Il est au repos depuis exactement le jeudi 16 mai à l’issue des compositions du dernier trimestre expédiées à la célérité de la lumière en cinq jours. En un quart de tour, la plupart des lycées du pays se sont donc vidés de leurs élèves tous niveaux confondus au grand dam des parents et à la grande satisfaction des responsables qui vont empiler une fois de plus une nouvelle belle couche, comme c’est la tradition, en mettant l’accent sur la totale réussite dont le grand mérite revient aux réformes entreprises et en poussant, comme c’est la coutume habituelle, la caricature jusqu’à nous ressasser sans cesse les progrès légendaires de l’école algérienne.
Quant à ces milliers d’associations de parents d’élèves, elles rasent les murs au moment où on a besoin de leur présence, en jouant parfaitement le rôle du mort. Elles ne réapparaissent pour la majorité d’entre-elles que lors des grandes occasions avec costumes et cravates aux cérémonies de distribution des prix aux côtés des responsables en vantant à tout-va les vacances tant méritées après une dure année de labeur. En tous les cas, je ne me rappelle pas avoir reçu en tant que parent d’élève la moindre invitation depuis une assez bonne décennie à y assister à leurs assemblées générales comme le dictent clairement tous les statuts. C’est comme si on voudrait éviter les observations et les remarques désobligeantes des parents et où tout doit être peint en rose. D’ailleurs on ignore comment leurs bureaux se sont-ils renouvelés en l’absence des parents si ce n’est en catimini avec une sélection en amont ou comment se sont-elles mises en conformité avec la nouvelle loi sur les associations ?
Pourtant sur le portail internet du ministère de l’intérieur [1], leur nombre, à la date du 31 décembre 2011, est exactement de 14891 sur tout le territoire national juste derrière les associations religieuses et sportives, soit aux alentours de 16 % sur le total des associations locales agréées. Mais leur silence est très pesant et suspect en même temps. Le doute vous envahit en ne sachant pas si elles militent pour l’intérêt et la progression des élèves ou pour leur régression. On devrait plutôt distribuer des blâmes à notre école en s’interrogeant si on avance comme on nous le miroite ou si on recule comme le montre cruellement la réalité sur le terrain. Cela fait marrer quand on lit sur les colonnes des médias que le ministère de l’éducation met en garde les établissements scolaires contre l’avancement des dates des examens de fin d’année en fixant même le 19 mai comme la date limite inférieure du début des compositions pour tous les établissements. Cela constitue un véritable affront que de ne pas se soumettre aux directives du ministère. Personne ne sait pas si ces catastrophes pédagogiques sont signalées par les académies à leur tutelle car on n’a aucun écho de ces dérives ni à la une de l’Entv ou dans la presse écrite ni sur les sanctions promises à l’encontre des fautifs, comme s’il s’agissait de faits isolés. Cela démontre de façon la plus flagrante que les choses sont gérées au jour le jour sans aucune programmation. La politique du court terme continue inlassablement son chemin.
Plus on s’en débarrasse des élèves et plus on est tranquille semble la solution idoine pour ces « éducateurs » des temps nouveaux qui n’hésitent pas à enfoncer encore plus l’école algérienne. Comme la prochaine rentrée des classes se ferait vraisemblablement le dimanche 8 ou le 15 septembre et tout en connaissant le fonctionnement et les traditions néfastes sur l’école algérienne, les cours ne vont certainement débuter « douga douga » qu’une grosse semaine plus tard. Si on fait les comptes, mon fils va prendre au moins 4 mois de vacances ! Le trimestre d’enseignement se réduit fatalement au moins de sa moitié.
Puisqu’on a l’habitude pour des raisons historiques de regarder au nord vers la France, allons voir ce qui se fait chez elle en visitant le site de son ministère de l’éducation [2]. On découvre qu’on ne parle nullement de rentrée des vacances et départ en vacances mais de reprise et de fin des cours. Pour cette année, la fin des cours est programmée pour le samedi 6 juillet alors que la reprise des cours est fixée pour le lundi 3 septembre. C.-à-d. plus d’un mois et demi après les nôtres ! Le même site gouvernemental précise que les élèves qui n’ont pas cours le samedi 6 juillet sont en congés la veille mais après avoir assisté aux ultimes cours. On enregistre également que le ministère de ce pays se préoccupe de l’insignifiant rattrapage d’une négligeable demi-journée de cours. On discerne clairement que contrairement à notre système éducatif, c’est l’acquisition du savoir qui prime en premier lieu. Les cours reprennent après les examens tandis que chez nous, ils sont significatifs de départ en vacances. Chez soi, on pense d’abord aux notes et exclusivement aux notes sans ne se soucier guère des connaissances acquises tronquées de leur incontestable sève.
