinon il ne passera pas dans l’édition de demain.
    - Tu plaisantes ou quoi ? Tu as frôlé la mort, et tu comptes rédiger un papier ce soir même ?
    Je hausse les épaules :
    -Qui donc pourra le faire à ma place ? J’étais toute désignée.
    -Non. Il y a les autres. Il y a aussi d’autres quotidiens.
    -Mais c’est le mien qui est le mieux branché dans ce domaine. Je n’aimerais pas rater le coche.
    Youcef hausse les épaules :
    -A ta guise. Mais ne viens pas te plaindre par la suite.
    Je hausse les épaules à mon tour :
    -Ce sont les risques du métier. Tout ce que je subis prouve que je touche des sensibilités. C’est un jeu assez délicat je le conçois, mais je suis trop engagée pour me désister.
    Youcef sortit en claquant la porte derrière lui. Je me retrouve seule avec Mehdi qui s’était endormi.
    Je dépose mon fils avant de me rendre dans la salle de bains. La glace au-dessus du lavabo me renvoie une image terne de moi-même. Le pansement qui m’entourait le crâne et les contusions sur mon visage n’étaient pas pour arranger les choses.
    Je retrousse les manches pour me laver et je remarque les marques bleues sur mes bras. Les perfusions !
    Combien de flacons de sérum ?
    Je n’en savais rien. Je me sentais toute fatiguée, lassée.
    Un bon dîner et un bon sommeil réparateur arriveront peut-être à me requinquer.
    Mais je n’avais pas le temps de penser à quoi que ce soit, sauf à ce papier que je dois rédiger illico presto et que je dois envoyer par e-mail dans la soirée même.
    Mon téléphone se met à vibrer. Je jette un coup d’œil. C’était la présidente des femmes en difficulté.

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  44. Artisans de l'ombre Dit :

    Illusion 60e partie
    Par : Yasmine HANANE
    .

    Sans me laisser le temps de placer un mot, elle lance de sa voix râpeuse :
    - Allo, comment allez-vous? On s’est fait un sang d’encre. A l’hôpital, on nous a appris que vous avez préféré rentrer chez vous. Ce qui nous fait croire que vous n’êtes pas aussi mal en point que nous le craignions.
    Je pousse un soupir. Quelle pie ! Cette femme ne vous laisse pas placer un mot et s’arrange toujours pour avoir le dernier.
    Je tente de répondre calmement :
    - Heu, je vais un peu mieux, sauf que ma tête pèse une tonne, et que j’ai des contusions sur tout le corps. Oui, j’ai quitté l’hôpital cet après-midi, je ne voulais pas me sentir loin des miens. Vous comprenez, j’ai ma famille moi aussi.
    - Evidemment, j’aimerais juste avoir votre opinion sur notre action d’aujourd’hui. Vous étiez si volontaire !
    - La manifestation s’est bien déroulée. Je trouve que les femmes ont su réclamer leurs droits, sans trop se bousculer.
    - Sauf que l’une d’elles vous a balancé une bouteille en plein visage.
    - Oh, je m’y attendais un peu, je ne peux pas plaire à tout le monde. Comme tous les journalistes, je suis exposée aux risques de mon métier.
    - Si cela peut vous aider, je vous apprends que l’accusée a été arrêtée et conduite au commissariat de
    police.
    Je hausse les épaules :
    - A quoi cela servira-t-il ? Qu’on la libère, elle n’a peut-être fait que suivre les instructions de quelqu’un d’autre.
    La présidente me lance dans un souffle :
    - Vous pensez qu’on est toutes menacées ?
    - Par qui ?
    - Je ne sais pas, des antiféministes. Il se trouve que nous recevons de temps à autre des lettres de mise en garde.
    - Si vous voulez faire des omelettes, il va falloir casser des œufs. Nous sommes des femmes qui activent dans le seul but de gratter quelques avantages supplémentaires dans une société qui n’y est pas toujours propice.
    - Hum, heu, donc le risque est omniprésent.
    - Tout à fait, vous êtes bien à votre place. Vous menez un combat, et ce combat, aura sûrement des répercussions. Soyez toujours prête à affronter le revers de la médaille.
    Un silence s’établit, et j’entendis à peine une respiration cadencée. Après quelques minutes, une voix étouffée me lance :
    - Je, je n’aimerais pas voir mon nom dans votre article.
    - Mais je l’ai déjà cité à maintes reprises dans les avant-papiers.
    - Je sais, je ne veux plus qu’on le voit sur le quotidien. Mon mari m’a fait toute une scène ce soir, je ne suis pas aussi libre que j’en donne l’air.
    Nous y voilà, la femme qui veut prouver au monde qu’elle est la plus forte est toujours la plus faible.
    Ma migraine avait repris. Des coups de marteau résonnaient dans ma tête. Je n’en pouvais plus. Une voix intérieure me demandait de dire les quatre vérités à la face de cette sorcière qui devant ses airs de femme autoritaire n’était qu’une petite lâche. Je vais rédiger mon papier. Cela, personne ne me l’interdira. Et je vais citer son nom et le nom de toutes celles qui m’avaient des jours durant, harcelée, pour que je sois avec elles et les épaule dans leurs actions. Et moi ? Qui va m’épauler ? J’ai bien risqué ma vie aujourd’hui.
    Je pousse un long soupir. Ma migraine me rendait plus vulnérable mais je tins bon pour répondre :
    - Ecoutez moi bien : j’ai toujours été une femme avisée. Je suis responsable de mes actes, et de tout ce que j’avance. Mes articles dérangent une bonne catégorie de mes lecteurs. Mais j’ai tenu bon durant des mois, j’ai rentabilisé ma rubrique par des témoignages vivants, j’ai toujours cru bon d’aller au devant des causes justes. Vous avez fait appel à moi pour vous seconder dans vos actions, j’ai jugé opportun d’être avec vous, et de vous orienter dans tout ce que vous entreprenez. Vous m’avez vous-même envoyé un membre de votre bureau à la rédaction pour solliciter mes services, pourquoi ? Tout bonnement parce que vous saviez pertinemment que j’étais la seule personne à vous écouter et à publier vos réclamations.

