RSS

“Le poids des tabous…” Par : Adila KATIA

5 août 2013

Adila Katia

La nouvelle de Adila Katia

Mardi, 30 Octobre

1re partie

“Le poids des tabous…” Par : Adila KATIA dans Adila Katia 200_200_150

À CELLES QUI SOUFFRENT EN SILENCE…

On a beau être au début de l’automne, les journées sont toujours aussi chaudes. Tout comme la saison, les fêtes ne veulent pas finir. Il ne se passe pas une semaine sans qu’un mariage ou une circoncision soient célébrés. Du jamais vu dans la région, les fêtes sont aussi programmées en milieu de semaine.
Personne ne les rate. Certaines fêtes ont été animées par des disc-jockeys, à la joie des plus jeunes. Les vieux préfèrent assister à celles animées par des troubadours. Ils retrouvent avec joie et beaucoup de nostalgie de doux souvenirs liés à leur jeunesse passée. 
Ces souvenirs ont un visage qui leur rappelle leur premier amour. Malgré le temps passé, ils n’ont rien oublié. Hadja Taos fait partie des nostalgiques et se rappelle non sans un pincement au cœur, tout en regardant les jeunes se défouler sur la piste aménagée pour l’occasion, avoir fait comme eux. Son défunt ne lui avait jamais rien refusé, il n’avait qu’elle, il l’adorait. Du temps de sa jeunesse, les filles de son âge ont été nombreuses à l’envier et à être jalouse de sa liberté.
Hadja Taos se souvient avoir dansé avec tous les jeunes de son âge. Elle a de nouveau un pincement au cœur. Il ne reste plus beaucoup de cavaliers de sa jeunesse. Certains sont décédés, d’autres sont cloués au lit par la maladie ou par la vieillesse. Même son mari Mokrane l’a quittée, il y a quelques années. Ils n’ont pas eu d’enfants, à leur grand regret. Elle sait qui d’eux a été stérile et malgré sa frustration, elle n’a jamais songé à le quitter. Elle aurait pu pour plusieurs raisons. Elle a toujours eu envie d’avoir des enfants car elle adore leur présence joyeuse et bruyante. Elle aurait pu se remarier, les prétendants n’ont jamais manqué même en la sachant mariée.
Elle a été l’objet de convoitises durant des années. Tous ont tenté leur chance, certains lui ont promis de l’emmener en France, d’autres de faire d’elle une reine et de mettre à sa disposition gouvernante et chauffeur car ils étaient fortunés.
Hadja Taos reconnaît avoir été tentée. Non pas qu’elle n’a plus aimé son mari Mokrane. Il est devenu insupportable pendant quelques mois. Il lui a fait de terribles scènes de jalousie. Au fil du temps, elle a embelli et a continué à susciter l’admiration et le respect de tous ceux qui la connaissaient. Même les femmes d’un âge mûr, la voulaient alors pour belle-fille. L’information était parvenue aux oreilles de son mari qui avait fini par perdre confiance en elle. Il ne pouvait même plus se fier aux femmes. La peur de la voir partir et se remarier l’avait poussé à lui interdire de sortir et même de recevoir de la visite en son absence.
Heureusement pour elle, cet enfer n’aura duré que quelques mois. Elle reconnaît que le malheur des uns fait le bonheur des autres.
Il était arrivé un grave accident de la circulation, en 1964, à quelques kilomètres de leur village. Un camion avait heurté de plein fouet un car transportant des voyageurs. Certains s’en étaient sorti avec des blessures légères, d’autres n’auront pas cette chance. En particulier, une famille. Les parents y laisseront leur vie. Hadja Taos y avait vu un signe du destin en apprenant que les enfants étaient sains et saufs.
L’enquête faite par l’assistante sociale durant les semaines suivantes révèlera qu’ils n’avaient plus de proches parents. Hadja Taos en avait profité pour prier son mari de faire une demande d’adoption. Les enfants en attendant la conclusion de l’enquête, étaient restés avec eux. L’assistante sociale qui leur avait souvent rendu visite, avait noté combien les enfants semblaient s’être remis du tragique accident où ils avaient perdu leurs parents. Ils se portaient à merveille. Comment ne pas en tenir compte quand ce qui importait pour tous était le bonheur des enfants ? Et c’était pourquoi elle n’avait pu qu’être d’accord pour leur confier la garde.
Hadja Taos n’a pas oublié ce jour où elle vit sa famille s’agrandir d’un coup de trois enfants. L’aînée, Hanane, avait alors huit ans et les faux jumeaux, Abdelkrim et Abdenour avaient tout juste quatre ans. Si l’aînée n’avait rien oublié de ses origines, les garçons n’avaient plus aucun souvenir d’avant leur arrivée, dans leur vie. Hanane leur était reconnaissante de les voir adoptés et d’être aux petits soins pour eux. Ils étaient alors enfants, ils ne pouvaient pas savoir que leur présence leur apportait le bonheur mais surtout la paix était revenue dans son foyer. Son mari lui avait fait de nouveau confiance car elle était toute à lui et à leur famille. Dieu lui avait accordé ce qu’elle avait toujours voulu. Comment ne pas en prendre soin ? Elle n’était pas ingrate. Chaque jour, elle lui témoignait sa reconnaissance.
Elle n’avait en fait qu’un seul regret, elle trouvait que le temps passait trop vite.

À propos de Artisan de l'ombre

Natif de Sougueur ex Trézel ,du département de Tiaret Algérie Il a suivi ses études dans la même ville et devint instit par contrainte .C’est en voyant des candides dans des classes trop exiguës que sa vocation est née en se vouant pleinement à cette noble fonction corps et âme . Très reconnaissant à ceux qui ont contribué à son épanouissement et qui ne cessera jamais de remémorer :ses parents ,Chikhaoui Fatima Zohra Belasgaa Lakhdar,Benmokhtar Aomar ,Ait Said Yahia ,Ait Mouloud Mouloud ,Ait Rached Larbi ,Mokhtari Aoued Bouasba Djilali … Créa blog sur blog afin de s’échapper à un monde qui désormais ne lui appartient pas où il ne se retrouve guère . Il retrouva vite sa passion dans son monde en miniature apportant tout son savoir pour en faire profiter ses prochains. Tenace ,il continuera à honorer ses amis ,sa ville et toutes les personnes qui ont agi positivement sur lui

Voir tous les articles de Artisan de l'ombre

S'abonner

Abonnez-vous à notre newsletter pour recevoir les mises à jour par e-mail.

49 Réponses à ““Le poids des tabous…” Par : Adila KATIA”

  1. Artisans de l'ombre Dit :

    “Le poids des tabous…” 2e partie
    Par : Adila KATIA

    Hadja Taos ne se rappelle pas avoir vu le temps passer. Les enfants avaient trop vite grandi à son goût. Hanane s’est mariée peu de temps après son échec au bac, avec un commerçant originaire de Constantine. Mais elle ne vit pas là-bas. Peu de temps après la naissance de son premier enfant, ils sont allés s’installer dans le sud de la France. A son grand regret, ils ne viennent qu’une fois par an.
    Les garçons, de leur côté, n’ont pas fait d’études très poussées. Ils se sont aussi mis dans le commerce. Si Abdelkrim a choisi de vivre à Alger, son frère est resté avec eux. Si Abdenour avait voulu suivre son frère, elle n’aurait rien fait pour le retenir. Elle aurait respecté son choix. Elle aurait souffert de son départ comme elle ressent encore l’absence de Abdelkrim. Lui et Hanane lui manquent terriblement. En ayant Abdenour près d’elle, elle parvient à dépasser et à ne pas sentir le vide qu’ils ont laissé derrière eux. Dans sa vie, en particulier.
    Son défunt mari leur a laissé un important héritage. Heureusement – peut-être ? Il a eu l’idée de passer voir un notaire. Le partage de la fortune accumulée au fil des années s’est fait sans querelle. Revenait de droit la villa à celui qui resterait y habiter. Elle est très spacieuse et possède deux entrées, au cas où ils auraient voulu y cohabiter. Le défunt Mokrane avait tout prévu. Le partage se serait fait en toute équité. Mais Abdelkrim a toujours eu l’intention de vivre en ville. Hadja Taos n’hésitera pas à l’aider financièrement lorsqu’il a décidé d’acheter une villa à Baïnem. Au rez-de-chaussée, il avait ouvert un restaurant et une cafétéria. Il habite au premier avec sa famille maintenant. Le temps a si vite passé que la vieille femme a eu l’impression d’avoir rêvé. Ses petits enfants sont grands.
    Abdenour n’a pas tardé à fonder une famille. Il s’est marié avec Ourida, une fille du village. Elle lui a donné trois beaux garçons et une fille, belle comme une fleur, à son grand bonheur. La petite fleur, constate Hadja Taos, donne du fil à retorde à ses frères. Ces derniers trouvent qu’elle en fait trop et qu’elle pourrait être un peu plus discrète. Mais comment l’être quand on possède des cheveux roux, des tâches de rousseur et des yeux bleus, si bleus que le ciel doit souvent l’envier, se plaît à dire la grand-mère, très fière
    d’elle.
    La fleur s’appelle Lynda et elle vient de décrocher le bac. Ses frères y ont échoué et travaillent avec leur père. Quand ils l’ont appris, ils n’ont pas sauté de joie. Ils ne sont pas nombreux au village à avoir réussi. Loin d’être fiers d’elle, ils en sont malades de jalousie. Ils voudraient la garder à la maison, pour que personne ne parle d’elle. En plus d’être belle et intelligente, elle a la bénédiction de leurs parents pour faire ce qu’elle veut. A leur grand désespoir…
    Hadja Taos se doute bien qu’ils allaient tenter de tout gâcher, en les voyant venir avec leur visage fermé par la détermination. Ils viennent d’apprendre que leurs parents allaient donner une fête pour l’occasion. Pour marquer l’événement…
    - C’est quoi cette fête ? l’interrogent-ils. Ils trouvent que ce n’est pas suffisant que les gens parlent d’elle… Il faut aussi qu’ils lui donnent de l’importance et l’occasion de crâner !
    - A vous entendre, je dirais que vous êtes jaloux, répond la grand-mère. Que je sache, votre sœur n’est ni une menteuse ni une voleuse qui fasse honte à sa famille !
    - C’est vrai, elle n’a rien fait de tout cela mais en la laissant partir à la fac, il n’adviendra rien de bon ! insiste l’aîné, Tewfik. Tu voudrais qu’elle nous déshonore, dis grand-mère ?
    - Jamais ! Mais je connais Lynda… L’éducation qu’elle a reçue nous permet de dormir tranquille, répond Hadja Taos. C’est vrai qu’elle est belle et qu’elle attire l’attention de tous ! Cela ne l’a pas empêchée d’être studieuse et sérieuse, insiste-t-elle. Avez-vous remarqué quelque chose d’anormal dans son attitude ? Si c’est non, pourquoi avoir des doutes ?
    Les garçons désespèrent. Ils auraient voulu la convaincre. A leurs yeux, leur sœur trop belle ne peut être qu’une source de problèmes. Tous sont aveugles à part eux…

    Dernière publication sur 1.Bonjour de Sougueur : Mon bébé, Justin, me manque beaucoup

  2. Artisans de l'ombre Dit :

    “Le poids des tabous…”
    Par : Adila KATIA

    Si la fête a pu réunir toute la famille et leurs amis dans la joie et la bonne humeur, les seuls à garder une mine renfrognée sont les frères de Lynda. Ils n’apprécient pas le succès de leur sœur à sa juste valeur.
    Au lieu d’en être fiers, ils en sont malades comme jamais ils ne l’ont été de toute leur vie. Hadja Taos en est peinée même si toutefois elle ne leur a fait aucune remarque. Elle craint de provoquer une querelle et qu’ils ne se donnent en spectacle devant tous. Non, elle s’efforcera de garder pour plus tard les reproches qu’elle a envie de leur crier. Elle comprend qu’ils aient peur pour elle et de la voir tomber dans les pièges de la vie. Elle est même d’accord, avec eux, sur ce point. Cependant, elle trouve qu’ils en font trop. Ils ne partagent pas la joie de leur sœur. Tous sont venus la féliciter.
    Les plus jeunes, tous ceux et celles qui ont été au lycée avec elle, dansent sur des airs à la mode. Lynda rayonne de joie parmi eux.
    La grand-mère la trouve belle dans sa robe rouge fendue sur les côtés. De taille moyenne, presque mince, avec des rondeurs juste là où il faut, elle doit en faire rêver plus d’un. Ici, tous, par respect, ne la draguent pas mais qu’en sera-t-il lorsqu’elle sera loin d’eux ? A la fac, ils seront nombreux à lui tourner autour et à tenter leur chance. Si elle ne garde pas la tête froide, elle tombera vite dans le piège. Elle délaissera les études et qui sait comment se passeront les choses. Hadja Taos a décidé de la mettre en garde. Elle prie du fond du cœur pour qu’elle ne les déçoive jamais. Aussi, pendant que tous s’amusent, chantent et dansent, elle en profite pour appeler son fils Abdelkrim et sa belle-fille Fella. A eux aussi, le succès de Lynda ne leur a pas échappé. Ils partagent sa joie.
    Ils le trouvent normal. C’est une jeune fille, pleine de vie et qui a tout pour plaire. Hadja Taos ne le sait que trop. Seulement, si elle tient à profiter du bruit pour discuter tranquillement avec eux, c’est pour leur demander une faveur.
    - Est-ce que Lynda pourra vivre chez vous au lieu d’être à la cité de jeunes filles ?leur demande-t-elle. Je me ferais moins de soucis en la sachant chez vous, insiste-t-elle. Je ne vous ai jamais rien demandé ces vingt dernières années … Si maintenant je le fais, c’est parce que vous êtes sa famille … Il n’y a que vous qui puissiez prendre soin d’elle !
    - Tu te fais du souci pour rien, la rassure son fils. Elles sont nombreuses à vivre à la cité ! Mais si cela peut te tranquilliser, elle est la bienvenue !
    - Jure-moi de garder un œil sur elle, insiste-t-elle. L’inquiétude des garçons m’a gagnée, remarque-t-elle tout en regardant vers sa petite-fille. J’espère que je me trompe !
    - Vraiment tu te fais du souci pour rien ! lui dit sa belle-fille. Tu ne devrais pas !lui reproche-t-elle. Comme tu viens de le dire, nous sommes sa famille, elle restera chez nous !
    Hadja Taos les remercie et les embrasse avant d’aller vers d’autres invités, pour savoir comment ils trouvent la fête.
    - On est heureux pour elle ! Elle mérite de réussir, lui dit-on à plusieurs reprises. Elle est unique en tout !
    Elle ne le sait que trop. La fête dure jusqu’au milieu de la nuit. Elle a beau être fatiguée et avoir mal à la tête, elle reste, attendant que tous les invités soient partis, pour se retirer dans sa chambre. Comme d’habitude, sa famille l’y rejoint. Lynda ne tient toujours pas en place. Elle apporte les cadeaux qu’on lui a offerts, pour les montrer. Ses frères qui viennent d’entrer échangent un regard, en la trouvant et sortent. Ses fils ne tardent pas. Ils semblent n’avoir rien remarqué. Une fois seule avec sa petite fille, Hadja Taos lui confie ses peurs.
    - Tu es jeune et belle … Les compliments des étudiants risquent de te faire tourner la tête ! Je le comprendrais … Seulement, tes frères ne te le pardonneront pas … Il faut que tu te mettes en tête qu’à la moindre erreur, tu payeras le prix fort !
    Lynda en rit. Elle ne semble pas avoir pris conscience du danger qu’elle courait si par malheur elle fait le moindre faux pas !
    _Ils se sentent diminués, lui répond-elle. Comment pourraient-ils digérer ma réussite alors ils ne me pardonnent pas d’avoir réussi là où ils ont échoué ! Tu comprends, moi, j’ai vu clair en eux ! Dommage pour eux, ils auraient pu s’amuser ! Cela ne leur aurait pas fait de mal de rire un peu !
    _ Et moi, je te préviens que tu risques gros si tu fais la moindre erreur, l’avertit-elle. M’as-tu seulement écoutée ?
    Lynda hausse une épaule indifférente. Elle met sa grand-mère en colère, ne semblant pas comprendre pourquoi ces avertissements, maintenant. Où est le danger ?

    Dernière publication sur 1.Bonjour de Sougueur : Mon bébé, Justin, me manque beaucoup

  3. Artisans de l'ombre Dit :

    “Le poids des tabous…” 4e partie
    Par : Adila KATIA

    Durant les quelques semaines qui restent avant le départ de sa petite fille à Baïnem, Hadja Taos en profite pour discuter avec elle. Elle tient à la mettre en garde.
    Lynda l’écoute parfois sans faire un seul commentaire. Et il lui arrivera de s’emporter à deux reprises. Elle ne supporte pas qu’on ne lui fasse pas confiance.
    Elle a bien senti que sa grand-mère se fait du souci pour elle. Pourtant, elle n’a jamais connu d’histoire d’amour, même si les soupirants n’ont jamais manqué. Elle ne comprend pas l’inquiétude de sa grand-mère. Celle-ci sait qu’elle a mis la pression sur Lynda mais elle ne peut pas s’empêcher de lui dire ce qu’elle a sur le cœur. Quand son fils Abdelkrim vient la chercher, au risque de se répéter, elle lui demande de garder un œil sur elle.
    _ Elle est jeune ! Je ne voudrais pas qu’il lui arrive malheur ! Je ne le supporterai pas…
    _ Ne t’en fais pas maman, répond-il. Il ne lui arrivera rien de mon vivant … Elle va vivre sous ma protection !
    - Je ne doute pas de toi, mon fils. Mais il faudra que tu sois sévère avec elle, lui recommande-t-elle. Elle a l’habitude de n’en faire qu’à sa tête … Ici, personne n’a osé l’approcher. Personne ne pouvait abuser d’elle. Elle est jeune et naïve. Et surtout inconsciente. Elle va continuer à faire confiance aux autres et à ne leur attribuer que de bonnes intentions. C’est ce qui la perdra s’il n’y a pas quelqu’un pour la protéger, insiste la grand-mère qui ne se souvient pas avoir autant craint l’avenir depuis longtemps.
    _ Je te comprends, la rassure Abdelkrim. Je la surveillerai et je te promets d’en prendre soin !
    _ Mon fils chéri, ma bénédiction t’accompagne …
    Elle le serre très fort dans ses bras. Elle a des larmes aux yeux et se détourne vite, pour qu’il ne les voie pas. Elle va dans la chambre de Lynda. Celle-ci finit de se préparer. Elle n’arrive pas à se décider.
    - Le vert ou le bleu, lui demande-t-elle en lui montrant les fards à paupières. C’est la première fois que j’en mets … Je ne sais pas quelle couleur choisir !
    - Tu es plus belle naturelle, lui dit Hadja Taos. Tu n’as pas besoin de maquillage pour l’être …
    Mais Lynda ne prête pas attention à ce qu’elle vient de lui dire. Elle choisit le bleu et applique soigneusement le fard, sous le regard déçu de sa grand-mère. Cette dernière secoue la tête et soupire profondément. Le soupir ne lui échappe pas. Comme la fois précédente, elle s’énerve. Elle ne supporte plus que ses paroles ou ses gestes soient critiqués.
    _ Tu as pris le parti des garçons, lâche-t-elle. Je n’aurais jamais cru que tu puisses ne plus m’aimer !
    _ Tu te trompes, tu es toujours ma favorite … Personne ne peut prendre ta place dans mon cœur … Même quand tu seras à Alger, je ne cesserai de penser à toi … Il est vrai, reconnaît Hadja Taos, que j’en ai peut être trop dit … Seulement, c’est par amour. J’ai tellement peur pour toi que je vois le mal partout … Si je pouvais encore marcher et rester debout longtemps, je te jure que je ne te laisserais pas seule là-bas, je t’aurais accompagnée moi-même aux cours ! N’en déplaise à tes profs !
    _ Heureusement que le rhumatisme ne te permet plus d’en faire qu’à ta tête … Il me rend un grand service. Il m’évite d’être ridiculisée par les peurs de ma grand-mère ! Essaie d’imaginer la scène. Je suis en cours, toi assise un peu plus loin … avec ta canne à portée de main, pour frapper les audacieux !
    _ Dis plutôt les vicieux, rectifie Hadja Taos. A chaque fois que j’aurais brandi ma canne, ç’aura été pour te protéger des coups durs de la vie !
    _ Tu m’en as tellement parlé que j’en suis malade d’inquiétude, lui avoue la jeune fille. A t’écouter, il ne faut faire confiance à personne !
    - Dieu merci, elle n’a pas tout oublié ! s’écrie Hadja Taos en la prenant dans ses bras, pour la serrer contre son cœur. Comme tu vas me manquer !
    _ Tu n’auras plus personne à crier après du matin au soir , mais je viendrais les week-ends. On aura tant de choses à se confier, grand-mère … Les week-ends ne seront pas suffisants !
    _ Jure-moi que tu te confieras toujours à moi !
    _ C’est juré, promet la jeune fille. Grand-mère, il m’appelle, il faut que j’y aille !
    _ Bon voyage, ma fille … N’oublie pas ce que je t’ai dit, la prie-t-elle en l’accompagnant jusqu’à la voiture.
    Toute la famille les attend. Tous sauf ses petits-fils. Lynda se passe de leur bénédiction pour partir. Elle a le cœur léger. La discussion qu’elle a eue avec sa grand-mère lui a fait beaucoup de bien. Elle n’aurait pas supporté de la quitter froidement. Elles se sont toujours bien entendues. Elle prie pour qu’il en soit toujours ainsi.

    Dernière publication sur 1.Bonjour de Sougueur : Mon bébé, Justin, me manque beaucoup

  4. Artisans de l'ombre Dit :

    “Le poids des tabous…” 5e partie
    Par : Adila KATIA

    - Ta chambre te plaît ? demande Fella, l’épouse de son oncle, alors qu’elle regarde bien autour d’elle, ayant l’impression de rêver. Si quelque chose ne te plaît pas et qui peut être changé, n’hésite pas à nous le dire ! la prie-t-elle. On se fera un plaisir de le changer !
    Mais Lynda trouve la chambre à son goût. Le lit est dans le coin et le bureau placé sous la fenêtre. à cet instant-là, la lumière du soleil est éclatante. Elle ne manquera pas de chaleur aussi. Elle sait qu’il y a encore d’autres chambres inoccupées. Seulement celle-ci est ensoleillée jusqu’à la tombée de la nuit.
    - Non, elle est parfaite… La garde-robe est grande, je pourrais y mettre toutes mes affaires ! Non, tout est bien… Mon linge sale, je le laverais où ? veut elle savoir.
    - Tu n’auras pas à le laver, lui répond Fella. J’ai une machine à laver dont tu pourras te servir quand tu en auras besoin !
    - Maman a tout sauf une machine à laver ! remarque Lynda. Dommage !
    - Tu devrais dire à ton père de lui en offrir une ! Ta mère commence à être fatiguée… Tes frères sont en âge de se marier, l’un deux pourrait se mettre la corde au cou !
    - Ils feront tout sauf se marier, rétorque Lynda dont le visage s’est vite fermé. Ils sont insupportables. Dis Fella, est-ce que tes fils sont aussi comme eux ?
    - Dieu merci, non ! Sinon, je serais à l’asile depuis longtemps… Je dois reconnaître qu’ils n’en font qu’à leur tête, mais ils ne dépassent jamais les limites ! J’ai remarqué qu’entre toi et tes frères, le courant ne passe pas ! Pourquoi ?
    - Ils sont tout simplement jaloux de mes succès… En plus d’être intelligente, je suis belle… Ils ne supportent pas que les gens ne parlent pas d’eux ! Voilà pourquoi, lui apprend la jeune fille.
    Est-ce que tes fils sont aussi bêtes qu’eux ? Je ne voudrais pas avoir des problèmes !
    - Je ne pense pas… Azzedine et Amine sont pris par leur travail, et d’après ce que je sais, ils savent apprécier les bonnes choses à leur juste valeur !
    - Tu me rassures ! soupire Lynda qui craint vraiment que leurs relations soient tendues. Je vais les rencontrer quand ?
    - Ils ne devraient pas tarder à rentrer… Viens, allons préparer le goûter !
    Lynda suit sa tante Fella à la cuisine et l’aide à préparer le goûter. En un tour de main, Fella a fait des crêpes légères au chocolat. Elle invite Lynda à y goûter. Celle-ci ne refuse pas et elle ne fait pas que goûter, elle en mange deux. Lorsque deux jeunes hommes entrent sans s’annoncer, elle manque de s’étrangler, avec la dernière bouchée, surprise. Le visage cramoisi, elle garde la tête tournée pendant un moment. Elle les entend chuchoter et rire. Elle se demande bien pourquoi. Le silence qui suit l’inquiète. Curieuse, elle regarde les intrus. Ils s’efforcent à ne pas rire. Elle se tourne vers sa tante et se rend compte que celle-ci lui tend une serviette en papier, depuis un moment.
    - Tu as du chocolat au menton et même sur le nez, dit l’un d’eux avant de se mettre à rire. Une gamine de deux ans aurait mangé sans se salir ! Et ça s’appelle bachelière !
    - Laissez-la tranquille… Le chocolat a fondu dans les crêpes chaudes… Elle n’a pas pu s’en rendre compte, l’excuse-t-elle. Et puis, vous aussi, vous salissez vos chemises à table !
    Lynda va à la salle de bains et se mord la lèvre quand elle constate qu’elle a du chocolat partout. Ils n’ont pas eu tort, une enfant aurait fait mieux qu’elle.
    Elle hésite à sortir de la salle de bains. Elle ne veut pas affronter leur regard tout de suite. Il y a longtemps qu’elle ne les a pas vus, et au moment où elle ne s’y attend pas, les voilà qui entrent sans s’annoncer. Ils auraient pu frapper avant d’entrer. Elle aurait fait attention à sa propre personne. Elle n’aurait pas cédé à l’envie de goûter aux crêpes. Elle ne se serait pas ridiculisée de la sorte.
    - Lynda ! Il y a un coup de fil pour toi ! lui crie sa tante depuis la cuisine. Fais vite !
    La jeune fille pense tout de suite à son père. Elle ne tarde pas à sortir de la salle de bains. Ses cousins Azzedine et Amine sont en train de déguster les succulentes crêpes. Ils ont un sourire entendu entre eux. Sa tante Fella la prie de s’asseoir.
    - Je croyais qu’il y avait un coup de fil, dit Lynda.
    - Je m’excuse, répond la tante. Je voulais seulement que tu sortes de la salle de bains ! Les garçons tiennent à te demander pardon de t’avoir mise dans l’embarras (comme ceux-ci tardent à le faire), n’est-ce pas ? les presse-t-elle en les regardant sévèrement. Qu’est-ce que vous attendez ? Le déluge…
    Les jeunes hommes se taisent, toujours souriants. Lynda comprend qu’ils ne regrettent pas. Leurs excuses sonnent faux à ses oreilles. Mais elle fait l’effort de sourire à son tour, pour ne pas inquiéter sa tante. Elle les accepte même si au fond de son cœur, elle n’est pas près de leur pardonner.

