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Un bac, une tricherie, un rachat par Rachid Brahmi

30 juillet 2013

Contributions

Cette contribution, celle d’un citoyen, d’un enseignant, mais aussi père d’enfants scolarisés,est une appréciation de quelques déclarations et des conduites, constatées autour de ce visa d’entrée à l’université, tant convoité, apparemment beaucoup plus par les parents que les candidats ; une aspiration tout à fait compréhensible. 

Ainsi, des déclarations d’associations de parents d’élèves, et accessoirement, de membres du corps de l’Education, préconisent un rachat au Bac, en raison notamment des perturbations scolaires dans le Sud du pays. Parmi ces voix,le Président d’une association parentale demande(1) « d’appliquer un système de rachat à 9 ou à 8.50 » parce que « les parents se plaignent et sont inquiets pour leurs enfants » justifie-t-il. Il estime aussi, que le rachat est « indiscutable, si l’élève a montré des résultats satisfaisants durant l’année scolaire ».Il demande également, dans un rapport transmis à la tutelle, que « le barème de correction soit assoupli, différent de celui du Nord, et de manière à permettre aux candidats du Sud de gagner des points », le journalsous-titrant en chapeau « nous exigeons un rachat à 9/20 » attribué à ladite association.

En outre, la presse nationale a relaté que les épreuves de la session de juin 2013 ont engendré des incidents, suite au mécontentement de certains candidats, pour des sujets jugés difficiles ou n’ayant pas été traités. Dès lors, des perturbations, des évanouissements, des colères, ont été observés dans quelques centres d’examen, dont certains ont enregistré des actes de vandalisme, des menaces, des tentatives d’agression du personnel éducatif, ayant nécessité l’intervention des services de sécurité. Cela a donné lieu à des tricheries individuelles et collectives opérées sous la menace oula complaisance de certains enseignants, un comportement qui nait de l’indiscipline scolaire, thème quel’auteur de ce papier a déjà eu l’occasion de soulever (2).Voilà pour les faits essentiels que nous pouvons retenir, suite à une lecture plus ou moins empressée, de la presse.

S’agissant des propositions de l’association citée précédemment, elle demeure très discutable. L’enseignant vous dira qu’il ne s’agit pas de gagner des points n’ importe comment, d’offrir un Bac au rabais pour nos enfants du Sud,mais de faire en sorte que les élèves puissent gagner des points dans la Connaissance. Et trêve de néfaste indulgence. S’il s’agit d’assouplir quoi que ce soit, ce n’est surtout pas le barème que nous devons viser, puisque c’est anti pédagogique, tel que sagement reconnu et fortement affirmé par une autre association parentale, et puisque cela signifie tout simplement «gonfler » les notes. Car, obéissant à des critères scientifiques, un barème relève des compétences de pédagogues,pas de parents, naturellement émotifs. Il s‘ agit par contre, d’assouplir, dans un avenir souhaité proche, la lourdeur des programmesindigestes, et d’améliorer la qualité de l’enseignement en terme de contenus, de méthodologies, de volume horaire, de conditions de recrutement des enseignants, de la formation continue de ces derniers et autres…Et si ces dernières actions relèvent des éducateurs uniquement et de spécialistes en la matière , l’ intérêt bien compris de l’élève nécessite bien évidement, la contribution positive, sincère et honnête des parents à titre individuel, ou dans le cadre des associations qui ont un important rôle à jouer, après la mise en place de prérogativesbien définies par les pouvoirs publics. A chacun donc sa mission, le populisme, ou tout au moins l’élan, sont très préjudiciablesà la qualité de la formation.

D’autre part, s’il y a un rachat, éventualité techniquement improbable pour cette année, et sachant les pressions lycéennes et parentales, il faut s’attendre, à une poussée vertigineuse des cours de soutien à faire saigner plus d’algériens, mais surtout à institutionnaliser les combines et les passe-droits. Concernant encore le rachat, l’enseignant peut vous dire que des étudiants ayant décroché le Bac avec mention, ont éprouvé de grandes difficultés à suivre leurs études à l’université, alors que d’autres, tout juste moyens, trainent dans cette institution, devenant ainsides « étudiants professionnels » et de potentiels chômeurs.

Qu’en sera-t-il demain, si le rachat est avalisé sous la pression des adultes qui sont sensés tempérerl’impulsion d’adolescents ? En somme, le véritable problème, c’est l’impéritie d’un système à revoir, conjuguée à notre façon de concevoir la réussite de nos enfants et leurs intérêts bien compris.

Quant aux secousses provoquées durant la semaine des épreuves, telles les évanouissements ou la perte relative de sang-froid, elles trouvent leur interprétation dans un manque de préparation morale ou d’un soutien inefficace de la part des parents, dont le rôle est de délester la charge émotionnelle de leurs enfants, et non pas de l’accroître. Les adultes ont alors tout l’air d’être moins préparés que les adolescents à ces épreuves. Mais cemécontentement plus que déplorable chez des candidats, reste minime, puisque le nombre de centres perturbés est très mince, par rapport au nombre total des centres qui est de 1928, répartis sur 48 Wilayas.

