En tout cas en matière de genre, Alger demeure indifférente à cette dimension. Elle ne fait pas de jaloux. On peut-être homme ou femme, pour peu que l’on veuille, Alger est intégratrice à conditions que ceux qui y vivent, mais aussi ceux qui viennent, adhérent à ses propres ambitions. Quelles sont-elles ? Baptisée Al-Djazaïr, les îles ou les îlots, Alger depuis des décennies, par le fait des hommes, tourne le dos à la mer. Ce paradoxe l’a asphyxié et lui a même fait perdre son âme. Alors pour qu’Alger recommence à respirer, il faut qu’elle se transforme, qu’elle s’adapte, qu’elle se métamorphose, pour renaître elle-même, ayant récupéré son âme. Pour cela, également, d’autres hommes et d’autres femmes dans une démarche responsable, ont réfléchi, conceptualisé, mis sur supports didactiques et entamé, comme dirait leur chef de fil et non moins initiateur de cette exaltante aventure. Le début de réalisation de l’un des premiers équipements, préludes à la nouvelle vie qu’ambitionne Alger. Cet ouvrage constitue l’un des points phare de cette formidable entreprise, qui est justement : » la reconquête du front de mer, pour lever un paradoxe propre à Alger, celui de voir la mer, mais de ne pas y accéder » , selon la formulation employée par les promoteurs de ce méga projet. L’histoire retiendra que le commencement fut l’aménagement de la baie d’Alger à partir de la plage des sablettes. Située coté terre entre le jardin d’Essai et l’embouchure de, Oued El-Harrach, l’agencement de cette espace dédié à la promenade et à la déambulation, se fera sur 4,5 Km, dont une partie est gagnée sur la mer. Ce n’est pas un défi lancé à la nature et à ses éléments, mais l’acclimatation d’une zone longtemps boudée, et reprendre une relation depuis autrefois interrompue. Il ne s’agit également pas de transformer la nature d’Alger, mais de s’adapter à elle, en permettant à tous les citoyens de toucher la mer des doigts pour les plus hardis et du regard pour les poètes, disent les animateurs du projet. L’agencement des berges de Oued El Harrach qui complétera cette première opération : retrouvailles entre les algérois et la mer, ne sera qu’un pallier du projet central, dont l’aspiration son contenues dans l’aménagement de la baie d’Alger. Cette confluence entre le légendaire Oued qui malgré ses exhalaisons aujourd’hui disparues, qui alimentaient naguère, la hâblerie algéroise,et autre blague du nez de Alexis Nikolaïevitch Kossyguine président du conseil des ministres de l’Union soviétique de 1964 à 1980,en passant par les canulars de la crevette péchée à El Harrach,et la mer pourvoyeuse de toutes les évasions, sera une réelle rencontre,mais elle sera pour l’occasion intelligente. Cette harmonie, symbolique soit-elle, entre les deux eaux, douces et salées, annonce que le Plan Stratégique de Développement Alger à l’horizon 2030, composition à laquelle, auront travaillé des commis de l’Etat, des élus des différentes assemblées, des associations, et beaucoup de citoyens anonymes dans le cadre des Co – ville, ces comités de quartiers, voulu par leur promoteur, comme libre espace de dialogue citoyen participatif, de tous les algérois et toutes les algéroises, qui ne se reconnaissent dans aucune autre forme d’organisation. Ce plan stratégique, n’est pas la sommation d’éléments disparates et hétéroclites, pour proposer au final un résultat kitch. Dans toutes ses phases, cette combinaison de compétences, conjugue ses ambitions avec la concrétisation de l’autre projet, grand chantier au stade des derniers ajustements et ultimes correctifs, qu’est la révision du Plan Directeur d’Aménagement et d’Urbanisme, cet instrument régulateur des opérations d’urbanisme, qui prévoit dans sa nouvelle version, zéro terres agricoles intégrées. Ces deux œuvres assoient leurs démarches sur des concepts interdépendants mais aussi interagissants, en ce sens que si un élément évolue et se modifie, les autres composantes subissent logiquement, c’est-à-dire inévitablement, mais rationnellement, les changements, pour justement garantir cette harmonie. Les disharmonies et les dissonances dans les opérations d’aménagement du territoire, c’est-à-dire, les politiques publiques qui visent à façonner des espaces de vie des groupements humains, pour satisfaire des besoins économiques, socioculturels et de développement durable, sont vectrices d’effets d’entraînement,antisociaux. La violence se nourrit de la cacophonie, des tumultes, des discordances architecturales et des inharmonies urbanistiques, dont ils en sont souvent les ferments. C’est Ibn Khaldoun qui disait que l’urbanisme, Al ‘Imran, conditionne l’urbanité, la civilité, At Tamadoun.
