Monsieur Belkhadem, je vais surmonter l’allergie (toute esthétique) que m’inspirent votre habit soudanais, votre front tamponné et votre ton invertébré, pour aller à l’essentiel : ce pays qui vous porte et m’emporte.
Songez-y un peu, autrement qu’avec l’étroitesse de la vue et du cœur : il mérite mieux que votre âge. Pensez à vos enfants, petits-enfants et nos enfants : ils ont le droit de vivre, de régner, de sentir la terre et l’histoire. Alors, par décence, par patriotisme, par générosité, allez vous reposer. Démissionnez pendant que le temps vous donne encore l’occasion de sortir par l’honneur et pas par le licenciement. Ayez ce sens qu’avaient nos ancêtres de se lever de la Djemâa pour laisser passer le sang neuf et l’idée nouvelle. On est fatigué de votre génération et de vous et de vos manoeuvres, coups d’Etat, vols de clefs, changements de serrure, baltaguya et de vos fils qui monarchisent ce parti tellement vieux que tout le monde lui fait les poches et tout le monde parle à sa place. Il ne s’agit plus aujourd’hui de bureau politique, de congrès, de FLN, mais de l’urgence de sauver ce pays qui ne doit pas et n’a pas à mourir avec vous et votre génération. Il ne s’agit pas d’une crise au FLN mais d’une crise entre générations, dans un pays qui vit mal ce que vous vivez bien. «Si cela avait été éternel pour vos ancêtres, cela n’aurait jamais échu entre vos mains» dit un vieux proverbe : rien n’est éternel et surtout pas vous. Alors redonnez ce pays aux siens, allez sous les applaudissements et pas sous les savates, soyez un peu généreux, soyez homme, arrêtez votre danse des épaules et laissez-nous reprendre le pays par la main et reconduire vers les générations qui suivent.
Soyez élégant, prenez un poste d’honneur, reposez-vous de votre vie, revenez à Tiaret, créer une fondation, parrainez des enfants orphelins, recrutez des chômeurs à l’ambassade algérienne à Paris par exemple, mais par pitié pour ce pays démissionnez. Gouverner ce pays n’est pas fermer des portes, manœuvrer des kasmas, distribuer des passeports de Hadj, émettre des fatwas puis allez prendre des vacances à Port-Saïd avec un turban et un sourire. Ayez un moment de lucidité et d’héroïsme : dites merci et au revoir. Là je ne suis pas un redresseur, un légaliste, un Benflissiste ou si Affifiste. Seulement un jeune Algérien écœuré par votre long feuilleton, par votre costume, par votre avarice, la taille de vos chaussures à laquelle vous avez réduit ce parti et ce pays, vos caprices, votre fils, vos avantages et vos frasques clandestines.
Cela devient urgent, nécessaire, vital pour nous : il faut que ce pays rajeunisse très vite, sinon, il va mourir trop vite.
Montrez que vous être un homme, un digne Algérien, que vous avez du nif et du burnous : déposez votre démission et laisser venir au monde les millions d’Algériens qui attendent d’être algériens, justement. Ce n’est plus de la politique ce que vous faites, du pourrissement. Ce n’est pas de la politique ce que je vous écris, mais un appel à la dignité. C’est votre tour de partir. Vous en serez plus grand.
29 juillet 2013
Kamel Daoud