    Dernière publication sur 1.Bonjour de Sougueur : Mon bébé, Justin, me manque beaucoup

  5. Artisans de l'ombre Dit :

    “Le poids des tabous…” 6e partie
    Par : Adila KATIA

    Sans laisser le temps à Yacine de placer un mot, Nassim poursuit :
    -Elle était si heureuse avec moi… Elle voulait divorcer et partir avec moi loin d’ici. C’est pour elle que je suis venu pardi… Tu ne l’as donc pas compris ? Je suis venu pour elle Yacine. Et elle n’est plus là !
    Yacine, déjà abattu par le décès de sa femme, ne comprenait absolument rien aux remontrances de son ami. Il savait que le chagrin pouvait parfois engendrer des situations inattendues, mais à ce point il n’en revenait toujours pas.
    Nassim avait raccroché. Il avait sangloté et crié à pleins poumons.
    Yacine, hébété, avait gardé le combiné du téléphone dans sa main. Son ami lui avait révélé qu’il était l’amant de sa femme. Est-ce qu’il avait bien saisi ? Ou est-ce son imagination qui lui jouait des tours à un moment où ses facultés mentales s’étaient figées ?
    Sara était enceinte. Elle le savait et l’avait annoncé à Nassim, plutôt qu’à lui. Est-ce possible ? Nassim disait-il la vérité ou est-ce juste un moment de détresse ? Que représentait donc Sara pour lui pour qu’il soit aussi affligé ?
    Yacine se prend la tête entre les mains : cette affaire lui paraissait de plus en plus louche. Il ferait mieux de se rendre dans l’immédiat à l’hôpital pour avoir des clarifications sur les circonstances du décès de Sara. Peut-être en saura-t-il davantage sur elle.
    Et si c’était la vérité ? Si ce que venait de révéler Nassim était juste ? Ils étaient amants ? Et lui ? Et lui dans toute cette affaire ?
    Touché dans son amour-propre, Yacine s’habille hâtivement et se rend à l’hôpital. On avait prévenu le médecin de son arrivée, et ce dernier vint lui confirmer la nouvelle d’un air désolé :
    - Nous avons tenté tout ce qui était en notre pouvoir mon ami, hélas, la médecine ne peut rien devant les coups du destin.
    Yacine hoche la tête d’un air résigné :
    - Oui… oui, je comprends. J’aimerais juste connaître certains détails. De quoi est-elle donc morte ?
    - Justement, je voulais vous en parler. Je croyais qu’on s’était trompé dans les analyses sanguines. Je ne pouvais vous mettre au courant des résultats avant d’en savoir davantage et d’en être sûr…
    Yacine lève la main d’un air suppliant :
    - Docteur, je vous remercie pour votre sollicitude… Mais ma femme est décédée, et plus rien ne pourra m’affliger davantage. Alors, je suis prêt à entendre votre sentence.
    -Oui. Je ne sais comment vous l’annoncer… Mais je vais vous apprendre quelque chose qui va vous surprendre : votre femme était atteinte du sida !
    Yacine demeure interdit un moment, et le médecin lui tapote l’épaule :
    - Désolé de vous l’annoncer ainsi… Mais je dois vous dire que c’est sa grossesse qui a précipité les choses… Votre femme était en parfaite santé, et aucun signe ne dénotait son atteinte par le VIH. Son système immunitaire s’affaiblissait de jour en jour, ce qui explique l’hémorragie et notre obligation de procéder à un avortement… Hélas ! Nous n’avons pas pu la sauver.
    Le sida !
    Le mot résonnait dans les oreilles de Yacine, tels des coups de marteau. Il avait l’impression que son crâne allait exploser.
    Il porte la main à son front et titube. Le médecin le retient, et l’aide à s’installer sur une chaise :
    -Je sais que le choc est trop violent pour vous… Mais je ne pouvais vous cacher cette vérité. Nous allons devoir vous garder vous aussi en observation afin de procéder à des analyses.
    -Non… Vous ne garderez personne d’autre que moi !
    La voix venait de les interrompre… Nassim tout débraillé et en sueur venait d’arriver et se dirigeait vers eux. Il avait entendu la dernière phrase du médecin et s’était empressé de s’interposer.

    Dernière publication sur 1.Bonjour de Sougueur : Mon bébé, Justin, me manque beaucoup

  6. Artisans de l'ombre Dit :

    “Le poids des tabous…” 7e partie
    Par : Adila KATIA

    - Je refuse à ce qu’il y ait une tension entre vous, dit Fella. Vous êtes une seule et même famille, est-ce clair ?
    - Aucun problème, répondent-ils en même temps.
    - Vraiment, ma tante, il ne faut pas te faire de soucis. Tout se passera bien, poursuit la jeune fille qui ne veut pas l’inquiéter.
    Elle ne tient pas aussi à ce que la relation se dégrade plus. Elle retrouve dans le comportement de ses cousins des traits de caractère qui possèdent ses frères. Azzedine et Amine sont rarement venus au bled. Et pourtant ils se ressemblent. Elle n’en revient pas …
    Par chance, ses cousins travaillent et ils n’ont pas à se voir toute la journée. Ils se voient au dîner, et Lynda s’efforce de ne pas gaffer devant eux. Elle n’ouvre même pas la bouche. Elle ne répond que par oui ou par non.
    - Tu n’as pas d’avis à donner ? lui demande son oncle, un peu surpris par son silence et sa façon de se tenir à l’écart.
    - Non.
    - Et qu’as-tu fait de ta journée ? veut-il savoir.
    - Je me suis inscrite… J’ai encore des papiers administratifs à remettre, répond-elle tout en remarquant l’oreille tendue de son cousin Azzedine. Comme tant de bachelières, il me reste beaucoup de choses à apprendre. Je me suis fait des copines, ajoute-t-elle. Il y a une fille du quartier avec qui j’ai l’intention d’être amie… Elle s’appelle Djamila H. Elle est en deuxième année. Elle étudie l’allemand.
    - Et toi, l’anglais, se rappelle son oncle. Tu as l’intention d’être interprète ?
    - Oui… Mais qui sait, peut-être que je me lancerais dans le journalisme, dit-elle. Beaucoup plus pour meubler la conversation que pour provoquer ses cousins qui se tournent d’un coup vers elle.
    - Journaliste, reprend Azzedine, on n’a pas besoin d’une fille qui court après les informations durant toute la journée à travers Alger ou ailleurs. Ce n’est pas une profession pour une fille de bonne famille, poursuit-il, sans se douter qu’il allait la pousser à s’inscrire en journalisme. Tu devrais faire une licence en anglais et l’enseigner au bled ! Les profs d’anglais doivent manquer au bled !
    - Je veux bien te croire, répond-elle, toute souriante. Mais des journalistes aussi ! Je pourrais toujours être correspondante ! Je parlerais dans mes articles de l’évolution des mentalités en zone rurale et en zone urbaine… Des soi-disant intellectuels qui…
    Fella intervient, sentant que l’échange est devenu personnel.
    Depuis l’arrivée de la jeune fille, ses fils ont changé. Eux d’ordinaire si ouverts et si tolérants l’ont surprise et maintes fois inquiétée. Ils critiquent souvent Lynda. S’il est en leur pouvoir de la renvoyer à la maison, ils n’hésiteront pas à le faire. Elle le sait. Ils le lui ont dit. Elle ne les comprend pas. Ce n’est pas dans leurs habitudes d’être désagréables et de critiquer à tout bout de champ leur cousine. Ils ne se sont pas connus avant, et pourtant ils se comportent comme s’ils ont des comptes à régler. Sinon pourquoi cette méchanceté gratuite ?
    - Ça suffit, dit la mère, très peinée d’avoir à la défendre. Je ne veux plus qu’on parle à table ! Est-ce un problème d’être en bon termes avec tout le monde ? demande-t-elle.
    - Aucun problème, la rassure Lynda.
    - J’espère que c’est la dernière fois que j’aurais à vous le demander, insiste Fella en s’adressant à ses fils cette fois.
    - On l’espère aussi !
    Lynda ne tarde pas à table. Comme sa tante refuse qu’elle l’aide à laver la vaisselle, elle va dans sa chambre et prend un roman avant d’aller au salon. Elle attend un coup de fil et n’hésite pas à décrocher quand il sonne. Azzedine la rejoint vite au salon. Lui aussi attend un appel. Lynda raccroche. Ce n’est pas son amie. Encore une occasion de se quereller. Elle n’en a même pas conscience. Quand il lui barre le chemin, elle perd son calme. Elle s’est sentie agressée. Il n’a pas le droit de l’effrayer…

    Dernière publication sur 1.Bonjour de Sougueur : Mon bébé, Justin, me manque beaucoup

  7. Artisans de l'ombre Dit :

    “Le poids des tabous…” 8e partie
    Par : Adila KATIA

    Le cri de Lynda glace Fella qui lâche la vaisselle qu’elle est en train d’essuyer. Elle accourt dans le couloir.
    _ Qu’est ce qui se passe ?
    Abdelkrim sort de sa chambre où il est allé prier. Tous deux voient le visage livide de leur nièce. Celle-ci se tient la joue. Azzedine a les bras ballants mais en se tournant et en tombant nez à nez avec son père, il donne un coup de poing, dans le mur avant de filer vers l’entrée.
    _ Mais qu’est ce qui t’a pris ?
    _ Rien…Juste un coup de colère !
    Et il part en claquant la porte. La jeune fille éclate en pleurs et veut retourner dans sa chambre mais son oncle refuse. Il s’emporte en voyant sa joue tuméfiée et rouge.
    _ Ils sont devenus fous, ma parole ! Ils ne respectent plus rien et personne, s’écrie-t-il, furieux. Avant c’était juste des querelles !
    _ Je n’en crois pas mes yeux ! Il s’en est pris à sa cousine ! Laisse-moi voir! Viens, dit Fella, en la prenant par le bras. Arrête de pleurer, je t’en prie !
    _ Je ne peux pas…
    _ Allons à la salle de bains ! Tu vas te rincer le visage puis je t’appliquerais une pommade, poursuit Fella.
    _ La marque partira sans pommade, dit la jeune fille. Mais son geste, je m’en souviendrai toute ma vie ! Mes frères passaient leur temps à me crier dessus en l’absence de mes parents et de grand-mère ! Mais jamais, jamais ils ne m’ont frappée !
    Fella tente de trouver une explication au comportement de son fils. De ses fils…
    _ Ils sont jaloux ! C’est la première fois qu’on a une fille, à la maison !
    _ Ce n’est pas une raison ! Il a osé me frapper ! Je n’ai rien fait qui aurait pu le contrarier, se défend Lynda, essuyant ses larmes avec rage. J’attendais juste un coup de fil de ma copine ! Demain, je pars d’ici ! C’est fini ! Je ne veux plus vivre avec eux !
    L’oncle intervient, l’interrompant.
    _ Tu resteras ici ! Demain, je discuterais avec eux et je te jure qu’ils vont regretter leurs paroles et leurs actes, promet-il. Je vais leur faire ravaler leurs jalousies ! Ils n’ont pas le droit de te toucher ! Tu es ici, chez toi !
    La jeune fille secoue la tête.
    _ Non, je ne peux plus rester ici ! C’est vrai, vous êtes merveilleux avec moi mais les garçons m’ont bien fait comprendre qu’il n’y a pas de place pour moi, ici ! En venant, je bousculais votre vie bien tranquille, vos habitudes ! Vous étiez proches des garçons et maintenant, par ma faute, vous leur trouvez des défauts ! Mon oncle, jurez moi de ne pas crier après lui !
    _ Ils auront ce qu’ils méritent !
    _ Après ils m’en voudront longtemps ! Ils ne me pardonneront jamais d’avoir été humiliés, leur dit-elle. Je vous en prie, ne leur donnez pas une raison valable, de me détester !
    _ Tu es trop bonne ! Ton cœur te perdra !
    _ Peut-être…Mais je ne veux pas que vous vous retrouviez fâchés par ma faute, insiste-t-elle. Malgré tout ce qui vient de se passer !
    Lynda va s’enfermer dans sa chambre. Elle ne pleure plus. Le fait d’avoir décidé de partir, l’a calmée. Elle ne passera pas une journée de plus, parmi ses cousins. Depuis son arrivée, elle a senti qu’ils guettaient la moindre occasion, pour lui faire regretter d’avoir accepté de vivre chez son oncle. Elle sait que sa grand-mère y tenait beaucoup. Elle s’inquiétait pour elle, craignant qu’elle ne soit agressée dans la rue.
    Comment allait-elle réagir en apprenant que ses cousins ne voulaient pas d’elle ? Allait-elle se servir de sa canne pour corriger celui qui avait osé marquer sa joue ?
    Lynda ne peut s’empêcher de sourire, en imaginant la scène.
    Comme elle ne parvient pas à dormir, elle sort son sac de voyage et vide la garde-robe. Elle range lentement ses affaires. Elle veut être prête au petit matin. Elle ne veut pas partir en l’absence de son oncle. Elle ne veut pas le froisser. Tout en mettant de l’ordre, dans ses papiers, elle réalise avoir bien fait d’avoir pris une chambre, à la cité universitaire. Si elle avait écouté sa grand-mère et ses parents qui n’en voyaient pas l’utilité puisqu’elle allait vivre chez son oncle, elle n’aurait eu nulle part où aller.
    Toute la nuit, elle garde la clef, contre son cœur. Elle finit par s’endormir d’un sommeil léger, peinée mais déterminée.
    Le matin, elle se lève la première, ne tenant pas à se bousculer avec ses cousins, dans la salle de bain. Elle veut les éviter. D’ailleurs, Azzedine n’était pas rentré…
    Elle prend le petit déjeuner avec Fella. Elles ne parlent pas de l’incident de la veille. Elle la prie de convaincre son oncle de la déposer à la cité universitaire. Ce dernier tente de la raisonner et de la convaincre à rester. Mais Lynda est sourde à ses prières. Rien ne la retiendra. Autant qu’ils se quittent en bons termes. Il finit par l’emmener à Ben-Aknoun, avec le sentiment d’avoir failli à son devoir…

    Dernière publication sur 1.Bonjour de Sougueur : Mon bébé, Justin, me manque beaucoup

  8. Artisans de l'ombre Dit :

    “Le poids des tabous…” 9e partie
    Par : Adila KATIA

    Lynda s’adapte vite à sa nouvelle vie. Elle est heureuse et soulagée de ne plus avoir ses cousins pour l’embêter. Il est vrai que les commodités manquent. Elle partage la chambre avec cinq étudiantes. Il n’y a jamais assez d’eau pour se doucher même une fois par semaine. Elle n’a aucune intimité mais elle a la paix. C’est cela de gagné. Il n’y a personne pour l’embêter. Elle ne regrette pas d’être partie de chez son oncle, ses cousins ont été odieux avec elle. Quand elle appelle chez son oncle et qu’elle tombe sur l’un deux, elle raccroche. Elle ne veut plus leur parler. A sa grand-mère, elle n’a pas caché la cause de son départ. Elle craint qu’elle ne la tienne pour responsable.
    Celle-ci a été très gentille et prévenante. Pourtant, sa grand-mère s’est renfrognée en l’écoutant. Elle n’y croit pas.
    - Tu penses vraiment que mes petits-fils sont si mal élevés ? lui demande Hadja Taos. Moi, je les connais et je peux t’affirmer que Fella leur a certainement forcé la main pour qu’ils soient aussi désagréables avec toi ! Elle devait craindre que tu sympathises avec eux ! Tu es si sociale, si douce que je suis surprise que l’un d’eux ne soit pas amoureux de toi ! remarque la vieille femme. Ou peut-être que l’un deux lui a parlé de toi ? C’est fort possible !
    - Grand-mère, j’ignorais que tu avais l’esprit aussi mal tourné, rétorque la jeune fille. Pourquoi en doutes-tu ? Pourquoi t’es-t-il plus facile de l’accuser que de reconnaître que tes petits-fils sont tout simplement méchants et insupportables à vivre ?
    - Non ! Non… Ils sont parfaits et ils ont tant de qualités qu’il m’est impossible d’imaginer qu’ils aient pu être aussi odieux. En tout cas, puisque tu es bien à la cité, ne t’avise pas à t’attirer d’autres problèmes ! lui recommande sa grand-mère. Tu n’as personne pour te protéger… ni même pour te rappeler à l’ordre, ajoute-t-elle d’un air de regret. Promets-moi de faire attention à toi !
    - C’est promis ! jure Lynda.
    Comme les fois précédant son départ sur Alger, Hadja Taos lui recommande de ne pas fréquenter les garçons ni d’écouter les beaux parleurs.
    - Ils t’affirmeront que tu es unique, que sans toi la vie n’a aucun attrait… Ils se serviront de mots doux qui font tourner la tête !
    - Et si je tombe amoureuse ? demande Lynda, un peu inquiète, je le fuis ?
    - Je ne te demande pas de le fuir, juste de rester sur tes gardes, insiste la grand-mère. Si c’est le vrai amour, il te suivra ici ! Si c’est uniquement pour abuser de toi, il ne te parlera jamais de mariage, il ne voudra jamais connaître tes frères… Ces derniers, d’ailleurs, ne feront qu’une bouchée de lui s’ils doutent de ses mauvaises intentions !
    - Je veux bien te croire, dit Lynda. Mais je ne risque pas de les leur présenter avant d’être sûre et certaine qu’il s’agit du bon numéro !
    - Bon ou mauvais, fait très attention à toi !
    Comment être prudente quand le cœur s’emballe ? Lynda sait qu’une fois amoureuse, la vision des choses change. Saura-t-elle être prudente et rester sur ses gardes ? Elle l’ignore. Sa grand-mère est pleine de bonnes intentions. Elle la comprend. Dans sa façon d’insister, elle veut la protéger des coups durs de la vie.
    Quand elle retourne à Alger, Djamila, une étudiante qui réside à Baïnem, l’invite chez elle. Elle l’apprécie beaucoup et tient à la présenter à sa famille et à ses amis. Lynda qui a l’habitude d’être le pôle d’intérêt n’est pas intimidée. Elle est à l’aise et va d’un ami à un autre. Elle fait attention auprès des garçons de son âge. Les amies sont devenues glaciales. Elle ne semble pas l’avoir remarqué. Elle est en bonne compagnie. Djamila ne la lâche pas. Les admirateurs aussi …
    - Dommage que Lyès n’ait pas pu se libérer… J’aurais aimé que tu fasses sa connaissance. Il est tout le temps pris par son travail, ajoute Djamila avec un air de regret. On ne le voit qu’au dîner… C’est un phénomène !
    Lynda ne pense pas avoir raté quelque chose d’important, en l’absence de son frère. Elle se dit qu’elle en aura certainement l’occasion une autre fois. Ce n’est pas la dernière fois qu’elle vient ici. Elle et Djamila s’entendent trop bien. Et puis, quand Lynda voit un beau jeune homme entrer, elle devine tout de suite qu’il s’agit de Lyès. Djamila n’a pas exagéré. Il est un phénomène à sa “façon”.

    Dernière publication sur 1.Bonjour de Sougueur : Mon bébé, Justin, me manque beaucoup

  9. Artisans de l'ombre Dit :

    La nouvelle de Adila KatiaLundi, 12 Novembre 2012 09:50Facebook Imprimer Envoyer Réagir
    “Le poids des tabous…” 10e partie
    Par : Adila KATIA

    Il est vraiment unique en son genre. Lynda sait que Lyès est architecte et travaille dans un bureau. Il ne s’est pas encore fait un nom mais son métier le passionne. Un jour, se dit la jeune fille, il y arrivera. Elle en est persuadée dès qu’elle l’a vu la première fois. Il est entré vers la fin de la fête, la serviette remplie de livres et de rouleaux de papier calque sous les bras. Il ne porte pas un costume, plutôt une tenue décontractée. Etant très jeune, il aurait pu passer pour un étudiant avec son jean délavé et sa chemise à rayures bleues.
    Lynda ne sait pas pourquoi, mais plus elle le regarde, plus elle le trouve différent des autres. Les cousins et amis de Djamila n’existent plus. Elle ne voit que lui, et son sourire charmeur réussit à l’émouvoir. Elle rougit et serra fort son verre à deux mains pour ne pas trembler.
    - Eh, Lyès ! Viens donc que je te présente à Lynda !
    Djamila débarrassa son amie de son verre et l’entraîne vers lui. Ce dernier continue à sourire. Il est comme émerveillé.
    - Lyès voici Lynda, l’amie dont je t’ai parlée !
    - Si j’avais su qu’elle était aussi belle, répond-il, je me serais arrangé pour quitter plus tôt ! Enchanté belle Lynda ! dit-il en tendant la main vers elle.
    - Enchantée, murmure-t-elle.
    Lynda ne s’est jamais sentie aussi timide, aussi embarrassée de toute sa vie. Si elle a pu tenir tête à ses frères et affronter ses cousins, elle ne peut soutenir l’intensité du regard de Lyès.
    - Alors, comme ça tu étudie l’anglais ! Tu aimes ?
    - Oui.
    Quelques amis s’approchent pour leur dire au revoir. Djamila, par politesse, les raccompagne à leur voiture. Elle les laisse seuls. Car tous partent presque en même temps. Certains profitent de ceux qui sont véhiculés pour rentrer chez eux.
    Pendant ce temps, Lyès et Lynda font un peu mieux connaissance.
    - Tu vis à la cité ?
    - Oui.
    - J’ignore pourquoi, mais il me semble t’avoir aperçue dans le quartier, dit-il. Est-ce la première fois que tu viens ici ?
    - Non, pendant quelques semaines, j’ai résidé dans le quartier, lui apprend-elle, heureuse qu’il l’ait remarquée avant ce jour.
    - Alors, je connais tes cousins Azzedine et Amine ! Seulement, on ne s’entend plus… Dommage ! dit Lyès. Enfin, pour toi, je ferai l’effort de me réconcilier avec eux.
    - Tu as toute la vie devant toi, répond-elle, heureuse et soulagée qu’ils ne soient pas en bons termes. Il faut que j’y aille.
    Lynda prend sa veste et son sac. Quand Djamila en a fini avec les invités, elle est prête à partir.
    - Comment ça, tu vas rentrer à la cité ? Pourquoi ne passes-tu pas la nuit ici ? l’invite-t-elle. On aura le temps de discuter et de ranger le salon et la cuisine. Tu ne vas pas me laisser seule alors que j’ai besoin de toi !
    - Une autre fois Djamila, la prie Lynda. Je t’en prie, ne me retiens pas !
    - Tu sembles apeurée ! remarque l’amie en riant. Aurais-tu peur de nettoyer ?
    - Cesse de blaguer ! Si… si je n’étais pas…
    - Hum… Je crois avoir deviné, l’interrompt Djamila. Ton cœur fait boum boum devant mon frère ! Reconnais que c’est un charmeur de première ! Dis, où est-il ?
    - Il est allé se changer, répond Lynda. J’en profite pour partir !
    - Jamais ! Il est presque sept heures, lui rappelle son amie, en lui barrant le chemin. Tu ne trouveras pas de taxi. Ou serais-tu tentée de te faire agresser ? Après cette fête…
    - Mais non, je ne veux pas rester… Ton frère…
    Djamila fait mine d’avoir deviné.
    - Tu veux qu’il te raccompagne ?
    - Non ! Qu’est-ce que tu vas imaginer encore ? rétorque Lynda, gênée d’avoir à dormir chez eux.
    - Je n’imagine rien. C’est une simple déduction. Si tu ne restes pas, Lyès sera forcé de t’accompagner, par mesure de sécurité… Peut-être que vous le voulez ?
    Lynda posa son sac, lasse. Elle restera passer la nuit.
    Elle l’aide à ranger la cuisine et le salon. Elle évite Lyès, suivant Djamila comme son ombre. Elle ne craint pas Lyès, mais uniquement les sentiments qu’il lui inspire.

    Dernière publication sur 1.Bonjour de Sougueur : Mon bébé, Justin, me manque beaucoup

  10. Artisans de l'ombre Dit :

    “Le poids des tabous…” 11e partie
    Par : Adila KATIA

    Lynda n’est pas près d’oublier la nuit qu’elle a passée chez son amie Djamila. Elle a beau avoir suivi Djamila à travers la maison, Lyès en a fait autant. Chaque minute passée en sa compagnie est un moment de bonheur. Comme elle n’en a jamais connu. Plus rien ne sera comme avant. Elle en a conscience et elle a peur de ce qui pourrait arriver.
    Elle sent bien que Lyès est sous l’admiration. Même si elle a deviné que le sentiment est profond, elle aurait voulu être sourde à l’émoi de son cœur. Est-ce vraiment le vrai amour, celui unique de toute une vie ? Comment savoir ? Se rappelant les recommandations de sa grand-mère, elle décide de voir Djamila uniquement à l’extérieur. Elle ne veut pas prendre le risque de revoir Lyès. Elle le connaît à peine et son cœur s’emballe rien qu’en pensant à lui. En sa présence, elle devient gauche et tout ce qu’elle dit lui paraît idiot.
    C’est étrange, mais depuis qu’elle connaît Lyès, elle a perdu son assurance.
    Elle se surprend parfois à penser à lui, durant les cours. Son amie Djamila profite de chaque rencontre pour lui parler de son frère.
    - Il demande toujours après toi, lui dit-elle. Tu lui en as mis plein les yeux !
    - Non, je ne vois pas comment, répond Lynda. Je n’ai rien fait pour attirer son attention.
    Ça s’est fait comme ça. Nos yeux se sont rencontrés et… il y a eu une étincelle. Le courant est vite passé.
    - C’est ce qu’il affirme aussi, lui assure Djamila. D’après lui, aucune fille n’a réussi à entrer dans son cœur aussi vite ! Il pense que tu es la femme de sa vie !
    - Rien ne le réprouve ! On s’est juste vus une fois. Et puis, poursuit Lynda pour se convaincre, nous avons une différence d’âge de dix ans ou plus… Moi, je suis encore jeune, je suis en première année.
    - Il le sait déjà, rétorque l’amie. Pour toi, il serait prêt à attendre dix autres années ! Il t’a dans la peau, tu sais !
    Chaque jour que Dieu fait, elle lui parle de lui et lui propose de le voir, après les cours.
    Lynda refuse même si elle pense souvent à lui.
    Djamila l’invite toujours à passer les week-ends. Lynda ne cède pas. Aussi, pour ne pas se laisser tenter, elle part voir sa famille. Elle est heureuse d’être à l’abri. En étant loin de Lyès, elle se sent forte et en paix. Malgré la sérénité qu’elle affiche, sa grand-mère Hadja Taos n’est pas dupe. Elle a deviné qu’il y a eu un fait nouveau dans sa vie. Elle connaît trop bien sa petite-fille.
    - Comment est-il, l’interroge-t-elle.
    - De quoi parles-tu ? rétorque Lynda, sans lever le nez de son livre.
    - Celui qui te tourmente, comment est-il ? Est-il digne de toi ? demande-t-elle. Il veut que tu sois amie ou bien plus ?
    - Comment pourrais-je le savoir ? réplique la jeune fille. J’ai refusé de le revoir.
    C’est le frère d’une amie.
    - Ah ! oui. Et elle, elle est emballée par votre histoire, veut-elle savoir.
    - Je crois que oui. Elle ne cesse pas de me parler de lui, lui confie Lynda. Elle meurt d’envie que j’accepte.
    - Pourquoi refuses-tu ?
    - Tu m’as mise tellement de fois en garde que j’ai peur, avoue la jeune fille. J’ignore comme tu disais, s’il sera le bon et ça me fait peur ! Plus que tu ne peux l’imaginer…
    - Il ne te plaît pas ?
    - Si, mais… Je ne veux pas m’aventurer dans une relation où mon cœur serait brisé à jamais, soupire Lynda. Est-ce que tu comprends ?
    - Oui, mais s’il te plaît, accepte de le rencontrer ! Si au bout de deux ou trois visites, il ne te parle pas de mariage, mets fin à la relation ! Mais donnez-vous une chance !
    Comme toujours, Lynda suit les conseils de sa grand-mère. Elle avait soudain moins peur, comme si sa bénédiction avait chassé ses craintes.
    Elle ne refuse pas de voir Lyès, à la grande joie de Djamila. Lyès commençait à désespérer.

