Concrètement, le remaniement ministériel peut prendre trois formes :
1. Un ou plusieurs ministres souhaitent quitter le gouvernement, parce qu’ils se sont présentés, avec succès, à une élection ou parce qu’ils veulent tout simplement, être déchargés complètement de leurs fonctions pour raisons personnelles,
2. Un membre du gouvernement peut être révoqué, après avoir commis une grave faute politique ou autre impair rédhibitoire, l’empêchant de poursuivre son action au sein du gouvernement,
3. Le remaniement peut avoir une portée plus grande et se produit :
Soit lorsque le gouvernement est en place depuis quelques années et que le besoin de changement semble avéré.
Soit lorsque le gouvernement essuie de fortes critiques de l’opinion publique.
Dans cette optique, l’ampleur des changements est alors non seulement importante mais, également, fortement médiatisée afin d’adresser un message de renouveau aux observateurs et à l’opinion publique.
Revenons en France, si vous le voulez bien, pour parler de nouveau de François Hollande qui dans un premier temps, a évoqué, volontairement, l’hypothèse d’un remaniement, pour mettre d’abord la pression sur ses ministres.
Se voulant plus rassurant, il a affirmé ensuite que le changement de gouvernement n’était pas d’actualité, voulant ainsi mettre un terme à la panique qui avait saisie ses ministres, depuis qu’il avait lâché le mot « remaniement ».
François Hollande a, délibérément, déstabilisé son équipe gouvernementale. C’était sa stratégie de départ.
Il lui fallait donc, ré-stabiliser et rassurer. Il a donc refermé la parenthèse qu’il avait ouvert avec son annonce « oui, un remaniement est possible, mais pas aujourd’hui » en engrangeant tous les dividendes possibles :
ses ministres sont depuis sous pression, positive ou négative, c’est selon.
tous travaillent davantage, sachant que leur destin est entre les mains du président.
De ce qui précède, peut-on affirmer que cette façon d’agir avec le gouvernement constitue une forme de management utile, au besoin par le stress et la pression ?
Apparemment oui, puisque semble-t-il, l’équipe ministérielle française après avoir été rassurée sur les intentions du président de ne pas brusquer le changement, s’est remise sérieusement à la tâche, tout en prenant acte de l’avertissement qui lui a été infligé et peut-être même penser à rattraper le temps perdu et corriger ce qui peut l’être.
Les ministres ont plus que l’usufruit de leur maroquin, ils en sont presque propriétaires et leurs cabinets sont inamovibles.
Ils ne sont pas soumis à l’obligation de résultats, nonobstant les séances ramdhanesques auxquelles ils sont conviés, bon an mal an, pour rendre compte de leurs bilans et à l’issue desquelles ils ressortent, étrangement, avec des satisfécits.
Ils passent, sans transition, d’un ministère à l’autre, à croire qu’ils détiennent la science infuse, se succédant dans un décor de passation de consignes, beaucoup plus protocolaire que tenant d’une volonté de capitalisation d’expérience ou de programmes à achever. Tout ça dans une ambiance de long fleuve tranquille. Les ministres ne ratent évidemment pas l’occasion de médire sur les sortants voire même de leur imputer leurs propres carences.
Voilà donc ce qu’est un remaniement ministériel et ses impacts sur le pays. L’actualité algérienne peut-elle préfigurer d’un remaniement ministériel ?
Le premier ministre a-t-il eu le temps nécessaire d’évaluer l’ensemble de son équipe gouvernementale, d’en mesurer les performances, les capacités réelles voire les limites physiques et intellectuelles de chaque ministre ?
Rappelons que le gouvernement Ouyahia a été reconduit dans une forte proportion et que le premier ministre actuel a été amené, peut-être, a composer avec certains ministres dont il aimerait, maintenant, s’en séparer pour des raisons d’homogénéité de son staff, pour rester dans le politiquement correct ou, crise oblige, penser à resserrer ce même gouvernement à l’évidence pléthorique et budgétivore dans ce qu’il comporte comme secrétaires d’état, pour ne parler que de ces derniers.
