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Layachi, le fou qui a raison par El Yazid Dib

30 juillet 2013

El Yazid Dib

53 ans. Beau, affable et inoffensif. Tel était ce garçon que le monde admirait sans avoir beaucoup d’attention envers ses indispositions. 

Il n’était pas fou comme la société le prétendait. Il avait juste une propre raison, la sienne. Layachi était ce cœur d’enfant qui loge clandestinement dans un corps d’adulte non encore accompli. A lui seul il constituait une humanité que le vice d’ailleurs et d’autrui tendent à y créer des instabilités malveillantes. Que les gens soient polis ou non, ils ne sauront rétablir les choses dans l’ordre voulu ou mettre de l’ordre dans les choses qui se refusent à abdiquer.

Sa folie n’a rien comme comportement anormal. Le spectre d’anormalité est bel et bien dans l’animalité entrelaçant son entourage. La société, avec son formalisme, ses attraits, ses péchés est une prison d’où il faudrait vite s’enfuir. A quoi bon devrait-il se dire de se soumettre à un enclos quand le cosmos vous permet l’immensité ? Oui sa folie est un déséquilibre vu du dehors.

Sa vie n’était en fin de parcours d’un long aller-retour sur la misère de l’asphalte qui rassemble tous ses états dans les premières lueurs aurorales. A Tandja, dans sa petite piaule, Layachi mettait l’univers à ses pieds. Cet espace, lugubre et exigu pour l’œil externe, n’était en fait qu’un réceptacle du déraisonnement. Une sorte de chapelle privée, interdite pour les autres. Elle stockait ses caprices, ses illusions et tous ses projets. Lorsqu’il s’affale sur le mince matelas bourré de chimères, il rencontre la certitude que le monde de l’autre coté est ingrat, fou et obscène. L’appel du muezzin se lançait dans ses tympans comme un cri de bébé cherchant assidument un téton maternel, source de sa nourriture. Il sortait de son pas lourd non pas pour aller faire ses ablutions, mais juste pour découvrir, dans le silence la naissance d’une innocence qui va être dans quelques instants, outragée et bafouée. La levée du jour et le soleil vont être pour lui un bris fracassant à bout portant l’intimité sereine de la veille. Depuis que l’écart dans la perception unanime des choses le faisait écarter du reste du monde, seul le sourire campait dans son apparence comme unique moyen de communiquer. Le prenant comme un rendu de monnaie, ce large sourire qui s’éternise est son expression invariable de la moquerie qu’il affiche face à l’aléa et au fatidique. Le monde extérieur torture quand la pitié qui se distille maladroitement à son profit est plus que mortelle. L’indifférence, à l’égard de ce grand enfant est parfois salutaire. Elle lui procure au moins une absence de regards. Une inattention. Ces regards transis ou chaleureux, imprudents ou conviviaux, sensibles ou haineux l’obligent à accentuer sa folie pour se voir noyer dans la déraison et vivre joyeusement son parcours dans le naufrage des jours et des nuits.

Layachi n’est plus. L’on ne verra plus cette ombre longitude qui s’ondule au gré du climat et des effets médicamenteux. Les trottoirs mal façonnés, les cafés populaires, les étals précaires de vente de tabac, ne verront plus cette carcasse pourtant placide et presque amorphe et que font trembler l’étourderie et la mauvaise prise en charge. Lui, le fou du lotissement, le décor urbain ne va plus arpenter la pente qui l’essoufflait ni défaire l’animosité qu’il scrutait. La finition des cigarettes jusqu’aux bouts, l’inhalation nasale de leur odeur n’avaient pu, nonobstant l’accoutumance meurtrière, avoir raison de sa vie. Il est mort d’autre chose. De mal vie, de chagrins et de contrits. Toutes ses souffrances ne furent pas corporelles. Le mal qui le rongeait le plus était ce fait d’avoir trop souffert non pas de douleurs, mais de l’infortune qu’il ingurgitait tel un paracétamol surdosé ou un valium creux et inopérant. La douleur ne s’est jamais rendue amicale avec lui. Elle le fuyait, comme lui fuyait la réalité.

Layachi, pauvre et généreux, n’avait pas dans la poche les Etats unis ou un baril saoudien, juste quelques fragments encore intacts de l’honneur des Haraktas et de la vertu des Mahrouguis. Bouraghda, sa mémoire natale gardera de lui ce pasteur insouciant égrenant le plomb journalier entre la voie ferrée de Mezloug et le troupeau épars de moutons et d’agneaux.

Il parti dormir cette fois-ci peut-être pour la première fois dans des draps neufs, blancs et immaculés. Dans son sommeil, il n’aura plus comme oreiller le chagrin des siens, ni comme sommier les affres du destin. Il dort maintenant paisible là où succombent toutes les raisons, là où s’égalisent toutes les folies.

À propos de Artisan de l'ombre

Natif de Sougueur ex Trézel ,du département de Tiaret Algérie Il a suivi ses études dans la même ville et devint instit par contrainte .C’est en voyant des candides dans des classes trop exiguës que sa vocation est née en se vouant pleinement à cette noble fonction corps et âme . Très reconnaissant à ceux qui ont contribué à son épanouissement et qui ne cessera jamais de remémorer :ses parents ,Chikhaoui Fatima Zohra Belasgaa Lakhdar,Benmokhtar Aomar ,Ait Said Yahia ,Ait Mouloud Mouloud ,Ait Rached Larbi ,Mokhtari Aoued Bouasba Djilali … Créa blog sur blog afin de s’échapper à un monde qui désormais ne lui appartient pas où il ne se retrouve guère . Il retrouva vite sa passion dans son monde en miniature apportant tout son savoir pour en faire profiter ses prochains. Tenace ,il continuera à honorer ses amis ,sa ville et toutes les personnes qui ont agi positivement sur lui

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