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  45. Artisans de l'ombre Dit :

    Illusion 61e partie
    Par : Yasmine HANANE
    .

    L’incident de l’après-midi avait provoqué des remous. C’était moi qui avais risqué ma vie, et elle qui me demandait de la protéger.
    Je m’arrête un moment pour reprendre mon souffle avant de poursuivre :
    - J’ai fais de mon mieux pour mettre en exergue votre association, vos actions et votre plan de charge. Je vous ai envoyé du renfort : des femmes d’un niveau appréciable pour que vous soyez épaulée, et pour que votre association soit un exemple pour d’autres actions féminines. En fin de parcours, alors que j’ai risqué ma vie pour vous, vous voulez qu’on vous mette à l’abri de toute réaction pour la simple raison que votre mari et votre famille ne sont pas d’accord pour ce qui c’était passé aujourd’hui..
    -Mais je vous demande juste…
    -Taisez-vous ! Je n’ai pas fini de dire les quatre vérités. Vous êtes toutes pareilles. Vous voulez grimper très haut. Pas par vous-mêmes mais par des moyens détournés. La presse, la propagande, les relations. Puis dès qu’il y a un pépin, vous vous conduisez comme l’autruche, la tête dans le sable. Il ne faut surtout pas qu’on arrive à vous où qu’on vous accuse de quoi que ce soit. Mais mon Dieu, comment voulez-vous atteindre vos objectifs, alors que vous ne pouvez même pas assumer vos responsabilités ?
    J’étais en nage. Comme je n’entendais rien au bout du fil je lance une dernière flèche :
    -Mon papier, je vais le rédiger tout de suite et comme il se doit. Que vous soyez d’accord ou pas, je vais raconter la manifestation dans toute son ampleur. Photos à l’appui. Vous serez toutes à la une demain.
    Je raccrochai. Mes mains tremblaient. Ma migraine avait augmenté d’intensité. Plus déterminée que jamais à aller jusqu’au bout, j’avale deux comprimés d’aspirine avant d’attaquer mon article.
    Je travaille jusqu’à une heure tardive. La rédaction de mon reportage terminée, je relis mon papier, avant de le balancer à la rédaction. Heureusement qu’il y a l’internet !
    Mehdi s’était réveillé. Il n’avait rien avalé de la soirée. Je cours lui préparer sa soupe avant de le changer et de le border.
    Un coup d’œil à ma montre m’apprend qu’il était minuit passé. Youcef n’avait pas réapparu. L’inquiétude s’empare de moi. Va-t-on s’en prendre à mon mari ?
    Je tente de l’appeler. En vain. Son portable était éteint.
    J’appelle la rédaction, mais on me répondra que mon mari n’avait pas réapparu de la soirée.
    Où était-il donc ?
    Je commençais à échafauder les scénarios les plus effrayants. A-t-il eu un accident ? A-t-il été agressé et jeté quelque part dans un profond fossé ? Est-il encore vivant ?
    Ma fatigue s’envola d’un coup.
    Je ne pouvais me mettre au lit alors que je n’avais aucune nouvelle de mon mari.
    Je tente encore une fois de le joindre. Mais son mobile était toujours éteint.
    Je me disais que dans de tels cas, je devrais faire appel à la famille. Mais pourquoi effrayer tout le monde ? Peut-être que Youcef était encore à ce débat politique. Parfois cela s’éternisait. Je me rappelais mes déplacements avec lui pour des couvertures qui s’étendaient en longueur, alors que les sujets étaient d’un ennui à donner envie de tout plaquer.
    Youcef finira par donner signe de vie, me dis-je à haute voix, comme pour me rassurer. Oui. Il finira bien par montrer le bout du nez, et je vais lui montrer de quel bois je me chauffe. Me laisser ainsi avec la peur au ventre, à me morfondre et à me faire du mauvais sang. Non. Je ne vais pas me taire. Il me connaît bien.
    Les heures s’égrenaient. Je ne savais plus quoi faire. A plusieurs reprises, je rappelais la rédaction. Youcef n’était pas revenu. Non. On ne l’avait pas revu depuis la veille.
    Je jette mon portable contre le mur. La fureur et la peur me rendaient dingue. Je sentais que j’allais craquer. Cette attente me rendait angoissée et impatiente.
    Je m’allonge sur le lit, en tentant de me calmer.
    Je reprends mon souffle et tente de respirer plus lentement.