    Dernière publication sur 1.Bonjour de Sougueur : Mon bébé, Justin, me manque beaucoup

  11. Artisans de l'ombre Dit :

    “Le poids des tabous…” 12e partie
    Par : Adila KATIA

    Lynda et Lyès ne s’arrêtent pas à un rendez-vous. Ils se voient chaque jour. Il vient souvent l’emmener déjeuner, sachant que la nourriture du restaurant est souvent infecte.
    C’est l’occasion pour rester un long moment avec elle, pour mieux la connaître. Elle lui plaît de plus en plus.
    Lynda est aussi sous le charme. Elle boit toutes ses paroles. Si, au début, elle n’a pas pu soutenir son regard, maintenant, tout ce qu’elle veut, ce sont ses yeux, pleins d’amour et de tendresse. Elle pense qu’elle ne pourra plus jamais se passer de lui.
    Quand il lui parle de fiançailles, elle croit rêver. Aussi, pour en être certaine, elle lui pose des questions. Celles qui lui traversent l’esprit.
    - Quand ? demande-t-elle.
    - Dans les prochaines semaines. Pourquoi es-tu inquiète ?
    Il y a un problème ?
    - Tes parents. Tu parles de fiançailles alors que tu ignores si ta famille sera d’accord, dit-elle. Et la mienne ? As-tu pensé à la réaction de ma famille ? Crois-tu qu’il te sera facile d’arracher leur bénédiction ?
    - Pourquoi feraient-ils les difficiles ? Je ne veux que ton bonheur, répond Lyès. Enfin, mon bonheur. Ils ne vont pas demander autre chose.
    - Que sais-je ? Mes frères et moi, on ne se parle presque plus depuis ma réussite au bac. Le fait de me savoir à la cité au lieu de chez mon oncle n’est pas pour arranger les choses, lui confie-t-elle Quand ils sauront que je fréquente quelqu’un…
    - Mais je suis sérieux avec toi ! Je te veux pour femme. Quant tu auras terminé tes études, on se mariera ! Si je tiens à ce qu’on se fiance, c’est pour ne pas avoir à se cacher, pour que les gens ne jasent pas sur toi, sur nous, lui dit Lyès.
    Je ne veux pas que tu aies à souffrir de notre amour ! Tes parents seront compréhensifs, j’en suis sûr !
    Lyès ne se trompe pas. Les parents de Lynda et sa grand-mère l’accueillent chaleureusement. Djamila l’a accompagnée et elle ne regrette pas d’avoir connu Lynda. Elle assiste à une belle histoire d’amour qui va se conclure par de belles fiançailles.
    Les frères de Lynda sont grondés par Hadja Taos qui n’a pas supporté leur froideur. Ils ont été présents lors de la visite de Lyès, mais ils n’ont pas ouvert la bouche. Aucun mot gentil, aucune remarque, aucune question. Hadja Taos s’est voulue rassurante au départ de Lyès et de Djamila. Ils tiennent à partir avec un rendez-vous pour ramener leurs parents.
    Ils feront la demande en mariage officiellement en la présence de leurs proches. Si Lyès a tenu à venir sans ses parents, c’est pour mieux préparer le terrain.
    Il a craint que les frères de Lynda posent des problèmes dès qu’ils auront su le but de sa visite. Il a été surpris par leur mutisme. Doit-il craindre leur silence ou s’en réjouir ?
    Lynda qui ne les connaît que trop sait que leur silence ne laisse présager rien de bon. Lyès et Djamila à peine partis, ils annoncent la couleur.
    Leur grand-mère manque d’avoir une crise cardiaque. Pareils à deux policiers en train d’interroger un criminel.
    - Depuis quand tu “le” fréquentes ?
    - Je ne le fréquente pas, ment-elle. C’est sa sœur qui tient à ce que je me marie avec son frère…
    Si c’est un bon parti, j’aurais toute la vie pour le connaître !
    - C’est un bon parti, intervient Hadja Taos. Aux prochaines vacances, ils se fianceront et se marieront au moins à la mairie ! Ainsi, vous êtes rassurés, il ne pourra pas la “plaquer” sans avoir un procès !
    - Nous, ce qui nous gêne, dit l’aîné, c’est qu’ils pourront se voir quand ils veulent !
    Plus que jamais, Lynda a conscience que son bonheur est le dernier des soucis de ses frères et qu’ils feront tout pour qu’elle ne le vive pas. Baisser les bras n’est pas de sa nature. Depuis toujours, pour des futilités, elle leur a tenu tête alors maintenant qu’il s’agit de son bonheur, elle ne se laissera pas faire.
    Sans cri, sans larme, elle atteindra son but. Ils ne semblent pas avoir conscience, mais elle est remontée contre ses frères. Plus que jamais…

    Dernière publication sur 1.Bonjour de Sougueur : Mon bébé, Justin, me manque beaucoup

  12. Artisans de l'ombre Dit :

    “Le poids des tabous…” 13e partie
    Par : Adila KATIA

    Lyès et Lynda ne se voient pas durant les vacances d’hiver.
    Lynda trouve le temps long, et Lyès lui a terriblement manqué à tel point qu’elle a perdu l’appétit.
    Tous l’ont remarqué.
    Ses frères étant tout le temps grognons, Hadja Taos en a profité pour tenter de les culpabiliser.
    Leur mère se tait, et quand elle ouvre la bouche c’est pour prendre le parti des garçons.
    Ils n’ont pas besoin d’être défendus mais son appui n’est pas pour arranger les choses.
    - A défaut de prendre le parti de Lynda, tu devrais te taire, lui dit Hadja Taos. Elle ne mange plus, elle est très mal…
    Tout ça à cause d’eux. Ils lui cherchent toujours la petite bête. Tu devrais intervenir plus souvent en faveur de ta fille !
    - Si elle a maigri, c’est parce qu’elle est amoureuse !
    Elle doit avoir hâte de retourner à Alger, répond Ourida.
    Si seulement elle résidait encore chez son oncle !
    Je ne vous cacherais pas, El-Hadja, que je comprends l’inquiétude des garçons. Elle fréquente ce garçon, il est peut-être un fils de bonne famille et à vouloir se marier avec elle, ils vont trouver le temps long !
    Elle a quatre années d’études à faire ! Lyès est déjà un homme, il a terminé ses études, il travaille.
    Il ne lui manque qu’une compagne.
    J’ai peur qu’il ne sache pas être patient !
    - Tu te fais des soucis pour rien, la rassure Hadja Taos. Il m’a paru très
    calme.
    - Il n’allait pas te montrer son impatience…
    Imagine son comportement quand ils seront seuls, insiste Ourida. Ils ont notre bénédiction, il n’y aura personne pour les surveiller.
    La cité de jeunes filles ouvre jusqu’à une heure tardive…
    Personne ne pourra nous dire si elle rentre ou pas !
    - Tu exagères ! Comment peux-tu dire une chose pareille.
    Sa famille ne va pas fermer les yeux s’ils dépassent les limites, lui rappelle la belle-mère qui a très confiance en eux.
    S’ils en font trop, on le saura tôt ou tard !
    - Oui mais si c’est trop tard ? réplique Ourida.
    - Pourquoi penser au pire alors qu’ils sont seulement amoureux ? Peut-être qu’ils n’ont eu encore aucune idée de ce genre ? rétorque Hadja Taos, déçue par la tournure de la conversation.
    On s’inquiète pour rien…
    Vraiment pour rien ! On peut leur faire confiance !
    La vieille grand-mère est plus que jamais inquiète. Aussi, comme chaque fois, elle décide de discuter avec Lynda. Elles ont toujours eu l’habitude de discuter à bâtons rompus.
    C’est sans difficulté qu’elle aborde la question qui préoccupe sa mère. Et elle aussi, maintenant …
    - Lynda, ma petite fille adorée, je me fais du souci pour toi !
    - Je ne vois pas pourquoi ?
    - Il faudra être très prudente. Toi et Lyès devrez vous tenir tranquilles, même après vos fiançailles !
    Il faudra attendre d’être mariés pour passer à l’acte, dit Hadja Taos.
    L’honneur de la famille est entre tes mains.
    - Si je te comprends bien, je ne dois pas faire confiance à Lyès ? l’interroge Lynda quelque peu peinée par le manque de confiance qu’a sa grand-mère envers elle et Lyès.
    - Non, en la vie, répond la vieille grand-mère.
    On ne sait pas de quoi sera fait demain, alors dans trois ou quatre ans ?
    La vie m’a enseigné à être prudente et patiente !
    Prends exemple sur moi et tu auras tout ce que tu veux dans la vie.
    Promets-moi de ne pas dépasser les limites !
    - Promis.
    Hadja Taos la remercie tout en la serrant contre son cœur.
    Elle sait que Lynda n’oubliera pas ses conseils et sa promesse.
    Cependant, elle ne peut s’empêcher de s’inquiéter quand Lynda repart sur Alger. Comme le lui a dit Ourida, ils seront libres de se voir quand ils veulent. Personne ne sera là pour lui rappeler qu’elle doit tenir sa promesse.

    Dernière publication sur 1.Bonjour de Sougueur : Mon bébé, Justin, me manque beaucoup

  13. Artisans de l'ombre Dit :

    “Le poids des tabous…” 14e partie
    Par : Adila KATIA

    -Tu m’as manqué mon amour.
    Lynda est heureuse de découvrir Lyès à la gare routière. Il est venu l’y attendre. De joie, elle ne se retient pas d’aller se blottir dans ses bras quand il les tend à elle. Il lui a manqué plus qu’elle n’aurait cru cela possible. Jamais elle n’a pensé qu’on peut aimer aussi fort et que cela puisse lui arriver.
    - Comment vas-tu, lui demande-t-elle.
    - Le temps m’a semblé si long, sans toi. À chaque coin de rue, au restaurant où nous avons l’habitude de nous voir, j’espérais te voir surgir, lui dit-il, seule la nuit apaisait ma douleur. J’ai rêvé de toi, chaque nuit !
    - Moi, j’avais perdu l’appétit et le sommeil, au point que cela a inquiété ma famille ! Maintenant c’est du passé !
    - J’ai une surprise pour toi ! Ferme les yeux, lui dit-il en la guidant vers la sortie de la gare.
    - Une surprise ? Djamila t’a accompagné ?
    - C’est mieux qu’une belle-sœur ! réplique Lyès. Elle est plus serviable !
    - Ne me demande pas de deviner. Je peux ouvrir les yeux ?
    - Attends que je te le dise !
    Lynda entend un bruit de clefs qu’on brandit. Lyès joue avec.
    - Tu peux !
    Lorsqu’elle ouvre les yeux, elle ne comprend pas.
    - Où est la surprise ?
    - Devant toi !répond Lyès en s’appuyant à une voiture noire. Elle ne te plaît pas ?
    - Tu as acheté une voiture ? Mais pourquoi ? Tu travailles juste à côté de chez toi.
    - Oui mais pour te voir, il faut que je quitte le bureau plus d’une heure avant et pour y retourner, c’est un autre calvaire. Maintenant que je suis véhiculé, ce sera un autre moment de plaisir ! Allez ! monte.
    Lyès a ouvert la portière et la pousse à l’intérieur. Lynda le regarde mettre son cabas à l’arrière avant de prendre place, près d’elle. Il ne démarre pas tout de suite. Il en profite pour la regarder. Il l’aime, il l’adore. Pour elle, il est prêt à tout faire, pour son bonheur. Il la regarde comme s’il n’aurait plus jamais l’occasion de la revoir.
    - Pourquoi me regardes-tu comme ça ? Tu me mets mal à l’aise, lui dit-elle. Je veux aller à la cité, pour y déposer les affaires et après, si tu veux, on se verra !
    - D’accord ! mets-nous un peu de musique lui demande-t-il. Ce qui te plaît.
    Lynda choisit une mélodie douce. Elle se calme un peu, elle respire un peu mieux. Le temps de quelques secondes, elle a eu la sensation d’étouffer, effrayée dans le fond par ce qu’elle a vu.
    Son regard brillant fixé sur elle l’a transformée. Il lui a semblé comme fou.
    Mais ça été si rapide qu’elle pense maintenant l’avoir imaginé.
    - Et si on allait déjeuner avant, lui propose-t-il. Je n’en ai pas eu le temps, ce matin ! J’étais dès 8h à la gare routière. Il est déjà onze heures et demie, qu’en dis-tu ?
    - Puisque tu as faim, allons-y maintenant !
    Lyès décide qu’ils déjeuneront au bord de l’eau. Ils vont à Sidi-Fredj. Lynda y vient pour la première fois. L’endroit lui plaît beaucoup. Au restaurant où ils s’attablent, les couples à y déjeuner sont nombreux. Tous ont le regard amoureux. Certains ne se lâchent pas des yeux et des mains. Lyès qui est assis en face d’elle change de place et va s’asseoir près d’elle. Il passe un bras sur les épaules de Lynda qui a un geste de recul. Elle n’est pas habituée à ce qu’il se tienne si près d’elle.
    - Lyès ! Voyons, arrête !
    Son visage est tout près du sien. Quand il se penche, elle peut sentir son souffle sur sa joue. Elle comprend qu’il veut l’embrasser. Elle détourne la tête, croyant qu’il comprendrait mais il ne s’arrête pas. Il l’embrasse dans le cou. Lynda le repousse violemment et quitte le restaurant. Elle est effrayée. Elle marche vers la mer, tenant à mettre de la distance entre eux.
    Mais Lyès la rejoint tout de suite, nullement calmé. Il a dans les yeux cette lueur qu’elle a aperçue à son arrivée. Cette lueur ne la rassure pas quant à ses intentions.

    Dernière publication sur 1.Bonjour de Sougueur : Mon bébé, Justin, me manque beaucoup

  14. Artisans de l'ombre Dit :

    “Le poids des tabous…” 15e partie
    Par : Adila KATIA

    - Laisse-moi ! le prie-t-elle, les poings serrés pour qu’il ne voie pas ses mains trembler. Tant que tu ne te seras pas calmé, inutile de t’approcher de moi.
    La jeune fille est si énervée qu’elle lève la voix sans s’en rendre compte que Lyès en rit, même s’il a un haussement d’épaules, un rien d’indifférence.
    - Hé, doucement, tiens-tu à ameuter les gens ? Tu te comportes comme une biche effarouchée ! C’était juste un baiser ! se défend-il. Rien que ça et en plus dehors ! Tu aurais certainement crié au viol si on avait été seuls !
    - Je ne veux pas que tu m’embrasses en public ! rétorque-t-elle. Je ne suis pas une fille facile ! En nous voyant, les gens vont croire qu’il suffit de m’emmener au bord de la mer, pour faire de moi ce qu’ils veulent !
    - Regarde !
    Lyès lui montre des couples enlacés.
    - Ils s’aiment tout comme nous ! Et nous, dans quelque temps, on va se fiancer puis se marier ! Il n’y a aucun mal à ce qu’on s’embrasse !
    - Oui mais ils ne se sont pas embrassés ! réplique la jeune fille. Et même s’ils le font, nous c’est différent !
    - Je croyais que cela te plairait ! J’en rêve depuis le premier instant, lui confie-t-il en s’approchant d’un pas. Si j’avais su que tu te comporterais de la sorte, je te jure que j’aurais pris sur moi !
    - Je ne te crois pas !
    - L’envie, je l’ai toujours… Seulement, j’aurais bataillé pour ne pas y céder, insiste-t-il en tendant la main vers elle. Viens, retournons au restaurant !
    - Non, il n’en est pas question ! rétorque Lynda. Je reste ici.
    - Mais pourquoi ? Tu ne vas pas me bouder à cause d’un stupide baiser dans le cou ! s’écrie-t-il. Si j’avais su qu’on en arriverait là, je t’aurais embrassée partout !
    - La prochaine fois que tu tenteras de le faire, tu recevras mon poing sur la figure ! lui affirme Lynda alors qu’il tombe à la renverse. Lyès ! s’inquiète-t-elle, faisant le geste de le retenir mais il s’est vite affalé sur le sable. Qu’est-ce qui t’arrive ?
    Lyès pousse un profond soupir. Il est soulagé. S’agrippant à son bras, il lui demande.
    - Tu as bien dis la prochaine fois ? Donc tu me laisses une seconde chance ?
    - Oui, mais à condition que tu me demandes pardon et que tu me promettes de ne plus jamais recommencer ! lui dit-elle en regardant de haut. J’attends !
    Elle s’est débarrassée de sa main et le fixe, impatiente de l’entendre dire ses mots. Au fond d’elle, elle craint qu’il ne fasse le fier et refuse.
    Cela l’amènerait à la bouder longtemps et à ne pas lui pardonner. Non pas de l’avoir embrassée mais de ne pas lui avoir donné cette seconde chance. Même s’il lui a manqué de respect et qu’il aurait pu s’y prendre autrement, son amour est toujours là. La colère passée, son cœur s’angoisse à l’idée de le perdre. Lyès tarde à demander pardon.
    Allait-il lui en vouloir de s’être enfuie ? Aurait-elle dû le laisser faire, sous les regards des clients du restaurant ? N’aurait-elle pas dû se faire toute petite et discrète pour que personne ne se rende compte que Lyès a dépassé les limites ?
    - Oui, tu as dépassé les limites, pense-t-elle à voix haute. Ce n’est pas digne d’un fils de bonne famille !
    - Si je ne suis pas digne de toi, lui répond-il en se levant, autant en finir… Tue-moi, de la façon que tu voudras !
    - Cesse de dramatiser ! Tu ne joues pas dans une pièce de théâtre ! rétorque-t-elle, irritée par son comportement quand il s’agenouille à ses pieds. Mais qu’est-ce que tu fais ?
    - Je vous demande pardon, belle princesse ! Veuillez m’accorder votre grâce pour que je puisse retrouver le goût à la vie ! la prie-t-il. Je vous promets de ne plus vous embrasser… Sauf si vous le permettez !
    - Je vous accorde le pardon, murmure-t-elle. Levez-vous !
    Lyès s’exécute lentement. Il lève le bras, comme pour appeler quelqu’un, derrière elle. Lynda pense à un tour malin, pour détourner son attention et en profiter pour l’embrasser.
    Mais Lyès la quitte sans rien dire, la surprenant pour la énième fois de la journée. Curieuse, elle se tourne et
    sourit.
    Il revient déjà, avec un bouquet de fleurs en main. Comment ne pas lui pardonner ? Son amour le rend spontané. Elle peut le comprendre.

    Dernière publication sur 1.Bonjour de Sougueur : Mon bébé, Justin, me manque beaucoup

  15. Artisans de l'ombre Dit :

    “Le poids des tabous…” 16e partie
    Par : Adila KATIA

    - Il est temps que tu me ramènes, dit la jeune fille en s’affolant un peu en voyant qu’il est près de seize heures.
    Lyès sourit alors qu’elle tente de le repousser. Elle le fait sans joie, elle est si bien dans ses bras.
    - Tu n’as rien à faire, réplique-t-il.
    - Si, j’ai beaucoup de choses à faire, dit-elle. Je dois ranger mes affaires ! Je voudrais aussi avoir le temps de voir mes camarades d’études et de chambre…
    - Tu n’en tomberas pas malade ! Tu peux te passer d’elles !
    - Non. On doit s’organiser pour les corvées, et l’une d’elles étudie dans le même groupe que moi, lui dit Lynda. Allez, lève-toi ! Il est temps que je rentre !
    - Je me sens déjà abandonné, soupire-t-il. Mon cœur, je vis en sursis lorsque tu es loin de moi !
    - Il faudra apprendre à vivre avec, réplique la jeune fille en le forçant à se lever. Omri, je t’en prie…
    - Hum, j’adore quand tu me dis “Omri” ! Répète-le !
    - Omri ! Je dois rentrer maintenant… Main-te-nant !
    Lyès finit par se lever du banc où ils avaient pris place depuis un moment. Il ramasse le bouquet de fleurs puis le lui tend. Il prend tout son temps pour la suivre jusqu’à la voiture.
    - Tu es vraiment pressée de me quitter, dit-il sans plaisanter.
    - Non, non…
    En fait, elle ne veut pas rentrer tard. Elle sait qu’il l’aime et qu’il ne peut pas s’empêcher de la toucher. Elle en a aussi envie même si elle ne le lui dit pas. S’il ne parvient pas à se maîtriser en plein public et de jour, qu’en sera-t-il une fois la nuit tombée.
    La jeune fille a beau l’aimer, elle n’est pas prête à céder. Elle tient à rentrer avant la tombée de la nuit.
    - Dans peu de temps, on sera fiancés ! Une fois que j’aurais fini mes études, je me marierais avec toi, lui rappelle-t-elle. On ne se séparera plus jamais !
    - Jure-le moi !
    Lynda se fâche. Comment peut-il en douter ?
    - Je te le jure ! mais je commence à avoir froid. Je veux rentrer, Lyès !
    Il ouvre les portières et attend qu’elle soit montée pour fermer. Il ne sourit plus.
    - J’ai l’impression que tu as peur de rester avec moi ! Est-ce que je me trompe ?
    - Oui. Tu es le seul sur qui je peux compter et avoir confiance, dit-elle. Comment peux-tu en douter ?
    - Tu trembles ?
    - Non, répond-elle en serrant les mains, tout en pensant que depuis qu’elle le connaît, elle est devenue hypersensible. Il peut la mettre dans tous ses états. Comme ça, en un claquement des doigts ! Je t’aime Lyès ! Quoi que tu puisses penser…
    Le jeune homme ne desserre pas les dents. Durant tout le trajet, il n’a pas soufflé un mot. Il a allumé la radio et, au bout d’un moment, elle ne tient plus en place.
    - T’es fâché ?
    - Non.
    - Ton silence me prouve le contraire, dit-elle. Tu as le front tout plissé !
    - Je me rends compte que tu n’es pas franche avec moi. Tu as peur de moi, poursuit-il. Moi je n’ai qu’une envie, rester avec toi !
    Ils arrivent devant la cité universitaire où ils se garent à proximité de l’entrée. Il y a de nombreux couples d’étudiants et d’étudiantes en train de discuter. Des résidentes attendent dehors. Lynda en connaît quelques-unes. Deux d’entre elles font partie de son groupe d’études. Elle les voit chuchoter lorsque Lyès pose une main sur son épaule et joue avec les mèches de ses cheveux. Il se penche et, de sa main gauche, il attire son visage pour l’embrasser.
    Lynda le repousse. Elle ouvre la portière et descend. Lyès, tout souriant, en fait de même.
    - Tu n’aurais pas trouvé meilleur endroit pour me mettre la honte ! lui dit-elle alors qu’elle ouvre le coffre de la voiture pour prendre ses affaires.
    - Je t’aurais demandé un baiser que tu aurais refusé ! Je me suis servi !
    Lynda tente de se maîtriser et ravale ses larmes de colère.
    - Attend, je vais t’aider…
    Mais la jeune fille refuse. Elle rentre à la cité, avec la sensation que tous la suivent du regard. Ses deux camarades la rejoignent vite et l’évitent comme si elle avait la peste. Elle feint de les ignorer mais elle souffre de la situation.
    - Vous l’avez vue avec son petit ami ?
    - Il l’a embrassée devant tout le monde ! La honte !
    - Il s’est comporté comme s’ils étaient mariés, et encore ! Quand on l’est, on ne fait rien en public !
    - On se serait cru devant une chaîne étrangère !
    - Comme si j’étais la première à sortir avec un garçon ! Vous êtes jalouses ! dit Lynda qui n’en pouvait plus. Je vous laisse parler de moi et de Lyès !
    - Comme si on allait se gêner !

    Dernière publication sur 1.Bonjour de Sougueur : Mon bébé, Justin, me manque beaucoup

  16. Artisans de l'ombre Dit :

    “Le poids des tabous…” 17e partie
    Par : Adila KATIA

    - C’est de ta faute, lui reproche Lynda. Tu en as trop fait. Chaque fois que tu viens, il faut que tout le monde le sache. Tu veux toujours attirer l’attention sur nous. Tous à la bibliothèque n’ont pas cessé de me regarder comme si j’étais la seule à avoir un ami !
    Lyès s’emporte et rectifie.
    - Je t’ai demandée en mariage et d’ici quelques semaines on sera fiancés ! Si seulement ta famille ne nous faisait pas perdre de temps !
    On pourrait s’afficher où on veut, durant toute la journée que les autres n’auraient rien à dire sur nous !
    - Tu parles de ma famille alors que la tienne n’est pas retournée les voir, pour être fixée, lui rappelle Lynda. Peut-être que s’ils bougeaient un peu, ma famille n’hésiterait pas à fixer une date ?
    - Mes parents trouvent qu’on devrait prendre tout notre temps avant de s’engager, lui confie-t-il. Tu n’en es qu’à ta première année.
    - Tu ne me l’apprends pas, réplique-t-elle. Pourquoi ne m’écoutes-tu pas ? Si tu étais un peu discret, j’en souffrirais moins. Mes camarades de chambre ne me parlent plus. Il y a des fois où je préfère rester dehors, je ne supporte pas la tension qui règne dans la chambre depuis des semaines. Je vois les week-ends arriver avec horreur. Si j’avais assez d’argent, je partirais à la maison !
    - Pourquoi ne viendrais-tu pas à la fête de mon ami Dahmane, lui propose-t-il. Ce sera jeudi soir. Si tu m’y accompagnes, je te ramènerai avant la fermeture de la cité, lui promet-il. Qu’en dis-tu ?
    - Djamila viendra ?
    - Bien sûr !
    - Je vais y réfléchir, lui dit-elle. Bon, il faut que j’y aille, j’ai un résumé à faire. Je vais à la bibliothèque.
    Lyès n’hésite pas mais il est décidé à l’emmener à la fête. Il veut la présenter à ses amis.
    Il leur a tellement parlé d’elle que tous veulent la connaître.
    - Si tu n’as pas quoi porter à cette fête, lui dit-il, je pourrais t’offrir une robe ou un tailleur.
    - J’ai tout ce qu’il faut, répond-elle, avant de le quitter.
    Lyès part le cœur tranquille. Lynda n’a pas refusé. Elle pense l’y accompagner.
    Sachant que Djamila allait aussi partir à la fête, Lynda n’aurait pu raté l’occasion de sortir, loin de la cité. Elle ne supporte pas de rester dans la chambre où toutes lui font des misères. Il y a longtemps qu’elle a compris qu’elles sont jalouses d’elle. Si au début, elle en a souffert, maintenant elle ne ressent rien. Elle n’a plus envie d’être dans la même pièce qu’elles. C’est la raison qui l’a poussée, il y a quelques semaines, à chercher avec qui échanger de chambre. Il lui tarde de trouver celle qui pourra lui donner la chance de terminer ses études, loin de toute tension, loin de toute guerre.
    Lynda ne désespère pas. Elle finira par trouver. Quand elle quitte la bibliothèque, elle n’est pas surprise de trouver Lyès. C’est devenu une habitude pour lui de venir la chercher. Elle se serait bien passée de lui, en cette fin de journée. Elle ne peut pas le lui reprocher car elle sait qu’il ne peut pas se passer d’elle.
    Elle prend place dans la voiture rapidement.
    - Pourquoi es-tu revenu ? Comment fais tu avec ton travail, lui demande-t-elle. Comment se fait-il qu’ils ne t’aient pas encore renvoyé ?
    - Je me rattrape le soir, lui dit Lyès.
    Je n’ai jamais de retard dans mon travail.
    Lynda veut bien le croire.
    Sur le siège arrière alors que Lyès démarre, elle aperçoit un grand paquet emballé dans un beau papier.
    Elle devine que c’est un cadeau pour elle mais attend qu’il le lui dise.
    - Pourquoi attends-tu, lui dit-il. Tu ne veux pas l’ouvrir ?
    La jeune fille ne se fait pas prier. Elle adore les cadeaux et la surprise lui fait très plaisir. Elle pousse un cri de joie en découvrant une robe rouge à bretelles. Elle n’en revient pas. Elle est si belle. Lyès a très bon goût. Elle le découvre…
    - Elle te plaît ?
    - Et comment ! s’écrie-t-elle. Elle est magnifique. Merci Lyès !
    - Ta joie me fait plaisir. Et si on allait prendre un café, lui propose-t-il.
    - Non, je n’ai pas terminé mon résumé. Je dois le terminer avant vendredi, lui dit-elle en remettant la robe dans son paquet. Comme ça, je serais tranquille durant tout le week-end.
    Lyès n’insiste pas. Le plus important est qu’elle l’accompagne à la fête. Il la laissera tranquille jusqu’à jeudi après-midi. Le jeune homme n’a plus qu’une envie, être déjà jeudi !