Je ne voudrais pas être déçu davantage en soulignant que dans le pays, on continue de discourir, sans aucun état d’âme, du seuil des cours effectués, la fameuse « 3ataba » [3] qui est devenue une équation incontournable dans le système éducatif algérien et sans doute le mot-clé le plus cité parmi les élèves de terminales et les responsables du secteur en chaque fin d’année scolaire. Soulignons qu’en France, qui notons-le au passage n’est d’ailleurs pas une référence en la matière comparativement aux pays scandinaves, les épreuves du baccalauréat ne débuteront que 15 jours plus tard par rapport au nôtre. Il n’est question, chez eux, ni de «3ataba» ni d’objectifs non atteints. Tout est programmé pour assurer tous les enseignements préparés par les experts de l’éducation. Par ailleurs, on ne peut que se poser la question sur les réels pourcentages des autres programmes qui n’ont pas été achevés depuis la nuit des temps surtout lorsqu’on sait que les élèves des premières et secondes années secondaires ont déjà été lâchés dans la nature. On continue la descente vertigineuse aux enfers. Tous ces programmes inachevés au lycée ramènent à l’université des flots d’étudiants avec énormément de lacunes où un étudiant de première année scientifiques ne saurait résoudre une simple intégrale. Il n’est nullement question ici d’imputer ces déficiences aux étudiants mais au système qui s’est érigé en maître absolu qui ne permet aucune opposition. La responsabilité est absolument partagée par tous les acteurs du secteur. Et l’accumulation des insuffisances s’entasse davantage pour le pauvre étudiant dont le niveau baisse infernalement. Au lieu que le nivellement des compétences se fasse par le haut, c’est dommage qu’il n’arrête de s’accrocher vers le bas.
Au fait pour la meilleure université du pays, les cours du premier semestre ne débuteraient que vers mi ou fin octobre, au moins pire vers mi-novembre nonobstant les cités universitaires qui n’ouvrent généralement leurs portes que vers la mi-octobre et les restos universitaires bien plus tard.
Pour ceux qui ne le savent pas, le cursus du LMD prévoit un semestre de 15 semaines de cours et une semaine consacrée aux examens. Faites le compte et vous verrez que jamais au grand jamais l’enseignement supérieur ne pourrait assurer cette norme pédagogique dans les conditions de gestions actuelles. Si l’on arrive déjà aux deux tiers des programmes, on ne peut que se féliciter de la prouesse réalisée. On va donc naturellement chevaucher sur le second semestre sans omettre de signaler la semaine bloquée des examens de rattrapage du premier semestre qui ne vont pas se faire à la fin des journées des cours mais vont s’effectuer en lieu et place des séances de ce malmené deuxième semestre.
Ah ! Cette sacrée semaine bloquée qui est une merveilleuse trouvaille de l’université algérienne où les étudiants revendiquent même à suspendre les cours durant la semaine d’avant pour partir se préparer chez eux. Une fois les examens finis, nos étudiants repartent une nouvelle fois chez eux pour une autre semaine d’après pour cette fois-ci le repos du guerrier. Et voilà 3 semaines qui partent en fumée pour un crime pédagogique qui dit son nom et dont on évite de le voir ici bas et là-haut en le voilant de chiffres dont on ne sait d’où ils ont été coulés. On ne peut omettre, puisqu’on y est en pleine désinvolture, qu’avant les jours fériés, les étudiants partent plusieurs jours à l’avance et ne reprennent les cours qu’avec plusieurs jours de retard, fêtes obligent !
Pauvre second semestre qui va encore être malmené pédagogiquement. Le record, au meilleur des cas, des 10 semaines du premier semestre va être entièrement revu à la baisse mais avec à la clé des rapports satisfaisants et des félicitations de tous genres qui vont pleuvoir sur ces responsables à vous donner le vertige s’il s’agissait de l’université du pays ou bien de son sosie virtuel. Je terminerais ce paragraphe par citer le cri de douleur pédagogique qui m’a été adressé, en ce 15 mai, par le mail de mon compère Ali Derbala, enseignant-chercheur à l’université de Blida dont ses prolifiques contributions sur l’état de notre université ne sont plus à démontrer. Dans son message, il démontre magistralement comment, en tant que mathématicien de son état, un semestre s’est-il transformé allègrement en bimestre voir dans certains imprévus en un peu plus d’un mois d’enseignements !
