Ne soyons pas dupes ! Le changement ne sera pas pour demain. Même avec le départ naturel ou volontaire de l’actuelle génération au pouvoir, rien ne va plus loin. Ceci n’est pas une vision pessimiste des évènements, mais une analyse qui s’appuie sur la réalité politique, sociologique et anthropologique de la société algérienne. Certes, les préparatifs et les discussions entres les différentes composantes politiques s’intensifient sur l’après-Bouteflika, mais ils ne permettront pas de prévoir une mutation à l’avenir. Les raisons sont multiples, mais l’une et la plus importante est celle qui est liée à la pensé. Le changement n’est pas forcément lié à une personne, mais plus à la capacité de la pensée algérienne de s’adapter à l’évolution du monde. Autrement dit, il s’agit d’une nouvelle dynamique imprégnée de la pensée moderne de la gouvernance et il n’est pas question de garder les mêmes pensées ni les vieux réflexes avec de nouvelles têtes. La modernité dans le sens tirer une pensée, une société, etc., vers le haut et non dans le sens imitation aveugle, sans l’imprégnation réelle des conditions socioculturelles de la société. A ce titre, plusieurs exemples : l’aide que l’Etat apporte en subventionnant les entreprises publiques. L’actuel Premier ministre l’a clairement dit : « Le secteur industriel public n’évolue plus comme le souhaite l’Exécutif ». L’Etat est intervenu à plusieurs reprises pour sauver les établissements en faillite. La cause de l’échec n’est pas uniquement une question de gestion, mais souvent les initiatives anticipatrices se heurtent aux vieux réflexes socio-anthropologiques et administratifs. C’est un exemple parmi d’autres. Le secteur de la santé, de l’habitat, de l’enseignement, etc. L’échec de la pensée algérienne à réinventer un nouveau projet de société se traduit par une anarchie quasi-totale à tous les niveaux : de l’individuel au sociétal, en plus un désintérêt à la gestion de l’espace public, qui devient un lieu de confrontation et de violence quotidienne.
Il y a un autre facteur important, que les élites universitaires, politiques et religieuses ne sont pas encore près de briser ou d’en débattre publiquement et pas en catimini, il s’agit de la démystification. Comme la voulait Mohamed Arkoun. Il s’agit de « déconstruire » au sens de Derrida, « démythologiser » et « démystifier » tout ce que les oulémas du monde musulman avaient sacralisé durant des siècles. En outre, ce travail devrait toucher l’ensemble des tabous de la société algérienne, comme la question de l’identité, de la guerre de libération nationale et aussi sur le projet de société. Aucune révolution ne peut aboutir s’elle n’est pas précédée par une révolution culturelle.
Dans le même ordre d’idées, l’Armé nationale devrait se soumettre au politique, comme l’a expliqué Saïd Bouchair, ancien président du Conseil constitutionnel, dans El Watan. Il déclare que « le problème est dans le chapitre 2, l’article qui stipule que l’Armée nationale populaire a pour mission permanente la sauvegarde de l’indépendance nationale et la défense de la souveraineté nationale ». Il aurait fallu lui ajouter, dit-il, sous l’autorité du pouvoir politique ».Parce que l’armée n’est qu’un corps parmi d’autres. Le ministère de la Défense n’est qu’un parmi les autres ministères, qui sont sous l’autorité du président de la République qui incarne l’unité de la nation conformément à l’article 70 et exerce la magistrature suprême dans les limites fixées par la Constitution selon l’article 72. »
La question de la primauté du politique sur le militaire a été déjà soulevée par Abane Ramdhan lui a coûté sa vie ! Cinquante après, malheureusement, c’est encore d’actualité. La solution ne réside pas uniquement dans « l’homme providentiel », mais dans les institutions fortes qui jouent leur rôle, animé par une éthique de responsabilité, une presse libre, une opposition forte et surtout de penser à préparer des générations qui peuvent s’appuyer sur leur pensée et pas sur ce que leur ancêtres ont laissé !
30 juillet 2013
Yazid Haddar