Ce mécontentement devient grave quand l’effervescence engendre un chantage affectif, par la tentative réelle ou feinte du candidat, de se suicider. Comment qualifier maintenant, les intimidations à l’aide d’armes blanches introduites dans une enceinte ( le dico la définit comme étant un espace clos) éducative, ou les tentatives d’agression envers les éducateurs, ou les émeutes, ou la destruction de chaises, de tables ou autres biens publics ? Une armurerie ambulante qui franchit le portail de l’établissement éducatif. Comment qualifie-t-on cela en termes juridiques et quelles doivent être les sanctions prévues par la loi ? Où se situe le devoir des parents devant l’inconscience des adolescents, quand ces derniers sont manipulés, une éventualité plus que probable, selon plusieurs sources bien au fait de l’actualité et du système éducatif et rapportées par la presse ? Car est-il possible que trois sujets de philo au choix, soient tous les trois, hors de ce fameux seuil ou difficiles ? Et d’ailleurs, qui peut juger de la difficulté d’un sujet, sinon les pédagogues ? Il faut reconnaitre aussi,que des déclarations, telles celles de l’association parentale citée plus haut, et publiées le 31 mai 2013, c ‘est à dire à un jet de souffle du lancement des épreuves, participeraient à échauffer les esprits ou, commeondit « chauffer le Tbal » desmauvaiscandidats.

Venons-en maintenant, à la triche individuelle ou collective, effectuée parfois sous la menace, cette tare observable chez nous et en dehors de l’école, cette prédisposition qui a vicié la société. Un Bac est une épreuve, faite pour mettre à l’épreuve, « C’est pas de la tarte » en principe,et ça ne se distribue pas. Mon Dieu, le Bac de la combine et de la rapine ! Il est plus que certain, que des parents n’ignorent pas ce type d’agissements, alors que d’autres, en opérant un suivi régulier et des visites aux enseignants, peuvent mieux suivre leurs protégés. Si certains lycéens ont confié à des journalistes, bien avant les épreuves du Bac, qu’ils useront de maints subterfuges pour frauder, l’essentiel étant de décrocher le fameux sésame, que dire de parents démissionnaires qui, au lieu de contribuer , à leur niveau, à la sérénité de tous, et ne se rendant pas compte de la pression qu’ils font subir à leurs enfants , ne s’intéressent alors qu’ à l’ obtention du Bac, et à tout prix. Mon Dieu, cette tricherie, cette supercherie !

Ne perdons pas de vue qu’un Bac , déjà tronqué par ce ridicule seuil, sujet à des revendications récurrentes et capricieuses , et par cette largesse et cette possibilité des épreuves à deux ou trois choix, telle une tombola , nuit considérablement à la poursuite correcte et sereine des études universitaires de nos enfants. Et puis pourquoi certains parents se focalisent sur le Bac uniquement, en oubliant ou négligeant, tout le cursus scolaire, depuis la première année primaire ?

D’autre part, même avec un système éducatif performant, nous devrions réaliser que les diverses capacités mentales,les prédispositions et le rythme du travail, sont des caractéristiques qui varient indéniablement, d’un enfant à un autre. Pour tout cela, il est des enfants qui seraient mieux dans leur peau, si, soutenus, ils optaient pour une activité manuelle, dans le cas où le malaise de l’enfant est persistant à chaque année scolaire. Et puis, comme « Il n’y a pas de sots métiers, il n’y a que… », nous savons que des professions,parmi celles dites manuelles ou artistiques, et sans passer par le Bac, peuvent procurer plus d’épanouissement à une catégorie de jeunes, leur permet de mieux s’exprimer et leur assurer un emploi stable, recherché et bien rémunéré, alors que des étudiants peinent à terminer leur cursus universitaire, vont rejoindre la cohorte des chômeurs. Pour l’illustration, pour diverses raisons, des médecins chôment ou se reconvertissent en « vendeurs » dans les pharmacies ou en délégués médicaux représentants de produits pharmaceutiques, ou autres, alors qu’il faut suer pour trouver un chauffagiste, ou un électricien ou d’autres artisans compétents, les supplier pour leservice, subir leur humeur ou leur défaut de ponctualité et les payer rubis sur l’ongle, sans « broncher ».

A s’acharner pour détourner le cours d’un fleuve naturel, il y a un grand risque de l’assécher. Dans ce sens, les pouvoirs publics devraient mettre le paquet, afin d’encourager, le plus et le plutôt possible, la formation professionnelle, car notre pays manque cruellement d’ouvriers qualifiés et d’agents de maitrise, beaucoup parmi ceux-ci,qui sont au service de notre économie, ne sont que nos hôtes temporaires, carde nationalités étrangères. Le citoyen peut aussi vous dire, que plus d’une vingtaine de branches et spécialités sont assurées par la Formation professionnelle (6), dont, non seulement l’artisanat (ouvriers qualifiés) dans de multiples activités, mais également les arts et industries graphiques, le tourisme, l’informatique, l’électronique, les techniques audiovisuelles et autres, pour une formation d’agents de maitrise.