    Dernière publication sur 1.Bonjour de Sougueur : Mon bébé, Justin, me manque beaucoup

  17. Artisans de l'ombre Dit :

    “Le poids des tabous…” 18e partie
    Par : Adila KATIA

    Lorsque Lynda enlève sa cape, Lyès la voit pour la première fois dans la robe qu’il lui a offerte. Il en a le souffle coupé. Elle est magnifiquement belle. Il la mange des yeux, et sans l’arrivée d’autres invités, il resterait des heures à la regarder et à rêver de moments plus doux, dans ses bras ou ailleurs.
    - Voilà ma chérie, rejoignons mes amis tout de suite, sinon je ne pourrais pas m’empêcher de t’embrasser, lui dit-il, conscient qu’il serait capable de faire des folies tant sa beauté lui monte à la tête. Et tu en feras un scandale !
    - Oui, ce n’est pas parce que je porte la robe que tu m’as offerte que tu devrais te croire tout permis ! réplique-t-elle à voix basse en le suivant au salon d’où leur parviennent des voix empreintes de joie et d’éclats de rire. Apparemment, ils s’amusent bien.
    - Ils mettront de la musique après le dîner. On dansera ? demande Lyès.
    Lynda hausse les épaules. Elle ignore encore si elle en aura envie.
    - Où est ton ami ?
    - Le voilà !
    L’ami en question est aussi architecte. Ils ne travaillent pas dans le même bureau mais ils ont étudié et appris le métier ensemble. Une forte amitié les lie depuis des années. Lyès et lui partagent bien des secrets. Les rares fois où ils se sont disputés, c’est à cause des filles.
    Par défi, ils ont toujours voulu la même fille pour amie. Pour que leur amitié soit sauve, il leur a fallu bien des fois renoncer à la fille en question.
    Lorsque Dahmane voit Lynda, son sourire s’élargit. Lyès doit lui faire un signe de la main, pour attirer l’attention vers lui. Dahmane porte la main au front, comme s’il y a reçu un coup. Il s’avance vers eux et Lyès fait les présentations.
    - Dahmane, je te présente Lynda, lui dit-il. Lynda ma fiancée, ajoute-t-il comme pour lui signifier qu’il ne doit rien espérer de cette nouvelle connaissance.
    - Enchanté, répond-il. Et émerveillé Est-ce que vous avez une sœur jumelle ?
    - Non.
    - Comme c’est dommage, soupire-t-il. En grimaçant avant de se tourner vers Lyès. Pourquoi faut-il toujours que tu déniches la perle rare en premier ?
    - C’est toujours ainsi depuis des années, autant t’y faire, réplique Lyès, gardant une main sur le bras de la jeune fille. Et prier pour que la chance lui sourit !
    - Tu as certainement raison. Mais est-ce que tu m’autorises à danser avec elle tout à l’heure ?
    - Juste une danse, précise Lyès. Je voulais seulement te la présenter, pas que tu sois son cavalier !
    - Ça va, j’ai compris ! réplique Dahmane. Ne t’en fais pas, je ne chercherai pas à te la voler !
    Pourtant, de toute la soirée, il ne la quittera pas. Lynda aura beau vouloir se tenir à l’écart, sentant une légère tension entre eux. Dahmane ne l’a pas quittée. Il n’a pas dansé une seule fois avec elle, mais trois fois. Lyès en est fou de jalousie. Si son regard pouvait tuer, il est certain que son ami ne serait plus de ce monde et qu’il ferait de cette fête sa veillée funèbre.
    - Et si on rentrait ? lui demande-t-elle, je commence à être fatiguée…
    - Je ne te crois pas, rétorque Lyès. Toutes les filles qui l’ont connu ne se sont jamais lassées de lui !
    - Je suis venue passer du bon temps avec toi, pas pour être sa compagne ! lui dit-elle. S’il te plaît, rentrons !
    Ils profitent d’un moment où Dahmane est entouré de ses amis pour s’éclipser du salon. Lyès récupère pour elle sa cape et la lui pose sur les épaules.
    - Attends-moi près de l’entrée, lui dit-il, je vais chercher ma voiture…
    Lynda n’aurait pas l’idée de retourner à l’intérieur. Elle a senti qu’il est jaloux de son ami et qu’il suffirait d’un petit dépassement pour qu’ils en viennent aux mains. Elle sort dehors et s’étonne de voir des invités arriver. Il est plus de vingt-deux heures.
    - Lynda ! Est-ce que c’est toi !
    La jeune fille se tourne et manque de se trouver mal en voyant son cousin Azzedine.
    - Qu’est-ce que tu fais ici ?
    - Rien…
    - Comment es-tu venue ici ? Comment as-tu connu Dahmane ? veut-il savoir.
    - Sa… sa sœur, répond-elle, manquant de se trouver mal lorsque Lyès descend de voiture pour lui ouvrir la portière.
    - Allez viens ! Ne perdons pas de temps !
    Lynda à peine fait un seul pas que son cousin Azzedine se jette sur lui pour lui donner la correction de sa vie. L’honneur de la famille est en jeu. Effrayée, la jeune fille prend la fuite, craignant pour sa vie. Elle et Azzedine ne se sont jamais entendus. Toute la famille allait lui donner raison.

    Dernière publication sur 1.Bonjour de Sougueur : Mon bébé, Justin, me manque beaucoup

  18. Artisans de l'ombre Dit :

    “Le poids des tabous…” 19e partie
    Par : Adila KATIA

    - Reviens ! Reviens ici !
    Lynda n’est pas prête de revenir. Elle a si peur qu’elle court droit devant, au risque de se faire renverser par les voitures qui viennent en sens inverse. Elle risque un coup d’œil en arrière et les voit en train de se battre.
    Son cousin n’allait pas se calmer. Elle ne prendra pas le risque de revenir et de mettre sa vie en danger. Azzedine est si furieux que seule la vue du sang pourra le calmer.
    Si elle avait pu deviner qu’elle tomberait sur lui, elle se serait abstenue d’accepter l’invitation. Lyès ne serait pas en train de se faire tabasser et elle ne craindrait pas pour sa vie. Si sa famille apprend la nouvelle, elle allait perdre leur confiance et toute sa vie en serait bouleversée.
    Si elle s’était entendue avec son cousin, elle aurait pu lui demander de ne rien leur dire. Mais hélas, ce n’est pas le cas !
    Elle redoute de rentrer à la cité. Azzedine pourrait l’y devancer et l’y attendre. Elle décide de marcher un peu. Elle sait aussi qu’elle risque d’être mal vue et de tomber sur des voyous. Mais la peur d’affronter la colère de son cousin est plus forte. Lynda déambule d’une rue à une autre, d’un quartier à un autre sans avoir le courage de rentrer. Les voitures se font rares et elle n’a pas croisé de taxi depuis un moment.
    Elle commence à avoir froid et il se fait très tard. Sa montre indique plus de minuit.
    Elle s’arrête au bord de la route et prie pour qu’un taxi passe. Elle veut rentrer. Elle pense au portail qui doit être fermé maintenant à l’heure qu’il est. Et son cousin qui doit l’y attendre…
    Malgré la peur qui lui serre le ventre, elle décide de rentrer à la cité. Elle ne peut pas passer la nuit à marcher dans le froid et elle a conscience du danger qui la guette. Parfois, elle a l’impression d’être suivie.
    Pourtant, quand elle se tourne, il n’y a personne sauf ce sentiment certain de ne pas être seule à déambuler dans la nuit.
    Pour fuir le danger, elle ne trouve pas mieux que d’arrêter la première voiture qui passe. Le conducteur fronce les sourcils et son regard s’attarde sur elle, tentant de deviner qui elle est et ce qu’elle veut vraiment. Lynda est si soulagée qu’elle pleure presque.
    - S’il vous plaît, emmenez-moi à Ben Aknoun, le prie-t-elle.
    - Ce n’est pas ma direction, lui répond-il. Qu’est-ce que vous faites à une heure aussi tardive dehors ?
    - C’est une longue histoire, soupire-t-elle avant de mentir. Je me suis querellée avec mon fiancé et le comble, il n’a pas voulu me raccompagner. Je me retrouve seule, en pleine nuit… J’ai peur de mal tomber… Je vous en prie, ne me laissez pas ici !
    L’inconnu semble touché par sa détresse et lui dit de monter.
    - La prochaine fois, évitez de vous quereller avec lui ! lui conseille-t-il en redémarrant. Cela vous évitera bien des mauvaises surprises… Ce n’est vraiment pas conseillé à une jeune fille de s’aventurer dans la nuit, sans un protecteur !
    - C’est la première et dernière fois, lui affirme-t-elle avant de remarquer qu’il vient de prendre une direction autre que celle qui mène à Ben Aknoun. Où va-t-on ? Ce n’est pas par ici !
    - Vous ne me l’apprenez pas, réplique le conducteur. Je suis contraint à faire ce détour, lui explique-t-il. Je dois prévenir mon frère que je vais tarder un peu avant de prendre la relève… Nous avons un commerce… On surveille à tour de rôle.
    Lynda veut bien le croire même si au fond de son cœur, quelque chose lui dit qu’il lui ment. Elle décide de rester sur ses gardes et de filer au moindre geste suspect. Ils ne tardent pas à arriver au commerce. Le conducteur descend et y entre, en se servant d’une clef. Lynda en déduit qu’il n’y a personne d’autre. Alors qu’il est à l’intérieur, elle en profite pour descendre de voiture et filer. Elle se sait en danger. Elle court aussi vite que le lui permettent ses chaussures à talons.
    - Où as-tu l’attention d’aller ?
    L’inconnu l’a surprise. Elle trébuche. Son poignet et sa cheville lui font mal. Elle a du mal à se relever et il ne se retient pas d’en profiter. Lynda a beau se débattre et hurler pour qu’une âme bienveillante puisse mettre fin à son cauchemar. Il est plus fort qu’elle et en abuse. Aussi, pour la faire taire, il lui donne des gifles qui l’assomment. Il en profite pour assouvir ses bas instincts sans être inquiété.
    Quand il l’abandonne enfin, après avoir entendu des volets s’ouvrir, Lynda est toujours inconsciente.

    Dernière publication sur 1.Bonjour de Sougueur : Mon bébé, Justin, me manque beaucoup

  19. Artisans de l'ombre Dit :

    “Le poids des tabous…” 20e partie
    Par : Adila KATIA

    _ Mon Dieu !s’écrie un gardien qui rentre de sa nuit de garde, en regardant de plus près, le corps recroquevillé, à moitié nu. Ce n’est pas possible !
    Il a deviné qu’il s’agirait d’une sans domicile fixe qu’elle aurait eu de quoi se couvrir. La cape est près d’elle et la robe, enfin ce qui en reste, est en lambeaux. Il ne peut pas voir son visage et ignore si elle est en vie. Il s’approche et la couvre de la cape. Puis il prend doucement son pouls. Il soupire de soulagement en le sentant battre.il ne veut pas la brusquer. Il préfère appeler une ambulance et prévenir la police. Mais il s’éloigne à peine de deux mètres d’elle qu’il l’entend gémir de douleur.
    Il retourne près d’elle l’aide à se retourner. Elle crie de douleur.
    _ Doucement, dit-il à la jeune fille qui a un geste de recul. N’ayez pas peur, il ne vous arrivera rien !
    Lorsqu’elle lève le visage en grande partie tuméfiée, il maudit celui qui a osé s’en prendre à plus faible que lui.
    _ N’ayez pas peur, vous ne risquez plus rien !
    Lynda veut bien le croire. Il l’aide à se lever et la soutient par le bras.
    _ Vous allez m’attendre ici, lui dit-il. Je vais appeler une ambulance !
    _ Non, non, dit-elle. Ce n’est rien, je n’ai pas besoin d’une ambulance et même de la police. Je vais rentrer à Ben Aknoun !
    _ Vous ne trouverez pas de taxi et vous ne pouvez pas marcher dans cet état, réplique le gardien qui pense à se présenter. Moi c’est Hamid ! Et vous ?
    _ Karima, ment-elle. Où m’emmenez-vous ?
    _ Ecoute, j’habite juste à côté, dit-il. Vous pourrez vous changer et réfléchir calmement, propose-t-il. Ma femme s’occupera de vous !
    _ Votre femme…C’est gentil, murmure-t-elle en acceptant de le suivre.
    _ Que vous est-il arrivé ?lui demande-t-il.
    _ J’ai…j’ai été agressée, répond-elle en pleurant.
    _ Pourquoi laisser votre agresseur impuni ? Si vous acceptez de voir la police, peut-être qu’ils réussiront à mettre la main, sur lui ?insiste-t-il.
    _ Cela n’arrive que dans les séries américaines…
    _ Mais vous aurez au moins tenté ! Ce voyou mérite d’aller en prison !
    _ Je ne peux pas…je ne peux pas…
    Hamid espère que sa femme pourra l’influencer. Vu l’état de la robe et les blessures qu’elle a au visage, aux bras ainsi qu’aux jambes, il a deviné qu’elle a été violée.
    _ Nous voilà arrivés !
    Hamid habite au rez de chaussée. Dès qu’il ouvre la porte, sa femme sort de sa chambre, pour s’assurer que c’est bien son mari qui est revenu. Elle est surprise de le trouver avec une jeune fille.
    _ Mais qu’est ce qui se passe ?s’écrie-t-elle. Qui est-elle ? Que fait-elle avec toi ?
    _ Laisse-moi le temps de souffler un peu, répond le mari en se dirigeant vers elle. Ne crie pas, les enfants dorment, lui rappelle-t-il en la prenant par le bras, la tirant presque pour l’emmener hors du salon. Je vais t’expliquer…
    _ M’expliquer quoi ?…Je n’en ai pas besoin, rétorque sa femme Souad. Tu as ramassé une trainée, dans la rue !
    _ Non, ce n’en est pas une ! Et lorsque je suis tombée sur elle, elle était encore inconsciente !lui confie-t-il. La pauvre a été agressée et peut être même violée ! Je n’avais pas le cœur à la laisser, dans la rue ! Je lui ai proposée de venir ici !
    _ Ton bon cœur te perdra !rétorque sa femme. Tu voulais lui donner quoi ?
    _ Rien, je voulais que tu t’occupes d’elle, dit-il. Aide la à prendre une douche, donne lui des vêtements ! Et un bon petit déjeuner ! Quelques conseils aussi ! La pauvre en a besoin…
    _ Je veux bien faire ce que tu demandes mais tout ce qu’il lui est arrivé, c’est entièrement de sa faute !réplique-t-elle. Elle n’avait pas à sortir la nuit !
    _ Elle a toute sa vie, pour regretter !lui dit Hamid. Il faut qu’elle en parle à la police sinon son agresseur s’en sortira ! Il pourra recommencer sans être inquiété ! Si elle le décrit à la police, ils pourront l’arrêter un jour ou l’autre !
    Lorsqu’elle retourne au salon, elle trouve Lynda en train de pleurer à chaudes larmes. Pendant quelques secondes, elle a cru que Hamid a amené une amie. Elle avait ressenti de la jalousie. Mais plus maintenant, elle lui fait pitié…

    Dernière publication sur 1.Bonjour de Sougueur : Mon bébé, Justin, me manque beaucoup

  20. Artisans de l'ombre Dit :

    “Le poids des tabous…” 21e partie
    Par : Adila KATIA

    -Parle-moi ! la prie Souad. Raconte-moi ce qui s’est passé ! Cela te fera du bien, ajoute-t-elle pour la convaincre. Après ce que tu as vécu hier soir, tu n’éprouves pas le besoin de te confier à une oreille étrangère ? Je ne te jugerais pas, tu sais !
    Lynda hausse une épaule et ne répond rien. Elle continue à se sécher les cheveux. Elle a pris une bonne douche. L’eau chaude lui a fait beaucoup de bien. Ce sentiment sera de courte durée. Une fois hors de l’eau, à se sécher dans une sortie de bain qui ne lui appartient pas, dans cette salle de bains et chez cette famille qu’elle ne connaît pas, il lui est revenu à l’esprit que si elle est là, c’est parce que, la veille, elle a fait l’erreur de partir seule, en pleine nuit.
    Une fois encore, elle regrette et pleure sans honte. Elle a vécu une nuit horrible. L’inconnue lui a parlé de se confier, sait-elle seulement qu’elle se sent responsable et coupable ? Comment en parler alors qu’elle meurt d’envie de tout oublier ? D’effacer de sa mémoire cette nuit d’horreur où lui a été prise son innocence ?
    Le monstre aurait pu lui prendre la vie. Elle le lui aurait pardonné. Mais il ne s’était pas contenté de la frapper et de la violer. Il a assouvi ses bas instincts et l’a laissée pour morte. Depuis son réveil, il lui semble que sa vie est finie. Elle n’attend plus rien. Elle n’a plus de corps, plus d’âme. Elle se retrouve sans rien. Sans passé, sans avenir. Elle regrette d’être partie.
    En restant, elle aurait pris le risque de recevoir une raclée. Même s’il l’aurait battue à mort, il ne l’aurait pas violée. Il aurait laissé son honneur sauf. D’ailleurs, tout ce qui s’est passé, c’est pour une question d’honneur. Si sa famille l’apprend, elle sait qu’elle allait perdre leur confiance. Qui sait si ses frères n’allaient pas lui interdire de sortir ?
    Non, se dit-elle, personne ne doit savoir. Personne ne pourra l’aider.
    Si Azzedine ne se montre pas discret, toute sa vie elle payera le prix d’une erreur qu’elle n’a pas voulu commettre.
    Lynda doit se mordre les lèvres pour ne pas crier quand elle s’habille. La robe de Souad est très large et elle doit la serrer à la taille pour camoufler. Elle remet sa cape et ses chaussures.
    - Tu ne vas pas partir comme ça, lui dit Souad. Tu vas prendre une tasse de café…
    - Où est votre mari ? lui demande-t-elle.
    - Il est sorti acheter des croissants. Il ne va pas tarder…
    - S’il n’est pas allé au commissariat, il devrait être là d’une minute à l’autre, remarque la jeune fille qui ne veut pas avoir à porter plainte pour viol. Si votre café est prêt dans une minute, c’est bon ! Sinon… Enfin, merci pour tout !
    - Non, ne partez pas ! Pas tout de suite ! la prie Souad, après avoir pris un petit-déjeuner ! Mon mari est juste sorti acheter des croissants, insiste-t-elle. Je vais préparer le petit-déjeuner…
    Lynda ne la suit pas dans la cuisine, elle regarde dans la rue, depuis la fenêtre du salon. Les premières lueurs du jour commencent à apparaître, chassant lentement la nuit. Mais les marques sur sa peau ne se sont pas atténuées. Celles de couleur bleue tirent maintenant sur le violet. Et pis encore, il y a cette blessure intérieure qui ne guérira jamais. Un homme a pris le soin de la souiller. Plus rien ne pourra purifier son âme. Plus jamais elle ne sera comme avant. C’était hier au soir…
    -Le café est prêt ! dit Souad qui revient avec un plateau chargé de tasses. Je vous sers du café ou du lait ?
    -Du lait sans café, précise-t-elle.
    Souad la sert, Lynda met trois morceaux de sucre, elle boit rapidement, craignant que Hamid ne revienne avec la police. Elle ne veut pas que son histoire s’ébruite. Elle en souffre déjà assez ainsi.
    -Attendez un peu… Vous prendrez votre croissant avec vous !
    Mais Lynda refuse. Elle la remercie, prend note de son adresse pour lui ramener ses habits et accepte les vingt dinars.
    -Bonne chance ! lui dit-elle quand elle sort.
    Lynda a envie de lui répondre que la chance l’a abandonnée la veille, quand elle est tombée sur cet homme. Elle prend un taxi pour rentrer à Ben Aknoun. Elle prie pour ne pas rencontrer des connaissances. Elle ne descend du taxi qu’après s’être rassurée que son cousin n’était pas là. Elle règle la course et descend. Même si elle presse le pas, elle entend quelqu’un courir derrière elle. Elle se tourne et manque s’évanouir en voyant Lyès…

    Dernière publication sur 1.Bonjour de Sougueur : Mon bébé, Justin, me manque beaucoup

  21. Artisans de l'ombre Dit :

    “Le poids des tabous…” 22e partie
    Par : Adila KATIA

    - Attends… attends !
    Lyès a beau la prier, elle ne reste pas. Cette fois, elle le quitte et entre à la cité. Les appels de Lyès lui parviennent et elle doit faire un effort pour ne pas revenir sur ses pas. Elle court vers sa chambre et elle est heureuse qu’il n’y ait personne. Ses camarades de chambre sont déjà sorties. Comme chaque vendredi, elles profitent de la matinée pour se rendre au hammam. Elle pleure sans retenue pendant un long moment. De peine, de colère…
    Elle pleure sa malchance. Elle s’entend encore dire à Lyès que tout est fini entre eux. Pour toujours.
    - Ce n’est pas juste, se dit-elle. Après ce qui m’est arrivé, j’ai besoin de lui. Ma vie est finie !
    - Tiens donc, elle parle toute seule maintenant !
    Perdue dans ses sombres pensées, elle n’a pas entendu ses camarades entrer. Elle lève la tête vers elles. Ce qu’elles peuvent dire sur elle ne la touche pas. Quand elles voient les marques de son visage et ses larmes, elles échangent des regards interrogatoires.
    - Qu’est-ce que tu as ?
    - Rien, murmure-t-elle en se détournant.
    - C’est quoi ces marques ? Ton fiancé t’a frappée ? Pourquoi ? Tu n’étais pas assez belle hier soir ?
    - Laissez-moi tranquille ! les prie-t-elle. Je me suis fait agresser.
    - Tu en as pris le risque dès que tu es montée dans sa voiture, lui dit Nouara. Tu étais très belle et très attirante. Tu devais savoir que ton fiancé ne pourrait pas résister à l’envie. Si sa sœur vous avait accompagnés, tu n’aurais pas eu à supporter sa colère due à la frustration !
    - Je n’ai que faire de ton avis !
    Lynda sort un pantalon et un pull du placard. Elle s’habille, gardant le dos tourné. Ce qu’elle ignore, c’est qu’elle a aussi des marques bleues sur le dos.
    - C’est un monstre, entend-elle. Comment a-t-il pu oser s’en prendre à elle ?
    - La pauvre, je la plains !
    - Lynda, tu devrais aller voir la police ! lui dit Nouara. Ce n’est pas parce qu’il t’a demandé en mariage qu’il a le droit de te battre !
    - Laissez-moi tranquille, les prie-t-elle une nouvelle fois, tout en pensant qu’elle allait devoir les supporter durant toute la journée.
    - Mais comment pourras-tu être tranquille s’il est libre de tout mouvement ? Après ce qui t’est arrivé, tu dois faire plus attention à toi ! insiste Nouara qui a réellement de la peine pour elle. Il pourrait recommencer.
    - Merci de me mettre en garde, réplique Lynda qui a soudain envie de rentrer chez elle. Mais il ne me trouvera pas ici !
    La jeune fille sort son sac de voyage et y range quelques affaires et ses cahiers.
    - Où vas-tu ?
    - Je rentre chez moi. À ceux qui vous le demanderaient, ne leur dites pas où je suis, leur demande-t-elle. Alors que Nouara la suit dans le couloir pour lui proposer de l’accompagner.
    -Non, lui dit-elle, je n’ai besoin de personne.
    Lynda se rend en taxi à la gare routière. Dans le car, elle se demande ce qu’elle pourra leur dire pour expliquer sa visite. Ce n’est pas la période des vacances. Elle prétextera être malade et devoir garder le lit pendant quelques jours sur injonction du médecin.
    Son visage pâle, ses yeux rouges où se reflètent la peine et la douleur ont convaincu sa famille. Celle-ci s’inquiète de l’origine de sa maladie.
    - J’ai mangé un gâteau, apporté par une copine. Depuis, j’ai mal. Le docteur a parlé de fièvre intestinale. J’ai arrêté de vomir et d’avoir la diarrhée, mais je me sens encore très faible, dit-elle, consciente de mentir à moitié car elle se sent à bout de forces. Je voyage depuis ce matin, je vous verrai demain.
    Si ses parents et ses frères sont vite rassurés et la laissent tranquille, ce n’est pas le cas de sa grand-mère. Hadja Taos sait qu’il y a autre chose. Ses yeux larmoyants de larmes contenues ne peuvent pas lui mentir.

    Dernière publication sur 1.Bonjour de Sougueur : Mon bébé, Justin, me manque beaucoup

  22. Artisans de l'ombre Dit :

    “Le poids des tabous…” 23e partie
    Par : Adila KATIA

    Hadja Taos aurait voulu s’assurer que son imagination lui a joué un tour, qu’elle n’a pas vu de peine dans les yeux de Lynda mais celle-ci s’est mise au lit sans même se changer.
    - Le voyage m’a fatiguée, dit-elle en tirant la couverture à elle. Tu m’excuseras mais j’ai besoin de dormir !
    - Si cela ne te dérange pas, je voudrais dormir ici, murmure Hadja Taos. Je te promets de ne pas te gêner !
    - Merci !
    - Je pourrais demander à ta mère d’apporter ton dîner, lui propose-t-elle, espérant l’entendre vouloir connaître le menu. Mais Lynda garda le silence. Tu as peut-être envie de quelque chose de précis ?
    - Non, je veux juste dormir.
    Lynda est très fatiguée. Elle s’endort très vite. Sa grand-mère rejoint le reste de la famille et dîne avec eux. Le dîner se passe dans l’inquiétude. Tous parlent du retour inattendu de Lynda. Chacun a une remarque à faire. Tous ont remarqué sa tristesse.
    - Ça doit être dû à sa maladie, commente Hadja Taos. Elle n’a pas l’habitude d’être malade ! Et surtout d’être seule en un moment pareil ! La pauvre petite …
    - Elle va vite se remettre, dit son fils Abdenour. Dans deux ou trois jours, elle aura retrouvé la santé et le sourire !
    - Inch Allah, murmure hadja Taos. J’ai hâte de la revoir sourire et l’entendre rire !
    Même ses frères avec qui elle est en froid depuis des mois espèrent son rétablissement. La grand-mère n’en a pas cru ses oreilles. Aussitôt le dessert avalé, elle retourne à la chambre de sa petite fille. Elle voudrait le lui dire,
    sachant que leur sollicitude lui fera
    plaisir.
    - Lynda, est-ce que tu es réveillée ?
    La jeune fille ne répond pas. Alors, elle n’insiste pas. N’ayant pas l’habitude de se coucher aussitôt, elle décide de retourner au salon. Une fois là-bas, elle découvre son fils au téléphone. Les garçons sont tous sortis.
    Elle est soulagée qu’ils ne soient pas là pour entendre ce qui se dit. Son petit fils Azzedine a appelé pour savoir si Lynda a été demandée en mariage par un jeune architecte.
    - Oui, répond Abdenour, Pourquoi ? Il s’est passé des choses à Alger ? veut-il savoir en mettant le haut-parleur pour qu’elle puisse tout entendre.
    - Oui, elle s’est rendue à une fête avec lui et j’ai vu rouge… Je m’en suis pris à lui sans même avoir demandé des explications !
    - Lynda a dû se fâcher ? Elle n’aime pas qu’on la contrarie, dit Abdenour, surtout qu’on affiche son manque de confiance !
    - Je veux bien te croire, soupire le neveu avant de confier qu’il s’est trompé. Je n’aurais pas dû m’en prendre à lui. J’ai effrayé Lynda. Je le regrette…
    - Est-ce que tu l’as revue ?
    - Non, je l’ai attendue devant la cité. Elle devait avoir peur de sortir, émet Azzedine. Je regrette de l’avoir effrayée. J’irais la voir pour lui demander pardon.
    - Elle est ici, lui apprend son oncle. Elle est rentrée en fin d’après-midi ; elle a prétexté être malade ! elle n’a même pas dîné. Je comprends maintenant pourquoi elle est si triste !
    - Je m’excuse mon oncle, mais, pour moi, en les voyant, se défend Azzedine, c’est une question d’honneur ! Je ne voulais pas l’effrayer ou lui faire des problèmes… Il faut qu’elle le sache !
    - Je te crois. Je lui en parlerai demain, promet Abdenour, n’y pense plus.
    Hadja Taos n’attend pas la fin de la discussion pour retourner à la chambre de Lynda. Elle veut la rassurer, lui dire que le problème est réglé et surtout que Azzedine regrette son acte.
    Elle entre doucement dans la chambre et n’est pas surprise de l’entendre renifler. Elle tire la couverture pour la voir. Lynda pleure à chaudes larmes, et quand sa grand-mère s’assoie sur le bord du lit, elle se redresse et pleure
    sur son épaule. Hadja Taos la serre contre elle, heureuse de pouvoir la
    réconforter.
    - Je suis au courant, lui dit-elle. Azzedine vient d’appeler et a discuté avec ton père. D’après ce que j’ai entendu, il regrette beaucoup ce qui s’est passé.
    - Pas autant que moi. Il a tout gâché grand-mère, pleure Lynda. Ma relation avec Lyès appartient au passé depuis hier soir !

