Au tout début des années soixante-dix du siècle dernier, les deux pays se situaient alors sur le même palier économique mondial. Et même si le Brésil venait de réussir depuis peu de jours seulement sa triple couronne mondiale de football, il avait les yeux plutôt encore braqués sur cette côte maritime surpeuplée à rapidement désengorger.
Dans un sursaut d’orgueil grandeur nature oblige !- les militaires qui étaient alors au pouvoir créèrent donc de toutes pièces Brasilia et à la volée, cette toute nouvelle capitale du pays, nichée sur le plat relief de ces hauts-plateaux brésiliens.
Depuis, il y eut ce grand et continu mouvement de foules vers l’intérieur du pays, aussi semblable et bien comparable à celui qui prend chaque weekend les chemins des stades, banderoles en mains.
Avec autant de brio que celui produit dans l’arène de son stade par le grand talent des athlètes ’oriverdes», Rio réalisait donc en grand héros cette décisive passe de shooter son monde sur les crêtes et autres étendues hautes plaines de ce haut relief.
Ainsi donc, ce nouveau Brésil est né, aux forceps certes, mais des tripes mêmes si profondes de ce très grand et vaste pays. A la samba des stades, on y avait associé ce fol espoir ou bien terrible essai de vouloir tenter de s’accrocher à cette Amérique du Nord qui commandait la planète.
A mi-chemin entre ceci et cela, se situe donc à présent le pays, très conscient que le chemin à parcourir demeure encore très long ; chose qui le met dans l’obligation de changer les leviers politiques, puisque se trouvant tous dépassés par le temps et les événements.
Le Brésil, fief de ce foot de haut rang associé à ses nombreux galons, s’intéresse depuis des années seulement à la politique, tournant quelque peu le dos à ce jeu populaire qui fait encore rêver le jeune monde d’aujourd’hui.
Et si le stade reste encore cette Mecque toute indiquée ou très préférée des bambins où se rendent en fin de semaines par grappes très compactes tous les chérubins et autres nombreux gamins, tous intéressés à reproduire dès leur sortie de l’arène ces gestes techniques haut de gamme de leurs idoles artistes, la politique arrive aujourd’hui par bien le talonner au travers du nombre très élevé de ces mécontents qui investissent en masse les grandes rues et places principales des importantes villes du pays.
L’heure n’est donc ni à la samba, ni à un quelconque festival ou autre Carnaval. Le Brésil proteste et défile en grand nombre et en permanence afin de dénoncer sa mal vie, la flambée des prix, la corruption et autres maux sociaux
N’est-il plus aussi porté sur le foot ou quoi ? Que non, il est plutôt question de ce niveau de vie à rehausser au même niveau que celui atteint par la sphère de cette balle ronde.
Ainsi, Sao et Rio, ces deux très importantes villes du pays, auront toutes les deux été bel et bien recalées au second rang, laissant le champ libre et beaucoup d’espace à ce nouveau grand calibre appelé désormais la capitale Brasilia, laquelle distille au compte-goutte ses ordres pour apaiser ce désordre né de cette surfacturation et spectaculaire hausse annoncée du ticket des transports publics, dans leur continue avancée et terrible remontée quotidiennes. De fait, cette nombreuse foule investit plutôt les rues que les stades, plutôt les grandes places publiques que les meetings politiques Elle manifeste plutôt sa colère au sujet de cette vie devenue subitement si chère, que de le faire pour exprimer sa joie à l’endroit d’un football qui écrase dans sa furie toutes les grandes écuries se trouvant sur son chemin.
Il crie sa douleur, dénonce son malheur. Il n’affiche plus comme autrefois sa liesse et son allégresse au profit d’un team de foot qui met tout son monde à trépas ou le remets au pas.
L’espace d’une génération bien accomplie, la population brésilienne s’est donc manifestement complètement transformée, totalement métamorphosée.
Et même si le remède, d’abord juridico-politique, ensuite purement économique, a eu à admirablement accompagner et brillamment traduire ce sursaut de conscience de ce peuple placé sur cette courbe ascendante, celui-ci prend ses distances vis-à-vis de son actuelle gouvernance et refuse l’opium du foot, préférant faire lui-même le jeu quotidien dans la rue, plutôt que faire la claque aux hommes politiques ou à ces héros du stade.
C’est donc à ce niveau-là que réside toute la grandeur et tout le mérite accordés à ce peuple Brésilien. Au fait, qu’en est-il de celui algérien au regard de cette même question et sur ces mêmes terrains de jeu ?