Voilà donc une des premières raisons qui conforterait l’idée de l’opportunité d’un remaniement ministériel.
L’autre argument tiendrait dans les « couacs » survenus dans le gouvernement où certains ministres ne cachent plus leurs différences. Quelques exemples :
Karim Djoudi et Benhamadi Moussa ont fait état publiquement de leur différence d’approche autour du règlement de l’affaire Djezzy et du lancement de la 3G.
Ziari et Ghoulamallah se rejettent la responsabilité autour de la santé des pèlerins algériens, de leur prise en charge et de leur protection contre ce nouveau virus apparu en Arabie-Saoudite.
Tayeb Louh et Karim Djoudi qui ne sont pas d’accord sur l’augmentation de 11% des retraites. Le premier nommé l’a annoncé fièrement comme un acquis arraché par son ministère, le second est resté plus circonspect sur cette mesure au regard selon lui, des dépenses à venir. Il a fallu que le premier ministre monte au créneau pour mettre fin à la cacophonie et à la confusion née des déclarations des uns des autres.
Tahmi qui n’a pas réussi à mettre de l’ordre dans les fédérations sportives comme celle du Hand-ball, qui connait un blocage préjudiciable à la discipline, sans parler de son raté de la finale de la coupe d’Algérie de football et de la gamelle qu’il a ramassée dans les vestiaires du MCA.
En plus des couacs, il y a aussi l’incapacité de certains départements ministériels qui peinent à régler les grèves ou encore à prendre langue avec les contestataires, dans un souci d’apaisement du front sociale. Ceci peut constituer un argument supplémentaire pour provoquer un changement ministériel. Toutes ces raisons plaident pour un remaniement ministériel mais elles sont moindres dans ce qu’il m’apparait comme vital.
Je veux parler de la politique suivie par le premier ministre qui a placé dans ses urgences, la croissance et l’emploi.
Il n’a de cesse là où il va, d’en parler d’autant plus que l’Algérie n’est pas à l’abri de la crise financière mondiale malgré son désendettement intérieur et extérieur et la constitution d’un fonds de régulation des réserves de change qui lui permet (pour combien de temps encore ? ) d’effectuer des dépenses en termes de financement. Le premier ministre a compris que le pays doit bouger pour profiter, parce qu’il est peut-être temps de le faire, de la crise économique mondiale et relancer son secteur industriel.
S’adressant à son gouvernement et aux responsables des SGP, il a insisté sur la nécessité d’identifier et de concrétiser toutes les opportunités en termes de relèvement de la croissance économique du pays et partant de la création d’emploi.
Ce sont les deux mamelles du développement, aurait-il pu dire.
A part Abdelmalek Sellal très peu de ministres tiennent ce langage tellement ils sont préoccupés par les crises secouant leurs département :
L’éducation nationale qui reste l’otage des chocs idéologiques. Une décennie s’est écoulée sans que le système éducatif n’en sorte bonifié. La fonction pédagogique de l’enseignant est reléguée, le programme n’a pas été réformé et la bureaucratie a phagocyté le système éducatif.
La santé ou le bras de fer persiste entre des responsables, peu ou prou, enclins au dialogue, mettant en avant des menaces de sanctions contre des syndicalistes, eux-mêmes s’entêtant à poursuivre leur mouvement de grève et à prendre en otage les malades en errance.
Les transports où le ministre communique parfois de façon maladroite à en juger par sa réplique au journaliste qui le questionnait dans le cadre de son métier : « va jouer plus loin ».
L’énergie et les mines dont les responsables ont promis un été sans délestage d’électricité puis se sont ravisées pour dire que cela se fera sous réserve du lancement du programme d’équipements promis.
Le ministère des TIC qui promet que l’argent liquide sera disponible aux guichets des postes pendant le Ramadhan, du déjà entendu.
Le commerce qui n’a que des promesses concernant le prix du pain, qui n’augmentera pas selon lui, alors que la baguette est cédée partout à 10 Da. Quant au commerce informel et son retour sur les trottoirs, il a été justifié comme étant « une caractéristique du peuple algérien, à chaque fois qu’on interdit quelque chose, son tempérament anarchique ou anarchiste le pousse à revenir ».