A contrario, c’est la cohésion sociale qui s’ébrèche avec des dégâts et des dommages, attentatoires à la sécurité, à la salubrité et à l’ordre publics, sans lesquels la vie en société est fragilisée et partant insoutenable. Ainsi, la raison d’être de grands projets d’équipement public, dit structurants de l’Alger à venir, à l’enseigne de la faculté de médecine, du campus de droit, de la grande mosquée, de l’Opéra d’Alger, des terrasses du port, de la maison d’Alger, des agriparcs, des deux stades de 40 000 places à Baraki et à Douera, des gares multimodales de Kouba et de Bir Mourad Raïs, du métro, du tramway et du téléphérique de Bouzaréa et d’autres réalisations. Ne sont là que pour, premièrement, donner de la visibilité sur la ville blanche, à tous les algérois et tous ceux qui visitent Alger. Comme également procurer de la lisibilité pour ceux qui déambulent, et enfin, offrir de la fluidité pour ceux qui se déplacent. Pour cela le plan stratégique envisage des interventions structurelles ventilées sur de grands volets, qui à leur tour seront déclinés à travers d’autres actions. Il s’agit de faciliter la mobilité pour les citoyens, de reconsidérer l’embellissement de la capitale, et de maîtriser le développement tout azimut de tous les programme. La déclinaison de ces interventions concernera l’amélioration des conditions de transport à travers la capitale par la réalisation de travaux dans le domaine routier et dans celui des infrastructures. La réhabilitation du centre historique, la reconquête du front de mer, la restauration des équilibres écologiques d’Alger et aussi la mise en lumière de la ville pour révéler son patrimoine en améliorant son éclairage public. L’amorce de tous ces changements annoncés, est forte, selon les autorités algéroises, de l’adhésion de la population de la capitale à la démarche, car le plan stratégique considère que les habitants d’Alger sont, et doivent être des acteurs incontournables dans la gestion de la ville.
Cependant il y a des voix qui à travers la cité, chuchotent et quelques rares fois deviennent audibles dans des cercles restreints, qui évoquent d’autres façon de faire, mais sans les exprimer méthodologiquement, comme contre idées révélant les faiblesses,les incohérences, les contradictions, les déséquilibres et les disharmonies, à parfaire,dans ce qui est proposé. Mais plutôt des commentaires négatifs, du domaine du clabaudage, qui frisent la médisance sans réelles contre propositions, de ce que redessine comme aspirations, et produira le plan stratégique d’Alger. C’est-à-dire qu’au lieu et place du challenge émulatif, des ombres furtives parcourent Alger et bouboulent le soir venu, et disparaissent dès que pointe l’astre lumière. Alger est la capitale de tous les algériens, et la cité de tous les algéroises et algérois, et serait fou qui croirait en détenir le monopole. Ainsi, les promoteurs de la modernisation de ville blanche n’y ont aucun privilège, mais le devoir, et l’obligation de piloter avec toutes celles et tous ceux qui le veulent, et conduire à bon port ce projet.