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  46. Artisans de l'ombre Dit :

    Illusion 62e partie
    Par : Yasmine HANANE
    .

    Quelque chose s’était logé dans mon estomac, une sorte de boule. C’était ça qui me coupait le souffle. C’était ça l’anxiété, moi qui ne la connaissait pas auparavant, me
    voici plongée dedans jusqu’à la moelle.
    Une sueur glacée imbiba mon front. Un effort de concentration peut-être, me dis-je. Je ne vais tout de même pas devenir hystérique !
    Je me relève et me mets à arpenter ma chambre dans tous les sens. Je suis faible !
    Le mot résonne à mes oreilles. Je suis faible, faible au point de devenir anxieuse. S’il le faut, je descendrais dans la rue, je vais courir à travers tous les quartiers chercher mon mari.
    Je repense à mon fils qui dormait profondément. Je ne pouvais tout de même pas l’abandonner à son sort. Le pauvre bout de chou risque de se réveiller à tout moment et le silence va l’effrayer.
    Mon cerveau s’était mis en branle. Malgré ma migraine, j’essayais de mettre de l’ordre dans mes idées.
    Je tente de reprendre mes esprits en me disant qu’au petit matin je pourrais toujours prendre mon véhicule et partir à la recherche de Youcef, si d’ici là il ne réapparaissait pas.
    La nuit s’allongeait, je regardais l’heure toutes les minutes. Le jour est encore loin.
    Je m’étendis sur le lit et ferme les yeux. Le sommeil aura raison de ma résistance. J’étais trop mal en point pour forcer mon cerveau à rester en éveil.
    Lorsque je me réveille, il faisait jour. Je me rappelle les événements de la veille et porte instinctivement les mains à mon crâne. Les pansements étaient toujours là.
    Par contre, ma migraine s’était estompée.
    Au moment où j’allais me lever, je sentis une présence. Dans l’ombre de ma chambre, je n’eus aucun mal à reconnaître Youcef. Il n’était pas à sa place habituelle. Mon mari dormait à poings fermés sur le tapis. Un oreiller et une couette faisait l’affaire. Il avait l’air très paisible dans son sommeil.
    A quelle heure était-il revenu ? Comment se fait-il que je ne l’aie pas entendu ?
    Je me rappelle mon inquiétude de la veille, et toutes mes tentatives pour le contacter.
    Je sentais la colère gronder en moi.
    J’avais cru devenir folle, j’étais sur le point de franchir la barrière entre la raison et la folie à cause de lui, et le voilà qui revient sans même prévenir. Il a même eu le toupet de s’allonger sur le devant du lit, sans faire de bruit.
    Je vais le secouer, je vais le réveiller. Il m’a gâché ma nuit et je vais gâcher son repos.
    La boule sur mon estomac avait disparu mais l’anxiété avait laissé des traces. Mes mains étaient moites, et je me sentais nerveuse, trop nerveuse même.
    Mehdi pleurait. Une évasion dans le monde du réel ! Pour me prouver que je suis toujours normale, je cours vers mon fils. Il était temps de lui préparer son petit-déjeuner. Les comptes avec Youcef peuvent attendre.
    Deux heures plus tard, me sentant un peu plus calme, je décidais de me rendre à la rédaction. Mais avant cela, je voulais tout savoir sur ce qui avait pu retenir mon mari si tard la veille.
    J’étais en train de m’habiller, lorsqu’il se met à bouger sous sa couette. Il ouvre les yeux et s’étire.
    Rencontrant mon regard, il me sourit :
    -Tu n’es pas encore partie ?
    -Non, j’attendais que tu te réveilles.
    Il me jette un regard curieux, puis fronce les sourcils :
    -Tu portes encore tes pansements, pourquoi ne demandes-tu pas un arrêt de travail de quelques jours ?
    Je hausse les épaules :
    -Je n’en ai pas envie.
    -Tu vas travailler avec ce turban sur la tête ?
    -Eh bien tant pis, on comprendra que c’est pour la bonne cause. Peut-être que ça débouchera sur une nouvelle mode aussi.
    -Têtue ! Tu es folle et têtue.
    -Folle ? Oui, j’ai cru le devenir. Je ne savais pas où tu étais, ton téléphone était éteint, tu ne donnais aucun signe de vie.
    J’ai analysé la situation à ma manière, je pensais qu’on s’en était pris à toi, je pensais qu’on t’avait agressé. Je me morfondais, et au final ? Tu es rentré sans avertir et tu as dormi comme un loir sans t’occuper du reste.
    Youcef m’avait écouté sans broncher.
    Il ne dit rien, et se contenta de se lever et de ramasser sa couette et l’oreiller avant de les jeter sur le lit.

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