Et puis on ne peut oublier non plus ces pseudos-enseignants qui sautent des cours sans chercher à les rattraper avec une douteuse conscience professionnelle due à leurs rangs et qui laisse à désirer. C’est un autre problème sur lequel cette contribution serait insuffisante pour s’étaler sur le sujet si l’on veut crever un autre abcès. Comme cela ne dérange nullement les étudiants concernés, la médiocrité creuse davantage son lit dans ces conditions anti-pédagogiques. Tout le monde fait semblant que tout marche à merveille mais au fond de soi-même on sait que rien ne va plus. Sauf que c’estle courage qui nous manque cruellement de se regarder la face devant un miroir plan et faire en toute sincérité et en toute objectivité le bilan si l’on veut le méditer. La boule de neige a tout emporté sur son passage. Que faire devant ce déluge ? C’est toute la question qui demeure jusque là sans réponse. Personne ne pourrait prévoir la fin du cauchemar sauf si on se réveille de notre profonde léthargie.
Lorsqu’on sait que les amphithéâtres et les salles de travaux dirigés de nos universités commencent à se désemplir vers 15h pour ne trouver le moindre chat qui rôde à partir de 16h, on ne peut que mesurer l’écart qui est train de se creuser non seulement avec les pays du nord mais avec nos voisins les plus immédiats surtout en terme de qualité. Certes, on a produit de la quantité mais si on la comprime, on ne peut différencier le bon grain de l’ivraie. En France, et à titre de comparaison, il existe des cours qui ne se terminent que tard dans la soirée vers 19h30 tandis que les bibliothèques universitaires restent ouvertes mêmes au-delà de ces horaires administratifs. Allez-y savoir à quelles heures nos bibliothèques verrouillent à double-tour leurs portes. En ce qui concerne les associations estudiantines, en dépit de leur nombre qui frôle l’inimaginable et qui gravitent autour des universités pour diluer tous les réels problèmes. Elles s’occupent beaucoup plus de leurs propres affaires que des intérêts stricts de l’université surtout le volet pédagogique mais passent leur temps à fréquenter le gotha politique et les salons des grands hôtels tandis que les étudiants qu’ils ont censés représenter s’entassent dans des cités dans des situations déplorables. On les a vus comment ils exposent leurs poitrines sur les télés à l’occasion de la commémoration de la journée du 19 mai, journée de l’étudiant, en compagnie des autorités caressant infiniment le poil dans le bon sens et maniant la langue de bois en toutes épreuves. Le nationalisme et le patriotisme c’est aussi lorsqu’on dénonce toutes les violences faites à l’enseignement avec au bout du tunnel la sortie de diplômés à moitié formés et totalement livrés à eux-mêmes. Vu les indéniables enjeux stratégiques qui nous menacent de toutes parts, l’Algérie souffre pour sa pérennité de cadres compétents surtout concernant la relève dans tous les domaines dont l’université d’aujourd’hui serait incapable de les lui fournir sauf une salutaire renaissance loin de toute démagogie et de toute ingérence purement politique avec comme leitmotiv la science, rien que l’apprentissage du savoir pour se mettre au diapason des pays qui préparent l’avenir et non en creusant sa tombe de ses propres mains. Si l’Algérie est sortie indemne jusque-là, c’est grâce aux efforts fournis dans les années qui avaient suivi l’indépendance avec ces cadres formés où les algériens avaient une grande envie d’apprendre avec cette terrible soif du savoir, sevrés il est vrai durant très longtemps par le colonialisme dans toutes ses multitudes formes. Les hommes partent et reviennent mais l’Algérie doit rester debout en son état jusqu’à la fin de ce monde, pour cela assurons-lui juste d’être entre de bonnes mains et gouvernés par des esprits éclairés pas de ceux dont l’horizon serait bouché et qui la cèderaient à la moindre occasion au plus offrant tout en préparant la fuite dorée vers d’autres cieux.
Références:
[1]-http://www.interieur.gov.dz/Dynamics/frmItem.aspx?html=2&s=29
[2] – http://www.education.gouv.fr/pid25058/
le-calendrier-scolaire.html
[3] – http://www.m-education.gov.dz/jointes2013/ara.pdf
1 août 2013
Mohammed Beghdad