L’important c’est que les enfants d’aujourd’hui, les hommes et les femmes de demain, quand ils choisiront de vivre ou bien de visiter leur capitale, soient heureux, car il fera bon vivre. Et là peut être, tous ceux qui auront à n’importe quel titre et à différents niveaux, participé à cette aventure, auront fait en direction des gosses de maintenant, œuvre utile. Car en ces moments présents, il y a une absence flagrante d’attraits. Quand on éprouve des difficultés pour se déplacer, quand à Alger la mer s’éloigne chaque jour un peu plus. Et quand dans la ville capitale, il n’y a qu’un seul stade, quand ses facultés universitaires, font grises mines devant celles de villes secondaires de l’intérieur du pays, et quand tous les lieux de divertissements ne proposent que de l’ennui, sinon du danger. Il faut dire que la ville dans l’absolu, cet espace géographique vivifié par un potentiel social, est en crise. L’organisation de l’espace territorial se fait pour lui donner de l’attractivité, et pour cela il faudrait qu’Alger retrouve ses fonctions de ville capitale attrayante. Et si les ambitions de ce plan stratégique ne seront pas toutes atteintes à terme, il y aura quand même eu un début de commencement dans la reconquête de ces fonctions. Mais comme, toutes les œuvres humaines sont et demeurent perfectibles, la perfection n’étant pas de ce monde. Il restera toujours quelque chose à faire, sinon à parfaire, selon les exigences du temps et les commandements des époques, pour ceux qui viendront après ceux qui auront eu cette audace de commencer. A quelques rarissimes exceptions toutes les villes capitales ont une influence plus importante que les autres cités dans leurs pays, alors pourquoi Alger en resterait-elle privée, pour le bien de tous d’ailleurs.
N’est-il pas désolant de voir à tout instant, dans chaque recoin de la cité, une ville très riche de son patrimoine dans toutes ses acceptions, pauvre, mais alors très indigente en offres de services dans les prestations qu’évoque cette dimension ? Il est vrai que la capitale personnifie en exclusivité une symbolique courue par tous, pour diverses raisons, de commandement, de relais de pouvoir de décision, et autres fonctions, résidentielles, de distributions commerciales et de régulation. Ainsi Alger capitale comme dans tous les pays ne peut échapper pareillement à son rôle polarisateur de tous les enjeux politiques nationaux, mais également leurs prolongements agissants sur les relations internationales. Oui, mais pourquoi, est-ce que ce rapport tant recherché à travers toutes les politiques publiques par l’Etat dans son rôle aménageur dans les démocraties, qui consiste à réconcilier les citoyens avec leurs territoires. Et à harmoniser leurs relations à leurs espaces de vie, poserait-il plus de problèmes à certains qu’à d’autres ? Même si l’acte de réhabiliter, de rénover et de développer en définitive, requiert l’adhésion de la majorité de ceux auxquels il est destiné, est-il pour autant admissible que la minorité au sens numérique, ne soit pas écoutée, voire exclue ? Premièrement cette causalité ne devrait nullement être entendue dans sa relation dominant dominé, par la bonne grâce du nombre, mais dans son option de satisfaire la plupart des citoyens, tout en ajustant les résultats de la démarche de développement et de modernisation de la capitale, pour que tous, sans exclusive, soient à des degrés divers contentés. Y aurait-il un juste milieu dans cette entreprise de promotion de la capitale, entre ceux qui entament ce chemin avec l’horizon 2030, d’un coté. Et de l’autre, ceux qui s’accrochent à leurs caprices et s’agrippent à leurs lubies voulant en faire un projet viable ? Les uns veulent concrétiser un espoir pour tous, les autres se contentent de rêver le jour derrière une porte étroite, et la nuit dans l’obscurité face à leur intimité. Alors qui veut transformer Alger, les uns ou bien les autres ?
29 juillet 2013
Abdelkader Leklek