L’agriculture où règne un optimisme béat malgré la facture d’importation du blé de l’ordre de 400.000 à 500.000 tonnes, ce qui aurait fait grimper le prix de la tonne d’un euro à 207 euros (270 USD ) au niveau de la bourse de Paris, selon les traders. Les besoins de l’Algérie en céréales sont estimés à 800.000 de tonnes, elle qui n’en produit que 5,12 millions (campagne 2011/2012).
Il y a aussi les ministères dont la vocation première est normalement de créer de l’emploi, comme le ministère du même nom ou celui en charge de l’investissement et des PMI/PME, ou celui des travaux publics. On les entend très peu intervenir sur ce registre.
Il en est de même du ministère de l’enseignement et de la formation professionnelle qui apparemment n’a pas réussi encore à mettre en adéquation le triptyque formation-emploi-besoins du marché, à telle enseigne que le ministre de l’habitat, lui qui au moins, a redonné vie à tous les programmes en veilleuse, je veux parler de l’ AADL, se plaint de ne pas pouvoir disposer d’entreprises nationales compétitives, techniquement et humainement, à même de prendre en charge le programme ambitieux qu’il escompte mettre en œuvre.
De ce qui précède que faut-il retenir, si ce n’est la détermination du premier ministre à aller de l’avant, de reconsidérer tous les objectifs et de mettre le cap sur la croissance et l’emploi à travers un modèle de développement qui cristallise l’émergence d’une société harmonieuse et une économie compétitive, capables de faire face aux plus complexes défis géopolitiques et géoéconomiques.
Abdelmalek Sellal vise les prochaines années, celles qui permettront, inch’Allah, l’émergence d’un tissus industriel diversifié constitué de PMI/PME innovantes, compétitives où les hydrocarbures ne contribueront alors, qu’à hauteur de 40% de la prospérité nationale.
Et pourquoi ne pas envisager la revitalisation des entreprises algériennes et les amener à intégrer à elles seules plus de 70% du marché de l’emploi ?
Toute la bataille du pays tourne autour de la création d’emploi. C’est une déclaration d’Abdelmalek Sellal, dite sur un ton aussi ferme que péremptoire.
Beaucoup de responsables ont en pris acte sur le terrain : 6000 emplois de policiers dans les régions du Sud, 3000 autres emplois nouveaux ouverts par les entreprises relevant des différentes SGP. Combien dans le bâtiment ? Et ailleurs où il doit exister des niches à même de résorber le chômage y compris dans le secteur privé qui demeure selon le premier ministre «un allié fondamental pour la concrétisation de cet objectif, même si le secteur marchand public continue de constituer le principal levier de l’action économique publique ».
Le premier ministre à déjà affirmé que 83% des 3 millions de postes promis par le gouvernement ont été atteints, le reste le sera d’ici Juin 2013. Cet objectif ne peut être réalisé en l’absence d’une cohérence gouvernementale et avec des ministres convaincus par la politique tracée par Sellal en matière de croissance et d’emploi. Voilà «les éléments de langage» qu’on aimerait entendre de la bouche de nos ministres ou du moins de ceux qui feront partie de son futur gouvernement. Un discours ou plus encore une feuille de route consacrée au développent qui placerait l’épanouissement individuel et collectif comme indicateur de la réussite du pays. Avec les hommes et les femmes qu’il faut.
Personne n’est protégé dans le gouvernement, personne n’a d’immunité, déclarait le président François Hollande.
Personne non plus ne connait le calendrier du remaniement.
Ah, si ces propos étaient tenus par notre premier ministre qui pourrait ainsi, compte tenu de la conjoncture que nous traversons, proposer au président de la République les changements qu’il jugerait utiles, ce dernier lui en donnerait acte, apportant ainsi la preuve s’il en était besoin encore, de sa santé et de l’intérêt qu’il porte à la bonne marche du pays.
Il est certes vrai que nos responsables n’aiment pas agir à chaud, mais n’est il pas temps qu’ils réfléchissent à une telle initiative politique ?
30 juillet 2013
Contributions