    Dernière publication sur 1.Bonjour de Sougueur : Mon bébé, Justin, me manque beaucoup

  23. Artisans de l'ombre Dit :

    “Le poids des tabous…” 24e partie
    Par : Adila KATIA

    - Que s’est-il passé hier soir ? l’interroge Hadja Taos, consciente de ne pas tout savoir et que c’est bien plus grave qu’elle ne l’a cru. Raconte-moi ! Comment Azzedine peut-il avoir gâché ta vie puisqu’il a seulement voulu défendre l’honneur de la famille ?
    - Oui, mais moi, j’ai tout perdu, insiste la jeune fille. Est-ce que tu peux comprendre que ma vie est finie ?
    - Mais comment pourrais-je comprendre ? rétorque la grand-mère en allant vérifier que la porte est bien fermée, pour que personne ne puisse les entendre. Est-ce qu’il s’en est aussi pris à toi ?
    - Oui, il… Il m’a effrayée grand-mère, j’ai eu la peur de ma vie. Il faut le voir pour y croire ! Il a battu Lyès comme s’il en dépendait pour sa vie. J’avais peur d’être la prochaine qu’il corrigerait, alors je me suis enfuie !
    - Pour rentrer à la cité ? l’interroge-t-elle. C’était à quel moment de la journée ?
    - La nuit, il était plus de dix heures du soir. J’espérais tomber sur un taxi. Il n’y avait plus de taxi, ajoute-t-elle. Alors, j’ai dû marcher !
    - Jusqu’à la cité ?
    - Non, j’aurais dû. Je ne serais pas tombée sur lui, grand-mère ! lui confie-t-elle. Il m’a violée.
    - Violée, reprend Hadja Taos. Par Azzedine ?
    - Non.
    - C’est Lyès, alors ?
    Quand Lynda secoue la tête, la grand-mère porte les mains à sa poitrine, choquée par la nouvelle.
    - Si ce n’est pas par ton cousin, si ce n’est pas par Lyès, qui est-ce ? lui demande-t-elle, le souffle court.
    - Je ne sais pas, murmure Lynda. Il m’a prise en voiture pour me déposer à Ben Aknoun. C’est ce que je croyais. Il en a profité pour… pour abuser de moi.
    - Mon Dieu ! Qu’est-ce que tu vas faire ? Pourras-tu au moins le reconnaître ? Te souviens-tu de la marque de la voiture ? lui demande la grand-mère qui veut parler de l’immatriculation. On pourra le retrouver avec, espère-t-elle. Il ne doit pas s’en tirer comme ça ! Dis-moi, rassure-moi, tu as bien quelques renseignements à donner à ta famille et à la police ?
    - Hélas non ! Si j’avais su qu’il allait abuser de moi, je ne serais pas montée dans sa voiture ! Je n’aurais pas mis ma vie en danger !
    Hadja Taos se sent mal. Elle étouffe. Lynda doit se lever pour la maintenir. Elle appelle ses parents, paniquant à l’idée que sa grand-mère puisse faire une crise cardiaque.
    - Qu’est-ce qu’il lui arrive ? Il y a un moment, elle était bien, dit Abdenour, qu’est-ce que tu lui as dis qui l’ait bouleversée ?
    - Rien, ment Lynda. On parlait de tout…
    Ils l’étendent sur le lit puis vont chercher le médecin du village. Ce dernier examine Hadja Taos et les rassure. Elle s’est seulement évanouie.
    - Elle va revenir à elle.Seulement, il faudra éviter de la stresser. Les fortes émotions ne sont pas faites pour elle. Elle n’est plus jeune, leur rappelle-t-il. Il faut aussi éviter de la contrarier.
    - Nous n’avons aucun problème, lui affirme Abdenour en regardant Lynda. Enfin, pas que je sache.
    Il raccompagne le médecin chez lui. Hadja Taos revient à elle, pendant ce temps. Ourida, sa belle-fille et mère de Lynda, est aussi à son chevet. Hadja Taos tend la main à sa petite fille. Elle veut l’avoir près d’elle. Elles pleurent ensemble. Ourida est intriguée mais elle sent que l’heure est grave. Il s’est passé quelque chose. Hadja Taos n’attend pas ses questions pour la mettre dans la confidence. A son tour, Ourida manque de se trouver mal mais la peur d’être surprise par son mari ou par ses fils lui donne du courage. Elle est aussi pâle que morte mais elle est debout.
    - Il ne faut pas qu’ils sachent. Les garçons seront impitoyables avec elle, dit-elle. Cela doit être un secret entre nous trois ! Est-ce clair ?
    - Oui, mais il faudra la surveiller, murmure Hadja Taos. Durant les semaines à venir, elle restera ici.
    - Pourquoi, veut savoir Ourida. Et s’ils finissent par se douter de quelque chose ?
    - On n’a pas le choix, insiste la grand-mère. Tu n’y penses pas mais elle pourrait être enceinte.
    Le dernier mot lui coupe le souffle. Elle a pensé qu’il n’allait rien arriver de pire. Sa belle-mère vient de lui rappeler que le pire est peut-être pour les semaines à venir. Elles allaient vivre dans l’angoisse pendant tout ce temps à l’insu du reste de la famille.

    Dernière publication sur 1.Bonjour de Sougueur : Mon bébé, Justin, me manque beaucoup

  24. Artisans de l'ombre Dit :

    “Le poids des tabous…” 25e partie
    Par : Adila KATIA

    Il leur est difficile de sourire. Maintenant qu’elles savent. Elles ne sont plus les mêmes. Hadja Taos ne quitte plus sa petite-fille. Elle la sait plus fragile qu’avant. Ce qu’elle a vécu peut la pousser à l’irrémédiable. Elle craint pour sa vie. La nuit, Lynda fait des cauchemars. Même si elle ne les lui raconte pas, la vieille grand-mère devine que chaque soir que Dieu fait, elle revit le viol. Ce n’est pas facile. Chaque minute est un moment de lutte pour oublier. Mais comment oublier quand elle porte encore des traces sur le corps ? Quand chaque minute de sommeil est un retour en enfer ? Lynda, qui n’aime pas le café, s’y est mise, croyant que ce breuvage pourra l’aider à veiller. Elle ne veut pas dormir et être surprise dans son cauchemar.
    - Il faut garder le sourire, lui dit sa grand-mère. Sinon, ils finiront par se douter de quelque chose. Au lieu de garder la chambre, tu peux rester au salon. Tu pourras regarder la télé. Ces murs ne doivent pas te donner l’envie de détendre !
    - Tu veux parler des posters que j’ai enlevés ? répond Lynda qui les a arrachés dans un moment de colère.
    Les jours heureux et pleins d’insouciance sont loin derrière elle. Les posters de ses chanteurs et acteurs préférés le lui ont rappelé sans cesse. Elle en a eu marre et n’a pas hésité à les réduire en confettis.
    Plus de musique, plus de lumière autour d’elle. Depuis le soir où elle a été violée, elle a le sentiment que même en s’avançant en plein soleil, tout est obscur autour d’elle.
    Elle n’est pas sortie une seule fois depuis son retour au village. Ses frères ne la reconnaissent plus. Elle est si silencieuse, si discrète que parfois ils la croient partie. Il faut qu’Ourida leur demande de ne pas faire de bruit pour qu’ils se rendent à l’évidence qu’elle est bel et bien là.
    - C’est bizarre ; les autres ont encore cours. Pourquoi ne leur demande-t-elle pas de les lui apporter ?
    - Elles n’étudient pas le journalisme, répond Ourida. Et puis, elle aura tout le temps de rattraper les cours qu’elle a ratés. Elle sera prête pour les examens !
    - Oui, je sais qu’elle et la réussite sont amies depuis toujours, dit l’aîné des garçons. Mais si elle continue à s’enfermer, à se couper du monde, elle n’ira pas loin !
    - C’est bien pensé mais elle a besoin de repos, dit-elle. Allez, laissez-moi tranquille maintenant !
    - Pas avant que tu m’aies dit ce qui lui arrive, insiste l’aîné Tewfik. Elle n’est plus la même. C’est comme si quelque chose s’est brisé en elle, remarque-t-il. Je ne l’ai pas vu sourire et encore moins entendu rire depuis son retour. Il s’est passé quelque chose, n’est-ce pas ? Elle qui adorait nous embêter, s’est faite si petite qu’il faut une loupe pour la trouver !
    - Tu exagères, rétorque Ourida qui commence à s’énerver. Elle est seulement malade !
    - De quoi, veut-il savoir.
    - Elle, elle a rompu avec Lyès, lâche-t-elle d’un coup, contrainte à en dire un peu pour avoir la paix.
    Tewfik fronce les sourcils et s’apprête à lui poser d’autres questions quand elle est sauvée par la sonnette de l’entrée. Ils n’attendent personne.
    On est en début de soirée.
    - Quoi ? Toi ici, entend-elle depuis la cuisine. Dire qu’on vient juste de parler de toi !
    - Ah oui ! Lynda t’a parlé de moi ?
    Ourida ne reconnaît pas la voix alors elle décide de voir qui est ce visiteur. Elle fronce les sourcils en voyant Lyès. Elle les précède au salon. Elle prend de ses nouvelles mais elle ne tient pas en place tant elle est troublée par sa visite. Elle ne s’y attendait pas. Tout comme Lynda qui devient livide en apprenant sa présence, à la maison.
    - Je lui ai dit que tout était fini. Je ne veux pas le voir. Qu’il reparte tout de suite !
    - Il est certainement venu pour se réconcilier avec toi, lui dit son frère.
    Rien que pour ce geste, il doit être pardonné, quoi qu’il ait fait.
    - Il n’a rien fait, répond la jeune fille. Je ne l’aime plus. Que faut-il que je fasse pour qu’il le comprenne enfin ?
    - Il veut te parler. Tu devrais l’écouter. Je suis sûr qu’il saura toucher ton cœur, insiste son frère. Accepte de le recevoir.
    Lynda se sent trop faible pour se quereller. Elle cède et quand deux minutes plus tard, Lyès entre, elle prend conscience de ce qu’elle a perdu. Plus que jamais.
    Elle en souffre terriblement. Peut-il seulement le savoir ?

    Dernière publication sur 1.Bonjour de Sougueur : Mon bébé, Justin, me manque beaucoup

  25. Artisans de l'ombre Dit :

    “Le poids des tabous…” 26e partie
    Par : Adila KATIA

    Lynda se tourne quand il entre. Elle ne veut pas le regarder dans les yeux. Elle ne veut pas les voir. Elle ne résisterait pas. C’est difficile de se faire à l’idée que malgré tout ce qu’elle lui a dit, il est venu voir sa famille.
    - Bonjour Lynda !demande-t-il sans attendre sa réponse. Comment vas-tu ?
    La jeune fille ne lui répond pas.
    - J’étais très inquiet, poursuit-il. Tu sais combien je t’aime.
    - Je t’ai dit de ne plus revenir, souffle-t-elle en fermant les yeux, laissant couler des larmes. Tout est fini entre nous !
    - Je ne suis pas d’accord, dit-il. Je ne veux pas me séparer de toi. J’ai parlé à mes parents, à ton oncle, à tes cousins. On se fiancera quand tes parents et tes frères le voudront ! Et on se mariera quand tu le voudras. Lynda, je t’aime ! Tu comprends ? Je t’aime !
    Lyès la regarde bouger la tête. Elle essuie les larmes qui lui brouillent la vue.
    - Je ne peux pas. Il faut t’y faire ! Tu es un garçon bien, charmant et ton avenir est prometteur, dit-elle en jetant un coup d’œil vers lui. Tu finiras par trouver une femme qui saura faire ton bonheur ! Moi, je ne suis pas celle qu’il te faut ! Le jeune homme s’emporte et se met à gesticuler tout en lui répétant pour la énième fois :
    -Comment te mettras tu en tête que je t’aime ? Je ne veux pas d’une autre, tu comprends ? Et je suis le seul à savoir ce qu’il me faut !
    El hadja Taos les rejoint. Il la prend à témoin.
    - Elle est devenue folle ma parole, s’écrie-t-il. Je lui dis que je tiens à elle et tout ce qu’elle trouve à dire, c’est que c’est fini ! Pourquoi ?
    - Comme ça, lâche-t-elle.
    - Ce n’est pas une raison valable. Je ne peux pas renoncer à toi, juste “comme ça”, réplique-t-il. Depuis que je me suis bagarré avec ton cousin, tu as changé !
    - Oui, pour toujours. Rentre chez toi et oublie-moi!
    - Ma fille, tu devrais lui donner une chance, intervient El hadja Taos. Il tient à toi. Laisse-lui une chance.
    Mais sa décision est prise. Pour qu’il s’y fasse, elle quitte sa chambre et va s’enfermer dans celle de ses frères. Elle s’adosse à la porte et pleure comme lorsqu’on a perdu un être cher. Lyès ne le sait pas mais si elle a coupé brusquement, c’est pour leur bien, à tous les deux. Leur histoire d’amour n’a aucune chance d’aboutir à du concret. A moins de lui dire la vérité.
    Elle imagine déjà sa réaction. Il ne la croira jamais.
    - Pars ! Pars…
    Si elle écoutait son cœur, elle irait de ce pas lui raconter ce qui s’est passé mais sa raison lui ordonne de rompre et de l’oublier lui et ses promesses d’amour éternel. Le jour où il saura, il la prendra en horreur. Elle ne doit pas se faire d’illusions. Il a beau l’aimer, le lui crier, vouloir à tout prix reprendre avec elle et fonder une famille, il la jettera comme une vieille chaussette. Elle ne serait pas la première à qui cela arriverait. Elle sursaute quand on frappe à la porte. Elle ferme les yeux en entendant Lyès, la prier de lui ouvrir.
    - Lynda, je ne peux pas repartir comme ça ! On ne peut pas se séparer ! On est fait l’un pour l’autre !
    - Non, pars ! Je t’en prie, pars !
    Elle entend son frère Tewfik parler.
    - Je reviendrais ! Tu entends, je reviendrais !
    Tewfik et Lyès sortent de la maison. Lyès le prie de la raisonner.
    -Je ne sais pas ce qu’elle a, reconnaît son frère. Depuis son retour d’Alger, elle n’est plus la même ! Je croyais que tu pourrais m’expliquer mais je vois que toi aussi, tu n’en sais pas plus que nous !
    -Tewfik, ce que je sais, c’est que je veux qu’on se marie ! Je t’en prie, essaie de lui parler !
    -Je te le promets !
    Lyès repart bouleversé. Lynda l’est aussi de son côté. Sa grand-mère l’a vite rejointe. Elle la trouve en larmes, sanglotant comme une petite fille. Le silence plane sur la famille plus que jamais consciente de sa douleur.

    Dernière publication sur 1.Bonjour de Sougueur : Mon bébé, Justin, me manque beaucoup

  26. Artisans de l'ombre Dit :

    “Le poids des tabous…” 27e partie
    Par : Adila KATIA

    -Mais tu pleures ! Je peux savoir pourquoi ?
    Lynda sursaute. Elle n’a pas entendu son frère entrer. Elle se demande quoi répondre à la question. Il a découvert qu’elle a menti. Si elle tient autant à rompre, il doit y avoir une raison valable. Elle n’en a pas. L’unique, celle qu’elle doit garder secrète, elle ne peut pas la lui dire. Personne ne doit savoir. Surtout pas ses frères.
    - Tu as des problèmes, n’est ce pas ? Si tu tiens autant à rompre, c’est parce que tu l’as promis à un autre ? Dis-moi si je suis dans le vrai ?
    - Tu te trompes, murmure-t-elle en reniflant. Ça n’a rien à voir. Je veux rompre parce que je sais que notre relation est vouée à l’échec !
    - Pourquoi ?
    - Comme ça, dit-elle. Je n’en peux plus, je ne le supporte plus.
    - Il ne te fait pas de misère, ni de scènes de jalousie. Il ne menace pas de te cloîtrer à la maison une fois que vous serez mariés ! Alors s’il n’y a rien de tout cela, il sera un mari parfait !
    -L’homme idéal, quoi, émet le frère aîné. Tant qu’il promettra de faire ton bonheur, je n’accepterai pas que vous vous sépariez !
    Lynda se tourne vers lui.
    - De quoi tu te mêles ?
    - Mais tu es ma sœur cadette et Lyès me paraît très bien, lui dit Tewfik. Si tu avais refusé sa demande depuis le début, je n’y aurais vu aucun inconvénient ! Mais puisque tu es sortie avec lui et surtout le fait que tout le monde est au courant, je me vois mal leur apprendre que tout est annulé !
    - Je n’ai de comptes à rendre à personne !
    - Si, rectifie Tewfik. Tu as des comptes à rendre à ta famille ! Mets toi en tête que tu resteras avec lui ! Je lui ai dis de revenir dans quelques semaines, pour fixer la date des fiançailles.
    - Non, pas ça ! s’écrie-t-elle.
    - Prépare toi à retourner à l’université dès la semaine prochaine, l’avertit-il. Il n’y a rien qui te retienne ici, et au cas ou tu es réellement malade, sois guérie avant samedi !
    Lynda a envie de s’entendre avec lui et surtout de ne pas être en conflit avec lui ou le reste de la famille. S’il se met en tête de se mêler de son problème, elle ne connaîtra plus la paix. Il fera tout pour qu’il en soit comme il l’a décidé. Tel qu’elle le connaît, il allait parler du problème à toute la famille. Uniquement pour qu’ils prennent parti avec lui. Elle n’allait pas s’en sortir !
    Lynda s’en va trouver sa mère et sa grand-mère pour les prier de ramener Tewfik à la raison.
    Elles comprennent ses peurs. Mais elles lui recommandent de ne pas trop en faire.
    - Ne te querelle pas avec lui, lui conseille sa mère, sinon il finira par se douter de quelque chose … quand tu retourneras à Alger, Lyès cherchera après toi. C’est à toi de le dissuader de tout annuler. Lorsque tes frères ne le verront pas revenir, ils ne penseront pas mal de toi !
    - Mais s’ils gardent contact malgré moi et font des projets pour moi ?s’écrie-t-elle. Imaginez la situation dans laquelle je vais me retrouver !
    Je vous en prie, n’assistez pas à ma seconde mort ! Je veux bien me faire à l’idée d’être privée des bonheurs les plus simples mais si papa et mes frères apprennent ce qui m’est vraiment arrivé, tout changera pour moi ! J’ignore comment ils réagiront.
    J’ai tellement peur de leur réaction que je préfère souffrir en silence !
    - Prie pour qu’ils ne l’apprennent jamais ! dit Ourida.
    Tu as toujours eu des problèmes avec tes frères, pour des futilités. S’ils l’apprennent, je peux te jurer qu’ils feront un malheur ! Alors, tiens-toi tranquille ! Lynda n’a pas le choix. Elle suit le conseil même si elle est persuadée que ce n’est pas une bonne idée. Aussi pour éviter toute querelle avec ses frères et en particulier Tewfik, elle décide de retourner à l’université.
    Un peu par chance, dès qu’elle arrive, elle apprend qu’elle peut changer de chambre.
    Elle est soulagée de ne pas avoir à supporter ses camarades de chambre qui semblent s’être faites du souci durant son absence. Nouara lui confie que chaque jour, Lyès est venu l’attendre.
    - Même ce matin, il était ici !
    - Merci pour l’information, répond-elle, en prenant toutes ses affaires pour s’installer dans sa nouvelle chambre. La jeune fille avec qui elle échange de lit est aussi soulagée qu’elle. Elle ne s’y attarde pas. Elle a beaucoup de retard dans ses cours. Alors elle va trouver ses camarades du groupe et se met à recopier les cours. Cela lui prend beaucoup de temps et surtout cela lui permet d’oublier.
    Qu’est-ce qu’elle ne ferait pas pour oublier ? La journée, elle y parvient mais quand vient la nuit, c’est de nouveau l’enfer. Pour elle et pour ses nouvelles camarades de chambre qui sont désemparées et impuissantes devant tant de souffrance.

    Dernière publication sur 1.Bonjour de Sougueur : Mon bébé, Justin, me manque beaucoup

  27. Artisans de l'ombre Dit :

    “Le poids des tabous…” 28e partie
    Par : Adila KATIA

    -Tu penses pouvoir te lever ? demande Nouara. Lynda, appuie-toi sur moi !
    La jeune fille le voudrait bien, mais elle manque de s’évanouir lorsqu’elle s’est retrouvée debout. Sara, une de ses camarades de chambre, aide Nouara à l’asseoir sur une chaise. Elle la maintient par les épaules. C’est Sara qui est allée voir Nouara afin de lui apprendre que Lynda n’était pas bien depuis la veille.
    -Depuis quand es-tu malade ?
    -Hier, je crois, murmure-t-elle avant que Sara ne l’interrompt pour rectifier.
    -Non, depuis avant-hier ! Je croyais que cela lui passerait. Je suis allée voir ma famille, poursuit-elle. Quand je suis rentrée tout à l’heure, j’avoue avoir paniqué en la trouvant dans cet état !
    -Et les autres ? Elles auront pu demander de l’aide, dit Nouara.
    -Elles n’étaient pas là, lâche Lynda en fermant les yeux, pour ne pas voir les murs de la chambre tourner autour d’elle.
    Nouara remarque son teint pâle et ses yeux bleus se refermer d’un coup. Elle a juste le temps de l’attraper avant qu’elle ne tombe de la chaise malgré la vigilance de Sara.
    -Aide-moi à la porter jusqu’au lit !
    Elles la mettent sur le lit. Nouara prend une serviette et la mouille avant de la passer doucement sur son visage. Lynda finit par bouger la tête et ouvre doucement les yeux. Elle a le souffle court.
    -Je vais voir s’il y a quelqu’un à l’infirmerie ! dit Nouara. Sinon on appellera une ambulance ! On ne peut pas la laisser dans cet état !
    à l’infirmerie où il n’y avait pas de médecin, l’infirmier lui donne un calmant et lui conseille de voir un médecin si les vertiges persistent.
    -Je crois que j’ai trop travaillé, dit-elle, tout en prenant la boîte de jus d’orange que Sara était allée lui acheter. Merci… Je crois que je vais rentrer chez moi.
    -Mais tu tiens à peine debout toute seule ! s’écrie Nouara. Tu ne peux pas voyager dans cet état !
    -Il n’y a qu’auprès de ma famille que je pourrais me reposer et qui pourra prendre soin de moi. Préviens-la de mon arrivée !
    Nouara est d’accord avec elle. Elle accepte de faire ce qu’elle lui demande. Elle lui prépare aussi ses affaires et l’accompagne à la gare routière. Lynda rentre chez elle. Durant tout le voyage, elle dort.
    à son arrivée, son père est déjà là, à l’attendre. Il s’inquiète en la voyant si pâle, si amaigrie. Toute la famille est sous le choc. Lynda tient à peine debout, et quand elle se plie de douleur, ils décident de l’emmener à l’hôpital. El hadja voudrait les accompagner. Elle pense que sa petite-fille est enceinte…

    Dernière publication sur 1.Bonjour de Sougueur : Mon bébé, Justin, me manque beaucoup

  28. Artisans de l'ombre Dit :

    “Le poids des tabous…” 29e partie
    Par : Adila KATIA

    Aux urgences, le médecin de garde s’occupe vite de Lynda. Elle a toujours de la fièvre et ne peut pas déplier les jambes. La position allongée rend la douleur insupportable. Elle reste donc recroquevillée, empêchant le médecin de l’examiner.
    - Est-ce que vous pouvez me laisser l’examiner ? demande-t-il à Abdenour et à Tewfik qui se tiennent près d’eux lorsqu’il remarque la robe maculée de sang.
    - D’après ce que je sais, elle a pris…
    Le médecin l’interrompt.
    - C’est à moi de le découvrir, leur dit-il avant d’appeler l’infirmière pour qu’ils l’emmènent effectuer une radio. Vous pouvez rentrer chez vous. Elle ne rentrera pas avec vous ce soir. Elle a besoin d’une surveillance médicale.
    - C’est si grave que ça, une indigestion ? s’inquiète le père.
    - Oui, mais ne vous faites pas de soucis, sa vie est hors de danger.
    Lynda est emmenée au bloc de radiologie et le médecin ne lui fait pas n’importe quelle radio. L’échographie révèle la présence du fœtus. Elle est en train de le perdre.
    - Vous êtes fiancée ?
    - Non.
    - Comment êtes-vous tombée enceinte ?
    - Je ne suis pas enceinte, répond-elle. Ce sont mes règles. Elles me font souffrir un peu plus que d’habitude, c’est tout !
    - Regardez…
    Elle se tourne vers l’écran et quand il refait l’examen, il lui montre la petite masse.
    - Le voilà, lui dit-il. Alors ?
    - Non, pas ça !
    Lynda s’est mise à pleurer, réalisant que sa famille allait apprendre qu’elle est enceinte. Ils n’allaient pas la croire. Jamais plus, ils ne lui feront confiance. Ses frères redoubleront de méchanceté. Si avant, elle a été gratuite, maintenant ils la justifieront. Ils auront tous les droits.
    - Je vous en prie, ne le dites pas à ma famille ! Mes frères seront capables de me tuer !
    - Vous êtes en train de faire une fausse couche, lui apprend-il.
    - Mais vous leur direz !
    - Ce sera à vous de leur expliquer,
    dit-il.
    - J’ai, j’ai été… j’ai été violée, lâche-t-elle.
    - Par votre ami ?
    - Non, je ne le connais pas, sanglote-
    t-elle.
    - Vous n’auriez pas dû aller avec lui, lui reproche-t-il.
    - Il devait juste me déposer, pas me
    violer.
    - Pourquoi n’avez-vous pas porté
    plainte ?
    - Je ne le connaissais même pas . Il faisait nuit, je n’aurais même pas pu le leur décrire. Et puis ma famille aurait su. J’avais tellement peur.
    - S’ils avaient su à temps, ils ne seraient pas choqués d’apprendre la nouvelle. Vous auriez dû en parler à la police. C’eut été l’unique solution pour vous mettre à l’abri de leur colère !
    Lynda n’aura plus le temps d’y penser. La douleur est insupportable. L’infirmière lui fait une injection. Et c’est l’unique souvenir qu’elle garde de sa nuit à l’hôpital.
    Quand elle se réveille, c’est déjà le matin et sa mère est là. Elle est en larmes. Lynda détourne la tête, ne supportant pas cette image. Et surtout, la pensée qu’elle allait devoir affronter sa famille. Comme si ce drame n’était pas suffisant. Chaque jour, chaque nuit depuis l’instant malheureux où elle est montée dans la voiture de l’inconnu, ont été un enfer sans pareil. Mais celui qui l’attend est indescriptible. Son père et ses frères ne lui pardonneront pas d’avoir déshonoré la famille.
    - Ton père ne veut plus te parler. Il tient à ce que tu saches que tu es interdite de sortie. Tu ne retourneras pas à l’université !
    - Ce n’est pas de ma faute !
    - Je te crois Lynda mais pour eux, tu es responsable de tes actes. Pour eux, tu n’as pas été violée ! répond Ourida. Tu es à l’origine du problème. Ils vont te le faire payer. Garde-toi de toute remarque et surtout ne répond pas à la provocation de tes frères ! Ils pourraient s’en prendre à toi et je ne pourrais pas les arrêter.
    Lynda ne le sait que trop bien.
    Depuis cette nuit, c’est toute une vie qui en a été bouleversée. En plus d’avoir à se battre avec ses fantômes, elle allait devoir se procurer la force et la patience de survivre. Car, pour ses frères elle n’est point une victime.

