DES LACUNES A REMPLIR
Au lendemain de l’indépendance, l’Algérie a affiché une volonté politique de protection de l’environnement. Dès les années 1960, de nombreuses conventions internationales ont été signées. Citons à titre d’exemple : La Convention internationale pour la prévention de la pollution des eaux de mer par les hydrocarbures (1964), la Convention pour la protection de la mer Méditerranée contre la pollution (1981), la Convention internationale sur la diversité biologique (1995). Cependant, cette volonté politique n’a pas trouvé son application sur le terrain. La gestion environnementale a souvent été ballotée entre les administrations : Conseil national de l’environnement (1974), Ministère de l’intérieur (1988), Ministère de l’éducation nationale (1992). Ce n’est qu’en 2000 que le Ministère de l’aménagement du territoire et de l’environnement a vu le jour. Le MATE a décidé alors de prendre les choses en main. Un plan national d’action pour l’environnement et le développement durable a été établi en 2002. Afin de concrétiser les objectifs du PNAE-DD, plusieurs institutions ont été crées tels que l’Observatoire national de l’environnement et du développement durable (2002), la Direction de l’environnement de la wilaya (2003), le Commissariat national du littoral (2004). Mais il faut reconnaitre que les efforts déployés, aussi importants soient-ils, ne répondent pas aux préoccupations environnementales dans les zones côtières. D’une part, il ne suffit pas de s’assurer de l’absence des polluants dans les eaux de baignades, car certaines substances toxiques ont tendance à s’accumuler dans les organismes vivants à un niveau supérieur à celui du milieu environnant. Elles peuvent être cumulées par une chaîne trophique pour atteindre l’homme, le consommateur final. Il est à signaler qu’en 2012, des universitaires ont trouvé une forte contamination métallique chez la moule au niveau du littoral occidental algérien (Ref.2). D’autre part, l’évaluation de la pollution chimique du milieu aquatique couvre actuellement un champ limité. En conséquence de quoi nous ne disposons pas de carte officielle de la pollution chimique dispersée sur la frange côtière. L’évaluation environnementale doit se soucier aussi bien de l’homme que de la biodiversité. Selon la Banque mondiale, la valeur marchande d’une espèce particulière à usage pharmaceutique reconnu se chiffre à 100 millions de dollars. La valeur d’une espèce sans usage médicale ou pharmaceutique reconnue peut atteindre 23,7 million de dollars (cette estimation à été obtenue en multipliant la probabilité de découvrir une substance ayant une valeur commerciale par la valeur de découverte) (Ref.3). Il est désormais inadmissible qu’un pays côtier ne puisse pas disposer d’outils de mesurent et d’évaluation des conséquences écologiques et écotoxicologique de la pollution chimique sur les écosystèmes littoraux.
LES SCIENTIFIQUES SE MOBILISENT
Au cours des deux dernières décennies, les universitaires algériens ont réalisé de nombreuses études ayant pour objet la qualité de l’environnement marin. Puisque nous ne manquons ni de spécialistes ni de ressources, il est temps de passer à la vitesse supérieure. En collaboration avec des chercheurs du Laboratoire réseau de surveillance environnementale de l’université d’Oran, nous proposons une stratégie de surveillance de la contamination chimique des eaux côtières basée sur trois points : (1) L’inventaire des sources de pollution. (2) L’évaluation de la toxicité des polluants. (3) L’adaptation des outils et méthodes de surveillance.
Concernant le premier point, nous reconnaissons que l’Etat a fait un énorme travail. Mais il faut accroître les efforts des autorités publiques pour faire un inventaire de tous les points de rejets des eaux polluées. Afin de définir la dangerosité d’un polluant, on doit évaluer sa toxicité sur des espèces représentatives de l’écosystème marin. L’emploi des tests d’écotoxicité aquatique au laboratoire fournit au gestionnaire des données mesurées. Si l’exposition des organismes à un contaminant chimique provoque un effet qui concerne 50 % de la population, le risque est considéré comme inacceptable. L’utilisation des tests d’écotoxicité aquatique permet d’établir une liste de 20 ou 30 substances contre lesquels on doit lutter en urgence. L’adaptation des outils et méthodes de surveillance se fait en fonction de la nature de la pollution. Compte tenu de la faible représentativité spatiale et temporelle des résultats d’analyses des substances chimiques dans l’eau, des organismes marins possédant la propriété d’accumuler les contaminants présents dans ce milieu peuvent être utilisés comme indicateurs biologiques quantitatifs de la contamination chimique (Ref.4).
A cet effet, nous recommandons fortement la création d’un établissement spécialisé en biosurveillance marine qui se chargera d’évaluer la contamination chimique par implantation de stations artificielles de moules. La réalisation d’une carte dynamique de la pollution chimique des eaux côtières servira à réparer les dommages écologiques et d’anticiper les pics de pollution.
Durant la prochaine décennie l’un des objectifs environnementaux majeurs sera d’améliorer l’état de l’environnement côtier. Notons qu’un séminaire international sur la biodiversité et les écosystèmes littoraux sera organisé par le Laboratoire réseau de surveillance environnemental de l’université d’Oran du 26 au 28 novembre. Le président du colloque, le Professeur Boutiba Zitouni et son équipe de chercheurs visent à faire fructifier le dialogue entre spécialistes, utilisateurs et décideurs (Ref.5).
Des efforts importants restent donc à faire afin de concrétiser un plan d’action pour le suivi régulier des polluants toxiques dans le milieu marin.
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES :
Réf.1 : Ministère de l’aménagement du territoire et de l’environnement, 2002. Plan national d’action pour l’environnement et le développement durable.
Réf.2 : Rouane-Hacene Omar, 2013. Biosurveillance de la qualité des eaux côtières du littoral occidental algérien, par le suivi des indices biologiques, de la biodisponibilité et de la bioaccumulation des métaux lourds (Zn, Cu, Pb et Cd) chez la moule et l’oursin (Thèse de doctorat).
Réf.3 : Banque mondiale, 2000. World developement repport 1999/2000.
Réf.4 : Le Réseau d’intégrateurs biologiques en Méditerranée, 2009. Evaluation de la contamination chimique basée sur l’utilisation de stations artificielles de moules.
Réf.5 : www.algerian-coast.org
* Enseignant en sciences de l’environnement à l’université de Chlef, Consultant en management environnemental et développement durable.
29 juillet 2013
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