Le mal de l’école algérienne est très profond, voire lointain. Ce syndrome d’être pris s’étend jusqu’aux portes cochères des lycées. Cette fois-ci les otages sont tous Algériens d’origines diverses. Bien avant cette journée fatidique, ce mal contusionnait les lycéens. Des quatre points cardinaux, ils gueulent, crient et vocifèrent le cartable et son contenu, ils maudissent l’avenir qui va s’éclore à la naissance de ce mois de juin, tout aussi prémonitoire. Il fallait penser, en ce temps là où le nouveau ministre venait prendre ses nouvelles fonctions à les libérer. Exercer un assaut salutaire pour ces jeunes crânes bourrés n’est pas de l’apanage de l’ANP. Ceci ne nécessite nullement un dispositif de forces spéciales. Juste une petite égalité, voire une parité entre les générations.
Il est de droit que l’allégement des programmes souhaité rentre directement dans une plate-forme usuelle de revendications. Mais le rythme accéléré pour finir en si peu de temps, ce faramineux programme, qui n’est que théorique, ne peut recueillir une sourde oreille. La terminale est une année scolaire entière, vacances comprises. Et non des grèves illimitées, des enseignants fuyards, des écoles malades, un ministre indéterminé et gentil. Comme le bac et sa charge ne peuvent être emballés furtivement dans quelques mois à peine, à plein emploi. La résurgence de l’éternel embarras du bornage du seuil des programmes est devenue chronique, tant que la tutelle tergiverse, d’une année à une autre, et d’un règne à son corollaire. Quand une disposition avantage les uns, pourquoi en frustrer les autres d’en tirer profit ? Question mercuriale. Le droit de ces candidats-otages s’apparente selon l’équité pédagogique et l’égalité des chances, à un droit fortement acquis s’il ne l’est pas de droit. Cette course exaltée vers l’avantage ponctuel d’une session par rapport à sa précédente, démontre l’immensité du travail à faire en amont. Le problème est-il en somme, une complexité de cursus, de vœux d’aisance (faciliter l’examen) ou de simple gestion ? Qui du ministre, des enseignants ou des élèves à tord ? Personne, chacun a ses raisons. Sauf les têtes adolescentes. Cet amas de vigueur, de cheveux hérissés et gelés, de blue-jeans et de sacoches en bandoulière, sont sortis dire leur désarroi. Mais aussi de leurs parents. Ce cri d’élève, il fallait l’entendre, pas comme un reniement, ni une insouciance juvénile mais juste comme un mal qui fissure le ventre d’un enfant. 2013 aura été une année de prise d’otages. Si la principale est maintenant résolue dans la dorure des dunes ondulées, celle qui guette nos mômes, est pire. Un commando didactique est utile pour encore exécrer un assaut final. Au sein des lycées, dans l’embryon du Bac. Mieux dans l’égalité des chances.
Si Benbouzid est parti, il a laissé derrière lui une bombe à retardement. L’empreinte indélébile de sa vision politique de tout examen a rendu hypothétique la sincérité de son remplaçant. Abdellatif Baba Ahmed est un bel homme. Tout gentil, comme une somme considérable de douceur. Il est à son tour otage d’un ministère miné. Avoir entre les mains cette chose unilatérale, monstrueuse, dévoreuse d’écoliers innocents et marquée d’un seul sceau doublement décennal n’est pas de l’apanage de quiconque. C’est à une révolution qu’il faudrait recourir pour sauver l’école des reformes qui la hantent. tous les manuels, le programme, le contenu, les dates, les vacances, l’enseignants, les cours sont appelés à faire la mue, une régénérescence. Le tout nouveau ministre, pourtant enfant de cette école, enfin de l’ancêtre de celle-ci et dirigeant de ses universités a du pain sur la planche, l’estrade. Il n’a pas besoin d’un four pour cuire ses recettes, la géhenne et l’enfer ne lui suffiront pas pour frire l’une d’entre elles.
Un lourd passif devait se faire cueillir par un ministre qui loin d’être rompu aux arcanes des coulisses et de la complexité du secteur ; est un comportement éducationnel exemplaire. Le monsieur est très gentil. Que pourra-t-il faire face à ces syndicats, qui ne lui auraient donné aucun répit ?
Eh bien voilà qu’une cinglante réponse lui est toute assurée. C’est grave ce qui s’est produit. C’est un scandale non imputable au ministre, mais il en est éducationnellement responsable. Qui en est derrière ? Tout le monde semble le deviner. Devant une telle inégalité, rien en ce moment ne sert de blâmer une partie ou une autre, juste laisser faire une enquête déjà hypothétique car l’auteur est concerné. Que pouvait-il faire en face d’un héritage alourdi d’une année à une autre par des reformes qui n’ont jamais été l’une et l’autre testée ? Son premier Bac est ainsi mis en situation ubuesque. La difficulté de certains sujets, leur longueur et le choix parfois fortement hésitant vont être un handicap dans le nivellement du taux de réussite par rapport à celui tout le temps réalisé par son prédécesseur. L’académicien qu’il est, sans le vouloir va être mis en défi de ne pas dépasser le Bac de Benbouzid. Ce sera celle-là l’autre duplicité dans laquelle l’on vaudrait qu’il s’y installe. Le jeu est clair, au plan du challenge. Les parents d’élèves, les syndicats soucieux l’ont bien compris et suggèrent en sourdine la levée de pied dans la correction. De quelle manière va-t-elle se passer cette étape ?
Baba Ahmed pourra-t-il sauver son premier test ? Aura-t-il la didactique politique nécessaire et intrépide d’ajuster les chances à tous les candidats, entre récalcitrants, tricheurs émeutiers et autres tranquilles et encore crédules ? Outre la crédibilité d’un examen pas comme les autres, rendu sacralisé, il est de la sienne d’en pâtir si jamais la faute, l’erreur, la fatalité, l’inconscience ou la volonté délibérée, le complot et la conspiration en sont les causes.
30 juillet 2013
El Yazid Dib