    Dernière publication sur 1.Bonjour de Sougueur : Mon bébé, Justin, me manque beaucoup

  29. Artisans de l'ombre Dit :

    “Le poids des tabous…” 30e partie
    Par : Adila KATIA

    La maison est en deuil. La colère de son père Abdenour est terrible. Il ne l’a pas frappée mais lui a interdit d’être dans la même pièce que lui. L’approcher, c’est hors de question.
    Le reste de la famille est partagé. Les frères ne ratent aucune occasion pour la faire souffrir. Il ne se passe pas un jour où Lynda ne reçoit une gifle ou un coup dans le dos. Pour les éviter, dès dix-sept heures, elle ne sort pas de sa chambre. Mais le moment de paix est de courte durée. Parfois ils justifient leur colère par le fait qu’elle est restée à ne rien faire dans sa chambre au lieu de les servir.
    - Tu n’es jamais au bon endroit et au bon moment ! Si tu n’étais pas sortie cette nuit-là, il ne te serait rien arrivé ! Tu serais encore la favorite de toute la famille, lui dit son frère Tewfik.
    Tu comprends maintenant pourquoi on tenait à ce que tu n’ailles pas étudier à la fac ? Tu comprends… on savait que tu auras des ennuis mais jamais on n’a pensé qu’on risquait d’être déshonorés !
    - J’ai été agressée, se défend Lynda au risque de recevoir une nouvelle gifle. Tu crois que j’ai voulu que cela m’arrive ?
    - Tu n’aurais jamais dû sortir. On ne serait pas dans le pétrin, insiste-t-il. Qu’est-ce qu’on va faire de toi ? Qui voudra de toi ?
    - Personne ne sait à part vous. Et puis, je n’ai pas tué, se défend-elle. C’est moi qui souffre. C’est ma vie qui est gâchée. Comment peux-tu croire que je puisse l’avoir voulu ?
    - Tu n’avais pas conscience du danger. On n’aurait jamais dû te laisser partir. Toi, tu avais toutes les raisons de vouloir vivre comme tu veux, sans avoir de compte à rendre, mais nous on devait se mettre à l’abri des commérages, dit Tewfik.
    On est aussi responsables que toi.
    - Vous ne recevez pas de raclée pour autant, intervient Hadja Taos qui vient d’entrer à la cuisine. Vous êtes tous montés contre elle. Tout ce qui lui est arrivé est dû à la malchance. Et vous, vous la tenez pour responsable. La pauvre petite, ma petite fille adorée, j’ai tant de peine. Tu ne mérites pas ce qui t’est arrivé.
    - Je suis d’accord avec toi, murmure la jeune fille au bord des larmes. Si seulement papa faisait un effort pour comprendre.
    Hadja Taos a été si déçue par la dureté de son fils qu’elle en a éprouvé du chagrin. Qu’il punisse Lynda, elle peut le comprendre et même l’accepter, mais qu’il lui interdise de sortir de sa chambre quand il est à la maison, elle ne le peut pas. Il refuse à ce qu’elle s’adresse à lui. Il est si furieux que c’est un miracle qu’il ne l’ait pas reniée. Hadja Taos n’est pas prête d’oublier le jour où ils ont été informés par le médecin de garde de la fausse couche de Lynda. Son fils Abdenour est tombé malade de colère et de déception. Le choc a été rude. Il n’aurait pas supporté d’être humilié.
    Personne n’est au courant à part eux. Ils ne sont pas prêts de le raconter aux autres.
    Quand il a fallu chercher Lynda de la maternité où elle a passé deux nuits, son fils Abdenour a demandé à ce que Tewfik la prenne en voiture et la dépose loin de la région.
    - Donne-lui de l’argent, dis-lui qu’elle n’a plus de famille ! Qu’elle ne revienne plus ici !
    Hadja Taos n’a pas dû user que de prières et de larmes pour qu’il accepte son retour à la maison. Elle a aussi menacé de partir à travers le pays pour rechercher sa petite fille.
    - Je te jure que tu ne me reverras pas, lui a-t-elle dit. Si tu crains vraiment le qu’on-dira-t-on, tu devrais vite revenir sur ta décision ! Car, moi aussi, j’ai pris la mienne et je ne risque pas de fléchir.
    - Soit ! Qu’elle revienne mais je ne veux pas entendre sa voix, je ne veux plus la voir. Si par malheur cela arrive, je ne me retiendrais pas ! Je la tuerais !
    Hadja Taos sait combien il est buté quand il est en colère. C’est la raison qui la pousse à suivre sa petite fille à travers la maison depuis qu’elle s’est rétablie de sa fausse couche.
    Les semaines ont passé si vite, et il y a plus d’un mois et demi depuis qu’elle est interdite de sortie. C’est aussi la première fois que Tewfik parle avec elle sans lui donner de coups. Elle trouve que c’est bon signe et regrette que son fils soit aussi inflexible avec Lynda.
    Cette dernière souffre tant. Comment peut-on être aussi insensible ? Elle voit bien que son fils n’est pas près de lui pardonner son écart de conduite, mais ce qui n’a pas échappé à son œil de mère, c’est que lui aussi souffre. Les décisions qu’il a prises dans la colère ne sont pas les bonnes mais il est trop fier pour le reconnaître.

    Dernière publication sur 1.Bonjour de Sougueur : Mon bébé, Justin, me manque beaucoup

  30. Artisans de l'ombre Dit :

    “Le poids des tabous…” 31e partie
    Par : Adila KATIA

    - Grand-mère, que vais-je devenir ?
    La question de Lynda n’est pas pour la rassurer. D’ailleurs, elle se le demande aussi. Elle se fait des soucis. Son fils refuse qu’elle reprenne ses études.
    - Je lui interdis de sortir ! Gare à elle si je la surprends dehors ou si quelqu’un me le rapporte, lui dit-il un matin où elle a abordé le sujet alors qu’ils prennent le petit-déjeuner en tête-à-tête. Elle a fait assez de mal à la famille, je ne lui donnerai plus l’occasion de refaire les mêmes erreurs.
    - Comment peux-tu être aussi dur avec elle ? C’est ta fille, lui rappelle-t-elle. La chair de ta chair et le sang de ton sang. Comment peux-tu te comporter en ennemi alors qu’elle a besoin d’être rassurée, d’être soutenue, poursuit Hadja Taos. Comment peux-tu croire qu’elle ait voulu faire du mal à sa famille alors qu’elle est la première à souffrir de la situation ?
    - Elle aurait dû y réfléchir avant. Maintenant, elle a toute la vie pour méditer sur son acte, réplique Abdenour. Si elle t’a chargée de me sensibiliser, dis-lui de ne pas se faire d’illusions. Sa vie s’est arrêtée le jour où elle nous a trahis ! À mes yeux, elle est morte !
    - Tu exagères, mon fils, elle ne nous a pas trahis, rectifie la vieille mère en pleurant. Sa chance l’a trahie. La pauvre petite ne vit plus depuis. Quel avenir aura-t-elle si tu ne la laisses pas reprendre ses études ?
    - Je t’ai dis de ne plus m’en parler, s’écrie Abdenour en se levant. Tu parles de son avenir alors que tu sais bien qu’elle a tout gâché ! Elle ne pourra pas se marier. Quant à dire aux autres ce qui lui est arrivé, plutôt mourir !
    - C’est la raison qui me pousse à insister, dit Hadja Taos. La meilleure solution pour elle et pour nous tous, c’est qu’elle reprenne ses études ! En la gardant à la maison, elle aura des demandes en mariage, et sachant ce qu’il en est, on ne pourra pas accepter. Si c’est un bon parti, on ne pourra pas expliquer notre refus. Alors ce que je te suggère mon fils, c’est de la laisser poursuivre ses études. Aujourd’hui, tu parles encore sous le coup de la colère mais pense à plus tard. Quand tu seras vieux et que ses frères seront mariés, elle sera à la merci de ses belles-sœurs.
    - Et alors ?
    - J’espère être morte avant, dit-elle à son fils. Je ne supporterais pas de la voir souffrir et être à la merci des autres. Qui sait ? Toi, tu tiens à la garder à la maison mais tu n’as pas pensé que les garçons, une fois mariés, ne voudront plus d’elle ici. Les belles-sœurs peuvent refuser qu’elle soit chez elles. Ne me dis pas que tes fils vont refuser ?
    - Tu n’en sais rien. Notre famille est fière et orgueilleuse. Ils n’accepteront pas, répond Abdenour, même si cette génération ne tient pas aux valeurs ! Mais c’est une question d’honneur !
    - Je veux bien croire que c’en est une mais les conditions dans lesquelles vivra Lynda, si ce n’est pas une question d’honneur, qu’est-ce que c’est, l’interroge-t-elle en s’emportant. Quand je pense à plus tard, aux misères de la vie, je te jure que mon cœur en est malade !
    - Tombe malade si tu veux, mais ne me parle plus d’elle ! Et je m’en fiche de plus tard. Quoi qu’il lui arrive, elle le mérite !
    Il part en claquant la porte du salon, laissant sa mère dans tous ses états. Ses petits-fils s’inquiètent en la voyant à bout de souffle. Ils se sont réveillés avec un peu de retard et ont raté leur père avec qui ils ont l’habitude de prendre le petit-déjeuner.
    - Qu’est ce qui s’est passé, demande Tewfik en l’aidant à s’étendre sur le canapé. Tu te sens mieux ?
    - Oui, beaucoup mieux. J’ai discuté avec votre père, lui confie-t-elle. Il m’a déçue, affreusement déçue.
    - Je devine que vous avez parlé d’elle, émet Tewfik en lui servant un verre d’eau. A la longue, tu vas devenir cardiaque ! Tu connais les sentiments de papa. Il ne veut plus entendre parler d’elle, et toi, tu passes ton temps à lui rappeler ce qu’elle a fait.
    - Je suis aussi sa grand-mère, lui rappelle-t-elle en se redressant un peu, s’appuyant sur le coussin qu’il vient de glisser derrière son dos. Je pense à votre bonheur et au mien aussi. Car, si l’un de vous est malheureux, comment pourrais-je avoir le cœur tranquille ? Comment pourrais-je finir ma vie paisiblement, dis-moi ? Quand tous ceux que j’aime ont le cœur triste !
    Elle ne peut s’empêcher de pleurer. Tewfik s’assoit et tente de la réconforter. Elle a vu juste. Toute la famille est triste. Et rien ne semble pouvoir chasser leur tristesse.

    Dernière publication sur 1.Bonjour de Sougueur : Mon bébé, Justin, me manque beaucoup

  31. Artisans de l'ombre Dit :

    “Le poids des tabous…” 32e partie
    Par : Adila KATIA

    - Laisse le temps chasser la tristesse de nos cœurs, dit Tewfik à sa grand-mère.
    - J’ai hâte de voir ce temps arriver, soupire-t-elle. S’il tarde, je crains de ne plus être de ce monde.
    - Cesse de parler de mort, grand-mère ! Tu me donnes la chair de poule, lui répond Tewfik en ne finissant pas le café qu’il s’est servi. Tu sais combien je t’aime et j’ai horreur que tu joues avec mes sentiments !
    - Je n’en ai pas le cœur. Mais dis-moi, comment pourrais-je aspirer à vivre plus longtemps quand votre sœur est déjà enterrée alors qu’elle n’a pas vingt ans ? J’en ai le cœur brisé.
    - Qu’est-ce que tu veux grand-mère ? Qu’est-ce que tu veux que je fasse ?
    Hadja Taos lui demande de s’asseoir. Elle a l’intention de profiter de son inquiétude pour elle, pour faire pencher la balance en faveur de Lynda. Sans le soutien du reste de la famille, elle ne pourra rien pour elle. Elle prend la main de son petit-fils et la serre contre son cœur. Elle sait qu’il va l’écouter et même l’aider. Elle a conscience que ce ne sera pas facile mais s’il persiste et insiste, Abdenour finira par les écouter, d’ici quelque temps.
    - Je ne te demanderais pas l’impossible, lui dit-elle. Je voudrais que tu parles à ton père ! Lynda ne risque plus de faire les mêmes erreurs ! Il faut qu’elle termine ses études pour être indépendante financièrement, plus tard. Aujourd’hui, tu es jeune et célibataire mais dans quelques années, tu vas te marier et avoir une famille à ta charge. Imagine qu’elles ne s’entendent pas, il te faudra alors tout partager ! Ce sera invivable tandis que si elle travaille, tu n’auras que sa présence à supporter ! Est-ce que tu me comprends ? Je ne veux pas que vous ayez des problèmes, plus tard !
    - Je ne te promets rien, répond son petit-fils. Mais je te promets que je lui parlerai.
    Dès que ces derniers sont partis à leur travail, Lynda peut enfin sortir de sa chambre. Elle a entendu sa mère l’appeler.
    - Viens prendre ton petit-déjeuner !
    Lynda comme d’habitude, va au salon où elle passe un bon quart d’heure à discuter avec sa grand-mère. Celle-ci a tenu à la mettre au courant.
    - Il n’a pas dû sauter de joie, remarque-t-elle. Je ne le reconnais pas. Enfin, je croyais connaître papa.
    - Il est seulement en colère. Son orgueil en a pris un coup, répond Hadja Taos. Ce n’est pas facile pour lui. Il croit avoir pris la meilleure solution pour te mettre à l’abri des coups de la vie pour t’éviter de mettre les pieds là où il ne faut pas.
    - Je peux le comprendre, murmure la jeune fille. Mais il a juré, il ne me laissera pas mettre les pieds dehors. Même pas pour aller voir un médecin.
    En fait, elle a besoin de voir un psychologue. Elle ne dort plus beaucoup. Son sommeil est toujours troublé par des cauchemars. Heureusement pour elle, sa grand-mère dort avec elle. Elle est toujours là, pour la réveiller et la tirer des bras de son agresseur. Puis, elle lui parle à l’oreille, si doucement qu’elle finit par s’endormir, en paix, rassurée, se sachant en sécurité.
    - Mon ange gardien, dit-elle à sa grand-mère en la serrant dans ses bras, les larmes aux yeux. Tu te donnes tout ce mal pour moi. Que je serais-je devenue sans toi ?
    Lynda se rappelle sans joie le jour où elle est rentrée de la maternité. Sans la présence de sa grand-mère, elle ignore comment se serait passé son retour.
    Son père l’aurait certainement battue à mort tant la colère l’aveuglait. Même quand elle est dans sa chambre et qu’elle l’entend marcher dans le couloir, elle sent dans chaque pas qu’il fait sa colère et son envie de s’en défaire. Il ne veut plus la voir ni même l’entendre. Cela fait des semaines qu’elle surveille son départ et son retour du travail. Le vendredi, elle ne quitte pas sa chambre. Sa mère Ourida lui apporte son déjeuner. Elle sent combien cette journée pèse lourd sur les épaules de son père. Il sort parfois pendant une heure ou deux pour respirer tranquillement mais il rentre quand même, n’ayant pas où passer la journée. Il a besoin de se reposer. Lynda sait qu’il n’en peut plus. À ce rythme, tous deux feront une dépression.
    Elle voit bien que toute personne qui prononce son prénom rend son père nerveux. Si la discussion tarde, il laisse sa colère exploser. En l’entendant claquer les portes, ce matin, elle a deviné que sa grand-mère a encore osé lui parler d’elle. Sans joie, elle pense que cela doit gâcher toute la journée de son père, surtout si son frère prend la relève et tente de lui donner une autre chance. Lynda craint la réaction de son père car il ne tardera pas à rentrer et à crier ce qu’il a sur le cœur. Elle sait que ce soir, elle doit s’attendre à tout, à avoir une nouvelle chance ou à subir une nouvelle sentence.

    Dernière publication sur 1.Bonjour de Sougueur : Mon bébé, Justin, me manque beaucoup

  32. Artisans de l'ombre Dit :

    “Le poids des tabous…” 33e partie
    Par : Adila KATIA

    Lynda ne s’est pas trompée. Durant toute la journée, elle a eu le pressentiment que son père n’allait pas sauter de joie en entendant Tewfik prendre la défense de celle qui a osé les humilier. Et surtout, elle est certaine qu’il a dû ruminer sa colère. Quand il rentre et claque la porte d’entrée comme au petit matin, après avoir discuté avec sa grand-mère. Lynda sait qu’il allait s’en prendre à sa mère et mettre les points sur les i. Le message s’adressant à toute la famille. Personne ne doit prendre l’initiative de tout effacer, pour qu’elle puisse reprendre sa vie là où elle a été interrompue.
    - Quand je dis que je ne veux plus parler d’elle, je crois que c’est clair ! Elle n’est plus ma fille. Pour moi, elle est morte ! Comment faire des projets pour une morte ? Ourida, dis à tes fils de me laisser en paix. Au cas où je deviendrais fou, je risque de m’en prendre aussi à eux ! Tu les préviens. Est-ce que c’est clair ?
    - Ils trouvent tous qu’elle a droit à une autre chance, ose-t-elle dire alors que d’habitude, elle n’a pas le courage d’émettre ses opinions. Même ta mère. Tu pourrais par respect pour elle, faire un effort ! Elle se fait un sang d’encre pour Lynda !
    - Chut ! Qu’est-ce que j’ai dit ? Je ne veux plus entendre son prénom. Quand tu parles de ma mère et de respect, j’ai envie de te frapper ! Vous l’avez gâtée au point de la pourrir. Oui, ce n’est pas de sa faute. On y est tous pour quelque chose, poursuit Abdenour. J’aurais dû écouter les garçons quand ils me demandaient de ne pas la laisser partir à Alger ! Je regrette de ne pas l’avoir fait. Cela nous aurait évité de nous faire humilier de la sorte ! De la pire façon qui soit sur terre, pour un père aussi fier que moi !
    - C’est aussi par fierté que tu refuses de la voir, ose-t-elle lui dire. Tu souffres autant qu’elle et tu voudrais que personne ne s’en rende compte ! Mais on la sent ta douleur. Comme tu viens de le dire, les garçons ont toujours été durs avec elle mais depuis quelque temps, ils laissent parler leur cœur !
    - Ah oui, s’écrie Abdenour alors que Hadja Taos sort de sa chambre où elle se repose. Les cris ont attiré son attention.
    - Non, maman, ne te mêle pas de ça ! Je te l’ai demandé ce matin. Elle appartient au passé !
    - Vous parlez de quoi ?
    - De ta chère petite-fille, répond Ourida. Apparemment, les garçons sont plus compréhensifs que lui et il ne le supporte pas.
    - J’ai toujours su que mes petits-fils chéris ont bon cœur, même si les apparences ne jouent pas en leur faveur, remarque la grand-mère, heureuse d’apprendre que Tewfik a tenu parole. Ils ont compris que Lynda n’était pas maîtresse de la situation. Elle ne se serait jamais mise dans le pétrin. C’est ce que je lui ai dit mais il ne veut rien entendre, soupire Ourida. Et, j’en ai marre de l’entendre crier sans raison.
    - Moi aussi, dit Hadja Taos. Ce n’est pas parce qu’il est arrivé un malheur à Lynda que la vie ne doit pas suivre son cours normal.
    - Pour moi, rien ne sera comme avant ! Vous voulez faire semblant ? Soit, faites ! Mais respectez moi. Pour moi, elle n’existe plus, elle est morte et enterrée ! Quant à la laisser sortir et retourner à ses études, c’est hors de question ! Inutile d’insister ou de vous liguer contre ma décision car tant que vous vivrez tous ici, c’est moi qui décide ! Est-ce clair ?
    Hadja Taos proteste. Elle voudrait poursuivre la conversation avec lui mais il repart, préférant la fuir pour ne pas lui donner cette occasion. Lynda sort de sa chambre et tente de sourire à sa mère et à sa grand-mère. Elle voudrait les remercier. Elle sait qu’il n’est pas facile de tenir tête à son père quand il est furieux. Plus que jamais, elle a conscience qu’il faudrait l’intervention des anges pour amadouer son père. Ses frères n’y sont pas arrivés. Elle apprécie leur geste à sa juste valeur. Dommage que leur père n’ait pas été touché par leur sollicitude.
    - Tu les remercieras, demande-t-elle à sa grand-mère en allant l’embrasser. Ils ont tenté, ce n’est pas rien !
    - On y arrivera, la rassure sa grand-mère en la serrant un moment contre son épaule. Je te jure que tu retrouveras ta liberté. Je me battrais pour toi, jusqu’à mon dernier souffle. Sois-en certaine, dors tranquille ! Je veillerai toujours sur toi.
    - Je n’en doute pas, murmure la jeune fille. Je retourne à ma chambre. Il pourrait revenir.
    - Je viendrais discuter avec toi, dit Hadja Taos alors qu’elle se dirige vers sa chambre mais celle-ci refuse.
    - Je voudrais rester un peu seule ce soir ! Bonne nuit ! Je t’aime.
    Hadja Taos n’insiste pas. Elle va à la cuisine et tient compagnie à sa belle-fille qui finit de préparer le dîner. Elles ne parlent pas, conscientes qu’il faudra plus de temps que prévu pour forcer la main à Abdenour.
    - Lynda n’a pas mangé aujourd’hui, fait remarquer Ourida à sa belle-mère. Je vais l’appeler, peut-être qu’elle acceptera de se nourrir un peu.
    - Ç’a été une dure journée, laisse, je vais tenter de lui remonter le moral.
    Hadja Taos s’en va donc frapper à la porte de la chambre de Lynda. Personne ne répond. Elle s’inquiète en tentant d’ouvrir. La porte est fermée de l’intérieur et Lynda ne répond pas à ses appels.
    - Mon Dieu, faites que je me trompe, prie-t-elle alors qu’Ourida est sortie, chercher de l’aide. Faites que je dramatise pour rien !
    Mais comment ne pas imaginer le pire ? Lynda est à bout.

    Dernière publication sur 1.Bonjour de Sougueur : Mon bébé, Justin, me manque beaucoup

  33. Artisans de l'ombre Dit :

    “Le poids des tabous…” 34e partie
    Par : Adila KATIA

    - Lynda ! ouvre-moi ! la prie Hadja Taos en frappant du poing contre la porte. Ouvre, je te l’ordonne !
    Point de réponse, et toujours aucun bruit pour la rassurer. Elle en est maintenant certaine. Lynda est peut-être déjà morte. La déception de cette fin de journée après tout ce qu’elle a traversé ces derniers mois a été la goutte de trop. La grand-mère comprend que Lynda ait pu attenté à sa vie. La punition de son père, elle ne l’a plus supportée, elle a été dure, très dure même.
    - Lynda, ma petite fille chérie, je t’en prie, ouvre moi. Je refuse de croire que c’est trop tard !
    Hadja Taos se remet à frapper à la porte avec acharnement, espérant que ce n’est pas trop tard. Elle ne se pardonnera jamais de ne pas avoir su être là quand Lynda a eu besoin d’elle. Elle se reproche déjà de l’avoir laissée seule. Elle aurait dû faire comme elle en a l’habitude ; rester avec elle à toute heure du jour et de la nuit. Elle n’aurait jamais dû la laisser seule.
    - Qu’est-ce qui se passe ici ?
    - Lynda ne répond pas, apprend-elle à son fils sur qui Ourida est tombée en allant chercher de l’aide. Ce n’est pas normal. D’habitude, elle ne ferme pas à clef. Fais quelque chose, le prie-t-elle.
    - Où est le double de la clef ? demande Abdenour à Ourida qui ne s’en souvient plus. Va regarder dans le tiroir de la garde-robe !
    Ourida ne se contente pas que de regarder. Elle apporte toutes les clefs qu’elle y trouve. Abdenour les essaie toutes, et le soupir de soulagement de sa mère et le cri de sa femme quand il ouvre enfin le poussent à ne pas les laisser entrer.
    - Mais qu’est-ce que tu attends ? lui demande sa mère en tentant de pousser la porte qu’il maintient encore de la poignée. Elle est peut-être en train de mourir ! Pousse-toi. Je comprends que tu ne veuilles lui laisser aucune chance mais moi je l’aime. Elle pourrait être criminelle mais elle sera toujours un ange à mes yeux !
    - Tu crois vraiment qu’elle ait pu tenter de se suicider ?
    Hadja Taos ne lui répond pas. Elle le pousse et ouvre la porte.
    - Oh non ! Mon Dieu… J’en étais sûre… Mon cœur ne m’a pas trompée !
    Elle s’approche lentement du lit où est étendue Lynda et tombe à genoux, pleurant déjà sa petite fille bien-aimée. Elle ne se fait plus d’illusion. Ourida, qui vient d’entrer après elle, se met à crier en voyant le sang couler des mains de sa fille. Abdenour est choqué, ne bouge pas et ne peut pas détacher son regard du sang qui forme une flaque déjà.
    - Mon Dieu ! ma pauvre petite, pleure Hadja Taos en caressant sa joue. Pourquoi as-tu fais ça ?
    Ourida sort de la chambre en criant, s’en prenant à son mari.
    - C’est de ta faute si elle s’est suicidée ! Tu as tout fait pour qu’elle meure.
    - Je lui ai seulement interdit de retourner à la fac.
    - Tu ne lui parlais plus. Elle ne devait même pas sortir quand tu es à la maison. Tu ne voulais plus d’elle, tu la considérais pour morte et bien te voilà servi ! lui crie-t-elle. Je ne te le pardonnerai jamais.
    Les cris et les pleures se mêlent et s’entendent de loin. Des voisins accourent aux nouvelles et tentent de comprendre ce qui s’est passé. Quand ils entrent dans la chambre et voient Lynda se vider de son sang, ils pâlissent sous le choc. Hadja Taos est penchée sur son corps et ils doivent s’y prendre fermement pour qu’elle accepte de les laisser la toucher. Kader a le bon réflexe de vérifier si elle est encore en vie.
    - Elle n’est pas morte, leur dit-il. Apportez-moi des bandes… Je vais bander ses poignets ! Avec un peu de chances, elle s’en sortira !
    Ourida est si heureuse qu’elle se met à chercher dans les tiroirs de l’armoire à pharmacie mais elle n’en trouve pas. Elle prend un drap et en coupe de larges morceaux qui serviront de bandages.
    - Abdenour, sors ta voiture du garage, lui dit son voisin Kader. Il n’y a pas de temps à perdre.
    - Je ne pourrais jamais conduire, dit Abdenour.
    Les mains tremblantes, encore sous le choc mais il respire mieux. Sans l’intervention du voisin, ils seraient restés à la regarder se vider de son sang. Tous trois l’ont crue morte.
    - Tiens les clefs, sors-la, dit-il à Kader. Je vais la prendre, on part tout de suite.
    - Je viens avec vous, décide Hadja Taos. Je la tiendrai dans mes bras. Je veux qu’elle sache combien je l’aime.
    Abdenour prend sa fille et suit Kader jusqu’au garage. Hadja Taos les suit et s’assoit à l’arrière et la garde sur ses jambes, serrant sa tête contre sa poitrine. Le trajet jusqu’à l’hôpital leur paraît interminable. Tous savent que c’est une question de temps et qu’il joue en leur défaveur…

    Dernière publication sur 1.Bonjour de Sougueur : Mon bébé, Justin, me manque beaucoup

  34. Artisans de l'ombre Dit :

    “Le poids des tabous…” 35e partie
    Par : Adila KATIA

    Plus d’une heure passe avant que le médecin ne sorte pour les rassurer. Abdenour et sa mère ont attendu. Si Hadja Taos a passé le temps à se ronger les sangs et à regretter de ne pas avoir su être là au moment où Lynda s’est sentie seule et abandonnée face à la malchance qui semble s’acharner sur elle, son fils, lui, fait les cent pas. Il tourne en rond. Le couloir est trop étroit. Il ne lui suffit pas. Il est inquiet et s’en veut aussi. Il se sent responsable de l’acte désespéré de sa fille.
    Dans sa colère, il ne s’est pas rendu compte de sa dureté. Pour lui, il est normal qu’il la garde cloîtrée à la maison. Il ne veut pas qu’elle soit victime d’une autre agression. C’est pour sa sécurité qu’il a pris cette grave décision. Mais jamais il n’aurait cru qu’elle déciderait de mettre fin à sa vie, en croyant que cela ne le toucherait pas.
    Il veut que ce qui lui est arrivé lui serve de leçon. Il sait que toute sa vie en est bouleversée. La preuve, elle a voulu mettre fin à ses souffrances.
    - Je ne voulais pas, dit-il entre les dents.
    - Je n’en doute pas, répond Hadja Taos. Je sais combien tu l’aimes, mais dans ta colère, tu ne le lui as plus montré.
    - Je prie pour qu’elle s’en sorte. Je ne veux pas qu’elle meure.
    Lorsque le médecin pousse les battants du bloc opératoire, Abdenour va vers lui, vite imité par sa mère.
    - Comment va-t-elle ?
    - Sa vie est hors de danger. Que s’est-il passé ? veut-il savoir. Vous vous êtes querellés ?
    - Non, répond le père. On a été choqués en la découvrant dans sa chambre.
    - Est-elle étudiante ?
    - Oui.
    - Est-elle fiancée ? A-t-elle un ami ?
    Abdenour se tourne vers sa mère.
    - Oui, mais ils ont rompu, répond cette dernière. Elle souffrait de leur rupture. Mais on ignorait qu’elle en arriverait à tenter de se suicider.
    - Est-ce qu’on peut la voir maintenant ? demande Abdenour.
    - Non, pas ce soir, dit le médecin, vous attendrez demain !
    - Pourquoi ? l’interroge Hadja Taos. Pas même moi ?
    - Oui, Hadja, inutile d’insister, vous ne la verrez pas ce soir !
    Abdenour prend le bras de sa mère et se dirige vers la sortie. Le médecin les rappelle.
    - Ne partez pas tout de suite. Vous n’avez pas rempli le formulaire, lui dit-il. Cela ne vous prendra que quelques minutes.
    - Je l’ai déjà rempli, répond Abdenour en se dirigeant vers le service des admissions. Il n’y a personne.
    - Veuillez patientez. Il ne devrait pas tarder à revenir à son poste de travail. Il manquait un renseignement.
    - Et ça ne peut pas attendre demain ? rétorque Hadja Taos, contrariée de ne pas pouvoir voir Lynda.
    - Non, vous devez aussi répondre à certaines questions, dit le médecin.
    Hadja Taos ne comprend pas mais Abdenour s’attend à être interrogé. Il devine que la police ne va pas tarder à arriver.
    - On dira qu’elle a tenté de se suicider à la suite d’un échec sentimental. Pour ce qui est du reste, personne ne doit savoir, lui dit-il avant l’arrivée de deux policiers chargés d’enquêter sur la tentative de suicide de sa fille.
    Le médecin a chargé une infirmière d’appeler la police. La tentative de suicide lui a paru suspecte.
    - Vous êtes son père ?
    - Oui, pourquoi ?
    - J’ai quelques questions à vous poser, lui dit le plus âgé des policiers. Votre fille avait une raison particulière de vouloir mourir ?
    - Il y a eu un fait, il y a quelques semaines, répond Abdenour, mais j’ignorais que rompre avec son ami la pousserait à en finir avec la vie.
    - Vous en êtes sûr ? Il n’y a pas d’autres raisons ? poursuit l’autre policier en surveillant leurs regards.
    Personne ne voulait sa mort au sein de la famille ?
    - Non, souffle Abdenour en devenant livide. Lynda est une fille adorable. Elle adorait la vie !
    - Expliquez-moi alors comment une jeune fille qui adore la vie tente de se suicider ? Est-ce que ce ne serait pas quelqu’un d’autre qui lui aurait tailladé les veines ? émet le premier policier. Vous ou un autre membre de la famille ?
    Hadja Taos, scandalisée, décide d’intervenir. La question n’est pas pour elle, mais elle se doit de leur parler.