Si le vœu de tout père ou de toute mère est de voir leurs enfants décrocher le Bac,est compréhensible, est ce légitime, si nous considérons que ce dernier termetel que défini par le dictionnaire, signifie non seulement juste ou équitable, mais également fondé sur la Raison ? Le baccalauréat ne s’obtient pas au petit bonheur la chance, mais par un travail soutenu qui démarre dès le cycle primaire. Quant au stress scolaire, selon d’éminents spécialistes en conclave (3) en 2011, son origine est multiple. Le stress germe dès la petite enfance, résulte de considérations familiales et sociales, dont cette recherche par les parents,d’une performance qui n’est pas toujours possible,bien que la surcharge et le rythme scolaires (4)soient un facteur d’accroissement notable de ce mal. Mais enfin, qu’il soit développé ou sous développé, républicain ou monarchique, dictatorial ou démocratique, aucun Etat dans le monde, ne peut assurer à tous ses enfants, la réussite au baccalauréat, puis une place à l’université. Absolument aucun. Et dans les pays qui ont effectué un superbe bond en matière de développement, car ayant investi dans l’Education, il faut savoir qu’ils sont partisans de l’élitisme, c’est-à-dire qu’une sélection est appliquée à l’aide d’un triage (tamisage) dépourvu du moindre état d’âme. Des pays qui, il y a seulement quelques années, étaient logés à la même enseigne que nous, sinon pire. Donc pour eux, ni programme tronqué, mutilé et mutilant, ni seuil, ni « 3ataba », ni des sujets au choix, ni copinage, ni copiage, ni complaisance ! Voilà pourquoi et en quoi ils nous surpassent. Alors ne jouons pas à la roulette russe avec l’avenir de notre pays. Rien ne peut donc justifier ce qui s’est passé, comme menaces envers les enseignants ou vandalisme ou tricheries. C ‘est inadmissible,le micmac pour ce Bac !

Pour conclure, espérons voir une refonte sérieuse du système éducatif, enclenchée dès l’année prochaine (5) , et qui devrait se pencher sur les maintes propositions formulées, il faut le rappeler , par des spécialistes, à travers plusieurs recommandations de séminaires et d’au moins une commission composéed’une flopée d’experts, qui a déposé ses travaux il y a déjà une dizaine d’années, dans les bureaux de la Présidence de la République, et dont le rapport n’a pas été encore rendu public et sa non-prise en considération regrettée par au moins deux syndicats du corps de l’ Education nationale, et bon nombre d’enseignants universitaires attentifs à la question.

Dans l’attente subjectivement longue des résultats, le citoyen, le père et l’enseignant, souhaite très sincèrement,succès au Bac, à tous nos enfants méritants, après des années de travail régulier.

Note :

(1) http://www.elwatan.com/actualite/bac-un-bac-au-rabais-pour-le-sud-31-05-2013-215696_109.php

(2) http://rachid-brahmi.over-blog.com/article-de-l-indiscipline-dans-le-systeme-educat-64395398.html

(3) http://www.pedago66.fr/maitrise/file/Formations/stage_ECLAIR_2011_2012/lundi_6/Stress/

actes_2011_version_compresse.pdf

(4) Rachid Brahmi. « Gai, gai l’écolier, c’est souvent les vacances » .Le quotidien d’Oran, 30 mai 2013, p13.

(5) Rachid Brahmi. « L’école, les constantes nationales et la modernité ».Le Quotidien d’Oran, 16 mai 2013, p 10.

(6) http://www.mfep.gov.dz/fr/nomenclature_2012/page_garde.pdf

À propos de Artisan de l'ombre

Natif de Sougueur ex Trézel ,du département de Tiaret Algérie Il a suivi ses études dans la même ville et devint instit par contrainte .C’est en voyant des candides dans des classes trop exiguës que sa vocation est née en se vouant pleinement à cette noble fonction corps et âme . Très reconnaissant à ceux qui ont contribué à son épanouissement et qui ne cessera jamais de remémorer :ses parents ,Chikhaoui Fatima Zohra Belasgaa Lakhdar,Benmokhtar Aomar ,Ait Said Yahia ,Ait Mouloud Mouloud ,Ait Rached Larbi ,Mokhtari Aoued Bouasba Djilali … Créa blog sur blog afin de s’échapper à un monde qui désormais ne lui appartient pas où il ne se retrouve guère . Il retrouva vite sa passion dans son monde en miniature apportant tout son savoir pour en faire profiter ses prochains. Tenace ,il continuera à honorer ses amis ,sa ville et toutes les personnes qui ont agi positivement sur lui

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