La tradition de «l’après» est mauvaise et violente et traitresse, par tradition. Un clan ne rentre pas chez lui, mais «tombe». Il n’est pas écarté et laissé en paix, mais démantelé et jugé et traîné dans la poussière. La transmission des pouvoirs est violente et pas encore institutionnalisée.
Elle s’exerce par la loi de la force et de la méfiance et c’est pourquoi l’alternance est virtuelle et lente. C’est une question de vie et de mort, pas de solde de tout compte et de chèque de départ.
C’est donc ce que l’ont dit, aujourd’hui, : les Bouteflikistes se méfient. On dit qu’ils sont marqués par ce qui est arrivé à Bouteflika après la mort de Boumediene. On dit qu’ils voient déjà mal la vie après le départ de Bouteflika puisqu’il a suffi qu’il tombe malade pour qu’on commence à déboulonner les siens et à les jeter dans les fosses. La transition n’étant pas régulée et consensuelle, elle sera donc lente, difficile, cahoteuse et plus proche du coup d’Etat interne que de la démocratie en exercice.
C’est que par calcul ou par accident ou par instinct grégaire, les Bouteflikistes ont réussi à incarner l’image d’un «clan», d’un lobby familial, plus que toute autre «famille» présidentielle, avant eux. Avant, on parlait d’amis d’un Président, de «région», de grade ou de réseaux, rarement de «frères», sœurs et enfants de quartier et d’une seule ville. Parce que méfiant ou parce que «politicien» Bouteflika a choisi ses hommes dans le même panier et ce panier a fini par déteindre sur son image imaginaire : le «Royaume de Tlemcen» est plus qu’une mauvaise plaisanterie d’opposants et le choix des hommes a fini par polluer l’image d’un homme qui se voulait «rassembleur» et réconciliateur. A cela, on a fini par ajouter la question du «Frère» omniprésent pour aboutir à la logique du clan. Aujourd’hui, donc, on se retrouve avec la question de ce que deviendront les Bouteflikistes, après le départ de Bouteflika. A la Zerhouni. Comme Khellil ? Comme Belkhadem ou recasé comme Belaïz ? Ou rajeuni comme Ould Abbes ? Ou discret comme d’autres illustres ? C’est selon. Il n’y pas de solution. C’est une question qui n’est pas réglée et c’est elle qui donne au pouvoir sa fragilité permanente et son abus qui dure. Un abus sur les autres et sur les siens, paradoxalement.
4 août 2013
Kamel Daoud