    Dernière publication sur 1.Bonjour de Sougueur : Mon bébé, Justin, me manque beaucoup

  35. Artisans de l'ombre Dit :

    “Le poids des tabous…” 37e partie
    Par : Adila KATIA

    - Que leur avez-vous dit ?
    Abdenour regarde tour à tour ses fils et sa femme Ourida.
    Il craint que ces derniers en aient trop dit.
    Il ne veut pas que leur entourage et les gens du village apprennent que Lynda a été violée. Il entend déjà les murmures derrière lui.
    Le sujet alimenterait les conversations pendant des semaines. Jamais il ne pourra le supporter. Il préfère mourir.
    - Rien, répond Tewfik.
    - Ils vous ont bien interrogés, n’est-ce pas ?
    - Oui, on leur a dit qu’elle ne s’était pas remise de sa rupture. Ils voulaient connaître l’adresse de son ami, lui dit sa femme Ourida.
    - Je ne voudrais pas que les gens médissent sur nous. Je ne le supporterai jamais, lâche Abdenour.
    Hadja Taos intervient et le rassure.
    - Tu te fais du souci pour rien, personne ne saura. Rends toi compte, vous avez dit la même chose. Si les policiers t’avaient vu donner un coup de fil, ils pourraient douter de vous, mais nous avons été interrogés en même temps. Tu verras, tout va rentrer dans l’ordre ! Et Lynda va s’en sortir.
    - Tu crois vraiment qu’elle ne fera pas de problèmes, lui demande son fils. Après toutes les misères qu’elle a vécues, je comprendrai, je n’espère plus son pardon.
    - Mais toi, es-tu prêt à faire un effort pour que tout redevienne comme avant ? Si tu veux sauver ce qui reste, insiste sa mère, c’est encore possible !
    - Lynda va vite se remettre, seulement, pour qu’elle oublie, tu devras la laisser retourner étudier !
    - S’il le faut, je ne refuserai pas. Elle est passée à côté de la mort, deux fois. Je ne m’en suis rendu compte que ce soir, soupire Abdenour, j’espère qu’elle saura me le pardonner.
    - Tu ne le regretteras pas, dit Hadja Taos. Je sais qu’il t’en coûte mais c’est l’unique solution pour que tout redevienne comme avant.
    Lynda sera heureuse en apprenant la nouvelle !
    - Il faudrait déjà qu’elle sorte du coma !
    Toute la famille se fait du souci et ne parvient pas à trouver le sommeil. Abdenour ne s’est pas allongé, pas même quelques minutes.
    L’inquiétude ne lui a laissé aucun répit.
    Il n’a cessé de marcher de long en large. Il est allé d’une pièce à une autre et l’unique endroit où il n’a pas osé pénétrer, c’est la chambre de sa fille. Il sait que le sang n’a pas été nettoyé et il ne veut pas le voir.
    Ce qu’il a vu, il y a quelques heures, le tourmentera toute sa vie si sa fille ne s’en sort pas.
    Hadja Taos est prête à partir dès la première heure.
    Elle est pressée.
    - Elle doit être réveillée, lui dit-elle. La police doit l’avoir interrogée. Tu n’as rien à craindre, le rassure-t-elle. Tout va bien se passer !
    Il est prêt de huit heures quand ils arrivent mais ils ne trouvent pas Lynda aux urgences.
    Ils apprennent qu’elle a été amenée au service de médecine interne.
    Ils vont au troisième étage et trouvent enfin Lynda. Abdenour n’est pas entré dans la chambre.
    Sa mère y est allée seule. Lynda n’est pas réveillée même si elle a repris conscience durant la nuit.
    - Je suis là, murmure la vieille grand-mère en s’asseyant près d’elle, avant de prendre sa main. Ne t’en fais pas, tout va bien. Je suis là.
    Des éclats de voix lui parviennent et la réveillent. Deux policiers sont entrés et ont demandé à Hadja Taos de sortir. Ils sont venus interroger Lynda.

    Dernière publication sur 1.Bonjour de Sougueur : Mon bébé, Justin, me manque beaucoup

  36. Artisans de l'ombre Dit :

    “Le poids des tabous…” 38e partie
    Par : Adila KATIA

    Un des policiers reste dans le couloir, près d’Abdenour et de Hadja Taos. Le second interroge Lynda sur sa tentative de suicide. Il veut savoir la vérité.
    - Inutile de couvrir vos frères ou votre père, lui dit-il. On assurera votre sécurité, plus rien de mal ne pourra vous arriver !
    - Pourquoi me parlez-vous d’eux, souffle la jeune fille.
    - Si c’est l’un d’eux, nous prendrons les mesures nécessaires pour vous protéger, insiste le policier. Il faut tout nous dire, pourquoi vous vous êtes querellés ? Pourquoi ils ont voulu simuler une tentative d’assassinat en suicide ?
    - Ils n’y sont pour rien, répond Lynda. C’est moi . J’en avais marre.
    - Vous aviez des problèmes avec quelqu’un ?
    - Avec moi-même, répond-elle. J’ai rompu avec mon ami. J’ignorais que j’en souffrirais autant !
    - Si vous le regrettez, vous auriez pu le contacter pour reprendre avec lui, dit-il. Vous n’aviez pas besoin de vous suicider !
    - J’avais ma fierté et puis je craignais qu’il refuse, lui confie-t-elle. Je regrette, je n’aurais jamais dû. Pourquoi ma famille m’a sauvée ?
    - Ils tiennent à vous. Votre père et votre grand-mère sont dans le couloir, lui rappelle-t-il. Vous voulez les voir ?
    - Oui, est-ce que vous pouvez nous laisser seuls ?
    - Vous le voulez vraiment ? lui demande-t-il en fermant son bloc-notes.
    - Oui.
    Le chargé de l’enquête sort. Dans le couloir, il n’y a pas que sa famille. Lyès est arrivé. Il a appris par la police ce qui lui est arrivé.
    Inquiet, il s’est empressé de prendre la route. Il a eu peur pour elle. Son soulagement est grand quand il la voit, étendue sur le lit. Il entre en même temps qu’eux, impatient de la voir.
    - Comment vas-tu, lui demande Hadja Taos. Comment te sens-tu ?
    - J’ai l’impression d’être sur un nuage.
    - Tu vois, même Lyès s’est fait du souci pour toi, lui dit-elle en s’asseyant. Ton père n’a cessé de prier.
    - C’est vrai, murmure Lynda.
    - Oui, pourquoi as-tu fait ça ?
    - Je croyais que c’était l’unique solution pour régler mes problèmes et pour que vous soyez tranquilles !
    - Tu dis des bêtises !
    Lyès s’approche enfin du lit et risque un sourire vers elle, tout en lui faisant un signe de la main. Sa visite lui fait ressentir de la surprise, empreinte de joie puis de la tristesse. Sa présence ne peut rien changer à son sort.
    - Je tenais à ce que tu saches que je suis heureux que tu sois encore parmi nous, ose-t-il lui dire alors qu’elle a détourné la tête. Ta mort n’aurait été bénéfique pour personne !
    - Tu n’as rien à faire ici.
    - Pourquoi es-tu si dure avec lui, l’interroge sa grand-mère. Il ne t’a fait aucun mal que je sache ?
    Lynda très lasse, ferme les yeux.
    - Ton père insiste pour que tu reprennes tes études, il ne veut pas que tu gâches ta vie. Ce ne serait pas juste. Lynda ne l’écoute presque pas. Des larmes coulent sur ses joues, non parce qu’elle pourra reprendre ses études mais parce que Lyès, blessé, est parti. Elle ne le reverra plus. Même si sa vie reprend un cours normal, leur histoire n’a aucune chance de réussir. Elle doit renoncer à lui et à tant de rêves. Après avoir vu la mort de près, elle devrait y arriver.

    Dernière publication sur 1.Bonjour de Sougueur : Mon bébé, Justin, me manque beaucoup

  37. Artisans de l'ombre Dit :

    “Le poids des tabous…” 39e partie
    Par : Adila KATIA

    Toute la famille est soulagée. Ourida, la mère de Lynda donne de l’argent aux pauvres qu’elle rencontre. Elle ignore ce qui serait advenu d’elle et de sa famille si sa fille était morte.
    Maintenant que l’enquête les a blanchis, elle voit l’avenir avec plus de sérénité. La nuit d’angoisse qu’a passée la famille lorsque Lynda s’est débattue avec la mort leur a ouvert les yeux sur les choses importantes.
    Non seulement Lynda allait pouvoir reprendre ses études mais plus jamais ils mettront sa patience à bout. Et ils ont été en colère pendant longtemps. Elle l’a bien ressenti et n’a pas hésité à se couper les veines.
    L’unique solution pour mettre fin à ses souffrances…
    - Tu aurais pu fuguer, lui dit sa grand-mère, au lieu de te suicider !
    - J’ai préféré une fin rapide ! Je n’aurais pas supporté de ne plus te revoir. Et puis, fuguer n’aurait rien changé à ma vie. J’aurais mal tourné. Je ne voulais pas…
    - Je comprends mais moi j’aurais trouvé du réconfort à te savoir parcourant le pays que sous terre, lui confie Hadja Taos. L’espoir de te revoir m’aurait poussée à devenir centenaire !
    - Me voilà sauvée, j’espère vieillir avec toi, dit Lynda.
    Mais, raconte-moi. Comment sont-ils à la maison ?
    - Bien. Tu leur as donné une peur bleue, ils ne sont pas près de t’embêter avant longtemps !
    - Papa veut vraiment que je reprenne mes études ?
    Hadja Taos hoche la tête. L’infirmière venue lui changer les bandages de ses poignets lui reproche d’abuser de sa gentillesse.
    - Hadja, j’avais dit un quart d’heure, lui rappelle-t-elle. Et pas plus d’une personne.
    - Elle a regardé en direction du couloir où Tewfik attendait.
    - Revenez aux heures de visite, lui dit-elle en l’aidant à se lever. Vous serez plus à l’aise…
    Hadja Taos n’insiste pas. D’ailleurs, elle voit sa petite fille chaque jour. Si ce n’est pas Tewfik qui l’emmène à l’hôpital, c’est Abdenour qui se propose souvent de le faire. La vieille mère veut les réconcilier. Elle aussi n’a aucune envie : revoir sa famille heureuse et en parfaite harmonie.
    Abdenour a apporté quelques cassettes alors qu’il ne connaît rien à ses goûts musicaux. Il a pensé lui apporter des revues mais la vue de ses poignets bandés l’en a dissuadé. Il ne veut pas lui rappeler cet instant horrible où le désespoir lui a donné le courage de se couper les veines.
    Et lui aussi n’est pas près d’oublier cette nuit où il a failli la perdre. Il voudrait oublier, lui dire combien il regrette.
    - Donnons-lui cette autre chance, lui a dit son aîné Tewfik. Elle a tant souffert, ces derniers mois !
    - J’en ai conscience. J’accepte qu’elle retourne à l’université, quant à son avenir, j’ignore de quoi il sera fait. Son sort et sa destinée sont entre les mains de Dieu ! J’espère qu’il sera plus clément avec elle !
    Lynda restera à l’hôpital dix jours. Avant de le quitter, elle reverra le chargé de l’enquête.
    Il est revenu l’interroger et elle s’en ait tenue à sa première version, insistant sur le fait que personne n’a voulu l’assassiner.
    - C’est un geste stupide, dit-elle. J’aurais pu en mourir. Je ne suis pas près de recommencer !
    Son retour à la maison est un moment fort en émotions. Certaines rumeurs courent à son sujet.
    Des gens du village les ont vus souvent se rendre à l’hôpital. Ils savent qu’elle a tenté de se suicider. Aussi Hadja Taos ne trouve pas mieux que de l’envoyer à Baïnem, chez son oncle. Cela lui permettra de se remettre de cette dure épreuve et aussi au reste de la famille de respirer un peu mieux. Ils en ont tous besoin.

    Dernière publication sur 1.Bonjour de Sougueur : Mon bébé, Justin, me manque beaucoup

  38. Artisans de l'ombre Dit :

    “Le poids des tabous…” 40e partie
    Par : Adila KATIA

    - Tiens donc ! Toi ici ! s’exclame son cousin Azzedine.
    Quel bon vent t’amène ?
    - Mon oncle et ma tante me manquaient, répond la jeune fille. Ma présence te gêne-t-elle ?
    - Bon, j’étais seulement surpris… D’après mon oncle, tu es allée à l’hôpital. Je peux savoir pourquoi ?
    Lynda lui montre ses poignets sans sourire. Il écarquille les yeux, n’en revenant pas.
    - Tu t’es coupée ? Tu es folle ! Pourquoi ?
    - J’étais en colère, répond-elle. Depuis l’instant où tu t’es mêlé de ma vie privée, je n’ai plus connu de répit…
    - Je m’excuse et je te demande pardon, lui dit-il. Je suis comme les autres, je ne sais pas me retenir et contrôler mes émotions ! Pour moi, c’était une question d’honneur.
    - Je veux bien te croire, mais moi, j’en ai beaucoup souffert, soupire-t-elle. Et puis, je ne veux plus en parler. Cela me rappelle de mauvais souvenirs !
    Son oncle Abdelkrim et sa tante Fella ne parlent pas de ce qui s’est passé. Ils savent qu’elle est chez eux pour oublier et non pour en parler. Fella l’emmène aux fêtes auxquelles elle est invitée, espérant qu’elle puisse s’amuser un peu. Mais Lynda ne prête aucun intérêt aux belles robes, aux coiffures. Quant à danser, elle semble sourde à la musique qui fait le succès de cette année-là.
    Elle reste assise au fond de la salle, les yeux dans le vague. Elle ne peut pas comprendre que quelque chose s’est brisé en elle. Il en faudra bien plus pour l’entendre fredonner un air à la mode, sourire devant le bonheur des autres.
    Comme elle ne supporte pas les sorties où elle doit rencontrer des gens joyeux, avec qui elle est contrainte de converser pour ne pas paraître impolie, elle décide de ne plus l’accompagner.
    Après quelques jours d’isolement, Lynda se rend à la cité de jeunes filles. Il ne reste qu’une semaine avant sa fermeture. Elle passe y récupérer ses affaires. Ses camarades sont surprises et heureuses de la voir après tout ce temps.
    - J’étais malade, ment Lynda en réunissant ses affaires.
    - Et les études ?
    - Je me rattraperais l’année prochaine…
    - Tu étais malade de quoi ? veut savoir l’une d’elles.
    - J’avais le cœur brisé, j’ai eu besoin de tout ce temps pour me remettre… A la rentrée, je ne serais plus la même.
    - Et comment ?
    Lynda hausse les épaules et ne répond pas. Elle se voudrait plus forte pour que rien ne puisse la faire souffrir. Elle se sent indifférente. Loin de sa famille après ce qu’elle a vécu ces derniers mois, elle a le sentiment et la certitude de pouvoir être indépendante. Elle sait que, de par l’avenir, elle ne devra compter que sur elle-même. Et pour que cela soit réalisable, elle devra réussir ses études. Rien et personne ne devra l’en détourner. Dans sa vie, il ne sera plus question d’amour et de moments de détente. Depuis un certain soir, elle sait que ce n’est pas fait pour elle. Aussi, depuis ce soir-là, une partie d’elle-même est morte. L’autre n’aspire à rien de spécial. Elle veut juste vivre en paix.
    - Lynda ! Lynda ! Elle sent son cœur se serrer. La voix, elle l’aurait reconnue entre mille. Lyès l’appelle. Elle ne se retourne pas. Elle est heureuse et s’efforce de retrouver son calme. Elle se donne le temps d’afficher un visage impassible, presque indifférent.

    Dernière publication sur 1.Bonjour de Sougueur : Mon bébé, Justin, me manque beaucoup

  39. Artisans de l'ombre Dit :

    “Le poids des tabous…” 41e partie
    Par : Adila KATIA

    - C’est bien toi ! s’écrie le jeune homme en la rattrapant. Sois la bienvenue ! Bon retour parmi les vivants !
    - Merci, dit-elle sans sourire. Que fais-tu ici ? Ce n’est ni le quartier où tu travailles ni celui où tu habites. Alors, que fais-tu ici ? demande-t-elle.
    - Je t’attendais, répond-il. J’espérais te revoir. Je savais que tu viendrais chercher tes affaires ! Alors, dis-moi, comment vas-tu ?
    - Bien. Dis, mon cousin ne t’aurait-il pas soufflé la nouvelle ? demande-t-elle en posant son sac qui commençait à peser lourd sur son épaule. Il espérait quoi ?
    Lyès a son plus beau sourire. Il lui répond franchement :
    - Il voulait nous donner une autre chance ! J’étais fou de joie lorsqu’il m’a dit que tu étais là, lui confie-t-il en tentant d’accrocher son regard. Tu as meilleure mine que l’autre fois !
    - Je veux bien te croire, murmure-t-elle.
    - Dis, pourquoi… l’autre fois… qu’est-ce qui t’a pris ?
    - Parce que tu ne voulais pas me lâcher, réplique-t-elle. Qu’est-ce qu’il te faut pour comprendre que je ne veux plus de toi dans ma vie ?
    - Mais pourquoi ? Je veux une raison valable ! Je t’aime, dit-il, et je ne t’ai jamais fait de mal ! Et je sais que notre amour est réciproque ! Je ne comprends pas pourquoi tu tiens tant à ce qu’on se sépare ! Pour moi, notre histoire n’est pas finie !
    Lynda doit faire un gros effort pour le regarder dans les yeux et lui mentir.
    - Je ne t’aime plus. Si, à tes yeux, ce n’est pas une raison valable, pour moi, elle explique tout ! Je te prierais de ne plus me harceler ! Adieu…
    - Pour moi, ce n’est pas fini ! s’écrie le jeune homme, décidé à lui faire entendre raison. Surtout maintenant que je te sais fragile ! Je voudrais être à tes côtés ! Pour te soutenir, te protéger…
    - Me protéger ? reprend-elle. Mais c’est trop tard…
    Elle bat des paupières pour refouler les larmes qui lui brûlent les yeux. Elle ne veut pas pleurer devant lui. Il ne doit pas savoir qu’elle lui ment. Elle est sensible à ces mots, à sa volonté de reprendre avec elle. Elle l’aime toujours autant qu’avant. Mais leur histoire est vouée à l’échec. Il ignore tout de ce qu’elle a vécu cette nuit-là.
    Parfois elle est tentée de se confier à lui mais elle craint sa réaction. Elle ne veut pas prendre le risque d’être jugée une autre fois.
    - Qu’est-ce qui est trop tard ? l’interroge-t-il alors qu’elle saisit son sac pour l’épauler. Pourquoi ai-je l’impression que tu me caches des choses ?
    - Impression ou pas, je ne veux plus de toi dans ma vie ! Laisse-moi passer !
    Lyès lui a barré le chemin. Cela fait des mois qu’il espère son retour. Quand il a appris sa tentative de suicide, il s’est senti responsable de son acte désespéré. Il aurait dû envoyer ses parents afin de fixer une date pour leurs fiançailles ou même leur mariage à la mairie. Le fait que la famille soit au courant de leur sortie nocturne l’a déstabilisée et discréditée aux yeux des siens. Et il aurait dû insister et refuser de rompre.
    Enfin, il n’a jamais accepté de renoncer à elle. Il tient encore à tenter sa chance.
    - Je t’aime Lynda ! répète-t-il au risque de paraître idiot. Pourquoi ne pas aller dans un salon de thé et discuter à l’aise ?
    - Je n’ai pas de temps à perdre avec toi, rétorque-t-elle. Maintenant laisse-moi passer ou je crie !
    - En as-tu conscience ? Mais… tu me tues ! Wellah…
    Lyès a les yeux larmoyants. Elle en est bouleversée. Elle a conscience que si elle tarde encore un peu, elle allait faire l’erreur d’écouter son cœur, et seul Dieu sait ce qui découlerait de cet acte. “Rien de bon !” lui souffle sa raison. Lynda doit être forte. Elle ne veut plus souffrir.
    - Meurs si tu veux, dit-elle sans le penser. Adieu !
    Elle doit le pousser pour passer. Lyès, figé par le choc, ne la suit pas. Elle s’est comportée avec lui comme s’il était son bourreau et la cause de tous les malheurs du monde. Elle arrête un taxi et prend place à l’arrière. Elle ne veut pas se retourner, refusant d’écouter son cœur d’aller lui dire la vérité. Elle le pleure déjà. Il allait lui manquer. Lyès est quelqu’un d’unique mais la vie ne lui laissait pas le choix. Il lui fallait couper avec le passé, pour être sûre d’avoir un avenir tranquille. Et tant pis pour son cœur…

    Dernière publication sur 1.Bonjour de Sougueur : Mon bébé, Justin, me manque beaucoup

  40. Artisans de l'ombre Dit :

    “Le poids des tabous…” 42e partie
    Par : Adila KATIA

    Lynda est rentrée au village. Le cœur brisé, elle ne peut s’empêcher de pleurer. Elle a terriblement mal. Se dire qu’elle ne le reverra jamais, c’est une torture. Mais elle se fait une raison pour se consoler. Leur rupture est inévitable. En se donnant un sursis, elle aurait pris le risque de s’attacher encore à lui.
    - Non, se dit-elle, c’est préférable maintenant. Dans quelques mois, dans quelques années, je ne ressentirai plus la douleur, Je garderai au fond de mon cœur son doux souvenir.
    Perdue dans ses pensées, elle n’a pas entendu sa grand-mère entrer dans sa chambre. Elle la trouve assise à son bureau, le regard lointain.
    Hadja Taos remarque aussi l’air douloureux qui traverse son visage. Elle devine pourquoi et elle a de la peine pour elle.
    - Lynda ! Lynda.
    Elle s’assoit sur le bord du lit et l’appelle plusieurs fois avant que sa petite fille ne se rende compte de sa présence. Elle essuie les larmes qui viennent de couler et s’efforce de sourire, voulant la rassurer.
    - Grand-mère ! Que fais-tu là ?
    - Je voulais te tenir compagnie, tu pensais encore à lui ?
    Lynda hausse une épaule, tout en ouvrant un livre. Elle n’aurait pas pu lui mentir. Depuis toujours, elle et sa grand-mère se confient et ont ce lien si rare qui rend leur relation unique.
    - Au lieu de t’enfermer dans ta chambre, pourquoi ne sors-tu pas ? Pourquoi ne vas-tu pas voir tes amies ? En leur compagnie, tu oublieras.
    - Je crois que je n’y arriverais jamais !
    - Quand tu retourneras à tes études, ce sera plus facile, la rassure sa grand-mère. Si tu t’y consacres entièrement !
    - Ma vie est toute tracée, je saurais m’y faire, dit Lynda, je vais étudier, puis travailler. Quant au mariage, ce n’est pas pour moi !
    Lynda est décidée à ne plus aimer, pour ne plus jamais souffrir. Il ne lui reste que les études. Et elle s’y consacre à fond. Elle trouve de la consolation dans ses résultats qui font que quatre ans plus tard, elle finit ses études en journalisme.
    Les vacances de cette année-là lui paraîtront bien longues. Si depuis sa tentative de suicide, son père et ses frères ne lui pose aucun problème, elle en rencontrera lorsqu’un garçon du village viendra la demander en mariage. Fils de bonne famille, professeur de lycée, il est considéré comme un bon parti. Ses parents, heureux qu’il ait choisi Lynda, insistent et viennent aux nouvelles, impatients de connaître leur réponse.
    La famille de Lynda tarde à le faire. Ils savent que Lynda ne peut pas se marier. La société tient au respect des traditions. Certaines familles n’hésitent pas à demander un certificat de virginité quand elles prennent pour futur mariée une jeune étudiante. Pour le cas de Lynda, quand la mère du prétendant en parle, elle s’indigne, ne supportant pas qu’on puisse douter de son innocence. Lynda pleure de colère. Ses larmes sont interprétées par la mère positivement. Personne ne sait qu’elle a été violée. Parfois, elle regrette, pensant qu’il aurait été préférable que cela soit su de tous. Elle n’aurait pas à le porter comme un fardeau. Toute sa vie en est gâchée. Elle n’aura jamais la paix.
    - Je ne voulais pas te peiner ! Je sais que tu es de bonne famille et de bonne éducation !
    - Alors, pourquoi ce certificat ? S’il veut vraiment se marier avec moi, il devra y renoncer !
    - Mais s’il insiste ?
    - Il n’aura rien, répond Lynda. Pour la simple raison que je refuse sa demande. Je mérite mieux qu’un homme qui doute déjà de moi !
    Lynda sourit devant l’air choqué de celle qui la veut pour belle-fille. Elle essuie ses larmes et se lève.
    - Non, ce n’est pas la vraie raison de mon refus. J’ai encore des études à terminer ! Je vais apprendre l’allemand !
    Elle n’en a parlé à personne. Sa mère et sa grand-mère s’échangent un regard. Elles ne font aucune remarque. Elles attendent d’être seules pour l’interroger sur ses projets d’avenir.