Là, il faut convenir que la trajectoire prise par ce pays africain n’est plus la même. Ce sont les mêmes gens qu’autrefois et jadis qui sont encore aux commandes de la nation. Alger n’a pu être malheureusement désengorgée. Elle étouffe, s’asphyxie. Elle souffre le martyre de la circulation, de la pollution, de cette dangereuse promiscuité de l’inconscience de sa gouvernance. Bien au contraire, son extension tentaculaire aura réussi à irrémédiablement décimer de la carte géographique du pays toutes les riches terres de la Mitidja, lesquelles ont été en grande majorité envahies par le béton assassin et les nauséabondes eaux usées ménagères ajoutées à celles des usines agroalimentaires installées à l’emporte-pièce au cœur même de ces magnifiques vergers ou encore hier très magiques champs de blé. Le projet «Boughezoul» de feu Houari Boumediene ne sera jamais cette Brasilia algérienne, puisque les gouvernants du pays ne désireraient pour tout l’or du monde changer de lieu de résidence.
Ainsi donc Houari Boumediene n’avait-il vraiment pas alors tort de répliquer très sèchement à ses subalternes qui voulaient tous rester à la rue Didouche Mourad, craignant dans leur majorité cette odeur du mouton de la steppe et cette grande chaleur qui sévit sur les hauts-plateaux algériens.
Et même muni de ce gros et très considérable pognon engrangé durant longtemps de son énergie fossile, l’Algérie n’est donc plus ce pays émergeant, autrefois très prometteur, au regard de son potentiel économique impressionnant et de l’amorce de développement engagé en son temps.
Depuis 1970 à ce jour, le foot algérien ne fait que stagner, hormis durant l’ère de cette grande parenthèse ouverte sur plus d’une décennie et qui aura vu éclore ce génie algérien vite contenu par cette malédiction politique, laquelle aura tout détruit dans le pays.
Quant à vouloir se comparer au Brésil sur ce plan précis, c’est donc vainement tenter l’impossible ou le diable, tant les écarts sont vraiment énormes et les références en la matière totalement différentes.
Ainsi donc, le Brésil durant ces quatre dernières décennies aura vraiment fait sa mue, une peau neuve, changeant complètement de système de gouvernance, de choix politique et économique, de raisonnement et de trajectoire futuriste. Il est donc sur cette courbe ascendante qui lui permet de mieux entrevoir son futur.
Il aura souvent bien réussi tout ce qu’il aura jusque-là vaillamment essayé ou difficilement entrepris. Ce pays émergent est donc né aux forceps, dans la douleur gagné ses galons à la sueur de son front et à la force des jarrets. Il est donc dans sa dynamique, il ne connait plus jamais un quelconque arret
L’Algérie, par contre, n’est plus que cette poste restante, que cette relique ou réplique de la médiocrité de ses autorités, ce chantier à l’arrêt, ce projet non encore entamé, ce peuple chose paradoxale- bien affamé, cette destination touristique très confuse, ce pays de la ruse où l’on use et abuse tout le temps de ces vieux slogans qui auront fait manifestement reculer la nation de pas moins d’un demi-siècle, pourtant bien nantie de sa vaillante et mémorable histoire malheureusement souvent instrumentalisée à dessein
Elle aura tout perdu, par manque de vision futuriste, très claire, et de programme de travail cohérent, conséquent et bien transparent.
Le brut restera donc pour longtemps encore son seul cheval de bataille, au moment où le Brésil aura su tirer de sa canne à sucre ces biocarburants de l’avenir, comme véritable substitut à ces énergies fossiles.
Et si l’on ajoute à tout cela l’exploitation récente du gaz schiste américain, l’Algérie avec toutes ses nombreuses richesses du moment ne pourrait espérer mieux qu’une toute misérable place dans le dernier des wagons de toutes les nations.
Avec ses artistes nommés Pelé, Zico, Ronaldo, Ronaldino, et aujourd’hui encore Neymar, le Brésil aura su bien développer son foot, devenant à la fois bien réaliste et très plaisant, créé une nouvelle capitale, se hisser au rang des rares pays émergents de notre univers, avec en sus cette société civile qui aspire à ce mieux-vivre qui donne froid dans le dos à ses dirigeants du moment.
Ceci, au moment où l’Algérie reste encore suspendue à cet hypothétique quatrième mandat d’un président non encore complètement remis de sa longue maladie !
Faire plus, n’est-il peut-être pas lui demander plus d’efforts ? Et dire qu’à côté de ce Brésil, il y a aussi ce Qatar, ces Emirats Arabes, cette Indonésie, cette Malaisie, l’Inde l’Espagne, le Portugal et d’autres pays encore
C’est peut-être tout le peuple algérien qui est malade ! Pas seulement le président !
Ce ghachis* saura-t-il un jour éviter tout ce grand gâchis pour reprendre cette autre trajectoire de la grande prospérité empruntée par toute l’humanité ?
(*) Concept utilisé par Nourredine Boukrouh, ex président du PRA, ancien ministre algérien.
29 juillet 2013
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