Tout le monde est en convalescence. Le rythme du travail administratif ou politique est des plus bas de l’année. Même la politique prend ses vacances et fait du mois de carême un autre mois à ajouter au calendrier des repos. Si le RND est déjà en plein congé depuis le départ en longue durée de son chef, la suite pour les autres n’est qu’une affaire de retard, de rattrapage ou d’ajournement.
Les séances du comité central du FLN toujours officiellement ouvertes ressemblent à une ultime réunion du conseil pédagogique d’une école entérinant ainsi la fin d’un cursus chahuté et l’entame de longues vacances. Les anciens élèves, les nouveaux inscrits, les recalés, les redoublants, les maitres de salle et les chefs de cours vont enfin se reposer. Il est question de réprimandes et surtout de menaces d’exclusion pour mauvais comportement. Les avertissements et les blâmes n’ont pas suffit à contenir la turbulence de certains élèves seniors qui se sont distingués au cours de l’année par leur entorse au règlement intérieur. Parents d’eux-mêmes, ils vont affronter l’ire de la pécore blessée, malmenée et brimée tout au long de la période annuelle. Ce ne seront pas des vacances au sens de Jules Ferry, mais une vacance au sens parlementaire. Bizarre, est que cette assemblée ait plusieurs vacances dans l’année. Avec cette nuance entre vacances et vacuité.
L’Etat, par obligation de survie et de symbiose doit faire par le biais de partis une image de séraphin pleine d’atouts modernistes, de nuances philosophiques et de couleurs politiques différentes les unes que les autres. Le parti est devenu sous l’ère du nouveau concept étatique une thérapeutique apte à contenir tous les virus liés aux anciennes notions de gouvernance. La dictature n’est pas la même. L’oligarchie n’a plus le même manoir comme le royalisme ne siège plus sur des trônes où perché ; le monarque auréolé asservit au lieu de servir. L’idiotie collective n’a pu imaginer des tranquillisants politiques à injecter envers la contestation des foules, que la tromperie officielle et la sensation légale d’avoir liberté et initiative de créer, de s’exprimer, de se réunir. Le leurre défie le réel et reste quand bien même l’une des meilleures hypnoses dont la faculté d’abasourdir les spectateurs est cependant édifiante. Prendre sa carte et aller voter est une hypnose. Ne pas y aller est une autre hypnose.
Que les élections, considérées comme l’un des moyens les plus démocratiques, du moins pour les tenants du système ; aient la charge d’apporter à chaque lot quinquennal un quota de personnes. Tantôt bleues, tantôt ternes à force d’aller, venir et revenir, elles ne seront qu’une copie à l’identique de ceux qui les ont précédés. La force de la mobilisation des flots démographiques se perd par compte à rebours chez tous les partis. Et à ce jour malgré les débâcles qui ont sillonné le RND lors des précédentes législatives, la cure amaigrissante subie par Hamas et la liesse éphémère qui a ravi le FLN au lendemain du scrutin ; aucun de ces partis n’a pensé s’astreindre à faire l’état des lieux ou scruter l’état des cieux à venir. Ils persistent et signent faisant croire à autrui, un éventuel assainissement des rangs, une tentative de déstabilisation ou un sentiment inaccepté de jalousie piquante.