    Dernière publication sur 1.Bonjour de Sougueur : Mon bébé, Justin, me manque beaucoup

  41. Artisans de l'ombre Dit :

    “Le poids des tabous…” 43e partie
    Par : Adila KATIA

    -Des études, reprend Hadja Taos après le départ de la villageoise. Mais tu ne nous en as jamais parlé ! Qu’est-ce que tu as derrière la tête ?
    La jeune fille, âgée alors de vingt-trois ans, a bien réfléchi à la question. La demande en mariage lui a rappelé de mauvais souvenirs et sa situation des plus compliquées. Elle a toujours su qu’elle aurait des prétendants. Elle est jeune et belle. Son niveau universitaire suscite l’admiration, le respect mais parfois aussi de la crainte.
    Elle ne peut que le comprendre. Alors, pour ne plus se retrouver à expliquer ses refus, elle décide de retourner à l’université.
    - Je vais apprendre l’allemand, cela me prendra quatre autres années, personne ne songera à prendre pour femme une étudiante, répond Lynda. Je ne peux pas me marier pour les raisons que vous connaissez !
    - Peut-être qu’un jour tu tomberas sur un garçon qui t’aimera à ta juste valeur ?
    souhaite Hadja Taos. Tu n’auras plus besoin de rester à l’université.
    Lynda n’y croit plus. Ses rêves appartiennent au passé. Elle y a renoncé le jour où son histoire avec Lyès a pris fin. Elle ne se fait plus d’illusions. En rêvant, elle s’exposerait à d’autres souffrances.
    - Non, je ne pense plus au mariage. Est-ce que tu pourras en parler à papa et à mes frères ?
    - Je ne te promets rien …
    Mais la vieille grand-mère convinc facilement son fils et ses petits fils. Ils approuvent qu’elle retourne à l’université. Elle se fera ainsi oublier. Ils comprennent son but.
    Lynda retourne à l’université. Elle y étudiera l’allemand tout en travaillant dans une administration à mi-temps. Les rares week-ends qu’elle passe à la maison lui font prendre conscience plus que jamais de la nécessité de faire sa vie. Elle ne s’imagine pas revenir au village et vivre avec sa famille. Il y aura toujours une demande qui viendra tout gâcher. Elle veut vivre en paix, sans avoir de comptes à rendre ni à sa famille ni aux autres.
    - Grand-mère, je croyais que j’avais une tante qui vit à l’étranger ?
    - Oui, mais comme tu le vois, elle a coupé toute relation avec nous, regrette Hadja Taos. Je ne connais même pas ses enfants !
    - Est-ce que tu as son adresse ? Je voudrais lui écrire. Penses-tu qu’elle acceptera de me recevoir chez elle ? Était-elle de nature chaleureuse ?
    - Oui, c’était une fille merveilleuse, confie Hadja Taos. Les yeux larmoyants. Seulement, son mari avait mauvais caractère, il avait coupé tout lien avec sa famille puis avec nous. Je ne peux pas en vouloir à ma fille Hanane. Elle était grande quand je l’ai adoptée avec ses frères. Dieu m’est témoin que je me suis occupée d’eux avec amour. Ils étaient tout pour moi. Tu ne peux pas t’imaginer à quel point Hanane me manque, j’aimerais tant la revoir !
    - Trouve moi son adresse, la prie Lynda. Je vais lui écrire. Peut-être qu’elle nous répondra ? Peut-être que tu lui manques ? On pourrait partir en France !
    - Viens dans ma chambre !
    Lynda suit sa grand-mère et la regarde ouvrir un coffret plein de papiers. Elle y trouve l’adresse. Elle lui écrit une longue lettre, lui parlant de sa grand-mère souffrante vu son âge avancé et son désir de la revoir. Elle espère que cette lettre la touchera. Elle pense que si sa tante a un cœur sensible, elle ne répondra pas mais prendra le premier avion en partance pour le pays. Elle espère la connaître et surtout sympathiser avec elle. L’idée qu’elle a derrière la tête n’allait certainement pas plaire à sa famille mais elle est décidée à partir à l’étranger. Elle n’a plus rien à faire ici…

    Dernière publication sur 1.Bonjour de Sougueur : Mon bébé, Justin, me manque beaucoup

  42. Artisans de l'ombre Dit :

    “Le poids des tabous…” 44e partie
    Par : Adila KATIA

    Lynda a ouvert une boîte aux lettres dans le quartier où elle travaille à mi-temps. Elle ne peut s’empêcher d’espérer que sa tante réponde. D’après ce que lui a dit sa grand-mère, elle est très bonne. Toutefois, elle ne comprend pas pourquoi elle a obéi à son mari. En consentant de se couper des siens, elle a dû souffrir. Toutes ces années sans nouvelles d’eux. Le cœur serré, elle se dit qu’elle aura à faire de même. Si sa tante refuse de lui accorder sa bénédiction, elle partira sans. Elle est décidée à partir. Il lui faudra de l’argent si elle veut un visa d’études. C’est pourquoi, elle renonce à ses études sans aviser sa famille.
    Grâce à une amie, elle s’est déniché un poste bien rémunéré dans une boîte de communication. Elle peut enfin économiser. Pendant quelques mois, elle vit à la cité. Ce n’est que provisoire.
    Elle attend de trouver un petit appartement pour quitter la cité de jeunes filles. Ayant gardé contact avec une ancienne camarade de chambre qui travaille à mi-temps dans une agence immobilière, elle aura la chance d’en trouver un. Elle ne la louera pas seule. Elle prendra une colocataire pour partager les frais.
    Karima travaille dans le même service qu’elle et elles s’entendent très bien. C’est ce qui l’a poussée à lui proposer d’être ensemble pendant quelque temps. Dès qu’elle en aura les moyens, elle partira. Elle ne s’imagine pas vivre toute sa vie avec Karima, même si la vie dans l’appartement est sans problème. La jeune fille est tout son opposé. Elle est joyeuse. Elle vit loin de sa famille qui réside à Sétif. Elle n’a de comptes à rendre à personne. Lynda ne peut s’empêcher de lui faire des remarques quant à ses sorties nocturnes. Elle lui demande d’être prudente.
    - Je sors avec mes amis, lui dit-elle. Il ne peut rien m’arriver de fâcheux, tu devrais sortir avec nous, cela te changera de rester à la maison !
    - J’ai à faire, prétexte-t-elle.
    - Le week-end prochain, propose Karima.
    - J’irai voir ma famille, répond Lynda. Une autre fois peut-être ?
    En fait, elle a croisé une ancienne camarade de chambre et a été surprise d’apprendre que son frère Tewfik est passé à la cité de jeunes filles. Il ignore comme tout le reste de la famille qu’elle a quitté les bancs de l’université pour travailler afin de réaliser son projet. Elle n’en a qu’un seul et elle a hâte de le concrétiser.
    Le week-end suivant, elle se rend au village pour voir sa famille. Son frère allait certainement lui demander où elle est passée et elle a déjà trouvé une réponse qui allait le satisfaire.
    Lynda arrive au courant de l’après-midi et n’est pas surprise de voir sa grand-mère assise dans le jardin. Mais elle n’est pas seule. Une dame aux cheveux roux lui tient compagnie. Habillée très élégamment, il est apparent qu’elle n’est pas d’ici.
    -Grand-mère ? Comme je suis heureuse de te voir bien portante ! Bonsoir, dit-elle à l’intention de l’inconnue. Elle serre sa grand-mère, très fort contre son cœur et regrette la présence de l’inconnue. Elle espère que celle-ci ne tardera pas. Elle a tant de choses à lui confier.
    -Je te présente Lynda, c’est elle qui a pensé à t’écrire, lui dit Hadja Taos en posant une main affectueuse sur le bras de l’inconnue : Hanane, je te présente ta nièce !
    -Ne me dis pas…
    Lynda n’en revient pas. Elle est surprise. Elle est si heureuse qu’elle lui tombe dans les bras. Voilà des mois depuis qu’elle lui a écrit et, après tout ce temps d’attente et de déception, elle est venue de France.
    -Je n’y croyais plus, pourquoi avoir attendu tout ce temps ?
    -Elle répondra plus tard. Va te reposer du voyage, nous avons toute la nuit pour discuter, pour faire mieux connaissance.
    Pour peu, elle se mettrait à danser tant elle est heureuse. Pour la première fois depuis des années, l’espoir est revenu en elle. Elle n’a pas eu le temps de bien la regarder mais elle lui a semblé d’emblée sympathique.
    Elle prie pour que le courant passe bien entre elles. Sans le savoir, elle est sa planche de salut.

    Dernière publication sur 1.Bonjour de Sougueur : Mon bébé, Justin, me manque beaucoup

  43. Artisans de l'ombre Dit :

    “Le poids des tabous…” 45e partie
    Par : Adila KATIA

    Lynda a l’impression de rêver. Elle avait tant espéré ce jour, durant ces derniers mois qu’elle a fini par se faire une raison. Elle n’y croyait plus.
    - C’est incroyable, se dit-elle, à voix haute alors qu’elle aide sa mère à mettre le couvert. Dieu a entendu mes prières.
    - Quelles prières ?, lui demande sa mère Ourida.
    - Je voulais connaître ma tante et la voilà ! Tu penses que papa acceptera que j’aille en France ? Pas pour y faire ma vie mais pour y perfectionner mon allemand, lui précise-t-elle. Qu’est-ce que tu en penses ?
    - Il est devenu plutôt tolérant, répond Ourida. Il peut prendre la chose positivement. Il peut aussi refuser par crainte de ne plus te revoir !
    Lynda, une fois que sa mère n’a plus besoin d’elle, retourne au salon où toute la famille est réunie. Elle prend place entre sa grand-mère et sa tante Hanane. Elle embrasse sa grand-mère et appuie la tête contre son épaule. Hadja Taos a eu le temps d’aborder plusieurs sujets, entre autres le désir de sa petite-fille de partir d’ici.
    Hanane n’a pas semblé comprendre pourquoi, vu qu’elle a une situation des enviables. Lynda ne lui a pas caché avoir abandonné ses études pour travailler.
    - Mais pourquoi ne t’es-tu pas mise dans un journal ?
    - Je veux terminer mes études avant, dit-elle à sa tante. Une de mes amies est partie en Angleterre pour y étudier. J’aimerais bien faire comme elle, enfin si vous voulez, ajoute-t-elle en risquant un coup d’œil vers son père puis vers ses frères.
    - Tu n’as pas besoin d’étudier toute ta vie, lui fait remarquer son père. Avec tout ce que tu connais, tu pourras te trouver un poste encore plus intéressant que celui que tu as maintenant. Et puis, pourquoi partirais-tu aussi loin ?
    - Ma tante me l’a proposé, ce sera juste pour deux ou trois ans. Je n’ai pas l’intention de m’installer là-bas. C’est juste pour étudier.
    Sa tante Hanane intervient :
    - Elle sera chez moi. Une fois ses études finies, je peux te rassurer que je la mettrais dans le premier avion à destination d’Alger. Tu ne me crois pas ?
    - Je t’avoue que j’ai des doutes, dit Abdenour en regardant sa fille. Elle t’aura par les sentiments. Tu ne la connais pas encore mais quand elle a une idée derrière la tête, elle n’y renonce pas, même si elle devait en mourir.
    - Autant alors lui accorder notre bénédiction si tu ne veux pas qu’elle nous refasse une tentative de suicide, émet Hadja Taos avant de raconter à Hanane la peur bleue qu’a eue la famille en la découvrant à moitié morte dans sa chambre. Elle était capricieuse !
    - Alors, autant ne pas la contrarier, dit Hanane. Je ne voudrais pas avoir sa mort sur la conscience. Si je suis revenue, c’est pour renouer avec toute la famille, non pas pour faire des problèmes !
    - Tu penses que ton mari sera d’accord ?s’inquiète Abdenour.
    - Pourquoi pas ?
    - Si elle va là-bas, il faudra que tu gardes un œil sur elle, lui dit-il en se levant, c’est clair ?
    - Tu veux dire que tu es d’accord ? demande Lynda en se levant.
    - Oui.
    Lynda lui saute dans les bras, trop heureuse pour pouvoir se retenir. Elle n’aurait jamais pu imaginer que son père lui accorderait sa bénédiction. Il ne lui reste plus qu’à prendre son mal en patience. Elle allait faire ses papiers puis obtenir un visa. Sa tante allait lui envoyer un certificat d’hébergement et même l’aider à ouvrir un compte en devises.
    - Ma parole, tu rêves, lui dit son amie Karima. Depuis que tu es rentrée de chez tes parents, tu n’es plus la même. Je vois un peu de joie dans tes yeux.
    - Je le suis.
    - Alors, tu ne refuseras pas de m’accompagner à une fête, la prie-t-elle. Mes amis sont impatients de te connaître !
    - Je n’ai rien à me mettre, prétexte Lynda qui n’a plus aucune excuse pour refuser. Je ne veux pas faire mauvaise impression !
    - Aucun souci, la rassure Karima en ouvrant sa garde robe. Voilà, tu as le choix …
    Lynda ne peut pas refuser. Si elle avait pu connaître l’avenir, elle ne se serait jamais rendue à cette fête. Elle en sera bouleversée.

    Dernière publication sur 1.Bonjour de Sougueur : Mon bébé, Justin, me manque beaucoup

  44. Artisans de l'ombre Dit :

    “Le poids des tabous…” 46e partie
    Par : Adila KATIA

    Il était temps que tu reviennes à la vie, lui dit Karima en entrant dans la salle. Elles sont aussitôt accueillies par deux jeunes femmes que Lynda ne s’attend pas à voir. La surprise la laisse sans voix. Elle est devenue livide.
    - Ce n’est pas vrai ! s’écrie Djamila. Pour une surprise, elle est de taille… Comment vas-tu Lynda ?
    - Bien merci, répond Karima à sa place quand elle tarde à le faire. Vous vous connaissez ?
    - Oui, mais on s’est perdu de vue depuis quelques années… Cela fait six ou sept ans, je crois… Qu’est-ce que tu es devenue depuis ?
    Lynda n’arrive même pas à sourire. Elle peut juste hocher la tête. Djamila, la sœur de Lyès, les guide à une table dans le fond de la salle. Les invités sont nombreux, et l’ambiance bon enfant réussit à la décrisper. Djamila s’excuse en voyant d’autres invités arriver et s’en va les accueillir.
    Karima regarde son amie et colocataire et demande des explications.
    - Pourquoi ne t’ont-ils pas invitée s’ils te connaissent ?
    - On s’est perdu de vue, murmure Lynda toujours aussi pâle. Je n’aurais pas dû t’accompagner… Pourquoi n’ai-je pas pensé à regarder ta carte d’invitation ? se reproche-t-elle. Pourquoi faut-il toujours que je me mettre dans une situation impossible ?
    - Pourquoi ai-je l’impression que tu ne me dis pas tout ? soupire Karima.
    - C’est un mariage ou des fiançailles ? veut savoir Lynda.
    - Des fiançailles… Son frère Lyès… D’ailleurs, je ne le vois pas, remarque Karima, il n’est pas encore arrivé…
    Lynda se dit qu’elle a une chance de partir sans être vue. Elle prend son sac et prétexte avoir un coup de fil urgent à donner.
    - J’avais promis à grand-mère de l’appeler… Elle va se faire du souci…
    Karima n’a pas le temps de réagir qu’elle est déjà près de l’entrée. Djamila, la sœur de Lyès, tente de la retenir. Lynda ne s’excuse pas et part presque en courant. Dehors, il y a des voitures qui arrivent et elle se demande si elle pourra se trouver un taxi. Il faut qu’elle parte avant l’arrivée de Lyès. Elle ne veut pas le voir…
    - Lynda ! Lynda !
    La main qui se pose sur son épaule pour la rattraper la fait sursauter. Leur rencontre est inévitable. Elle aurait reconnu sa voix entre mille. Elle ne se tourne pas. Lyès passe devant elle et a une expression de déception puis de douleur sur le visage.
    - Quand tu es entrée dans la salle, j’ai cru rêver ! Il a fallu que j’aille voir Djamila pour avoir une confirmation… Qu’est-ce que tu fais ici ?
    - Karima avait insisté pour que je l’accompagne à une fête… J’ignorais que c’était la tienne… Est-ce que tu pourrais me trouver un taxi ? le prie-t-elle. Je dois rentrer !
    - Pourquoi ne restes-tu pas ?
    Lynda secoue la tête.
    - Je ne peux pas… Je te souhaite tout le bonheur du monde, lui dit-elle. Tu le mérites.
    - Je ne l’aime pas, lui confie-t-il.
    - Tu finiras par l’aimer… S’il te plaît, débrouille-moi un taxi !
    - Je t’en prie, reste !
    - Inutile d’insister… Soit tu me trouves un taxi, soit je pars à pied…
    - Est-ce que tu me permets de te raccompagner ? lui demande-t-il.
    - Et ta fiancée ?
    - Elle attendra… Une heure ou deux ou toute la vie, soupire Lyès en s’emportant. Normalement, c’est toi qui dois être à sa place ! C’est toi que j’aime… Je n’ai pas cessé de t’aimer !
    - Cela n’empêche pas le fait que, ce soir, tu te fiances ! rétorque-t-elle, voulant se fâcher avec lui pour ne pas sentir l’émoi qui l’a gagnée depuis un moment. Notre histoire est finie !
    - Il y a quelqu’un dans ta vie ? l’interroge-t-il. Dis-moi !
    - Non, mais cela n’a aucune importance… Alors, tu me trouves ce taxi ou pas ?
    - Non, c’est moi qui vais te raccompagner, décide-t-il en la prenant par le bras pour l’entraîner vers sa voiture. J’ai des choses à te dire…
    - On s’est déjà tout dit ! réplique Lynda.
    Lyès n’est pas de son avis.

    Dernière publication sur 1.Bonjour de Sougueur : Mon bébé, Justin, me manque beaucoup

  45. Artisans de l'ombre Dit :

    “Le poids des tabous…” 47e partie
    Par : Adila KATIA

    Lynda ne veut pas qu’il sache où elle habite. Elle sait qu’elle l’aura sur le dos toute la vie, si elle lui donne l’occasion de la connaître.
    Quand il lui propose de dîner au restaurant, elle ne refuse pas. Elle lui fait toutefois remarquer que sa fiancée allait s’inquiéter.
    - Ils vont t’attendre. Ta fiancée va se faire un sang d’encre. Pourquoi ne pas marcher un peu, le dîner nous prendra beaucoup de temps et tu n’en as plus de libre, dit-elle. Maintenant, tu es
    engagé !
    - Inutile de me le rappeler, réplique-t-il en se garant à proximité d’un restaurant. Nous allons dîner, j’ai tant de choses à te dire. Un quart d’heure, une demi-heure ne me suffiront pas, viens !
    Lynda le suit à l’intérieur du restaurant. Un serveur les mène dans le fond où les tables sont séparées par de grandes plantes artificielles. Le coin est très discret. Lorsqu’ils prennent place, elle remarque que l’instant lui aurait paru des plus romantiques, sous la lumière tamisée, avec ce fond de musique très douce.
    - Qu’est-ce que tu diras à ta fiancée ? lui dit-elle. A ta famille ? Ils doivent t’attendre et je commence à culpabiliser ! Je ne veux pas vous gâcher la fête !
    - Mais tu ne me gâches pas la fête. Ma vie l’est depuis que tu m’as dit de sortir de la tienne ! Quant à ma famille…
    Lyès sort un portable de la poche de sa veste et compose le numéro de la salle des fêtes. Djamila répond, elle est inquiète. Lynda peut l’entendre lui crier de revenir tout de suite.
    - Inutile de m’attendre. J’annule tout, je viens de retrouver Lynda, je ne la quitterai plus !
    - On ne peut pas annuler. Tous les invités sont là, ta fiancée est prête à défiler. Il ne manque que toi. Ne fait pas l’imbécile et reviens tout de suite !
    - Non ! je suis sérieux.
    - Ne nous fais pas ça ! Reviens tout de suite, le prie-t-elle.
    Pour toute réponse, Lyès raccroche et plonge les yeux dans les siens. Il est si heureux et n’en revient toujours pas de sa chance. Pour lui, c’est un signe du destin si elle est réapparue dans sa vie, ce soir. Une nouvelle chance lui est donnée. Il n’allait pas la laisser filer.
    - Tu devrais retourner, lui dit-elle. Ne gâche pas tout pour rien !
    - Mais toi, tu n’es pas rien, rétorque-t-il. Je n’ai jamais compris pourquoi tu voulais qu’on se sépare.
    - Tu ne comprendras pas, répond-elle, les yeux larmoyants. Tu ne me
    croirais pas !
    - Raconte-moi toujours, la prie-t-il en posant la main sur la sienne qui se referme. Mets-toi en tête que cela ne changera en rien ma façon de te voir et de t’aimer. Quand tu n’as plus voulu de moi, j’étais convaincu que tu avais trouvé mieux que moi !
    - Non, il ne s’agissait pas de cela.
    - Pourquoi es-tu toujours aussi triste ? Quand je vois tes yeux, j’ai l’impression qu’il y a eu pire que ta tentative de suicide. D’ailleurs, pourquoi t’es-tu faite du mal ? veut-il savoir.
    - J’ai été violée, répond-elle d’un coup.
    - Comment ?
    - J’ai été violée, répète-t-elle avant que le serveur n’apparaisse pour prendre leurs commandes.
    Lyès croit avoir mal entendu ou mal compris. Il commande des salades et des brochettes pour deux. Dès que le serveur disparaît derrière les plantes artificielles, il lui repose la question.
    - J’ai été, dit-elle lentement pour que cela lui entre en tête, violée ! oui, tu as bien entendu. Un homme a abusé de moi !
    - Ce n’est pas vrai ! Tu veux seulement me donner ta chair de poule, en plaisantant.
    Lynda ferme les yeux et les larmes coulent. Pour la première fois qu’elle en parle à quelqu’un, et ce dernier n’est autre que celui qu’elle a toujours aimé, il ne la prend pas au sérieux. Comment plaisanter avec un sujet aussi grave ? A-t-elle l’air de plaisanter ? Comment ne la prend-il pas au sérieux alors qu’elle n’a jamais été aussi sérieuse de sa vie ?
    Mais Lyès, en la scrutant, perd son sourire. Son silence et ses larmes lui confirment qu’il s’est trompé. Elle lui a bien dit la vérité.

    Dernière publication sur 1.Bonjour de Sougueur : Mon bébé, Justin, me manque beaucoup

  46. Artisans de l'ombre Dit :

    “Le poids des tabous…” 48e partie
    Par : Adila KATIA

    - Quand ? l’interroge Lyès. Quand est-ce arrivé?
    La jeune femme essuie ses larmes et tente de respirer calmement.
    Chaque fois qu’elle pense à ce qu’elle a vécu cette nuit-là, elle a l’impression d’étouffer.
    Il y a plusieurs années déjà. Pourtant quand elle y pense, elle a encore mal, comme si c’est la veille qu’elle a été violée. Elle a été marquée au fer. Depuis, rien n’a été pareil pour elle. C’est toute sa vie qui en a été bouleversée. Elle a renoncé à lui, à tant de rêves qu’elle en souffre aujourd’hui encore. Le bonheur des autres lui est indifférent. Cependant, lorsqu’elle s’est rendue à la fête de la prétendue amie de Karima, elle a ressenti un tel choc en découvrant que Lyès allait se fiancer. C’est comme si elle a reçu un coup de couteau. La douleur, il aurait pu la voir. Elle ne lui aurait pas échappé. Comme la tristesse de ses yeux, elle doit se voir …
    - C’était … c’était … le soir où on s’était rendus chez ton ami. Je m’étais enfuie quand tu te bagarrais avec mon cousin. C’est une erreur que je regretterai toute ma vie !
    - Raconte-moi …
    - Ne me demande pas de te décrire, je n’en ai pas la force, j’ai encore mal, murmure-t-elle en essuyant ses larmes. Je sais, cela doit te paraître bizarre mais j’en souffre encore !
    - Tu me pardonneras mais j’ai du mal à y croire. Que cela ait pu t’arriver, dit-il en secouant la tête. À toi, c’est malheureux ! Je comprends que tu en souffres. Plus rien ne doit être pareil pour toi. Ta vision du monde a dû changer !
    - Oui, plus rien n’est plus comme avant que cela n’arrive ! Je me suis endurcie, je suis indifférente au bonheur des autres !
    Au fond de son cœur, elle se dit qu’il y a à peine une heure, elle qui se croyait insensible, a ressenti une douleur sans pareille. Le fait de savoir que Lyès allait s’engager officiellement auprès d’une autre lui a fait prendre conscience de tout ce qu’elle a perdu.
    Le temps de quelque secondes, elle a été jalouse de cette inconnue dont elle ignore le nom et l’aspect physique. Elle ne peut pas lui vouloir du mal puisqu’elle ne l’a pas séduit à son insu. Tout est fini entre elle et Lyès depuis des années. Il est normal que pour lui la vie ait continué son parcours. Il est beau garçon et il n’a plus vingt ans. Comme tout bon fils, il a accepté qu’on lui passe la corde au cou. Enfin, ce soir, il aurait dû être ailleurs qu’ici.
    - Je ne crois pas qu’un être aussi sensible puisse s’être endurci, dit Lyès. En tout cas, moi je ne peux pas le croire.
    - Peut-être qu’une partie de moi l’est restée ? Mais je sais …
    Lynda se tait, consciente d’avoir failli en dire plus qu’elle ne devrait. Il ne doit pas savoir qu’elle l’aime encore. Certes, il lui a parlé de son amour pour elle mais c’est avant qu’elle se confie à lui. Voit-il combien elle a changé ? Mais lui, que pense-t-il réellement, maintenant qu’il sait ? Lui parlera-t-il encore d’amour ? Tentera-t-il de la retenir ? Insistera-t-il pour la revoir et reprendre leur relation ?
    - Ta famille est au courant ? Quelle a été sa réaction ?
    - J’avais eu très peur. Ils ne l’ont pas su tout de suite mais ça été un drame, lui confie-t-elle. Je n’en pouvais plus. C’est pourquoi j’ai tenté de me suicider ! Ma vie était finie !
    - Pourquoi n’as-tu pas porté plainte ? l’interroge Lyès.
    - Tu ne me crois pas ?
    - Je ne comprends pas pourquoi tu n’as pas porté plainte, insiste-t-il. Puisque ta famille était au courant.
    - Tu ne me crois pas, n’est-ce pas ? rétorque-t-elle.
    - Permets moi d’en douter, tu me l’aurais dit si c’était arrivé ce soir-là, répond Lyès. Ne le prend pas mal mais il y a quelque chose qui m’échappe. Pourquoi en faire un secret ? Si c’est vraiment ce qui t’est arrivé, tu n’as pas à avoir honte tu es une victime … Enfin.
    Lynda est déçue par sa réaction. Dans le fond, elle ne s’est pas faite d’illusions sur lui. Elle a toujours su que les autres allaient douter de sa bonne foi. Sa famille en premier puis lui.
    Après toutes ces années, il ne s’est pas contenté de l’écouter et l’encourager à dépasser ses peurs, il s’est permis de la juger. Elle a été victime d’un viol.
    Et chaque fois, quand elle y pense, elle se sent coupable d’un crime qu’elle n’a pas commis. Pour la première fois qu’elle a eu la force de se débarrasser du poids de plomb qu’est son secret, en se confiant, elle aurait aimé et voulu un soutien moral non une condamnation sans appel.
    Depuis toujours, chez nous, la femme est tenue pour responsable et coupable. Le jugement d’une personne étrangère ne l’aurait pas vexé et fait autant mal. Mais il s’agit de Lyès. Il est censé l’aimer et surtout bien la connaître.

    Dernière publication sur 1.Bonjour de Sougueur : Mon bébé, Justin, me manque beaucoup

Académie Renée Vivien |
faffoo |
little voice |
Unblog.fr | Annuaire | Signaler un abus | alacroiseedesarts
| Sud
| éditer livre, agent littéra...