Il est temps chez ces corporations de changer de tête, de look et de comportement. Le RCD a franchi le pas. Bravo. Il reste aussi cette dame, qui n’a de cesse d’appeler à l’alternative alors qu’elle se souvient de la naissance de tous. Elle risque de devenir une marâtre, une grand-mère dépassée par le collectivisme moderne et virtuel. Chez ces partis encore vivants et en dynamique, l’ordre du jour se confine certainement en la lecture respective de rapports de circonstances et de compte rendu de missions. La prévision n’est jamais perçue telle une nécessité rentable dans le long terme. C’est habituellement de l’urgent que naît le ponctuel dans la résolution des cas soulevés ici et là. Ni les démissions successives des responsables locaux, ni le départ massif des adhérents encore moins la défection unanime ou la désertion arrangée des inscrits, symptômes majeurs somme toute de la maladie élective qui ronge la base des partis, ne semblent troubler outre mesure ceux qui président aux destinées de ces associations politiques. Cultivant à leur manière et à leur tour la conscience de fait qu’ils ne sont là que pour une incertitude chronique dont ils ne connaissent point ni le point de chute ni les causes de leur mort, ces leaders participent en jouant un rôle providentiel, au jeu des clans, des plans et du hasard des hommes et des circonstances. Les Mehri, les Benhamouda, les Benbaibèche pour les deux grosses pointures partisanes savaient d’avance le compte du temps accompli. La «noblesse» du service rendu sous l’ordre inintelligible d’un pouvoir en quête permanente de maintien de l’ordre établi savait elle aussi cesser à bon moment. Ils n’avaient de cure que d’attendre sereins et sans enthousiasme l’heure fatidique où sous un motif quelconque, quitteront sans états d’âme leur perchoir. Se sentant de simples travailleurs, fonctionnaires ou commis de partis, les leaders n’auraient fait que ce qu’ils avaient à faire. Accomplir une mission de service public. Aucune doctrine, aucune philosophie et nulle empreinte idéologique n’est venue dorer leur passage. Ils sont presque partis comme ils étaient venus. Avec fracas et insouciance. A la limite du contraire, la zizanie, la grogne et le complot scientifique avaient fissuré pas mal d’édifice.
En fait de stratégie pour des horizons lointains, il demeurera constant de remarquer l’absence de toute approche tendant à élever les partis en structure aspirant doléances et attentes pour devenir en phase de développement de véritables réceptacles de soucis et de préoccupations. L’objectif étant de canaliser la masse vers un front de défense d’intérêts communs suivant une certaine méthode politique à partager par l’ensemble des sujets.
Malheureusement l’euphorie qui a accompagné l’affluence vers l’accouchement d’associations qualifiées à caractère politique suite à la permission constitutionnelle de 1989, n’eut pas le résultat escompté. L’installation durable et efficace dans la société. Le seul profit que justement cette «société» eut pu tirer ce fut l’action participative à l’édification théorique d’une démocratie de façade dont les contours à ce jour ne sont pas distinctement appréhendés. Tout était perçu à la mode perestroïka. Au moment où l’on croyait balayer un système l’on aurait permis à un autre plus virulent, tenace et perspicace de s’installer confortablement. Les partis à l’époque, jouant à un jeu arrangeant toutes les parties (pouvoir -autres) se plaisaient dans la nouvelle posture qui d’ailleurs n’augurait aucun espoir de voir se dissiper le spectre de la mainmise politique. Qui des guignols, qui des crédules, tous pensaient détenir la potion mystérieuse et magique de pouvoir prescrire un traitement adéquat aux souffrances qui allaient affliger durement et pour longtemps tout le corps social.
Le phantasme des hommes accompagnés d’autres au nombre de quinze et plus gagnait allégrement les bureaux où l’octroi des agréments se faisait sur simple présentation d’un rapport d’intention. Ce qui s’est reproduit automatiquement à l’avant-veille de dernières législatives de 2012. Néanmoins le jeu se passait ailleurs. La multiplicité d’organisations différentes dans la dénomination ne multipliait pas pour autant la diversité dans l’option des choix, de projets et surtout de repères idéologiques. Le tout consistait en une infrastructure se proposant à l’instar des autres une super fonctionnalité. Chacun prétend et affirme «fouli tayyab». L’antagonisme qui minait la société, minait davantage les partis.
Les conflits de leadership, le besoin de médiatisation et la mise en exergue irrésistible de son « programme » l’emportaient sur toute autre préoccupation d’ordre politique. L’invective et les propos malsains n’eurent pas empêché, les chefs de s’autodétruire un par un pour que le débat qui devait être contradictoire ait su s’élever aux coups de gueules et de mains. Ce constat d’inculture politique fut d’ailleurs posé en termes de rivalité bien avant. «Ne faut-il pas s’étonner qu’une société fondée sur l’opposition des choses, aboutisse à la contradiction brutale, à un choc de corps à corps comme dernier dénouement ?» La rébellion du FIS, le terrorisme donc étaient quelque part prévus et réprouvés comme moyen de lutte politique.
La récente expérience brève et controuvée des partis est obscurcie par le fonctionnement difficile et aléatoirement contesté qui en silence les fait survivre ou tend à les faire en cas d’inadéquation d’intérêts, disparaître. Qu’il soit dans son ampleur interne ou par effets d’immixtion, ce fonctionnement n’était pas apte à donner vitalité et progrès aux jeunes partis, poussins éclos dans une pouponnière où le maître de salle n’est autre que le système. Par l’observance outrancière et publique de l’exercice de ces manœuvres au sein même des quartiers généraux de partis, l’individu, le citoyen, celui qui devait finalement fournir l’unité du militantisme, le futur adhérant voire l’électeur, ne se voit qu’ému et outragé. Ainsi vont les partis. Ainsi ira la volonté populaire en contre sens. On ne va plus les revoir ces partis sauf, à la récréation de l’université d’été ; formule impropre à leur essence. Alors qu’en ce mois sacré le dynamisme n’est que précaire ; voire nonchalant. A l’approche d’avril 2014, une autre date dans la course aux sièges sonnera le clairon du grand rassemblement.
L’impression qui se dégage toute inimaginable de tout citoyen potentiel remplisseur d’urnes, fait en sorte que l’on ne vote plus parti, mais personnes.
L’éloge ou la diatribe à l’intérieur ou l’extérieur des partis, loue le mérite des uns ou fait le mauvais des autres. La meilleure enfin l’ultime moins disgracieuse idée que se font les gens à bon propos des partis, c’est de conclure vers le verdict terrible pour une société fraîchement nouvelle, entérinant la suspicion des tous à savoir : la faillite des partis. En effet, multipartisme aidant, le parti ne symbolise plus l’homogénéité d’un projet ou l’unicité de vision. Il semble asservir plus qu’il ne sert son intérêt. Machine, à l’origine de production de pouvoirs et du pouvoir, le parti fonctionne telle l’entreprise à caractère économique. La rentabilité n’y est pas calculée sur des ratios de pertes et profits. Ce n’est qu’une encaisse numéraire à empocher dans l’immédiat. Les prétendants aux listes et aux postes se prennent pour des managers économiques habiles dans la collecte du plus fort taux de participation. Pour des raisons clairement définies ou tacitement comprises, l’on assiste mais émerveillés aux galops des «cavaliers- candidats» faisant leurs escapades d’un parti vers un autre. 1997 aurait vu un flux hémorragique du FLN vers le RND. 2002 c’est presque le contraire qui se reproduit. 2007 ce fut le statut-quo. Quant à 2012 c’est l’émiettement et la parcellisation qui font leur entrée. Le nombre de partis a atomisé l’électorat. Chacun se trouve être membre d’une famille représentée sous un insigne partisan quelconque. Les nouveaux militants, virginité politique et stupidité tactique obligent ; ont également acquiescé aux charmes envoûtants provenant des appels au secours lancés par les corporations en mal d’amour populaire. Cette année a vu des élections toutes inédites en terme de candidature.
Comme un festin à la carte, le menu était divers et varié. Du footballeur à l’importateur, du demandeur d’emploi au milliardaire, de l’imposteur au contrebandier, tous ont eu ce rêve suprême de vouloir déflorer le paysage politique. Les militants attitrés dont les cartes se jaunissent au gré des purges ont fait les frais des politiques « d’assainissement» au profit parfois de ceux qui furent un temps à leur tour «assainis». Jeuner c’est se faire une santé. Autrement.
1 août 2013
El Yazid Dib